JWT Trends pour 2012
Société

Retour vers la future année 2012

 
Pour débuter cette nouvelle année, je vous propose, une fois remis de votre cuite d’hier soir, de découvrir les prévisions en matière de tendances pour l’année 2012. C’est la période vous me direz ! Tout le monde y va de son petit rapport, de sorte que l’on ne sait plus à quel saint se vouer. Après avoir procédé à un choix quasi cornélien, je me suis penché sur celui de l’agence américaine JWT.
En effet cela fait près de 7 ans que l’agence publie chaque année un cahier développé par  leur bureau de recherche JWT Intelligence à l’aide d’études quantitatives et qualitatives tenues durant l’année.  C’est donc début décembre que le rapport annuel a fait son apparition, à la fois en print et en digital avec un slideshare et une vidéo teaser de 2 minutes que je vous invite à visionner ci-dessous :
 

 
Parce que tout le monde n’est pas bilingue en anglais et que la synthèse d’idées, parfois complexes, n’est pas toujours accessible, je suggère de se prêter à une petite réflexion sur chacun des concepts abordés dans cette animation.
 
Navigating the new normal // Chérie j’ai rétréci les gosses
Restons sur le sujet de l’accessibilité avec cette première tendance et sa signature pas si évidente.  Loin de moi l’idée de vous en fournir une traduction exacte, cependant il semble pertinent d’y associer l’ouverture. Celle-ci s’opèrera au niveau de l’entrée de gamme grâce à des marketeurs prêts à jouer sur des mini prix et des mini tailles. Autant dire que l’on aura bientôt tout en miniature dans notre cuisine. De quoi reconstituer une vraie maison de poupées !
 
Live a little // Un peu de « laisser-aller » n’a jamais tué personne
Les consommateurs trouveront leur compte dans le tout miniature, car en cette année 2012 difficile, ils vont s’accorder plus de plaisir mais à petites doses. Marre de se serrer la ceinture, de courir le matin, de manger sain et d’être un saint !
 
Generation go // La génération entrepreneuriale
Pendant ce temps, les jeunes, contrairement à ce que l’on peut penser, ne vont pas se tourner les pouces. Face à un marché du travail gelé et bouché, ils n’ont plus d’autre choix que de créer leurs propres opportunités. Cette année va voir fleurir des start-up qui vont peut être, à leur façon, relancer l’économie. Qui sait ?
 
The rise of shared value // Synergie et valeurs pour tous
Avant de s’inquiéter de la montée en puissance des start-up, les entreprises vont surtout s’inquiéter de leur image citoyenne. Renflouer les associations ne suffit plus, il faut maintenant intégrer des problématiques sociales à son business model.  Mais si les entreprises doivent sauver le monde, qui va sauver les entreprises ? Super-État ?
 
Food as the new eco-issue // Manger mieux pour dormir mieux
Les entreprises ne seront pas les seules à mettre la main à la pâte. Les consommateurs vont faire plus attention à leurs choix de nourritures et à ce qu’ils peuvent entrainer comme conséquences pour l’environnement. Les marques vont trouver de nouveaux moyens d’inciter à une consommation toujours plus responsable.
 
Marriage optional // Le mariage, c’est en option ?
Plus responsables en matière d’alimentation mais pas forcément quand on en vient à l’engagement suprême. Des femmes, de par le monde, redéfinissent le concept du « happily ever after » a.k.a.* « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». De toute façon, depuis que la valise à roulettes existe à quoi bon se marier ?
 
Reengineering randomness // Laisser le hasard faire les choses
On contrôle tout, si bien que plus rien ne nous étonne. On se constitue un monde personnalisé pour marquer notre individualité. On se renferme sur soi jusqu’à devenir soi-même plus étroit d’esprit. Cette année sera celle de l’ouverture à une vie faite de découvertes aléatoires et de points de vue divergents, synonymes de « nouveau souffle ».
 
Screened interactions // Miroir, mon beau miroir, qui est la plus belle ?
L’écran s’incrustera partout ! Dans les tables de restaurants, dans les murs, dans les panneaux publicitaires… Le tactile prendra le pouvoir en faisant de chaque écran un pur outil interactif afin de découvrir, commander, acheter, et cela partout, sans oublier, tout le temps.
 
Celebrating aging // L’âge rend plus sage
C’est officiel, on vit plus longtemps qu’avant ! Les mentalités vis à vis de l’âge vont s’en trouver changées. Nous allons y voir les bons côtés et redéfinir à quel moment on devient véritablement « vieux ». Quand vieillir devient « cool »…
 
Objectifying objects // L’objet « objet »
Dans un monde de plus en plus digital, des objets de tous les jours comme les cartes de vœux (c’est la saison) ou les cartes postales disparaissent au profit de leur équivalent numérique. Cependant, les consommateurs sont en demande de matérialité. Un objet que l’on puisse toucher, faire tourner et, pourquoi pas, coller à son frigo.
 
Maintenant vous savez à quoi vous en tenir pour 2012 !
 
Marion Mons
 
Sources :
JWTIntelligence
Slideshare Trends 2012
*c’est-à-dire.

La Barbe au Petit Journal de Canal+ en décembre 2011
Société

Des féministes à barbe, une communication barbante

Le 9 décembre dernier, le collectif La Barbe était invité sur le plateau du Petit Journal. La Barbe est un groupe de féministes dont le but est de dénoncer « la domination des hommes dans les hautes sphères du pouvoir, dans tous les secteurs de la vie professionnelle, politique, culturelle et sociale »*. Pour cela, La Barbe préconise l’action : leurs activistes (des femmes, donc) se rendent dans des lieux majoritairement occupés par des hommes, en arborant une barbe. Leur but est de déranger et de rendre visible l’inégalité sexuelle qui réside encore dans bien des domaines.
Une action pacifique et plutôt louable, donc, car basée sur une vraie constatation : l’égalité hommes-femmes est encore loin d’être établie !
Pourtant, lorsque deux activistes du groupe La Barbe sont invitées sur le plateau du Petit Journal de Yann Barthès, cela se conclut par un échec médiatique et communicationnel évident.
Retour sur l’interview du 9 décembre :

Pas besoin d’être un génie en communication pour remarquer que Céline et Amélie, les deux représentantes de La Barbe ce jour-là n’étaient absolument pas préparées, et qu’en matière d’image, elles ont plutôt raté leur coup.
Pourquoi ?
Tout d’abord parce qu’elles sont visiblement mal à l’aise, face à un Yann Barthès que personnellement j’ai pourtant trouvé assez accueillant. Ensuite, en plus d’être agressives et sur la défensive, leurs arguments ne sont pas convaincants : elles utilisent des statistiques fausses, se montrent évasives lorsque Yann Barthès leur demande ce qu’elles attendraient d’un cabinet de la République constitué de 83,3 % de femmes, au lieu  de répondre que les féministes ne souhaitent pas obtenir une majorité de femmes, mais une égalité 50/50 entre les sexes. Quand Yann Barthès leur demande pourquoi elles ne s’attaquent pas au Front National qui, à l’exception de sa présidente, est constitué exclusivement d’hommes, elles se rétractent et parlent d’un « non-sujet », nous laissant sur notre faim. Qu’est-ce qu’un non-sujet ? Pourquoi La Barbe ne s’intéresse pas au Front National ? Le doute flotte. Enfin, elles citent le rapport Reiser sur la place des femmes dans les médias sans l’expliquer, ce qui aurait pourtant permis de prouver qu’elles ne se basent pas que sur du vent pour justifier leurs actions.
A la fin de l’interview, Yann Barthès leur demande « Pouvez-vous dire [aux hommes] que vous n’avez rien contre eux ? », leur donnant ainsi l’occasion d’expliquer qu’elles demandent simplement que l’inégalité hommes-femmes soit réellement reconnue et que quelque chose soit fait, l’occasion de se montrer enfin sous un jour positif. Mais non, rien n’y fait, la question obtient une réponse une fois de plus agressive, digne d’un enfant de 5 ans qui rétorquerait « j’te cause plus » ou « même pas vrai » à une question qui le dérange.
Bref, les personnes qui ont vu cette émission et qui n’étaient pas sensibilisées aux idées du féminisme ont dû se dire que c’était une bande de filles agressives, qui se battent contre du vent et sans un fond de réflexion. Ce n’est évidemment pas le cas. Il suffit de jeter un coup d’œil au site internet de La Barbe pour comprendre que leur action est justifiée et fondée (elles y expliquent notamment pourquoi elles ne veulent pas s’attaquer au Front National).
Ce petit évènement médiatique nous montre combien un communicant peut faire du tort à ce qu’il représente. Les deux interviewées ont en effet donné une mauvaise image de leur collectif, à un moment d’audience et de visibilité nationale élevée, idéal pour montrer posément leurs idées, leurs revendications, pour faire parler d’elles d’une bonne manière.
Cela prouve une fois de plus à quel point la communication est nécessaire et doit être un élément pensé, qu’on ne peut pas laisser au hasard. Quelque soit la structure, l’entreprise, la marque ou l’association, qu’elle ait de bonnes idées ou non, elle n’est rien si elle n’est pas accompagnée d’un discours positif et valorisant qui la rend visible et appréciable.
Depuis le 9 décembre, cette interview a fait couler beaucoup d’encre, notamment sur les réseaux sociaux, et le collectif a eu l’occasion de s’expliquer sur plusieurs blogs. Il est simplement dommage que La Barbe n’ait pas su montrer un visage positif plus tôt, et on espère qu’elles auront retenu la leçon : qu’on le veuille ou non, on n’est rien sans communication.
 
Claire Sarfati
Sources :
Site internet du collectif La Barbe
Canal+
Crédits photo :
Site internet La Barbe

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Société

Jacques a dit que le cadeau idéal était un smartphone

Je ne sais pas si vous le savez mais, dernièrement, Jacques a dit qu’il fallait avoir un smartphone. Bizarrement, je ne serais pas étonnée de savoir que nombreux sont ceux d’entre vous qui ont pu déballer un merveilleux IPhone 4S le soir de Noël, au pied du sapin. Pour autant, cet article n’a pas pour but de débattre du fait de savoir si l’IPhone est un smartphone mieux que les autres (Noël c’est la saison des clémentines, pas celle des pommes !) mais bien de se demander ce que révèle cet engouement actuel pour cet outil qui, sans être tout à fait un ordinateur, n’est pas non plus complètement un téléphone. En effet, force est de constater que les Smartphones sont partout, entre toutes les mains et que mis à part quelques réfractaires, personne n’y trouve rien à redire.
A première vue, cela semble être une avancée logique : on fait des progrès, on découvre de nouvelles technologies, on cherche à être plus fonctionnel et donc multitâche : avènement du Smartphone. C’est comme le passage du minitel à l’ordinateur finalement. Les applis se multiplient, et nombreuses sont celles qui se révèlent véritablement utiles. Cependant, ce nouvel outil pose aussi de vraies questions de société.

 
A-t-on besoin de ce contact permanent avec le monde ?
 
Je m’explique. Désormais on a accès avec son téléphone à : ses sms, ses mails, son Facebook, son tweeter, You tube et j’en passe. Le smartphone devient alors un outil de plus, une clé supplémentaire d’entrée dans une vie virtuelle, une vie parallèle qui se développe en ligne et qui est dotée d’une certaine réalité. Les barrières s’effondrent et entrer dans cette sphère devient aussi simple que de se lever le matin et prendre son petit-déjeuner (souvent avec son Smartphone d’ailleurs tiens !). Plus besoin d’ordinateur, rien que votre téléphone, petit, pratique à transporter et qu’on a par habitude toujours sur soi.
Merveilleux ? Je n’en suis pas si sûre. Avoir accès à l’information H 24, et pouvoir soi-même la diffuser en temps réel n’est sans doute pas un si grand bienfait pour l’humanité.  On se retrouve noyé sous une masse d’information plus ou moins utile, qu’il faut contrôler et filtrer.  Ainsi, « ce matin j’ai mangé une clémentine, parce que c’est Noël et Noël, c’est la saison des clémentines ! xD » se retrouve à égalité, au moins en terme de visibilité sur votre petit écran, avec « Alerte le Monde, l’iranienne Sakineh condamnée à la lapidation pourrait être pendue ». Et là, chose remarquable, on squeeze plus souvent la deuxième que la première que l’on s’empresse même de commenter (« Ouais mais les clémentines ça pue quand tu les épluches et puis si elles viennent d’Espagne tu contribue au réchauffement climatique ! »). Attention, je ne dis pas qu’il faudrait définir une sorte de « permis de s’exprimer » sur la toile, je dis seulement que multiplier et faciliter à ce point l’accès aux médias entraine sans doute une dérive consistant à communiquer sur tout et n’importe quoi au point de ne plus différencier l’information utile du simple spam et surtout de noyer la première sous le flot de la deuxième. Un smartphone, n’est-ce pas un moyen d’amplifier un phénomène en plein développement qui favorise l’interaction en soi plutôt que le débat de fond ?
 
Et la fonction téléphone dans tout ça ?
 
Mon deuxième souci avec le smartphone concerne la fonction téléphone. J’ai découvert il y a peu qu’il n’était pas si simple de trouver un forfait appels illimités ! Pour l’obtenir  (et que le terme « illimité » signifie encore quelque chose), on se trouve obligé de récupérer internet en prime. Et à votre avis, que faut-il pour pouvoir profiter correctement de cette offre (que vous devez quand même payer 24 mois) : un smartphone ! Alors certes, ce smartphone dispose de quelques applis utiles mais j’ai bien peur d’exploser encore régulièrement le crédit appel de ce téléphone qui n’en est plus vraiment un puisque pas vraiment conçu pour ça.
A quand la mise en place de call-conférences, visio-conférences et j’en passe à prix abordable dans les abonnements ? Finalement, le développement de produits tels que le smartphone est le fruit de choix qui ont un impact sociétal. A l’heure actuelle, il semblerait donc qu’on insiste davantage sur le relationnel de groupe, sur l’importance de partager avec le plus grand nombre que sur les relations plus personnelles, sans doute plus profondes, qui se développent elles, davantage au moyen d’outils comme… le téléphone par exemple.
(Ci-dessous la pub M6 Mobile, forfaits abordables, illustre le propos me semble-t-il)

Je m’arrête là, c’est Noël et je vais manger des clémentines. Alors je profite du temps qu’il me reste à être connectée pour vous souhaiter de Joyeuses Fêtes !
 
Justine Jadaud
 
Crédits photo : ©Banksy

Sapin de Noël aux Galeries Lafayette par Ghislain Sillaume
Société

Merry Christmas – Buon Natale – God Jul

En ce jour de Noël, je propose de faire un petit retour sur ces 15 derniers jours de consommation à outrance digne des fantasmes des « shopaholics » les plus folles. Vous vous êtes, tout comme moi j’imagine, frottés aux foules envahissantes de magasins autrefois tant aimés, jusqu’à vous demander si tout ce qui se dit sur le pouvoir d’achat en baisse des français n’est pas que « foutaises ». Pardonnez-moi l’expression, les courses de Noël ont eu raison de mes manières.
Pour en revenir donc à ce fameux pouvoir d’achat, il semblerait pourtant qu’il ait rarement été aussi bas. Si on en croit le Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), les Français se serrent la ceinture face à la crise et sont déjà un tiers à déclarer « consommer moins pour faire des économies ». Sauf…pour la période de Noël car après l’effort, le réconfort !
Dès le foie gras et la dinde digérés, les soucis reprennent avec l’annonce, toujours selon le Crédoc, d’une année 2012 d’autant plus difficile. Alors que certains ménages vont voir leur pouvoir d’achat continuer de reculer en moyenne de 0,3%, d’autres vont se rendre sur ebay pour revendre fissa des cadeaux pas encore tout à fait déballés. C’est un moyen comme un autre d’arrondir des fins de mois difficiles (pour 8,7% des revendeurs concernés) en se débarrassant d’un cadeau déplaisant (25%), ou bien qu’ils ont déjà (17%), ou encore dont ils n’ont pas l’usage (23%).
Cela, PriceMinister l’a bien compris et l’encourage :

 
Enfin, la revente de cadeaux risque tout de même de ne pas suffire à couvrir les frais surtout quand on a encore ceux des fêtes à amortir. On établit une liste des heureux acquéreurs, on fixe un budget de 96,60€*, on s’arrache les cheveux à trouver des idées de cadeaux qui rentrent dans celui-ci et on se jette dans la mêlée des centres commerciaux et autres galeries légendaires. Bien sûr, on dépense toujours plus que prévu et on rentre en se disant « l’année prochaine, je commande tout sur internet un mois avant ! ».
C’est très en vogue d’ailleurs ! Les foyers français ont dédié 22,3% de leurs dépenses en cadeaux à des achats sur la toile cette année et cela ne cesse d’augmenter, surtout avec la montée en puissance des smartphones. De plus, acheter sur internet, c’est aussi économiser jusqu’à 13% sur le panier de Noël, pour les consommateurs  les plus avisés. Reste que l’on est toujours nombreux à s’entasser en magasins et que cette année l’on pouvait même y passer le début des festivités en faisant ses derniers achats le samedi 24 décembre.
Alors pourquoi le fait-on ? En dehors des grands fanatiques de cette période, où loupiottes se mêlent à des décorations carrément ringardes, on est tout de même nombreux à voir en ces courses une corvée, comme le laisse penser cette question lancinante que l’on entend dans toutes les bouches : « et toi, tu as fini d’acheter tes cadeaux ? », sans parler du soupir, de désespoir ou de soulagement, qui s’ensuit.
On le fait sans doute car c’est aujourd’hui un passage obligatoire, un rite sociologique, et la simple idée de ne rien acheter est presque absurde. Tout d’abord, un échange unilatéral engendrerait un silence gênant, remettant en cause les bases du troc selon lesquelles un cadeau en appelle un autre en retour. Puis, de ce silence naîtrait un effet boule de neige, totalement approprié à la saison, électrisant l’atmosphère afin que le reste des réjouissances soit définitivement gâché.
Enfin, ceci n’est que mon humble avis.
Sur ce, bonnes fêtes tout de même !
 
Marion Mons
 Sources :
LSA
CREDOC
Crédits photos :
©Ghislain Sillaume
*Selon une étude Kelkoo et le Centre for Retail Research (CRR).

Société

Tu n'elle, tue elle, tu née elle – La suite

 
DEUXIEME PARTIE
 
La seconde partie de cet article était la fin de ma démonstration. Elle vous racontait comment Juan Pablo, le héros du roman El tunel d’Ernesto Sabato tuait la femme de sa vie, parce qu’il ne supportait qu’elle lui échappe, et il vous proposait de lire la métaphore du tunnel comme celle des dangers de l’incommunication. La phrase espagnole disait « j’avais vu cette jeune femme et j’avais naïvement cru qu’elle venait d’un autre tunnel parallèle au mien, alors qu’en réalité, elle appartenait au vaste monde, au monde sans limite de ceux qui ne vivent pas dans des tunnels ». Et je vous expliquais que Madame Boutin vivait dans un tunnel, dangereusement fermé sur les évidences les plus flagrantes, sur le bon sens même, malgré son statut de femme politique.

A la place, je vous propose une anecdote, qui parlera d’elle-même et qui illustrera les dangers du tunnel. Jeudi 15 décembre 2011, à 19h30, je me suis rendue au tabac en face de chez moi. « L’Aquarium », 230 boulevard Voltaire 75011 PARIS – pour un maximum de transparence. L’Aquarium a la caractéristique charmante des tabacs et cafés parisiens d’être particulièrement désagréable, agressif parfois, mais c’est Paris, c’est comme ça : on râle et on oublie. Cependant depuis quelques mois, ce tabac avait embauché cette jeune femme au sourire franc, et à l’accent du sud, à l’amabilité exemplaire ; elle avait rendue mes deux dernières visites presque agréables. Les deux fois pourtant, derrière la toute petite fenêtre de son comptoir, elle m’avait prise pour un homme : « Bonjour Monsieur ! … OH PARDON ! Mademoiselle, Madame, mademoi… Je suis désolée, pardon, pardon, pardon, que puis-je vous servir ? Encore désolée… Je suis une idiote, pardon… » . Moi, emmitouflée sous mon bonnet, ma capuche, mon casque audio, mon écharpe, dans mon gros manteau en cuir (que j’ai acheté au rayon homme en plus), je lui souris, je lui pardonne bien sûr, et nous rions.

Ce jeudi 15 décembre, à 19h30, je suis rentrée, et elle n’était pas derrière le comptoir,  il y avait un homme à la place, un des propriétaires : « Bonjour, un paquet de *** light s’il-vous-plaît », et il m’a dévisagée. Alors elle est arrivée, je lui ai répété ma commande, et il m’a coupée : « Tu es un homme ou une femme ? ». Elle a eu un rire gênée : « Arrête, la pauvre, je me suis déjà trompée… ». Il a pris une lampe torche, et l’a braquée sur mon visage : « Tu es un homme ou une femme ? ». J’ai répondu que j’étais une femme, et j’ai demandé poliment si ça posait un quelque espèce de problème. Il m’a regardée à la lumière de sa lampe, et a confirmé : « Mais oui, tu es une femme… ». Il a reposé la lampe ; elle m’a servie mon paquet et encaissé l’argent en se mordant les lèvres.
– Donc si tu es une femme, ça ne te dérangerait pas de sortir avec un homme, c’est ça ? a-t-il rajouté.
– Et si c’était le cas, ai-je répondu, ça poserait un problème ?
– Non, comme ça, j’essaye juste de te prouver quelque chose là, tu vois… »

J’essaye encore de comprendre ce qu’il cherchait à me démontrer, peut-être que vous, chers lecteurs, avez la réponse. Pour moi, derrière la fenêtre de son comptoir, il était dans son tunnel, et il ne m’a pas vue : il m’a aperçue, au travers du prisme de ses valeurs, et de ses idées. Il n’a pas vu l’Autre en moi, il a vu le contenu impropre de ses principes. Il n’a pas pensé à l’impolitesse de sa « démonstration », il n’a même pas pensé à la dimension si peu commerciale de son geste, il n’a vue que ma silhouette dans sa fenêtre, la forme de moi-même, moulée dans son égocentrisme, dans son idéologie niaise, fermé sur lui-même.

Cette histoire n’a malheureusement rien d’extraordinaire : pour beaucoup de personnes, afficher une ambiguïté sexuelle dans son style vestimentaire conduit à l’incompréhension la plus totale, malgré la liberté grandissante accordée aux citoyens concernant leur apparence. La question de la frontière entre les genres reste un tabou indépassé et indépassable dans la plupart des démocraties occidentales. Cependant, il est très rare que cette incompréhension s’exprime de manière aussi directe,  dans une situation si peu familière, et sans la moindre petite parcelle de réflexivité (pourquoi poser ces questions à une cliente complètement inconnue, juste pour « prouver » quelque chose ?) : tu nais elle, mais tu restes sens cesse confrontée au tunnel des autres. Alors que pour tout le monde, partout, la limite de la pensée devrait être Autrui.
La prochaine fois que vous irez chercher vos cigarettes, mettez vos seins sur le comptoir mesdames, votre sexe sur le comptoir messieurs : l’humanité avance à l’obscurité de sa lampe policière.
 
Marine Gianfermi

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Blogueuse - 3 photos
Société

La tendance des blogs de mode

Vous avez certainement entendu parler des blogueuses de mode, peut être même êtes-vous un fan invétéré de Betty, Garance doré, Balibulle ou de Cookie (dont quelques photos sont présentées ci-dessus), toutes réputées dans la blogosphère de mode. Ces jeunes filles inventives et passionnées par la mode et la photographie livrent leurs secrets sur des blogs qui font à la fois office de journaux intimes et de galeries photos de leurs derniers achats. Dans ces blogs de mode indépendants, ces rédactrices privilégient le ton informel, le quotidien, présentant ainsi la mode comme une pratique ordinaire mais néanmoins créative. Elles expriment cette créativité, non seulement par leurs vêtements, leurs coups de cœur ou leurs dernières tenues, mais aussi par la mise en scène et la technique photographique.
Posant généralement dans des lieux publics, le plus souvent dans la rue (parfois même dans le hall de leur immeuble), elles égalent la gestuelle des mannequins professionnels de Vogue ou de Elle, et sont de plus en plus regardées par les internautes qui bavent littéralement devant leur talent. Ces blogs sont des sources d’inspiration pour des milliers de jeunes femmes qui n’hésitent pas à imiter leurs idoles.
Comment expliquer le succès de ces blogs de mode ? Comment expliquer que ces jeunes femmes, qui n’ont pour la plupart aucune expérience en matière de mode, parviennent à influencer des milliers d’internautes dans leurs choix vestimentaires ?

Dans un monde où les individus ont de plus en plus d’autonomie face aux messages communicationnels des grandes marques, ces blogs semblent parvenir à exercer une influence sur les consommateurs.
Les rédactrices de blogs de mode citent constamment les marques des vêtements qu’elles portent et incitent ainsi à l’achat.
Ces blogs ont donc un pouvoir publicitaire hors normes. Ils orientent notre consommation de manière désintéressée et nous suivons leurs conseils en toute confiance, puisque la relation qui lie la rédactrice aux lecteurs n’est pas commerciale mais se situe dans le domaine du partage de conseils. Les internautes sont incités à l’achat par un processus totalement différent de celui d’une publicité. La nuance tient dans la relation entre l’émetteur et le récepteur : il ne s’agit plus d’un publicitaire qui cherche à vendre, mais d’une femme qui donne des conseils comme le ferait une amie.

Dans La sociologie des tendances, Guillaume Erner affirme que « selon une conviction répandue, nous serions contraints, souvent à notre insu, de suivre les tendances », ce qui  rejoint l’idée commune selon laquelle  « un complot » des tendanceurs et des industriels nous inciteraient aux achats superflus des dernières nouveautés.
Cependant selon lui, il semble qu’aujourd’hui aucune technique publicitaire ne parvienne à convaincre les consommateurs de suivre une mode : « la publicité peut orienter les gouts des individus, elle ne les dicte pas ». Un publicitaire ne peut jamais être certain de pouvoir s’approprier « le temps de cerveau disponible » d’un individu. Ainsi dans le milieu de la mode, la tendance actuelle est celle d’un va et vient de certains modèles, adaptés différemment selon les goûts.
Or cette autonomie s’accentue encore avec les nouvelles formes de communication que sont les forums et les blogs. Ces derniers jouent un rôle important dans la manière qu’ont les consommateurs de se forger une opinion. Ces blogs sont désormais pour Guillaume Erner, bien plus crédibles que la presse spécialisée. Peut-être l’audience a-t-elle plus confiance en ses semblables ? Donner son avis sur un forum ou un blog n’engage à rien et se fait de manière totalement désintéressée, ce qui n’est pas le cas des publications des professionnels, des industriels et des marques elles mêmes. Bien sur, quelques marques ont été tentées d’orienter ces forums à leur profit, mais l’importance du nombre des participants et leurs variétés rend cette manoeuvre impossible.
Dans le milieu de la mode, ces blogs consacrés aux styles vestimentaires se multiplient. Ils contribuent à façonner l’opinion des consommateurs et semblent détenir un pouvoir marketing grandissant, envié par plus d’un publicitaire.
 
Charlotte Moronval

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Couverture du 1er The Good Life
Société

Sauver la presse masculine ? Oui, mais en première !

Yes, the good life, to be free and explore the unknown,
Like the heartache when you learn you must face them alone,
 
Explorer l’inconnu, timidement, craintivement, mais toujours avec un certain panache, une curiosité indéniable… Voilà tout le charme du voyage, de l’exploration.
Le goût de l’ailleurs est intrinsèque à tout bon veilleur médiatique, et il ne fait aucun doute que la mondialisation a renversé la tendance : il n’y a plus besoin d’acheter un billet à un prix exorbitant pour rencontrer l’autre: celui-ci, désormais, se déplace jusqu’à nous.
Cela, «The Good Life», un nouveau magazine bimestriel masculin qui a choisi pour cible l’homme d’affaire ouvert sur le monde, l’a bien compris.
«Bienvenue sur Good Life Airways, merci de bien vouloir attacher vos ceintures et relever vos tablettes. Décollage immédiat»… C’est ainsi que nous accueille une voix féminine et suave sur le site de «The Good Life», accompagnée de l’image animée d’un avion en plein envol.
Le ton est annoncé: la lecture de ce magazine s’imposera comme un voyage. Le clin d’oeil à Frank Sinatra et sa chanson «The Good Life» se lit comme une volonté d’afficher un charme rétro, celui du voyage dans le temps. Mais clairement, la tendance est dans l’envol: le magazine prend pied en France, mais il ne compte pas s’y laisser embourber ; et compte faire parcourir le monde au lecteur à travers 354 pages qui brassent les tendances internationales.
On y découvre tout ce qui pourra faire rêver le citadin du XXIème siècle: des expositions à dénicher «autour du monde», des «city guides» bien garnis, des interviews de décideurs internationaux… Car oui, le directeur de «The Good Life», Laurent Blanc, a sans nul doute saisi une chose : désormais, le citadin moderne ne s’identifie plus à un espace restreint, celui de son quartier, de sa ville, ou même de son pays; mais à un désir d’exotisme et de reconnaissance qui se passe bien de frontières.
Avec ce magazine, la France poursuit une lancée insufflée par la Grande-Bretagne, qui avait elle-même lancé le périodique «Monocle» en 2007. Sage résolution, lorsque l’on sait à quel point la presse masculine actuelle se désinhibe et perd en substance au regard des besoins toujours plus variés des consommateurs.
La première «Une» du magazine, quant à elle, marque bien la ligne de conduite du magazine: la carte de Bombay figure l’exotisme; de même que le cactus implanté dans un Leica. La voiture de collection rappelle que la cible est bien masculine, et le modèle réduit de l’avion Air France évoque également la cible (l’homme d’affaire) mais se veut aussi autoréférentiel: et si le voyage, c’était le magazine lui-même ?
Alors, amoureux de l’étranger… Vous n’avez plus qu’à décoller !
 
Lucas Vaquer
Merci à Mikael Zikos et The Good Life pour leur coopération
Crédits photo : ©IDEAT/The Good Life

Société

Jakadi qu'il fallait tweeter

Jakadi que le “live-tweet” est l’avenir du journalisme
 
Le 30 novembre dernier, les chargés de communication du Prix Pulitzer ont laissé entendre sur leur site internet qu’il y aurait quelques changements pour l’année 2012…
Pour les non-initiés, le Prix Pulitzer est une récompense américaine décernée chaque année dans plusieurs grands domaines, dont le journalisme ; il s’agit d’ailleurs d’une référence au sein de la profession. S’il existe aujourd’hui 14 catégories relatives à la presse, allant du commentaire à la critique, en passant par la photoreportage, ou le dessin, celle qui devrait connaître les changements les plus profonds est la catégorie « Breaking news », ou « infos de dernière minute ». En effet, le communiqué mentionnait l’importance du « real-time reporting » : en clair, ce qui fait une bonne information, c’est sa fraîcheur, le fait qu’elle soit délivrée en temps réel. « The revised definition for Breaking News focuses on reporting that, « as quickly as possible, captures events accurately as they occur, and, as time passes, illuminates, provides context, and expands upon the initial coverage. »
A première vue, rien de particulièrement nouveau ni bouleversant. S’il reste difficile pour des journaux papiers d’actualiser leurs contenus à la minute, les chaînes de télévision d’information en continu telle que BFM ou itélé, ou même simplement les supports internet des grands journaux, font une place de plus en plus grande au « real time » : la toute primeur de l’info devient un gage absolu de qualité. Elle est ainsi livrée brute, ou à peine dégrossie ; et, comme pour les produits agricoles, le consommateur apprécie qu’elle lui soit fournie de manière aussi directe que possible : moins il y a d’intermédiaires entre lui et le producteur de l’information, sa source première, mieux c’est.
Résumons : une information délivrée brute, de façon quasi-immédiate, par des hommes et des femmes de terrain. Qu’est-ce que cela vous évoque-t-il, sinon Twitter ? L’avenir du journalisme résiderait-il donc sur le réseau social ? Le « live-tweet » serait-il la forme journalistique de demain ? Se peut-il qu’un journaliste soit récompensé du Prix Pulitzer pour son activité sur Twitter ?
A priori, la grande révolution ne serait pas pour tout de suite : si le réseau social lancé il y a seulement 5 ans par Jack Dorsey comptait en septembre 2011 plus de 100 millions d’utilisateurs actifs, il n’est peut être pas encore assez popularisé. Son fonctionnement et même simplement son langage, si particulier, restent obscurs pour une grande majorité de non-initiés. Beaucoup apparaissent découragés à leur première utilisation et abandonnent rapidement leur compte après l’avoir créé, sans vraiment prendre le temps de comprendre ; d’autres se contenteraient de suivre l’actualité de leurs abonnements sans rien communiquer eux-mêmes. Pour le moment, Twitter demeurerait trop sélectif pour que l’on puisse parler de bouleversement effectif dans la pratique qu’ont Monsieur et Madame Tout-le-monde de l’information.
Notons cependant que si 40% des utilisateurs actifs s’inscrivent uniquement pour « voir ce qu’il se passe autour », sans contribuer au flux, cela représente malgré tout un public non négligeable. En outre, Twitter note sur son blog qu’un nombre de plus en plus considérable de journalistes se sert du réseau pour supplémenter leur « reporting efforts », « partageant des histoires et des images directement du front ».  Et Twitter de prendre pour exemple Brian Stelter, ou @brianstelter, reporter pour The New York Times et followé – à l’heure où je vous parle… – par 97 764 personnes. Son tweet sur la tornade de Joplin illustre parfaitement cette nouvelle forme de journalisme : un court texte clair et frappant, accompagné d’une photo partagée via Instagram, une plateforme internet permettant de mettre en ligne et diffuser des images depuis son ordinateur ou son Iphone (et bientôt depuis son Smartphone Androïd). Notons qu’elle est également utilisée par Facebook et Flickr…
Cela nous donne-t-il à tous la possibilité de devenir des journalistes ? D’abord, ces nouvelles pratiques modifient-elles vraiment la donne ? Chacun avait déjà les moyens de s’improviser journaliste via un blog, et certains grands reporters d’aujourd’hui ont d’ailleurs débuté ainsi. Twitter bouleverse cependant par l’extrême brièveté de ses posts (140 caractères maximum !), et parce qu’il permet d’actualiser en temps réel l’information. Elle est toujours plus fraîche, et toujours plus proche de sa source.
Il convient néanmoins que nous nous demandions quelle valeur accorder à des news délivrées si brutes et immédiates : s’agit-il réellement de journalisme, ou simplement de témoignages ? Qu’apportent-elles réellement ? Pour le moment, Twitter reste un outil de complément ; on continue à chercher une information plus détaillée et analytique dans les journaux, sur des sites internet ou à la télévision – et la signature d’un professionnel, d’une personne de métier, demeure un gage de qualité.
Mais demain ?
 
Elodie Dureu
Sources et liens :
Pulitzer.org – Digital Entries
Blog Twitter – One hundred million voices

Chirac dans le métro
Société

Chirac et l'inconscient français

« J’apprécie plus le pain, le pâté et le saucisson, que les limitations de vitesse »

 … Jacques Chirac
 
Le 15 décembre, le tribunal correctionnel de Paris a rendu une décision historique : la condamnation de l’ancien Président de la République, Jacques Chirac, à deux ans de prison avec sursis dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris de 1990 à 1995. Cette décision, bien que relayée par tous les grands médias, ne semble pas particulièrement choquer l’opinion publique française.
En effet, Jacques Chirac et les français c’est une longue histoire d’amour, qui dépasse les clivages politiques. Il est leur personnalité préférée depuis la fin de son mandat en 2007.
Parallèlement, la popularité de N. Sarkozy souffre des affaires Karachi et Bettencourt. Certes la crise économique rend la question de l’argent plus sensible, mais il est aisé d’observer un phénomène de deux poids deux mesures dans ces scandales. Existerait-il une tolérance particulière de l’opinion publique française à l’égard de Jacques Chirac ?
La réponse est certainement positive. La communication chiraquienne autour de ce scandale, couplée à la construction de son personnage médiatique pendant sa carrière, lui ont permis de conserver une certaine aura malgré les différentes affaires qui ont émaillé son parcours.
A l’automne 2010, Chirac, la ville de Paris, et l’UMP ont signé un accord les engageant à rembourser la mairie de Paris à hauteur de 2,2 millions d’euros. Celle-ci, en échange, ne se constituera pas partie civile. Un arrangement rendu public sous forme d’aveu de culpabilité, qui a pourtant reçu l’adhésion de l’opinion. Jacques Chirac rembourse, accepte la sanction (en refusant de faire appel) et dit prendre ce jugement « avec sérénité » bien qu’il se défende toujours d’être coupable.
Une histoire ancienne, qui semble être vue comme une erreur de parcours tout au plus. Pourtant, certaines personnalités politiques ont chuté pour bien moins que ça. Le personnage sympathique, jovial, convivial et en accord avec l’inconscient français fonctionne bien comme une protection pour l’ancien Président.
Jacques Chirac, toujours plus capitaine que réel acteur. Des hommes susceptibles de sauter à sa place : Dominique de Villepin pour le CPE, Alain Juppé pour l’affaire de la mairie de Paris. Jamais de petites phrases. Homme politique à l’ancienne, cultivé, distingué. Une vraie hauteur de vue en somme.
A l’ancienne peut-être, mais toujours préoccupé par le fait d’être en accord avec la France et ses aspirations. En 2003, il dit non à la guerre en Irak et rassure l’orgueil français. Nous sommes encore de ces nations qui peuvent dire non à la première puissance mondiale nous insuffle t-il.
Aujourd’hui malade, il n’inspire pourtant pas la pitié. Il garde cette étiquette un peu gaullienne de grand homme politique, qui savait faire passer ses décisions avec intelligence et diplomatie et qui n’allait jamais en force contre la rue.
Jacques Chirac aimait le pouvoir, l’argent et les femmes. Les Français ne lui en veulent pas car il n’a jamais rompu publiquement le contrat qu’il avait passé avec eux. Peu importe que les politiques dérogent à la loi, tant qu’ils le font dans les règles de l’art. La communication politique entre alors en jeu pour perpétuer le mythe.
 
Ludivine Preneron

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Laurent Blanc lors d'une conférence de presse à Paris
Société

« Je crois que bon… »

6 juillet 2010. Boulevard de Grenelle, siège de la Fédération Française de Football.
 
Les journalistes sportifs rapatriés de Johannesbourg sont là pour assister à la première conférence de Laurent Blanc en tant que boss des Bleus. L’ex-Bordelais pénètre dans la salle de presse avec son combo chemisette bleue ciel et pull Lacoste noué autour du cou. La dégaine d’un premier communiant. Forcément on est obligé de se taper un retour ému sur les événements de Knysna et l’épisode du bus. Lolo sue beaucoup et lit clairement ses fiches pour éviter tout raté sur le sujet chaud du moment. Bon… ça commence bien. On a connu entrée en matière plus charismatique.
À l’époque, Blanc traine la figure du sauveur, avec pour seule mission, celle de faire aimer à nouveau ce foutu maillot frappé du coq. Challenge accepted. Il était de toute façon entendu qu’il ne pourrait pas être plus mauvais que son prédécesseur aux gros sourcils. Donc si défi il y a, il est clairement à sa portée.
Pourtant l’état de grâce ne va pas durer bien longtemps ; guère plus que celui du père Mitterrand en 1981. En effet à la mi-avril, Mediapart veut se faire son petit WikiLeaks à la française — toute proportions gardées donc. D’après le journal en ligne, Blanc et ses copains de la FFF voulaient se lancer dans une refonte « bleue Marine » de la formation des jeunes footballeurs. Il était question de privilégier la technique au physique, discriminant de fait, selon la logique toute singulière de Blanc, les « Blacks » qui seraient « grands, costauds, puissants » selon les mots du sélectionneur des Bleus. Ouïe, premier caillou dans les crampons du « Président ».
Ainsi, il va s’avérer difficile de faire aimer une équipe dont les responsables refuseraient des gosses de 13 ans —  les Bleus de demain — sous prétexte qu’ils sont « trop costauds » autrement dit « trop colorés ». Finalement Mister White s’en sort blanc comme neige après la double commission d’enquête commandée par le Ministère des Sports, où on avait sans doute un peu peur de perdre l’homme dit « providentiel ». Allez trouver un entraineur pour reprendre l’Equipe de France à un an de l’Euro…
Le deuxième coup de trique va se jouer à la fin de l’été 2011. Se trouve alors mis en cause Jean-Pierre Bernès, agent de Laurent Blanc et d’une dizaine d’internationaux français. Au cours d’un rassemblement à Clairefontaine, Florent Malouda — qui ne fait pas partie de l’écurie Bernès — se serait plaint de l’omnipotence de l’agent, dénonçant un hypothétique favoritisme de Blanc envers les poulains de JPB. Les premiers suspects sont vite identifiés: Rami et Menez — clients de Bernès — trustent les places de titulaires bien que les deux postes ne manquent pas de concurrence. Lorsque l’on connait la valeur financière de l’étiquette « international français » pour un joueur, on est en droit de s’interroger sur les intentions de l’attelage Bernès-Blanc. Rappelons que Wanderlei Luxemburgo — ex-sélectionneur du Brésil — avait touché des pots de vin d’agents de joueurs contre la distribution de capes internationales.
Alors certes, tout n’est pas noir pour Laurent Blanc. L’EdF va à l’Euro en Polo-Ukraine sans passer par la case « barrages », l’équipe est invaincue depuis 17 matchs — comme celle de Domenech entre 2004 et 2005 d’ailleurs. Mais alors que sa mission était de faire oublier le camouflet sud-africain — symbole d’un foot business individualiste —, Blanc a fait planer les soupçons du racisme et du copinage sur cette même équipe, et sur la Fédération. Au fil des casseroles, le « Président » a fermé sa communication comme Domenech avait pu le faire et semble ainsi perdre son pari de rendre cette équipe accessible et aimée.
 
PAL