Société

Jacques a dit que c’était le bon temps…

 
La nostalgie est de mise ces derniers temps. Les anciennes stars remontent sur scène et font salle comble, les films parlent de stars décédées pour raconter leurs vies… Tout est bon pour fuir la crise et ce monde bien compliqué qui oblige à réfléchir sur l’essentiel. Les gens sont submergés de problèmes, le chômage monte, la délinquance est partout et la peur s’installe vite. Et si on reproche aux politiques de ne pas parler assez de la crise, on ne reproche en revanche pas aux publicitaires de tout faire pour nous en éloigner (ce qui est après tout leur rôle). Par exemple, le métro se couvre depuis quelques jours d’affiches sur la (re)sortie au cinéma du Roi Lion, mais en 3D cette fois. Disney est l’un des maîtres de cette publicité de la nostalgie, ressortant notamment en DVD remastérisé tous les Disney un à un, replongeant les enfants et les anciens enfants devenus parents dans la douceur d’un monde où la fin est toujours heureuse.
Un autre exemple, le dernier en date, est celui d’Hollywood chewing-gum. Si vous avez allumé votre télévision dernièrement, vous n’avez pas pu manquer cette publicité qui commémore 60 ans de pubs télévisuelles de la marque.

On commence par voir un amoncellement de vieux postes TV sur lesquels défilent toutes les publicités des fameux chewing-gums depuis la création de la marque. Puis, au moyen d’une mise en abîme, la caméra nous fait entrer dans l’un des écrans et nous présente un paquet de chewing-gums Hollywood mentholés, les plus classiques qui soient. Ce paquet reviendra ensuite entre chaque extrait publicitaire durant les 30 secondes du spot, à la manière d’un message subliminal : moins d’une seconde à l’écran, seul élément visible sous la forme d’un de ces « freeze » d’image qu’avaient les anciennes télévisions. Ce vieil écran un peu détraqué dans notre télévision HD moderne, ainsi que ce paquet vert reconnaissable entre tous, sont les premiers éléments nostalgiques de la publicité et présentent la cible : ceux qui ont connu ces grosses et lourdes télévisions, bien avant les écrans plats et les dimensions extravagantes. Un petit retour dans le passé donc, tant par la forme que par le thème, et qui est récurrent grâce à ce « freeze » que l’on retrouve tout au long du spot publicitaire.
Ensuite, différents moments se suivent ponctués par les dates des différentes pubs : 1985, 1988, 91 et 99, 2006 puis 2009 et enfin, bien que la date ne le mentionne pas, la dernière image est celle d’aujourd’hui avec le nom de la marque et le sigle des 60 ans. L’idée de « toujours là » est parfaitement véhiculée, et en 30 secondes Hollywood chewing-gum parvient à faire revivre aux anciens enfants, désormais adultes d’une quarantaine d’années, les différents moments de vie qui ont accompagné ces différents concepts publicitaires. Pour ma part, la première fois que ma zapette m’a amenée sur ce spot, j’ai senti une bouffée nostalgique m’envahir en voyant la statue de la Liberté jeter sa culotte et plonger dans la baie de New-York : combien de fois ai-je pu voir cette publicité étant enfant ? C’est d’ailleurs l’extrait le plus long de la courte vidéo (7 secondes contre 2 à 5 secondes pour tous les autres), ce qui montre bien son impact à l’époque de sa sortie. Le retour du slogan musical « fraîcheur de vivre » à la fin est un autre rappel de ce temps qui passe et de la mémoire qui accompagne les slogans publicitaires (et donc de leur efficacité !).
Cette célébration médiatique est ainsi parfaitement adaptée non seulement par rapport au contexte mais aussi dans sa forme même. Nombreuses sont les publicités qui ont traversé les âges et que l’on évoque entre amis ou en famille (la marmotte qui emballe le chocolat notamment, qui est un grand classique). Par ce moyen, Hollywood chewing-gum aide ces réminiscences et s’ancre dans le temps médiatique comme une marque inébranlable et incontournable, mais aussi ancrée dans le présent car les trois derniers extraits sont les plus longs, comme pour bien montrer que l’évolution a été positive et que ces publicités sont les plus importantes. Il y aurait beaucoup à dire sur l’évolution des concepts publicitaires, mais un regard rapide sur la forme cette publicité nous apprend déjà  beaucoup à propos d’une stratégie communicationnelle qui fonctionne et qui dure.
 
Héloïse Hamard

Société

Idoles

 
J’entends souvent pester contre le football. Trop de violence, trop d’argent, trop de médiatisation, répète-t-on à satiété. A entendre certains, on tiendrait presque là l’origine de tous les maux terrestre, ou du moins d’un bel échantillon. Alors, ils s’inquiètent, ils méprisent, ils s’insurgent, ils condamnent, ils dénoncent… Ils s’acharnent et pourtant il tourne, le ballon rond, il continue de tourner, et d’entraîner toujours autant d’enthousiasme et d’adhésion à sa suite. Alors quoi ? L’humanité est-elle devenue irréparablement vicieuse ?
Ce n’est apparemment pas l’avis de l’Archevêque de Rennes qui, pour la Pentecôte, a décidé d’organiser un grand rassemblement au Stade de le Route de Lorient, où se retrouvent d’habitude plutôt… les supporteurs du Stade Rennais (football club local pour les incultes en la matière, qu’on pardonnera vu le contexte). C’était sûrement beaucoup déjà pour certains défenseurs de la vertu dans le sport mais Mgr Pierre d’Ornellas ne s’est pas arrêté là : il a choisi d’axer la communication de l’événement sur la proximité entre football et foi.
Ainsi, l’agence Yeti a été mandatée pour concevoir plusieurs visuels, dont l’un représente un groupe de faux joueurs du Stade Rennais. Un des ces joueurs est photographié de dos, les bras en croix, portant un maillot sur lequel est inscrit « messie » et voit ses coéquipiers converger vers lui. En bas de l’affiche est inscrit : « un seul but : le rencontrer. » Pour le quotidien Ouest France, l’idée est simple : « le diocèse de Rennes joue l’humour pour la Pentecôte. » D’ailleurs, Yann Béguin, responsable de la campagne, le confirme : « on a choisi de jouer sur le décalage et sur l’humour. Cela participe à notre volonté de toucher un public plus large que celui de nos fidèles. » Et en effet, l’image surprend, interpelle et prête à sourire.
Du coup, elle marque, elle s’imprime dans la mémoire du public. C’est la théorie mathématique de la communication : moins une information est attendue plus elle est intéressante. L’humour, dans un univers qu’il ne caractérise pas, est donc un moyen redoutablement efficace pour attirer l’attention. Le public n’est pas habitué à ce que les autorités religieuses usent de cette tonalité. Il est donc nécessairement marqué par le message. Par ailleurs, l’utilisation métaphorique de l’univers du football joue sur la même mécanique. Audacieuse, elle fait le « buzz, » et donc recette.
Cette métaphore est d’ailleurs particulièrement intéressante. Le choix du football n’est pas anodin, loin de là. En effet, s’il soulève autant de passion, d’enthousiasme et de controverses, c’est que ce sport a une place bien particulière dans nos sociétés. Il n’en est d’ailleurs plus tout à fait un sans doute ou plutôt, plus seulement un. Le football est un spectacle et donc une histoire que l’on raconte sur scène, mais aussi avant et après la représentation. Le parallèle se dresse aisément avec l’Évangile, qui est avant tout un récit, qu’on lit ou non en croyant. Ainsi, Lionel Messi, actuel superstar du football planétaire, n’est pas seulement un athlète doué mais aussi une figure mythologique, adulée par des milliers de gens. Sans faire d’un footballeur le nouveau Christ, il y a ici un lien fort et donc une résonance. En effet, la force du football, ce qui explique peut-être son hégémonie, c’est sans doute qu’il est un spectacle fait réalité, ou une réalité faite spectacle. Les personnages du roman du football sont réel, comme l’est le Christ pour le croyant. On touche là à un fantasme fondamental de l’humanité : voir son imaginaire devenir réalité.
Autre similarité, la religion, comme le football, n’est pas seulement un lien vertical, elle est aussi un lien horizontal. Le culte fait la communauté, la rassemble et la soude. Si la tenue d’un événement religieux dans un stade peut étonner en premier lieu, elle fait en fait entièrement sens si l’on y pense bien. Le stade est cet endroit où tous se rassemblent, se regardent, et se reconnaissent. Chose intéressante d’ailleurs, la télévision n’a jamais réussi à le vider. L’expérience du match à huis-clos télévisé est d’ailleurs toujours assez troublante pour l’amateur. C’est que le football, dans les travées ou devant la télévision, est comme la cérémonie religieuse un moment d’émotion collective intense, où l’on chante, où on exprime avec les autres des sentiments. Si le football a du succès, c’est aussi parce qu’il remplit cette fonction. Au détriment du culte, réduit à le copier ? Vaste question sans doute.
Quoi qu’il en soit, figures mythologiques ou pairs, un seul but en fin de compte : les rencontrer.
 
Romain Pédron
Sources :
Pentecoteensemble.fr
Yetibox.com

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Société

La voix universelle

 
En matière de programmes audiovisuels, l’achat de concepts étrangers est moins coûteux que la création originale et le plagiat, gage de succès. Super Nanny et A la recherche de la Nouvelle Star (Pop Idol) sur M6, Koh Lanta (Survivor) sur TF1… Plus récemment You can dance (So you think you can dance) sur NT1. La France est friande de ces importations. L’inverse est moins vrai. Les exportations françaises sont plus rares ,bien que Camera Café ou Kaamelott (société de production CALT) se soient vendus comme des petits pains sur les autres continents et que le Fort Boyard accueille vingt-cinq nationalités entre ses murs. Ce procédé apparaît comme un moyen intelligent de minimiser les risques pour les chaînes importatrices puisque le programme, déjà installé sur un territoire, donne a priori davantage de garanties qu’une nouvelle création onéreuse. La question qui se pose pour les sociétés de production internationales (Endemol ou Fremantle pour n’en citer que deux) est l’adaptabilité des programmes de création pour l’étranger.
Médiamétrie nous apprend, le 22 mars dernier, que le divertissement se hisse en seconde place du podium des genres les plus regardés dans le monde et qu’il compte pour 38% des « 10 meilleurs programmes tous pays confondus ». Véritable exutoire aux informations anxiogènes, le divertissement rend donc la télévision plus digeste pour le téléspectateur. Parmi eux, les formats musicaux – et tout particulièrement ceux qui s’évertuent à dégoter de nouveaux talents, sont les plus exportés : Got Talent figure dans les tops 10 de 11 pays* mais le dernier spécimen, qui crève nos écrans depuis peu et se hisse en pole position n’est autre que The Voice, véritable franchise internationale pour laquelle TF1 a signé un protocole d’accord début 2011. La version française, produite par Shine France est ainsi une adaptation de « The Voice of Holland » créé par John De Mol (Endemol) diffusé sur RTL4 aux Pays- Bas.
Depuis l’arrêt de Star Academy en 2008, faute d’audience, TF1 cherchait en vain un nouveau concept de télé-crochet. Le format se veut plus original et caractérisé par trois phases : un jury composé de quatre professionnels font, dans un premier temps, passer des « auditions à l’aveugle », installés dans quatre fauteuils rouges faisant dos aux candidats – auditions qui arrivent après des sélections, semblables à tout autre casting, effectuées en amont. Chaque juré est muni d’un « buzzer » qui lui permet de faire pivoter son siège pour signifier au candidat qu’il souhaite le recruter dans ses rangs. Si plusieurs « coachs » se tournent, c’est alors au candidat de faire son choix. Le temps de quelques secondes, les rôles s’inversent ! Lors de l’étape suivante, chaque équipe s’affronte en interne lors des « battles » dans un décor de ring de boxe. Puis arrivent les « live shows », phase commune à tout télé-crochet. Ce concept d’audition aveugle nourrit cependant le débat. Malgré un véritable effort de démythification des canons de beauté et des critères physiques de sélections des autres télé-crochets et castings en tout genre, il faut avouer que les pré-sélections et les « battles », quant à elles, ne se font pas à l’aveugle ! Il est ainsi tout à fait possible qu’un physique « hors critères » soit sélectionné lors de la première étape et renvoyé chez lui dès la deuxième. Kant disait que seule la bonne intention est morale, nous nous posons ainsi la question !
Des formats qui voyagent…
Une voie/voix qui s’universalise véritablement puisque The Voice a déjà été vendu et adapté dans une quarantaine de pays sur quatre continents, de l’Australie à l’Indonésie, de la Corée du Sud à la Macédoine en passant par l’Ukraine, de la Turquie à l’Argentine et bien entendu, des USA au Royaume-Uni ! Les résultats français sont remarquables : ce programme de divertissement s’impose comme le grand leader du moment sur le grand public, les ménagères et les 15-34 ans avec 8,2 millions de téléspectateurs soit 37,3% de part de marché pour le samedi 24 mars dernier**. The Voice se place ainsi au deuxième rang des meilleures performances historiques de la chaîne ; ce qui reste exceptionnel pour un samedi soir.
Pas d’asymétrie entre les différentes versions mais une certaine homogénéité au contraire ! Le choc des cultures n’est pas au rendez-vous (ou presque) lorsque l’on visionne les différentes versions et le programme est universel.
Test réalisé avec l’Albanie, la Corée du Sud, le Royaume-Uni ou les USA qui utilisent tous la même recette : des jurés qui se disputent les candidats retenus et se veulent amicaux, des performances accompagnées par des musiciens… Les USA, le Royaume-Uni, la France et la Corée du Sud semblent s’être accordés sur le même modèle de jury : une femme et trois hommes ! On retiendra également des profils et physiques atypiques parmi les candidats (pré-sélectionnés lors d’un casting, rappelons-le !) ou encore des hommes aux voix de femmes et inversement.
De la communication à la conversation
Le programme est à la pointe de la mutation des rôles du public, passé du statut de simples téléspectateurs à celui de participants actifs et créatifs. Il n’est plus seulement question de communication lorsqu’il s’agit de The Voice mais bien de conversation, de connexion, de transmédiation. Chaque émission met en avant la présence du programme sur les réseaux sociaux Twitter (proposant le hashtag #thevoice) et Facebook. Lors de la première saison de diffusion aux USA, en 2011, un « live-tweet » était même projeté sur nos écrans lors des live shows. Les différentes adaptations ont su prendre parti des transformations médiatiques pour en user à bon escient dans une stratégie marketing bien rodée ! Tendons-nous progressivement vers une mondialisation des formats TV ?

Harmony Suard
Sources :
* selon Médiamétrie
** selon TF1

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KONY 2012
Société

La génération Y n’est pas « anti-Kony »

« The better world we want is coming »
Le projet Kony 2012 a fait cette année encore plus de buzz que l’année dernière. Sa renommée désormais mondiale s’est appuyée sur une vidéo virale et le projet d’une journée d’action, revenons ensemble sur les évènements et la progression de l’association Invisible Children.
En résumé, l’association Invisible Children s’attache depuis l’année dernière à faire arrêter Joseph Kony, le dirigeant de la LRA en Ouganda : les crimes de ce dernier sont, d’après Jason Russel, le porte-parole et dirigeant de l’association, parmi les pires commis actuellement. Grâce à des actions de lobbying, l’association a réussi à faire pression sur le gouvernement pour faire envoyer en Ouganda une unité spéciale de conseil militaire, et pour faire surgir l’affaire sur la place publique. Cette année, leur campagne reprend, avec cette vidéo, qui a fait plus de 70 millions de vues en 5 jours.

Elle a bien sûr soulevé beaucoup de controverses, qu’il est inutile de détailler ici, et qu’on peut trouver dans un très bon article du Monde, en lien plus bas. Ce qui paraît très intéressant d’étudier d’un point de vue communicationnel, c’est la place et le rôle qui sont conférés aux réseaux sociaux dans ces discours. Ils sont, selon Jason Russel (et par conséquent une grande partie des adhérents à l’association), une manière de sauver le monde. Ils incarnent à la fois notre avenir et notre sauvegarde, et cette idée est par ailleurs la principale justification de la vidéo : Jason Russel affirme, en effet, que le problème va au delà des enfants ougandais, il s’agit de prouver au monde que la communion par les réseaux sociaux peut sauver des vies, et améliorer le sort de tous. « The people of the world see each other [and] this is turning the system upside down ». Il propose même une nouvelle manière d’ appréhender la vie politique dans le monde : désormais, la volonté des peuples influencerait (et devrait influencer) plus directement et radialement les gouvernants (ce qui est tout à faire discutable, et presque dangereux). Il semblerait donc que cette vidéo et ce projet retrouvent des tentations utopiques, très proches de celles liées à l’apparition d’Internet. La tonalité indéniablement épique de ces discours rappellent fortement les thèmes d’ « agora publique », de « village global » qui ont été très populaires alors. La différence aujourd’hui, c’est qu’ils sont profondément ancrés dans des histoires individuelles et des particularismes : la majorité des prises de paroles sont intimes et personnelles, rarement collectives, et elles portent sur des émotions et du ressenti. La force des arguments avancés n’est plus rationnelle, mais plutôt subjective, et peu claire.
Puisque cette vidéo se présente comme une expérience, il est intéressant également d’en évaluer les réactions et les réponses. 3 189 921 personnes « aiment » la page Facebook de l’association Invisible Children, mais il faut encore compter les centaines de milliers de fans dispersés sur les différentes pages « Kony 2012 » ou « Stop Kony ». Cependant, les critiques sont également nombreuses et agressives, et se sont renforcées après que Jason Russel a été retrouvé nu, se masturbant, dans les rues de Los Angeles. Celle qui se fait le plus entendre souligne la position américano-centrée du discours et les récents intérêts pétroliers découverts en Ouganda. Une grande partie de l’audience de cette vidéo a résisté à l’engouement qu’elle provoque pourtant très efficacement : le public est, en effet, placé au cœur de l’action à venir, tout à chacun peu ainsi devenir le super-héros un peu « underground » des temps modernes, répondre à ses pulsions vindicatives et prendre la décision d’agir –enfin ! C’est précisément là que se situe le problème : comment croire maintenant que nous pouvons changer quelque chose ? Cette campagne vise un public jeune, complètement connecté, la génération Y comme on la nomme, quelque soit son pays d’accueil. Mais cette génération n’a jamais été jusqu’alors une génération de l’action, et encore moins de l’action humanitaire. J’entends par là que l’engouement pour les causes humanitaires est récent, très « bobo » penseront certains (et cela correspond en effet à une même tendance), mais surtout toujours dominé par un discours sceptique qui « refuse de se donner bonne conscience ». On peut supposer que la génération du 09.11 et de la Fin du monde ne croit majoritairement pas au don désintéressé de soi pour une action efficace. Les jeunes de cette génération veulent bien admettre la nécessité d’être solidaire et la misère du monde, mais ils n’admettront jamais volontiers qu’ils ont été bouleversés et qu’ils se sont achetés leurs petits bracelets « Kony 2012 ». Cela se vérifie aussi pour d’autres générations ou d’autres classes sociales bien sûr, et peut-être qu’en fin de compte, cela reste une réaction plus européenne qu’américaine, mais la question se pose alors :
Pourquoi un jeune de 23 ans moyen, étudiant, parisien, peut « craquer » devant cette vidéo ?
• Même si le rêve utopique est has been, une foule de dizaine de personnes qui hurlent la même phrase produit son lot d’impressions.
• Ce n’est pas parce que cette génération n’a jamais connu de grande cause, ou de grands combats qu’elle n’en connaîtra jamais.
• Le modèle d’action d’Invisible Children est tout de même très « underground », ce qui est carrément tendance…
• Et comme le dit si bien M. Attali (voir lien), « ne gâchons pas notre plaisir » : le bonheur de croire est parfois inestimable.
 
Marine Gianfermi
Sources :
Le Monde.fr
L’express.fr

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Société

Du jamais vu dans l’histoire des palaces parisiens

 
Paris, qui jouit d’un rayonnement international, est le passage obligé pour les grandes marques de luxe qui cherchent à s’imposer sur le marché. Depuis 2010, l’arrivée du Shangri La, du Mandarin Oriental, la réouverture du Raffles Royal Monceau ainsi que l’ouverture prévue en 2013 du Péninsula, bouleversent l’échiquier du marché de l’hôtellerie de luxe. En un peu plus de 2 ans, Paris aura été le théâtre de nombreux changements. Quatre groupes hôteliers asiatiques ont pris leurs quartiers à Paris, amorçant ainsi leur implantation en Europe. Aiguisé par ces nombreuses ouvertures et audacieuses rénovations, le clan des sept (le George V, Plaza, Meurice, Crillon, Ritz, Bristol et Fouquet’s) se prépare à une lutte sans merci. La concurrence se joue plus que jamais sur le service, les compétences et les ressources humaines.

Les titans de l’hôtellerie asiatique qui arrivent sur le terrain concurrencent les prestigieux établissements historiques parisiens et cette émulation entraîne un repositionnement des acteurs. À cela s’ajoute une redistribution des cartes qui se fait dans un périmètre restreint. Le Peninsula dorénavant presque voisin du Raphaël pose ses valises avenue Kléber. Etant pour la plupart situés dans le triangle d’or du 8ième arrondissement, les hôtels de luxe se livrent une concurrence d’autant plus dure. Les fleurons de l’hôtellerie de luxe cherchent donc tous à se repositionner, à affirmer leur identité et se différencier en recrutant le personnel le plus qualifié. Emerge alors un problème crucial, celui de gérer ces nouveaux besoins en ressources humaines.
À l’aune de cette nouvelle ère du marché de l’hôtellerie, la tension se fait donc ressentir. La chasse au recrutement n’a jamais été aussi tendue. Dans un petit monde où tout le monde se connaît très bien, c’est la cooptation et le réseau informel qui prime. Le bouche à oreille est rapide, les offres du milieu circulent rapidement et les DRH et les équipes dirigeantes se battent pour conserver leurs équipes qui reçoivent sans cesse de meilleures offres. Le va-et-vient incessant des tops managers et des chefs entre les grands hôtels est désormais banal. C’est au meilleur offrant et il n’est pas rare qu’un grand chef quitte son poste pour rejoindre l’égide adverse. Ainsi, les géants asiatiques, sans pitié, n’hésitent pas à aller débaucher des employés de palaces concurrents. Paris n’est pas la seule concernée : l’Europe dans son ensemble risque d’être affectée par ce jeu de chaises musicales.
Pour contrer la concurrence grandissante sur le marché, les recrutements n’ont jamais été aussi exigeants. Mais les recruteurs, avec une demande d’expérience et d’expertise toujours plus élevée, se retrouvent face à une pénurie de candidats adéquats. À cela s’ajoute aussi un vivier de candidats restreints. Le candidat idéal, avec d’excellents acquis professionnels, des expériences significatives à l’étranger et un savoir-être accompli, se fait rare. D’où les tensions entre les anciens et les nouveaux hôtels, qui s’arrachent les meilleurs. Dans ces conditions, la gestion des ressources humaines est un véritable enjeu auquel les professionnels de l’hôtellerie sont confrontés. C’est pourquoi de plus en plus de DRH font appel à des cabinets privés ou des chasseurs de tête aux techniques et aux méthodes RH très structurées afin de pallier cette fragilité du recrutement. La concurrence venue d’Asie fait mal et s’installe plus ou moins insidieusement. Le défi est lancé, reste à voir comment les Français vont faire face à ces revirements stratégiques. À voir aussi, la capacité des tops managers, face aux géants chinois, à mener le changement et à s’adapter au marché en mutation.
 
Rébecca Bouteveille

FranceTV-Info-iPhone
Société

Francetv-info : l’information hybride

 
Voilà quatre mois que Francetv-Info.fr a fait son apparition sur le Web (et sur les smartphones). Une plateforme aux promesses ambitieuses qui s’inscrit dans le prolongement des évolutions médiatiques récentes.
Il s’agit d’une plateforme lancée par France Télévision avec l’envie de permettre à l’internaute de suivre l’actualité au moment même où elle se passe. L’accès au site ne nécessite pas de s’inscrire. Concrètement, dans la lignée de Twitter, on peut suivre un fil d’actualité constitué de courts messages émanant d’une équipe de journalistes et de points de bilan faits régulièrement sur l’ensemble des sujets chauds. Comme cela est possible sur Twitter, chaque post commence par un hash tag qui permet de retrouver rapidement les informations que l’on veut consulter. La plateforme veut ainsi proposer de l’actualité « sur mesure », c’est-à-dire que l’internaute peut aller directement aux informations qui l’intéressent via le mur d’actualité ou en allant sur les pages et les onglets qui regroupent les sujets qui font l’actualité sous formes d’articles plus longs et plus détaillés ou encore en parcourant les pages dédiées aux régions. Francetv-info tire ainsi profit du vaste réseau de rédactions de France Télévision puisque chaque région et chaque thème a son propre flux d’informations. Autre innovation, on peut directement interpeler les journalistes en leur envoyant une question ou une remarque. Là encore, on est dans le prolongement de Twitter et cela contribue au « sur mesure » prôné par Francetv-info.
Ainsi, Francetv-info propose de l’information en continu en mettant à disposition un journaliste qui répond en live aux possibles messages des lecteurs, des articles de fond, des liens vers d’autres sites d’analyse d’actualité ou encore des photos et des vidéos. C’est donc un hybride entre les chaînes télévisuelles d’information en continu et Twitter. De ces deux médias, Francetv-Info garde le foisonnement et l’ubiquité. Des chaînes d’information, Francetv-info conserve la légitimité et la crédibilité. Enfin, de Twitter, Francetv-info garde l’interactivité, la proximité avec les journalistes et la possibilité de ne voir que ce que l’on veut. Francetv-info cherche ainsi à réduire l’asymétrie qui existe entre journalistes et curieux autour du traitement de l’information.
 
Thomas Millard

Société

La tendance m’a tuer

 
Coincée dans le métro, tu te dis qu’un article sur la tendance s’envisage avec un sourire en coin. Le coup de l’achat d’identité qui s’opère dès lors  que l’on se colle une marque sur le front, cela fait vingt ans que les journalistes te le servent. Avouons-le, il n’est pas rare qu’un titre découvre à la fin de l’hiver qu’au royaume des fashion, un truc « in » peut être « out » et que d’ailleurs ce qui est réputé « out » est archi « in ».
Attends, ne décroche pas, on a une ou deux perles à te servir. D’abord Bourdieu, auteur de « La distinction » – aux Éditions de Minuit qui en 1980 écrivait : « Classeurs classés par leurs classements, les sujets sociaux se distinguent par les distinctions qu’ils opèrent entre le savoureux et l’insipide, le beau et le laid, le chic et le chiqué, le distingué et le vulgaire – et où s’exprime ou se trahit leur position dans des classements objectifs. »
Avoir du goût, être « in » c’est signaler son appartenance à la classe sociale dominante, la stylée, l’inspirée.
Dominant/dominé, tu ne ris plus ? La tendance est une guerre qu’il faut gagner à tout prix. Le plix* bling bling (attention cet article n’est pas politicaly correct) qui s’achète une identité chez Gucci, Dior, Dolce&Gabbana est juste un suiveur, plus grave que celui qui navigue hors marques.
L’apparence c’est violent, saignant.
Tu te souviens au lycée de cette fille longue et fine (on va l’appeler Mia) que les autres tentaient de copier. Et comment elle s’amusait à les égarer dans son jeu de piste impossible. Hier, elle a soufflé à une copine de s’acheter le sac Frison sorti en octobre. Impossible à trouver parce que chez les enseignes au top, les produits, même ceux qui rapporteraient une fortune si on continuait à les vendre, connaissent une durée de vie de deux mois, concept d’excellence, de rareté (et donc de distinction) oblige.
La bonne copine de Mia a tué son papa et sa maman pour s’offrir le Frison (un vintage qu’elle a racheté le double du prix sur le Net). Sauf que Mia à la rentrée, elle arborait un sac en toile de jute venu de Sarajevo. La tendance a tué la copine, tu suis ? Jeu sado-maso : prendre le pouvoir, être prescripteur, décideur. On vote rouge ou bleu peu importe, ce qui compte ce n’est pas de sentir l’air du temps, il n’y a rien à sentir bien sûr. Il convient d’imposer son choix et se faisant de s’imposer soi. La tendance est radicale, sadique, implacable. Il s’agit d’une dictature de l’espèce dominante – celle qui a de l’allure, du caractère – sur le gros du troupeau. Classeurs classés par leur classement type Laguna super in à force d’être out, sac revolver Dior ou sac en plastique Ed, les sujets sociaux commettent parfois la pire des erreurs : croire que le style s’achète chez Colette.
Or, le style est d’essence divine, il est rare, un secret partagé par une poignée d’individus qui sont les rois du monde et le savent. Tandis que les patrons, les généraux s’imposent armes à la bretelle, les princes de la tendance se distinguent l’air de rien par ce petit truc en eux qui fait qu’on ne les arrêtera jamais à l’entrée. Le petit truc n’est vendu nulle part. Et pour cause, il n’existe pas. Pourtant il existe puisque tout le monde y croit.
Corinne Lellouche
*plix : plouc

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Michaël Llodra
Société

Double faute

 
Le sport est, on le sait, un élément culturel qui est symbole de valeurs, et ce sous toutes ses formes, collectives ou individuelles. Parmi les sports les plus « nobles » qui existent, le tennis culmine en tête. On recense près de 30 millions de pratiquants licenciés rien qu’en Europe, et les tournois du Grand Chelem font partis des grands événements sportifs annuels, mobilisant des millions de téléspectateurs chaque année.
Mais malgré l’atmosphère classieuse qui enveloppe le monde très fermé des tennismen professionnels, nous assistons de temps en temps à quelques petits débordements, qui nous rappellent à chaque fois que rien ni personne n’est à l’abri de la « boulette ».
Dernièrement, c’est le français Michaël Llodra qui en a fait les frais. Lors de son match dimanche contre Ernests Gulbis durant le tournoi d’Indian Wells, il s’est laissé emporter face à la pression et s’est calmé les nerfs verbalement sur un groupe de supporters chinois, lâchant un assez indélicat « fucking chinese » à leur encontre. Un journaliste présent a immédiatement tweeté l’événement, et le pouvoir de viralité de Twitter a fait le reste. L’info s’est répandue comme une trainée de poudre, et en récompense, le joueur français a gagné une amende de 2500 dollars pour « abus verbal » et « obscénité audible », ainsi qu’un sale coup à sa réputation.
Evidemment, face à ce torrent de protestation, Llodra a décidé de réagir. Il a rencontré un journaliste chinois afin de présenter ses excuses, mais aussi beaucoup plus. En effet, Michaël Llodra a justifié ses propos d’une manière pour le moins inhabituelle. Il aurait déclaré ceci au journaliste : «Mes mots n’étaient pas contre la Chine. J’aime les Chinois. Je pourrais tout à fait faire l’amour à une Chinoise.» Ces propos, rapportés par le New York Times, ne ressemblent pas vraiment à ce que les personnalités sportives ont l’habitude de dire lorsqu’ils se retrouvent dans des situations similaires. Car si l’affaire Llodra est à suivre, ce n’est pas la première fois qu’un joueur dérape en plein match, sous l’œil et les oreilles des médias.
Cet incident n’est pas sans rappeler la mésaventure de Joachim Noah, fils de Yannick, lors d’un match qu’il disputait avec les Chicago Bulls en mai 2011, il y a un peu moins d’un an. Le joueur français avait été filmé en train de prononcer une insulte homophobe envers un supporter qui avait de toute évidence dû avoir une conversation particulière avec Noah lors de ce match. Celui-ci avait d’ailleurs écopé d’une amende de 50 000 dollars, et s’était excusé auprès de la presse, expliquant, tout comme Llodra, qu’il avait eu cette réaction « dans le feu de l’action ».
Et bien sûr impossible d’oublier le drop-kick légendaire d’Eric Cantona sur un supporter lors d’un match qu’il disputait en 1995 pour Manchester United, alors qu’il était au sommet de sa gloire. S’en était suivi une débâcle journalistique autour du « kung-fu kick » que le joueur avait préféré ignorer, lors d’une conférence de presse où il éclaboussa les journalistes de sa poésie.
Finalement, ces incidents, malgré le mal qu’ils causent au sport et aux joueurs qui les causent, montrent bien que malgré la surmédiatisation et le statut d’idole dont ils peuvent jouir parfois, les sportifs restent des êtres humains qui peuvent craquer sous la pression. Toutefois, ce qui les différencie des individus lambda, c’est que lorsqu’ils vont trop loin, tout le monde le sait. Ce doit être la rançon de la gloire.
 
Emilien Roche
Crédits photo : ©Panoramic

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Damien Hirst Requin
Société

Damien Hirst, star des jeux olympiques ?

 
Le Tate Modern, l’emblématique musée d’art moderne de Londres, se prépare à accueillir Damien Hirst pour une rétrospective dans le cadre du London Festival 2012, l’olympiade culturelle qui est le pendant des JO. C’est donc l’enfant terrible de l’art contemporain, comme on aime à l’appeler, qui représentera la créativité façon british. Un choix qui ne fait pas l’unanimité outre-Manche, où l’artiste est souvent critiqué pour son style excessif et son habilité à amasser de grosses sommes d’argent. La presse britannique s’interroge donc. Était-il judicieux de proposer, aux hordes de touristes qui vont envahir la capitale cet été, Damien Hirst, ses crânes de diamants et ses animaux nageant dans le formol ?
Damien Who ?
La légende veut que l’artiste le mieux payé du monde, ait passé sa plus tendre enfance dans un quartier populaire de Leeds. Attiré par l’art, il entre avec difficulté à l’université de Leeds, puis intègre le Goldsmiths College. Au cours de sa deuxième année, il organise une exposition dans un entrepôt, Freeze, qui est restée dans les annales comme l’élément fondateur des Young British Artists, symbolisant le renouveau de l’art moderne en Grande Bretagne. Damien Hirst est alors remarqué par Charles Saatchi, le collectionneur et marchand d’art britannique, qui le soutient financièrement sur ses premiers projets. Naît ainsi « The Physical Impossiblity of Death in The Mind of Someone Living » son œuvre la plus connue qui consiste en un énorme requin plongé dans du formol à l’intérieur d’une cage en verre. L’installation devient le symbole du style Hirst et de l’art moderne anglais en général. Sa carrière est alors lancée.
Le business Hirst
Aujourd’hui il est devenu l’artiste le plus rentable au monde. Selon le Sunday Times, Hirst pèserait plus de 330 millions de dollars. Il est passé du statut d’artiste à celui d’homme d’affaires et n’a besoin de personne pour gérer sa fortune comme il l’a prouvé lors d’une vente aux enchères en 2008 où il a vendu plus de 200 œuvres sans passer par les galeries et les marchands d’art. Une opération qui lui a permis d’empocher plus de 140 millions d’euros. Par ailleurs, l’artiste est aussi adepte des coups marketing et des stratégies de communication bien huilées. Pour son dernier projet Spot Paintings, une série de 300 peintures représentant des rangs de points de couleurs différentes, il investit les onze galeries Gargosian situées un peu partout dans le monde. Damien Hirst va même jusqu’à organiser un jeu concours. Il propose à ceux qui auront visité les onze galeries Gargosian de gagner une de ses œuvres signées à la manière d’une popstar ou d’un Warhol.
C’est donc tout cela qui semble gêner chez Hirst. En effet, il est souvent critiqué pour son côté excessif et ostentatoire, pour sa manière d’occuper sans cesse l’espace médiatique en laissant peu de place à ses camarades. Même son mentor des premières années, Charles Saatchi regrette qu’il préfère faire « du divertissement plutôt que de l’art ». Une critique reprise depuis longtemps par le mouvement Stuckism né en réaction au groupe des Young British Artists avec comme slogan « a dead shark isn’t art » (en référence à l’œuvre de Hirst). De plus, on lui reproche également d’avoir fait appel à des assistants sur Spot Paintings, car cela « l’embêtait profondément » de peindre plus de 3000 points à la main. Tout cela quand il n’est pas tout simplement accusé de plagiat bien sûr.
Mettre à l’honneur Hirst pendant la période des Jeux Olympiques est donc assez discuté. Si on s’accorde pour dire que l’appréciation de son œuvre est plutôt une histoire de goûts et de couleurs, en revanche la presse britannique craint que, du fait de sa renommée mondiale, il éclipse toutes les autres expositions prévues pendant la période des Jeux Olympiques. En effet l’olympiade culturelle a été pensée comme une démonstration de la créativité britannique, profitant de la forte affluence de visiteurs pour proposer des activités culturelles et montrer ce qui se fait de mieux au royaume de sa Majesté. Le fait que le Tate Modern choisisse ce moment pour lancer sa rétrospective sur Damien Hirst peut être vu comme une volonté de faire de l’artiste le symbole de l’art moderne britannique.
Une chose est sûre cependant, que l’on aime ou pas, son exposition s’annonce déjà comme un temps fort de cette olympiade culturelle. Ainsi, laissons donc aux visiteurs le soin de juger par eux-mêmes de la valeur de son art. Les déçus pourront toujours se consoler autre part, pourquoi pas dans le sport après tout.
 
Pauline Legrand

Société

L'ORT(AE)F

 
« Un couteau suisse, un objet qui sert à beaucoup de choses mais dont on ne sait pas quelles sont sa fonction première et sa finalité. » C’est en ces termes que Rachid Arhab du CSA a définit l’AEF — qui tient pour Audiovisuel Extérieur Français. Pour faire simple, l’AEF chapeaute les activités des télévisions et radios publiques françaises bénéficiant d’une diffusion internationale.
En 2008, Nicolas Sarkozy avait souhaité donner un coup de fouet à l’ancêtre de l’AEF, France Monde. L’idée était d’inscrire ces différents médias que sont France 24 et RFI détenus à 100% par l’AEF et TV5 Monde dans une stratégie commune afin de leur offrir une réelle visibilité internationale. À la manière de la britannique BBC ou de la montante Al-Jazeera, l’AEF devait permettre à la France d’exister sur la carte des « médias-monde ».
Alors sous la houlette du Ministère des Affaires Étrangères, l’AEF se trouve affublé d’une direction bicéphale composée d’Alain de Pouzilhac au poste de président-directeur général et Christine Ockrent en directrice générale déléguée. Ainsi, petit délice de ce monstre à deux têtes, Bernard Kouchner se retrouve ministre de tutelle de sa femme. Mais une sombre affaire d’espionnage des mails, SMS et documents des dirigeants de France 24 régentée par cette dernière va conduire à sa suspension, laissant Pouzilhac seul aux commandes en mai 2011.
Seul boss à bord, Pouzilhac se retrouve alors les mains libres pour mener sa barque comme il l’entend. Dans son esprit, si l’AEF veut peser, il va falloir intégrer la radio RFI à la chaine de télévision France 24 créant une sorte de double compétence au sein d’un même pôle. Cependant, ce genre de décision ne se décide pas forcément autour d’une tasse de thé à la cafet’ du Quai d’Orsay. Alors une mission parlementaire lancée en février 2011 devait rendre compte de ce projet et des possibles dysfonctionnements attendus.
Ca n’a pas loupé, on se retrouve face à un beau foutoir. En premier lieu, la guéguerre intestine qui a agité l’AEF a salement « terni l’image de la France » selon Pierre Sellal, secrétaire général du Quai d’Orsay. Deuxième tâche d’huile dans le dossier, ce sont les innombrables rallonges que Pouzilhac a quémandées du côté de l’Élysée — 20 millions par-ci, 40 par là, pour une belle ardoise de plus de 100 millions d’euros. Ensuite, léger souci, les deux rapporteurs du dossier, Messieurs Christian Kert (UMP) et Didier Mathus (PS), ne sont absolument pas d’accord sur la suite à donner à la fusion. En effet, alors que Kert se réjouit de celle-ci permettant la réalisation d’une « news factory » d’avenir — combinaison des rédactions radio, Internet et télévision — , Mathus craint une dislocation de RFI au profit de France 24.
Histoire de rendre un rapport un tant soit peu cohérent, les deux députés vont proposer d’un commun accord que TV5 sorte de l’attelage de l’AEF par le biais de France Télévisions, et suggérer une solution mi-chaude mi-froide, où — plutôt qu’une fusion — il s’agirait de simplement renforcer les liens entre RFI et France 24. Ainsi, la fusion entre les deux entités semble plus que compromise puisque le rapport parlementaire est le seul moyen d’acter une telle décision.
Pour le coup, c’est un sacré camouflet pour l’UMP et le désormais candidat Sarkozy qui avait fait de la réforme de l’AEF une mesure phare de son quinquennat. Le résultat se donne à lire clairement, France 24 n’a toujours pas trouvé son aura internationale et la fusion patauge. Ainsi il est fort probable que le dossier n’avancera pas avant les présidentielles, et reste à voir ce que le prochain président décidera de faire.
 
PAL