Bush
Politique

Le Bush s’enflamme pour la peinture

Ils sont nombreux ces artistes  à être descendus des hauteurs du Parnasse pour s’engager dans l’action politique. Mais lorsque c’est un homme politique, un grand homme de la cité, à l’instar de Georges W Bush, ancien président des Etats-Unis, qui se reconvertit dans l’art, on ne peut s’empêcher de se demander s’il s’agit réellement d’une passion qui s’est révélée tardivement ou d’un simple coup de communication destiné à rappeler sa présence au monde et à entretenir un mythe autour de sa personne.
Bien qu’ils aient pour réputation de vivre en dehors de la cité et de ses problèmes, voire même d’en être exclus, les artistes aiment frayer avec la politique. Qu’il s’agisse d’Aimé Césaire, poète de la négritude devenu grand homme politique  martiniquais, de Youssou N’Dour, actuellement ministre sénégalais, ou même d’Arnold Schwarzenegger, acteur de film de série B élu pour deux mandats gouverneur de Californie, les artistes d’aujourd’hui aiment à se mêler au commun des mortels, mettre talent et génie au service du public. L’artiste, l’écrivain, le comédien, ont perdu depuis longtemps cette image de personnage maudit désintéressé des hommes et de leurs soucis et  personne ne semble plus s’en étonner.
Cependant, quand George W Bush révèle dans une interview spéciale accordée à sa fille, Jenna Bush lors de l’émission « Today » du 4 avril dernier, l’inauguration de sa première exposition intitulée « L’art du leadership: la diplomatie personnelle d’un président », la réception de l’information, comme de l’œuvre peut laisser perplexe. Ce n’est pas tant son apprentissage rapide de la peinture et des couleurs comparé à la somme conséquente de ses toiles, une vingtaine au moins qui pousse à l’interrogation du point de vue technique et esthétique. Ce n’est pas non plus le sujet de ces peintures, des portraits de ses homologues internationaux ou sa signature, le numéro 43 comme 43e Président des Etats-Unis qui laissent pantois. Non, c’est bien plutôt cette ambivalence entre homme de peinture et homme politique, dont le mandat reste entaché par le 11 septembre et la guerre en Irak notamment, qui n’est pas sans rappeler celle de grands dictateurs et criminels de ce monde restés incompris, pour leur génie artistique comme leur lignes politiques.

En effet, cette double palette est commune à bien des hommes qui se sont pris pour des dieux créateurs autant que destructeurs. Il semble même qu’il y ait une sorte de malédiction à voir des génies incompris devenir de sombres criminels de guerre. On se souvient, ou pas, du revirement subit de Mao Zedong, connu d’abord pour ses poèmes, ou encore,  de Muhamar Kadhafi, facilement comparable à une rock Star puisque le dirigeant libyen en avait tous les attributs, des costumes aux lunettes noires et au sens de la mise en scène,  de ses caprices de diva à ses coups d’éclats. Mais surtout, c’est à Adolphe Hitler que l’on songe, et amèrement, à l’idée de penser ce qu’il aurait advenu s’il avait été accepté aux Beaux-Arts de Vienne. La liste des incompris et des ratés qui se sont finalement illustrés dans leur art de l’oppression est longue. Quid alors de George Bush et où le placer dans cette galerie de criminels-artistes ?

En ce qui concerne l’ex président américain, le rapprochement semble exagéré et trop grossier, sinon pour les opposants à la guerre en Irak et les anti-Bush, qui restent nombreux à travers le monde et continuent de le dépeindre ainsi. Si on ne peut le cataloguer parmi cette pléiade d’artistes « engagés », on peut certainement féliciter ses conseillers en images, sans doute à l’origine de ce coup de maître, pour ce coup de com. La légende raconte d’abord qu’il aurait, en tout modestie, affirmé à son professeur de peinture qu’il « Il y a[vait] un Rembrandt qui sommeill[ait] en [lui] » et qu’elle n’avait qu’à révéler. Et voilà les journaux qui s’emparent de la phrase qui devient le slogan de l’exposition. Cette passion serait née à la lecture de l’œuvre de Monsieur Winston Churchill lui-même, Painting as a Pastime : et voilà qui la légitime de façon fortuite. Enfin, le sujet de sa peinture, des dirigeants étrangers pour qui le cow-boy aurait beaucoup « d’admiration »  est une manière aisée de se rappeler à leur bon souvenir et de retrouver une place dans le débat politique après s’être fait oublier quelques temps. De là à affirmer que George Bush n’aurait finalement pas grand-chose à dire par sa peinture, il n’y a qu’un coup de pinceau, rapidement esquissé.

Quoiqu’il en soit, selon les dires de l’artiste, la signature vaut plus que le dessin lui-même : une vérité qui montre que l’image du président ne sera jamais supplantée par celle d’artiste peintre, une image qui fait vendre, comme lorsqu’il paradait en armes, et prouve sans doute qu’il est davantage question de génie de communication politique que de génie créateur.

Le retour en politique par la peinture ? Voilà qui pourrait donner des idées à certains s’ennuyant dans l’oisiveté post-présidentielle  et qui peinent à se refaire une place dans le débat. En attendant que les critiques artistiques se prononcent, le buisson américain ne cesse d’étonner la galerie et de générer des bénéfices.
Inès Garmon
Sources
LeMonde
HunffingtonPost
CourrierInternational

Vladimir Poutine
Politique

Vladimir Poutine, tsar des temps modernes ?

 
Qualifié par beaucoup d’ « homme de l’année 2013 », Vladimir Poutine semble définitivement avoir le vent en poupe.
Un récent sondage du Centre Russe d’Etude de l’Opinion publique – organisme indépendant, précisons le –  révèle en effet que 69% de la population russe approuve à ce jour la politique de Vladimir Poutine, aussi bien intérieure qu’extérieure.  Le président russe atteint ainsi dans son pays sa plus haute côte de popularité depuis le début de son troisième mandat, en 2012.  Les populations européennes semblent également éprouver une certaine sympathie pour le président russe. Ainsi, même si seuls 14% des Français affirment avoir une bonne opinion de lui d’après l’institut BVA et même si 72% déplorent son rôle au sein de  la scène internationale, 56% estiment pourtant qu’il défend efficacement les intérêts de son pays.
Suite aux nombreuses incartades récemment commises par Poutine – comme la persécution des écologistes russes pendant les JO de Sotchi ou encore l’invasion de la Crimée, pour ne citer que cela -,  et la situation économique relativement désastreuse de la Russie, on est alors en droit de s’étonner et de s’interroger sur les ressorts de cette popularité, à la fois nationale et internationale.
Rien de très original à première vue : comme tout dirigeant qui se respecte, Vladimir Poutine maîtrise à merveille les codes les plus classiques de la communication politique.
Le storytelling fait ainsi partie intégrante de la stratégie mise en œuvre par le chef du Kremlin, qui tente par là d’apparaitre comme un homme hors du commun, un mâle absolu doté d’une force et d’une habileté extraordinaires. On le retrouve ainsi tour à tour conducteur d’une Formule Un dépassant les 250 km/h, cavalier torse nu montant un cheval au galop en plein cœur de la Sibérie, homme-grenouille brandissant fièrement des amphores miraculeusement retrouvées par ses soins dans les eaux de la Mer Noire ou encore guide d’un vol de cigogne fraîchement remises en liberté depuis un ULM. Ajoutons à cela qu’il se présente comme un homme ayant gravi les marches du pouvoir grâce à sa seule volonté de fer, comme en témoigne par exemple son livre autobiographique A la première personne, recueil d’interviews paru en 2000 dans lequel il explique consciensieusement être sorti de la misère de la kommounalka –  c’est-à-dire un appartement communautaire – dans lequel il vivait enfant grâce à son investissement démesuré dans le judo.
Raillé par les élites russes de Moscou ou de Saint-Pétersbourg pour ces constantes mises en scènes, Poutine fascine et ensorcelle pourtant les populations de la Russie reculée par cette maitrise affichée et exhibée de son corps et de son esprit, se présentant ainsi comme un modèle de réussite sur lequel prendre exemple.
Mais la véritable force de la stratégie de Vladimir Poutine semble tenir dans sa maîtrise incomparable de la rhétorique des blessures présentes et passées de la Russie.
On peut ainsi remarquer son utilisation fréquente mais subtile de la rhétorique de la persécution lui permettant de retourner les attaques de ses opposants à la fois nationaux et internationaux à son avantage en jouant sur le passé douloureux de la Russie, sur sa perte de crédibilité suite à la chute de l’URSS en 1991 et sur la honte que cela a entraîné pour le pays. L’analyse du cas des JO de Sotchi peut ainsi se révéler édifiante : le monde entier semblant penser impossible le bon déroulement de ces jeux du fait de leur pays d’accueil, ces JO et leur succès constituèrent un moyen efficace pour Poutine de souligner auprès du peuple russe qu’en dépit de la piètre image – supposée – de la Russie au niveau international, celle-ci était capable de relever un défi tel que l’accueil de Jeux Olympiques de manière aussi satisfaisante que d’autres pays, et donc de jouer sur un certain nationalisme afin de rassembler le peuple russe derrière lui.
De manière plus générale, on peut remarquer  que Poutine tente en permanence de se présenter comme l’homme capable de restaurer la souveraineté de la Russie face aux Etats-Unis, ainsi que comme la véritable incarnation d’une opposition crédible au système capitaliste, les esprits russes étant toujours marqués aujourd’hui par la « thérapie du choc » néolibérale imposée par l’ex-président Boris Eltsine et des institutions telles que la Banque Mondiale ou le FMI entre 1992 et 1999, qui avait entre autre provoqué une diminution de 50% du PIB russe et une baisse significative de l’espérance de vie dans le pays. Le chef du Kremlin représenterait alors en quelque sorte une incarnation idéalisée d’une utopie altermondialiste. C’est peut-être en cela que l’on peut expliquer l’admiration d’une partie du peuple russe à son égard, et les qualités que lui prêtent une partie des populations européennes. Le caractère autoritaire du régime de Poutine participe néanmoins également à lui conférer cette image, chaque détail pouvant contribuer à l’entacher étant soigneusement écarté et caché par le régime. Par exemple, sa fortune estimée à 40 milliards de dollars.
 
Héloïse Lebrun-Brocail
Sources
BVA
LeFigaro
Métapoinfos
RBTH
SpécialInvestigation
LeMonde

Twitter
Société

Twitter : 140 signes mais combien de maux ?

C’est par ces mots que François Hollande a fait son grand retour sur le réseau social Twitter. Muet depuis dix-huit mois, le compte personnel du Président de la République avait été laissé vacant pour préférer le compte Twitter officiel de l’Elysée,  plus institutionnel.
Si certains estiment qu’il s’agit d’une bonne résolution en terme de stratégie de communication, d’autres soulignent au contraire que cette manifestation de modernité n’est pas un moyen de communication qui améliore le niveau de crédibilité, et donc « l’image en berne de l’actuel locataire de l’Elysée ».
Autant adulé que décrié, Twitter ne laisse pas indifférent. Ce nouveau moyen de communication intrigue la plupart des sociologues et analystes politiques sur l’impact qu’il a  à travers la représentation du politique et de son imaginaire.
Entre deux étages, entre deux réunions, à l’assaut d’un nouveau monde virtuel, tous les sujets sont bons. Cependant l’usage de Twitter tend à se professionnaliser chez les responsables politiques. Pour le plus grand désespoir des  followers de Cécile Duflot qui ne pourront plus contempler avec gourmandise son chili con carne… L’époque des tweets uniquement basés sur la vie privée laisse place à une communication plus revalorisante avec des contenus informationnels.

Twitter ne va pas façonner l’image du responsable politique
« Si l’on n’est pas sur Internet on est invisible » – certes, mais beaucoup des victimes de la Twittosphère auraient parfois préféré le rester tant l’amplification d’un dérapage, d’une faute d’orthographe, peut engendrer des dégâts considérables pour l’image du responsable politique.
Ghyslaine Pierrat, Spin Doctor, Docteur en communication politique et économique, auteur du livre La Communication n’est pas un Jeu, est confrontée au quotidien aux problématiques de la communication et aux externalités positives ou négatives de l’utilisation de Twitter chez les responsables politiques.
Ghyslaine Pierrat : Je constate  un  engouement constant de la classe politique pour Twitter. Et aujourd’hui il y a même un engouement assez généralisé. Beaucoup de politiques annoncent ou commentent les faits politiques. C’est un canal de communication qui s’est ajouté aux canaux traditionnels de communication.
Quelle utilisation de Twitter conseillez-vous ? Est-elle obligatoire pour un responsable politique ? :
Ghyslaine Pierrat : C’est un outil que les Spin-Doctors et les responsables politiques utilisent désormais dans le cadre d’une stratégie. Plus personne ne s’aviserait de faire une campagne sans prendre en compte Twitter. Aujourd’hui, nous pouvons voir une véritable institutionnalisation de l’outil Twitter. Ce médium est considéré à part entière pour sa différence stratégique.
Peut-on réellement créer l’image d’un candidat avec Twitter ? Est-ce un outil qui peut faire évoluer sensiblement l’imaginaire du politique ?

Ghyslaine Pierrat : Aucunement, Twitter ne va pas façonner l’image du responsable politique, j’ai l’habitude de dire que l’image se forme lentement, en clin d’œil à Stendhal, j’aime employer ce vocabulaire de « cristallisation de l’image ». Twitter ne façonne pas l’image sauf bévues. On ne fabrique pas une image avec Twitter. Mais Twitter augmente juste la transparence de l’intelligence ou non des individus.
Pensez-vous que la nouvelle génération de responsables politiques va encore accentuer la proximité avec les citoyens, désacraliser encore plus une fonction en mal d’autorité ?

Ghyslaine Pierrat : J’aimerais que nous nous dirigions vers des représentations politiques beaucoup plus respectueuses, pleines d’exemplarité et de dignité. Le vocabulaire est quelque chose d’essentiel pour la représentation d’une fonction politique. Chacun épouse une fonction et doit l’honorer.
Twitter ou la négation de la politique ?
Stéphane Zumsteeg, directeur du département opinion chez Ipsos, estime que Twitter désacralise l’image des responsables politiques qui se doivent d’être dans la réflexion.
Avec Twitter, les responsables politiques deviennent des gens comme les autres et cèdent à la petite phrase. Cela a tendance à engendrer une véritable dévalorisation symbolique liée à l’imaginaire du politique. Là où ils sont attendus dans le futur, dans la proposition, sur le terrain des idées, ils restent une variable du présent. Cette perte de réflexion du point de vue de la stratégie politique a un impact substantiel sur le fonctionnement de notre démocratie.
Mark Blevis, chercheur en affaires publiques et communication, a réalisé une étude « House of Tweets » sur la popularité de Twitter chez les politiciens. Pour lui, la capacité de pouvoir s’adresser aux gens à toute heure et en tout lieu est une chance pour nos responsables politiques. Mais cette mobiquité est-elle assez convaincante pour prendre le risque de désacraliser une fonction et par extension une nation tout entière ?
Twitter doit, comme tous les autres outils communicationnels, s’astreindre à une règle stricte : celle de s’immiscer au sein d’une stratégie bien établie.
Nos responsables politiques doivent prendre le pari de la resacralisation du politique et pourquoi pas à travers des outils comme Twitter. L’exemple d’audace du Président Obama qui avait fait de sa campagne sur Internet un point tournant pour Twitter et les médias sociaux en politique, nous prouve qu’avec des contenus de qualité riches en informations cela fonctionne, et qu’ainsi par sa force d’audience dans le cadre d’une bonne communication, Twitter peut être un véritable « pharmakon » pour notre société politique contemporaine.
 
Romain Souchois
Sources :
La communication n’est pas un jeu, Ghyslaine Pierrat
House of Tweets, Mark Blevis
Le Figaro
Europe 1
Crédits photos :
The drum – Jennifer Faull

NKM
Politique

NKM : la cigarette de trop ?

 
Pour Nathalie Koscusko-Moriset, 2014 s’annonce comme ce que 2013 aura été en termes d’image et de communication : à coups de photos et de publicité orchestrées –la question reste à débattre-, la candidate UMP à la mairie de Paris n’en est plus à son coup d’essai.
Depuis le 2 janvier, la photo fait le buzz : publiée dans le magazine VSD, elle nous montre NKM, en veste en cuir et jean, adossée à un mur en train de fumer en compagnie de personnes sans domicile fixe. « Un autre moment de grâce pour NKM » : le titre prête à sourire, rappelant une des dernières déclarations de la candidate au sujet du métro.
NKM semble plus que jamais cultiver une communication de l’éthos, préférant l’image aux mots et faisant parler d’elle à chaque nouvelle publication médiatique. Alors qu’un des membres de sa garde rapprochée déclare que « ce n’est absolument pas un coup de com ! », on a pourtant surpris la candidate UMP en pleine activité auprès de « publics sensibles » durant les vacances, rendant visite tour à tour au service des Urgences, aux prostituées… Le message de ses multiples initiatives semble être celui d’une candidate toujours plus proche des citoyens. Et si d’habitude seuls les internautes se moquent de cette stratégie jugée dissonante, c’est bien la première fois qu’un écho politique aussi fort se fait entendre. Ainsi, la ministre socialiste de la lutte contre l’exclusion la rappelle à davantage de « décence » tandis qu’Alexis Corbières, fidèle mélenchoniste, l’accuse de « démagogie » … les critiques pleuvent sur NKM.
Dans un monde d’images et d’instantanéité, peut-on vraiment se contenter de communiquer par le visuel, au risque de susciter des interprétations erronées ?
Laura Pironnet
Sources :
Huffington Post
L’express
Photo Crédits :
Reproduction VSD
 Agence SIPA
 

Politique

« GREAT PEOPLE », la dernière campagne choc de RSF

 
Le 21 décembre dernier, Reporters Sans Frontières dévoilait sa dernière campagne pour l’indépendance de la presse, intitulée « Great People ».
Durant 40 secondes, on y voit défiler des clichés attendrissants qui feraient passer Xi Jinping, Robert Mugabe ou Kim Jong-Un pour des enfants de chœur. Un diaporama se concluant avec la phrase suivante « Voici ce qui resterait de l’information, sans journalistes indépendants ». RSF souhaite ainsi rappeler que sans liberté d’expression et sans le travail et l’indépendance de ces journalistes, il suffirait d’un rien pour que Vladimir Poutine passe pour un amoureux des animaux, Bachar El-Assad pour un père affectueux comme les autres et Silvio Berlusconi uniquement pour un amateur de bonne musique.

“Nous avons choisi les fêtes de fin d’année pour sensibiliser le grand public à l’importance de défendre la liberté d’informer et d’être informé, alors que dans le monde, en Syrie, au Mali, en Russie et d’une autre manière au cœur de nos démocraties, les dangers auxquels s’exposent les acteurs de l’information s’intensifient”, estime Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières.

Une campagne réalisée en partenariat avec l’agence BETC et diffusée quelques jours seulement après la parution du dernier bilan annuel[1] de RSF, faisant état de 73 journalistes morts au cours de l’année 2013.
Elsa Mahouche
Sources :
Rsf.org
Iletaitunepub.fr

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Armor Lux
Société

Les Bonnets Rouges, ou comment évaluer la cote d'Armor (Lux)

 

C’est aux couleurs d’Armor Lux que le collectif « vivre, décider et travailler en Bretagne », instigateur des « Bonnets Rouges » a défilé le 26 octobre dernier contre la réforme de l’écotaxe que souhaite mettre en place le gouvernement. Le mouvement profite du soutien de la firme bretonne, qui lui a gracieusement offert 900 bonnets pour cette manifestation. Pour celle du 2 novembre, le collectif avait commandé à Armor lux 7500 de ces bonnets, dans le but de les vendre aux participants : le produit devient symbole. Mais ce geste de soutien profite-t-il réellement à la marque bretonne ?
L’idée n’est pas si nouvelle. En 2012, Arnaud Montebourg, dans son engagement pour le « produire français », avait remis la marinière Armor Lux au goût du jour. Beau coup de pub pour la marque qui avait vu une réelle augmentation de ses ventes. En s’associant ainsi à des engagements politiques, elle devient l’icône de la défense des emplois français, collant à son image de marque : le « made in France », et gagne donc en visibilité.
Mais le geste audacieux reste risqué. D’une part, le mouvement des Bonnets Rouges est repris par la droite, voire l’extrême droite, avec le risque pour les consommateurs de faire l’amalgame et de se demander ce que soutient réellement Armor Lux.
D’autre part, si la vente des bonnets lors de la manifestation du 2 novembre s’est avérée être une réussite, le scandale qui a éclaté peu après est une beau dérapage : les bonnets ont étés fabriqués en Écosse, par une autre marque qu’Armor Lux… Quelle défense ? L’Ecosse est un pays celtique, cousine de la Bretagne…
Entre ces contradictions, l’image de marque d’Armor Lux est brouillée et décrédibilisée : le soutien des marques aux mouvements politiques, oui, mais à quel prix ?
 
Mathilde Vassor
Sources :
Nouvelobs.com
Crédit photo : Lacroix.com

Sarkozy D8
Politique

« Campagne Intime, Nicolas Sarkozy » : simple documentaire ou véritable outil de communication ?

 
La diffusion de « Nicolas Sarkozy, Campagne intime » sur D8, mardi dernier, aura fait couler beaucoup d’encre. Le programme, présenté comme un documentaire inédit sur la campagne présidentielle de l’ancien chef de l’Etat, a en effet suscité de nombreuses réactions sur la toile. Décrié sur les réseaux sociaux, ressassé et analysé par les chaînes d’information et dans la presse, le programme a tout de même rassemblé 1,5 millions de téléspectateurs et enregistré 5,2% de part d’audience, à tel point qu’il devient légitime de se demander quel a été le véritable enjeu de sa diffusion. Stratégie de communication ou simple documentaire à regarder avec recul et second degré ? La question se pose, d’autant plus qu’il s’agit bien ici d’un reportage ambivalent.

Information ou communication ?
« Campagne Intime » retrace les mois de campagne précédant l’élection présidentielle de 2012 avec un objectif affiché : montrer ce que ni le public ni les journalistes n’auraient vu jusqu’ici.
Caméra à l’épaule, Farida Khelfa a en effet suivi le couple présidentiel dans des moments de vie quotidienne, ou intime, comme le titre du programme l’indique. Il est néanmoins possible de se demander si l’intimité n’est pas ici la grande absente, car bien qu’il soit présenté comme un film à caractère documentaire, le programme fait montre d’une subjectivité affichée. La réalisatrice, ex-mannequin et amie de Carla Bruni Sarkozy, nous donne ainsi à voir l’image d’un couple quasi parfait : elle, soutien sans faille toujours prête à pousser la chansonnette, lui, père attendrissant et homme politique engagé.
Une vision sans recul et pour le moins subjective qui nous laisse penser qu’il pourrait bien s’agir d’un outil de communication politique. Difficile en effet d’envisager qu’un homme politique puisse réellement être naturel face aux caméras, et c’est en cela qu’il devient légitime de se demander si la communication n’aurait pas ici pris le pas sur l’information.

De plus, si le but de ce documentaire n’est pas clairement établi, le choix de sa période de diffusion pourrait aussi être questionné. Dans le cas où l’on serait face à un reportage purement informatif, quel pourrait être l’intérêt pour la chaîne de le diffuser maintenant ?
L’hypothèse de l’outil de communication semble d’autant plus plausible si l’on tient compte du contexte politique actuel. Ainsi, dans le cadre d’une stratégie politique, il semblerait opportun pour Nicolas Sarkozy de véhiculer l’image d’un homme proche du peuple et digne de confiance, alors même que la communication du président actuel semble lui faire défaut et ne cesse de faire augmenter son impopularité. La chaîne affirme néanmoins qu’il ne s’agit pas ici d’une stratégie de communication ni d’une commande des équipes de Nicolas Sarkozy, accentuant ainsi l’ambivalence du programme.
Un relai médiatique pour le moins surprenant
 Qualifié de « film de propagande, tourné avec le cœur et filmé avec les pieds » par Médiaslemag, « Campagne Intime » aura donc été vivement critiquée et tournée en dérision par les téléspectateurs et les journalistes.

Pourtant, le dispositif médiatique mis en œuvre autour du reportage semble lui conférer la légitimité et le sérieux d’un véritable événement politique. Un teasing important a ainsi été mis en place sur la chaîne D8, mais le reportage a surtout fait l’objet d’une analyse postérieure sur la chaîne d’information i>télé. Un débat a ainsi été proposé en seconde partie de soirée, décryptant le documentaire et rappelant les analyses proposées lorsqu’un événement politique important survient.
Et les chaînes publiques n’étaient pas en reste puisqu’au lendemain de sa diffusion, France 2 commentait le programme dans son journal de 13 heures, mettant en exergue son caractère exclusif. Le reportage a été relayé et commenté par les chaînes d’information, au même titre que les évènements politiques majeurs. Ce qui peut sembler paradoxal puisque toute ambition politique est ouvertement niée.
Nicolas Sarkozy, le retour ?
En conclusion, il semble important de souligner l’ambivalence d’un tel documentaire qui, malgré une volonté affichée de simplement faire découvrir au public la face cachée d’un homme politique, participe au retour de Nicolas Sarkozy dans la conscience collective. En témoigne notamment la réapparition du hashtag #SarkoNostalgie le soir même de la diffusion du reportage.
Un caractère ambivalent qui pourrait notamment expliquer les critiques virulentes des téléspectateurs et autres journalistes, habitués à ce genre d’exercice communicationnel. En effet, l’initiative de dévoiler les coulisses d’une campagne n’a rien de novateur. Bon nombres d’hommes politiques avaient déjà jugé judicieux de se mettre en scène durant leur campagne. Car il s’agit véritablement ici d’un exercice de mise en scène au travers duquel l’acteur principal cherche à véhiculer une certaine image ; en l’occurrence celle d’un homme serein, engagé et authentique aussi bien en politique que dans l’intimité.
Les enjeux communicationnels d’un tel outil semblent ainsi avoir été identifiés par le public, conscient que ce qu’on lui donne à voir ne reflète pas nécessairement une réalité objective, mais qui semble pourtant se prêter au jeu, comme en témoignent les scores d’audiences.
Néanmoins, le documentaire « Nicolas Sarkozy, Campagne intime » semble se différencier nettement de ses prédécesseurs dans la mesure où l’enjeu politique et communicationnel n’y est pas assumé. Il semble donc légitime de se demander s’il s’agissait ici de préparer un possible retour en politique de l’ex président.
 Amandine Verdier
Sources :
Europe1.fr
Nouvelobs.com
Huffingtonpost.fr
 
 
 

Christine Boutin
Société

Twitter : la déferlante Christine Boutin

 
Les digital natives n’ont qu’à bien se tenir. Avec plus de 6 600 tweets en 3 ans et 57 200 abonnés, l’ex-présidente du parti chrétien démocrate est un membre très actif du réseau social. Nul besoin d’un community manager : Christine Boutin gazouille à qui mieux mieux, et les internautes ne perdent pas une occasion de relever ses dérapages.
Si l’ancienne ministre est si souvent ciblée par les médias et notamment chez les pure players comme le Huffington Post, c’est parce que ses commentaires sont nombreux, polémiques et portent sur tout et n’importe quoi.
Ces derniers mois, son sujet de prédilection était le mariage gay. On se rappelle de la controverse provoquée par son intervention sur RMC à propos de La Vie d’Adèle. La vidéo YouTube qui contient les fameux propos « Aujourd’hui la mode c’est les gays, on est envahis de gays » a été visionnée plus de 444 000 fois, ce qui est très profitable pour la radio généraliste française. Christine Boutin fait le buzz.
La presse l’invite volontiers à témoigner sur des sujets de société, mais il semblerait que ce soit davantage pour la retombée médiatique qui suit ses prises de parole que pour les idées politiques et l’expertise de l’ex-ministre.
Mais Christine Boutin ne se mêle pas seulement de ce qui (selon elle) la regarde, c’est-à dire l’avenir de la France face aux « lubies » du gouvernement sur les droits des homosexuels. Elle s’intéresse aussi de très près à la lutte des stars américaines contre le cancer du sein :

 Comme le montre ce tweet, l’appétit de l’ex-présidente du PCD pour le commentaire de critique gratuite est insatiable.
 Le 27 octobre dernier, Cécile Duflot, elle aussi très active sur Twitter, expliquait pourquoi ses tweets se faisaient de plus en plus rares : « Pour comprendre pourquoi je twitte moins / réponds moins, parce que ça ferait lire ce genre de trucs 10 fois/jour… » (le message était accompagné d’une capture d’écran des dernières insultes qu’elle avait reçues sur le réseau social). Christine Boutin s’est alors empressée de s’adresser à la ministre :

Les médias ont ajouté cette intervention à la liste des désormais fameux « dérapages » de l’ex-présidente du PCD. Journalistes et internautes se moquent de ses tweets car ils sont maladroits, non seulement dans le fond mais aussi dans la forme. La contrainte des 140 caractères pousse l’ex-ministre à utiliser des abréviations parfois peu compréhensibles. Son utilisation des majuscules est arbitraire, et la place du « # » dans ses hashtags est versatile. Quant à l’emploi du « @ », il est parfois aléatoire : en septembre Madame Boutin avait voulu s’adresser à Vincent Peillon pour critiquer la charte de la laïcité à l’école ; elle a malencontreusement interpelé dans son tweet un certain Didier Peillon, directeur du mécénat de l’université… catholique de Lille.
Que cherche donc Christine Boutin ? Si son objectif est de contribuer au dynamisme de la vie politique française et de donner une bonne image au conservatisme chrétien de son ancien parti, les tweets de l’ex-ministre sont un « epic fail » médiatique. Ses commentaires sont évoqués avec humour sur la scène politique, et les membres du PCD se gardent bien de relayer les tweets de l’ancienne présidente.
 Malgré ses flops réitérés, Christine Boutin a tout de même le mérite de s’être adaptée au Web 2.0. A tel point que le « Cogito ergo sum » de Descartes se transforme à la lumière de ses commentaires en « je pense donc je tweete ».
 
Camille Frilley
Sources :
Huffintonpost.fr
Lesinrocks.com
Francetvinfo.fr
Twitter.com

Crédits photos :
Image de Une : Christine Boutin lors de la manif pour tous du 26 mai 2013 © Maxppp – Thomas Padilla

Politique

Nervosité et maladresses en Mer de Chine

 
Vendredi, un nouvel événement est venu tendre les relations diplomatiques des géants d’Asie. Yoshitaka Shindo, ministre des affaires intérieures et de la communication japonais s’est rendu vendredi au sanctuaire de Yaksumi, mémorial dédié aux victimes japonaises de la guerre. Une visite des plus normales peut on penser, pourtant, dans un contexte de tensions diplomatiques entre le Japon, la Corée et la Chine, ce geste a été mal perçu. La revendication des îles Senkaku, l’installation de missiles longues portées en Corée du Nord constituent la toile de fond d’une Asie sous tension. Honorer ses morts, plus qu’un droit, un devoir, devient alors un affront diplomatique. En effet, l’ajout en 1978 de généraux reconnus comme coupables de crime des guerres par les Alliées, au sanctuaire de Yaksumi irrite considérablement les plaies laissées par le japon impérial en Chine et en Corée. La réputation sulfureuse du premier ministre Shinzo Abe, ne fait qu’amplifier ce type d’événement.  Le Japon s’est enfermé dans une communication agressive au point de ne plus pouvoir agir sans paraître suspect. Bien que Yoshitaka Shindo ait répété son désir d’apaisement, il semble que le devoir de mémoire empêche toute forme d’oubli. Après 70 ans, tout rappel du passé ne devient qu’erreur communicationnelle. Entre intransigeance et maladresse, le chemin du pardon semble encore long et semé d’embuches en mer de Chine.
 
Arnaud Faure

marine le pen heureuse
Politique

La France blues Marine ?

 
 
Elle exulte Marine Le Pen ! Et elle peut : mercredi 9 octobre dernier, un sondage IFOP commandé par le Nouvel Observateur lançait un pavé dans la mare en annonçant que 24% des citoyens français donneraient leur voix au Front National pour les élections municipales à venir ce printemps. Quelques jours plus tard, la victoire de Laurent Lopez (FN) à Brignole (Var) fait écho à ce sondage. Comment expliquer, au vu du discours politique ambiant, ces 24%, symbole de la montée lancinante de l’extrême droite ?
Un chiffre symbolique
Avec les 24% d’intention de vote, le FN gagne trois points par rapport à mai 2013. L’UMP passe de 21% à 22%. Le PS est le grand perdant, passant de 21% à 19%. Une part des électeurs de François Hollande, déçus, se tournent vers le FN qui réussit aussi à glaner les votes des retraités et à attirer dans ses rangs une part croissante de la classe moyenne. La réponse du FN ne s’est pas faite attendre, le parti d’extrême droite se targue de devenir désormais le « premier parti de France », adoptant une position conquérante très facilement lisible dans le communiqué de presse de Steeve Briois. Le secrétaire général du FN qualifie ces résultats de « séisme sans précédent » traduisant un « élan d’enthousiasme manifeste », exprimant le raz-le-bol des français face aux deux grands partis, le PS et l’UMP. Le FN ne doute de rien donc, et affirme sa détermination dans sa marche vers le pouvoir. Le discours outré des journalistes et personnages politiques ne cache pas la vacuité de leur action. Un tel discours a pour seul effet de victimiser le FN, de le mettre au centre du débat sans parvenir à le neutraliser. Dans une position de maître, le parti de Marine Le Pen peut se contenter de rester muet.* Le reste de la sphère politique lui assure sa communication, ou pire encore, légitime ses positions : qui ne dit mot consent. Qui n’agit pas non plus ?
La mue déculpabilisatrice opérée par Marine Le Pen…
Le Front National propose des réponses simples, voire simplistes, aux problèmes compliqués de notre société, parvenant en conséquence à toucher un large panel d’électeurs potentiels. Marine Le Pen se présente comme figure providentielle, détenant une vérité simple et efficace. Or, il est beaucoup plus aisé d’adhérer aux thèses du FN que l’on comprend, plutôt qu’à des discours complexes qui tentent d’apporter une réponse complète aux problèmes de notre société. Le FN pratique de ce fait une stratégie de vulgarisation se fondant sur un imaginaire national, voire nationaliste. En jouant sur le mythe d’une France à la grandeur passée, le parti adopte une position rétrograde bien plus rassurante que l’avenir sombre dont on nous brosse le portrait quotidiennement. En somme, le discours du FN, simple et rassurant amène ceux qui y adhèrent à se tourner vers le connu et le repli sur soi.
Ce discours séduisant a longtemps possédé une faille en la figure de Jean-Marie Le Pen. Mais on assiste, depuis l’arrivée de sa fille, à une déculpabilisation du vote FN. Femme « popotte », divorcée, mère de trois enfants, aux propos (en apparence) moins stigmatisants, Marine Le Pen a tout pour atteindre son but : faire oublier les idées qu’elle véhicule. Le site qu’elle a mis sur pied (www.marinelepen.com) la présente comme une femme respectable, loin des propos racistes de son père. Elle gomme l’image « extrême » de son parti afin de convaincre les électeurs encore timides. Sa dernière lubie, amener au tribunal quiconque aurait l’audace de qualifier son parti d’extrémiste le prouve bien : elle brouille les cartes afin de mieux pouvoir les distribuer. La rhétorique de la présidente du FN semble donc bien tendre vers une normalisation et une banalisation de son parti.
En conséquence, le vote FN tend à ne plus être tabou. La bataille sémantique qu’a lancé Mme Le Pen amène le FN au centre de l’actualité politique. Mais pour une fois, on oublie son côté polémique pour se concentrer sur le coup médiatique. Le fait qu’elle se batte contre l’appellation « extrémiste » montre bien qu’elle cherche à faire du FN un parti politiquement correct. Pour ce faire, elle s’appuie sur la faiblesse actuelle du PS et de l’UMP.

…Conséquence du désamour politique ?
Face à l’impopularité du gouvernement et à la « guerre des chefs » qui règne à l’UMP, le FN propose un discours clair et simple, apparemment sans faille ni langue de bois, faisant bloc autour de la figure de Marine Le Pen.
Mais n’oublions pas que le grand gagnant des élections de ces dernières années reste l’abstention. Le problème n’est-il pas le rejet de la politique telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui ? L’Union Européenne paraît bien loin des préoccupations quotidiennes des européens qui se méfient de Bruxelles. Que nous avons tord cependant ! L’Europe est, malgré toutes ses imperfections, un projet stimulant. Pour contrer le repli sur soi qu’incarne Marine Le Pen, les Français auraient peut-être besoin de plus de chantiers communs. Tout va mal ? Réjouissons-nous : une société meilleure n’attend que nous pour être construite !
Mathilde Vassor
Sources :
http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20130823.OBS4202/18h-le-front-national-obsession-politique-numero-un.html
http://www.frontnational.com/author/steevebriois/
http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2013/10/11/montee-du-fn-comment-en-est-on-arrive-la