Agora, Médias

Le « Jeremstargate », ou le tribunal médiatique.

Lundi 15 janvier 2018, c’est un pavé dans la mare qui est jeté chez les fans de télé-réalité et du personnage de Jeremstar. Ce dernier est accusé de complicité dans une affaire de «  viol aggravé sur mineur, corruption sur mineur, atteinte sexuelle sur mineur, recours à la prostitution de mineur ». L’autre accusé s’appelle Pascal Cardonna, il se fait surnommer « Babybel » à travers les divers réseaux sociaux du blogueur, et est coordinateur numérique chez Radio France. Comment les deux hommes ont pu en arriver là ?

Société

Téléréalité : business, influences, idoles

Que nous aimions ou non la téléréalité, il y a forcément un moment où nous y avons été confrontés : en zappant, pendant les vacances, par simple curiosité, ou bien par habitude, même si certains parfois ne l’avouent pas. Comme l’affirme le journaliste Jeremstar dans sa récente autobiographie, la téléréalité a pris un tournant grâce à l’avènement de Snapchat, Instagram et Twitter. Les candidats ne prennent plus part à la télé-réalité pour l’expérience, mais pour l’argent, le business.
Métier : candidat de téléréalité. Vraiment ?
Aussi incroyable que cela puisse paraître, être candidat de téléréalité est devenu un métier à temps plein. Bronzer autour d’une piscine, faire la fête en boîte de nuit, se mettre en couple à l’écran, voire être trompé sont des activités très lucratives. Les réseaux sociaux deviennent de véritables extensions des programmes qui nous sont proposés. Chaque candidat utilise son Snapchat, son Instagram pour recréer une sorte de nouvelle téléréalité. Il en est le réalisateur et évidemment, le principal acteur. En ouvrant leurs stories, nous pouvons découvrir un format semblable aux émissions. Un processus communicationnel narcissique et divertissant, mais plaisant pour le spectateur, qui se sent plus proche de la personnalité qu’il a pu apprécier à l’écran. Il se sent invité à vivre son quotidien avec lui, en dehors des programmes. On assiste alors à une scénarisation de leur vie (ou du moins la partie qu’ils veulent bien montrer) qui est rythmée par leurs sorties en clubs, leurs règlements de compte truffés de grossièretés avec d’autres candidats, ou encore leurs vacances dans des lieux bucoliques.

Puis, comme dans un média traditionnel finalement, les vidéos éphémères sont entrecoupées de nombreuses pauses publicitaires. Sont présentés avec des codes promotionnels, des kits de blanchiments dentaires, des thés détox, des produits et accessoires de beauté en tout genre. Mais tout ceci est loin d’être du bénévolat : les candidats sont rémunérés pour leurs placements de produits, et très grassement selon leur notoriété. Nous entrons ici dans une logique de course aux followers : plus le candidat « buzz » et fait parler de lui dans un programme, plus il est suivi sur ses réseaux sociaux, plus les marques veulent établir de juteux partenariats avec lui, et ainsi de suite… Certains évidemment, « coûtent » plus cher que d’autres et ont réussi à se faire un nom dans le monde de l’entreprise. C’est le cas de Julien Tanti, qui a sa propre marque de vêtements, une pizzeria, un salon de coiffure et de tatouages… Ou encore sa comparse des « Marseillais », Jessica Thivenin, qui a son propre salon de beauté. Ces candidats très populaires se sont hissés au sommet de cet empire du vide. Ils font de leur propre personne un véritable commerce, une marque à part entière, et gagnent de 3000 à 50 000€ par mois. Astronomique pour des personnes qui sont surtout connues pour leurs perles dans les zappings tv, n’est-ce pas ? Dès lors, nous pourrions les considérer comme des self-made men, des artisans de leur propre réussite à partir de presque rien, à la vue de leur ascension fulgurante en seulement quelques années.

Les nouvelles idoles des jeunes ?
Certains articles sur ce sujet affirment que la tranche d’âge concernée par la téléréalité serait les 15-30 ans. C’est là qu’ils se fourvoient. Les personnes ayant entre 20 et 30 ans actuellement ont, certes, grandi avec la téléréalité : des programmes comme Secret Story ou la Star Academy ont agrémenté leur enfance ou leur adolescence. Mais les idoles de l’époque étaient plus Lady Gaga, Pitbull ou encore les héros de High School Musical, que les candidats de téléréalité.
En revanche, dans la nouvelle téléréalité, qui est devenue un business et non plus un simple jeu, ce sont les 10-18 ans qui sont le plus concernés. Nous pouvons le constater tout simplement en regardant les réseaux sociaux des candidats : les commentaires et les réactions sont ceux des plus jeunes. Le plus souvent, ceux qui font le déplacement lors de rencontres, de meet-up, sont des préadolescents, des adolescents, voire parfois des plus petits.
Que nous le voulions ou non, la téléréalité fait parler d’elle et fait partie des mœurs. Ce n’est pas un succès éphémère comme certains l’avaient prédit. Cela va bientôt faire 17 ans, depuis avril 2001, date de la première diffusion du Loft Story sur M6, que des programmes en tout genre rythment nos vies et exercent une certaine influence. Des candidats, voire des « personnages » se sont démarqués, ils font désormais partie intégrante de la culture populaire. Les téléspectateurs, quant à eux, ne semblent pas se lasser d’un concept qui est pourtant lassant, tant il reprend sans cesse les mêmes thèmes, schémas et structures. Le déclin de l’empire financier et culturel du vide va-t-il être provoqué par un manque de renouveau ?

Florence Arnaud
LinkedIn : Florence Arnaud
 
Sources :

Jeremy Gisclon. Jeremstar par Jeremy Gisclon, ma biographie officielle. Éditions Hugo Doc, 2017. ISBN : 9782755632057.
Mustapha Kessou. Star de la télé-réalité, un métier en or, Le Monde, publié le 10/06/2017. Consulté le 31/10/17.
Agnès Chauveau. La téléréalité, l’opium des jeunes ?, Huffington Post, publié le 24/10/2013. Consulté le 31/10/2017.
Jean-Baptiste Duval. Les Marseillais vs le Reste du monde : le vrai business des stars de l’émission de télé-réalité, Huffington Post, publié le 04/09/2017. Consulté le 31/10/17.
Amandine Pointel. Le placement de produits, nouveau business pour les candidats de télé réalité, Le Parisien, publié le 22/02/17. Consulté le 31/10/17.

 
Crédits photos :
N°1 : Fanch Drougard / W9
N°2 : Capture d’écran de la chaîne YouTube « Snapchat Red » qui recense les vidéos Snapchat polémiques des candidats.
N°3 : Capture d’écran d’une photo provenant du compte Instagram de Jessica Thivenin.
N°4 : France 3 Champagne-Ardenne / A.Blanchard
 

Médias

Téléréalité: recyclez-moi ces bimbos !

Des personnes volontaires et sélectionnées sont mises en situation, filmées et leurs images sont montées et diffusées en épisodes : depuis Loft Story en 2001, le succès de la téléréalité n’a cessé de croitre, tellement que l’on a compté en 2015 pas moins de 36 émissions de téléréalité en France. Ce format télévisé repose en partie sur le choix des candidats, à celui qui permettra le plus d’audience et de buzz, à l’image du célèbre « Non mais allô quoi ! » de Nabilla Benattia. Comment choisir ces candidats pour un succès maximal ? Il semblerait que le recyclage des bons candidats soit la solution.
Cibler « le plus bête des français »
La téléréalité est souvent dévalorisée, rejetée dans les dires comme relevant d’un sens moral dévalorisant. C’est que son succès s’explique par un public varié, entre identification aux personnages ou, à l’inverse, contre-identification à ceux-ci. Qu’elle plaise ou non, la téléréalité est regardée. En effet elle doit être vue pour pouvoir en parler le lendemain ou la critiquer. C’est ce qu’explique Nathalie Nadaud Albertini, sociologue des médias interrogée par Le Monde : « De la même façon que l’on a expliqué le succès d' »Hélène et les garçons » en son temps. On regarde soit au second degré, soit parce que l’on est attaché à tel personnage parce qu’on y retrouve un peu de soi, soit pour pouvoir en parler avec les autres. ». Pour regarder la téléréalité, pas besoin d’aimer, en somme.

Ainsi, c’est un public varié qui vient augmenter l’audience des émissions. Et la cible est par ailleurs très large, puisque, comme le souligne une monteuse de téléréalité, l’émission doit être comprise par « le plus bête des français ». De cette manière on assiste à des épisodes très peu denses en contenu, avec des répétitions, commentaires et retours en arrières incessants. Dans le cas de l’émission de W9 Les Princes de l’amour, pour un épisode d’environ trente minutes, quatre minutes forment le générique de début, s’en suivent deux minutes de rappel des épisodes précédents puis l’épisode est ponctué de multiples flashbacks pour rappeler les évènements précédents. Il est donc possible de comprendre l’épisode sans avoir vu les autres, peu importe notre situation sur l’échelle de la bêtise humaine apparemment.
Quel cocktail idéal ?
L’avantage de la téléréalité sur les séries télévisées, c’est la gratuité du participant, qui veut « avoir le droit » de bénéficier de cette expérience. Seulement tout le monde ne peut pas être candidat. Il faut répondre à certaines caractéristiques pour constituer un groupe idéal, avec différentes personnalités qui vont attirer l’oeil du téléspectateur, et pour cela, rien de mieux que la bimbo.

Dans une interview des casteurs de téléréalité, sobrement intitulés à l’occasion « casteurs de cons », l’un deux explique : « La vérité, c’est que les chaînes veulent toujours la même chose : des gens trash et caricaturaux, des histoires d’amour, des plans culs et des prises de tête entre candidats. Le cocktail idéal, c’est bimbo, rigolo, beau gosse, médiateur et petit coq. ». Et ce n’est pas un cas à part, puisque une monteuse témoigne également « Il y a toujours la bimbo, le Belge et le jet-setter. ». Un schéma type du groupe des candidats qui permet d’exhiber des profils exacerbés, et qui, entre eux, vont créer des liens d’amitié, d’amour mais surtout du clash, des disputes qui vont permettre un maximum de commentaires sur l’émission.
Un autre casteur décrit à son tour le candidat idéal, dans le rôle de la bimbo : « Un bon candidat, c’est d’abord quelqu’un d’extrêmement caricatural. Si je vois une cagole, les sourcils épilés, le décolleté affriolant et qui mâche très fort son chewing-gum, je sais que c’est bon. Si, en plus, elle a un accent à couper au couteau et qu’elle massacre le français, c’est que du bonus ! ». Pour dénicher ces candidats caricaturaux, les casteurs épient les lieux qu’ils fréquentent le plus : réseaux sociaux, boites de nuits et salles de sport. Seulement, lorsque l’on trouve la perle rare, la bimbo parfaite, pourquoi s’en séparer ?
Tous les mêmes
La principale difficulté de la téléréalité est de faire durer sur des promesses qui ne peuvent être toutes tenues, comme la nouveauté des candidats, qui tendent à ressembler aux précédents. Si les premiers filmés escomptaient de la starification sans en être assurés, étant réellement spontanés, les candidats suivants ont surjoué leurs personnages pour s’assurer de devenir des stars. Pour contourner cet écueil, les téléréalités ont trouvé une astuce imparable : recycler les candidats. En effet, voir évoluer un candidat que l’on connait déjà, qui correspond au candidat type, dans différentes émissions, renouvelle les programmes et assure une audience, puisque le public suit ses nouveaux idoles. Depuis 2011, les émissions qui réutilisent des anciens candidats fusent, à commencer par l’émission phare du recyclage : Les Anges de la télé-réalité, diffusée sur NRJ12. Le concept est simple : reprendre des candidats d’autres émissions, au delà de la frontière des différentes chaînes, pour créer un nouveau groupe. Un ou deux candidats sont cependant des nouveaux, qualifiés d’ « anges anonymes », permettant un léger renouveau.
Les candidats qui enchainent les téléréalités deviennent de véritables professionnels de ces émissions, à l’image d’Amélie Nethen qui a participé à 11 émissions de téléréalité – dont 6 saisons des Anges et 3 de Secret Story – de 2010 à 2016. Seulement il semblerait plus intéressant de recycler les candidats sur des émissions différentes, plutôt que sur plusieurs saisons d’une même émission. En effet la saison 8 des Anges de la téléréalité annonce dans son teaser « de nouveaux candidats, encore jamais vus dans les Anges ».

Ces candidats ne sont pas pour autant novices de la téléréalité, puisque, pour la majorité, ils sont issus d’autres émissions telles que Secret Story, Qui veut épouser mon fils ?, The Voice et Koh-Lanta sur TF1, Les Princes de l’amour et Les Marseillais sur W9 et Friends Trip sur NRJ12 : un échange entre des chaînes et des formats différents de téléréalité, pour se renouveler tout en recyclant. C’est pour l’instant pari réussi puisque le lancement des Anges a battu des records avec 5,0% de part d’audience, le plaçant leader TNT. On n’a donc pas fini de voir des bimbos mâcher très fort leur chewing-gum nous annonçant : « ben moi je vais vous prouver qu’on n’a pas qu’une lune parce que c’est statistiquement impossible ».
BONUS :

Adélie Touleron
Twitter
Sources :
Grazia, Profession: casteurs de cons pour émissions de téléréalité, Patrick Thévenin, Fév. 2013 
Rue 89, Téléréalité: si les images se répètent, c’est que vous êtes trop bêtes, Barbara Krief, 14/02/2014
Le Monde, La téléréalité en questions, Joël Morio, 12/04/2013

VLOGGING
Médias

Une vidéo de moi, par moi, sur une idée originale de moi

Le vlogging, à l’origine, désigne un phénomène très vaste : des gens de tout type et de tout âge qui « font des vidéos » dans lesquelles ils apparaissent et parlent d’une multitude de sujets différents – cuisine, musique, culture, beauté… Depuis plusieurs années, un nouveau phénomène se développe et commence à toucher la webosphère française : des gens se filment en train de vaquer à leurs occupations ou de raconter ce qu’ils ont fait dans la journée. A titre d’exemples, allez voir la chaîne Youtube de Zoella (pour les plus bilingues anglais d’entre vous) ou celle de Marie sur EnjoyVlogging.
Créer du lien
Le vlogging a besoin de deux éléments : une caméra et une plate-forme qui servent d’interface entre le vlogger et son public. Car l’essence du vlogging reste le partage et le but, la création d’une communauté. Une grande partie des vloggers commencent leur vidéo par un « hey guys » ou son équivalent français « bonjour à tous ». Cette petite phrase introductive qui connaît autant de variations qu’il y a de vloggers a la vertu d’instaurer une relation simple, presque amicale, avec le spectateur croisé au détour de ses pérégrinations sur Internet. Elle permet également de convoquer non pas un seul mais toute une communauté de spectateurs, réunissant par cette formule magique le vlogger, la personne qui le regarde et toutes celles qui ont regardé ou vont regarder la vidéo.
Cette impression de lien est renforcée par le fait que le vlogger se montre : là où le blog permettait la distance par le biais de l’écriture, le vlog exige de s’exposer davantage pour créer l’illusion d’une conversation instantanée. C’est ainsi que s’instaure une relation plus immédiate avec une personnalité d’autant plus dense qu’on la voit, qu’elle est là. La matérialisation du lien avec le vlogger appartient ensuite au spectateur qui peut suivre activement la chaîne – donc augmenter ses vues et sa popularité –, s’abonner ou commenter. Ces actions donnant lieu à des réactions de la part du vlogger, une discussion s’installe.
Une logique spectaculaire
L’échange semble pourtant biaisé. D’une part, l’authenticité revendiquée par les vloggers est à remettre en question, d’autre part le rapport de force entre ceux-ci et leur public est déséquilibré. Les vloggers font en effet acte de création dans leurs vidéos. Ce qui apparaît comme une intervention spontanée s’obtient par un véritable travail et passe par une grande quantité de filtres. Du sujet au titre de la vidéo en passant par le texte, le cadre, les prises et le montage, un certain nombre d’éléments peuvent ainsi faire l’objet de choix qui influent sur la composition finale. Celle-ci ressemble donc moins à une prise de parole informelle et beaucoup plus à une performance, propulsant les vloggers du statut de meilleur ami virtuel à celui d’artiste. Un exemple extrême d’acte créatif assumé en tant que tel : Nothing much to do qui adapte « Beaucoup de bruit pour rien » de Shakespeare en série-vlog.
 

 
Le rapport des spectateurs à ces vidéos semble le confirmer en s’inscrivant dans une logique du spectacle. Le vlogger s’expose, le public dispose. Il peut en effet décider d’un grand nombre de paramètres dans cette discussion d’un nouveau genre. C’est lui qui choisit avec qui elle aura lieu (« j’aime pas du tout Untel, je vais regarder Untel »), quand (« je me ferais bien un épisode de Untel avant de me mettre à bosser »), combien de temps (« en fait c’est pas si intéressant, je vais fermer la vidéo alors qu’Untel est au milieu de sa phrase ») et surtout, si elle aura lieu (« finalement je vais regarder Orange is the New Black »). Pour poursuivre la métaphore du spectacle on peut dire que c’est l’adhésion du public et ses commentaires positifs qui décident de la réussite d’un vlog. Dans un second temps, lorsque le vlog est un succès, c’est l’existence-même de ce public qui impose aux vloggers un certain rythme de création. Il n’est ainsi pas rare d’entendre un vlogger promettre une vidéo pour une certaine date ou parler de son rythme de publication (en moyenne une vidéo par semaine). Le public semble donc dominer dans une relation qu’il définit par sa présence ou son absence.
Vers une nouvelle télé-réalité ?
D’une semaine à l’autre le public suit un vlogger comme il suit une série, impatient de voir ce que ce dernier lui réserve. Certains vlogs reprennent même les codes de la série en insérant, par exemple, un générique au début de la vidéo (voir theschuermanshow). Des prix ont même été créés pour récompenser les meilleurs vlogs, leur conférant une reconnaissance semblable aux contenus primés aux cérémonies du genre des Golden Globes. Ils marquent également la tendance à la professionnalisation de certains vlogs. Cette logique a atteint son sommet avec la mise en place de cérémonies spécialement dédiées aux contenus en ligne.
Mais on peut aller plus loin et inscrire le phénomène du vlog dans le cadre que la télé-réalité a imposé au paysage du divertissement. L’idée de montrer des vrais gens en guise d’« entertainment » s’est peu à peu déclinée : sont apparues des émissions de réalité scénarisée comme « Petits secrets entre voisins », des émissions de télé-réalité dont disparaissent les présentateurs et dont les commentaires sont de plus en plus pris en charge par les participants – voir « Les reines du shopping » et autres « Quatre mariages pour une lune de miel » … Le vlog semble en être une évolution logique parce qu’il montre des personnes dans leur quotidien commentant eux-mêmes ce qu’il se passe. Étant donc à la fois acteur, producteur, réalisateur et présentateur du contenu, les vloggers proposent une nouvelle forme de divertissement, plus proche d’eux et plus proche de leur public.
Sophie Mikovitch
Sources :
O’Neill, Megan. « The Top 5 Youtube Vloggers And Why People Love Them. » Social Times.  13/04/2010. Consulté le 10/11/2015. http://www.adweek.com/socialtimes/top-youtube-vloggers/11285
Samuelson, Kate. 25 « Vloggers Under 25 Who Are Owning The World Of Youtube », The Huffington Post UK. 26/12/2014. Consulté le 10/11/2015. http://www.huffingtonpost.co.uk/2014/12/17/25-vloggers-under-25-who-are-owning-the-world-of-youtube_n_6340280.html
Leloup, Damien. « Les « Family vlogs », ou la téléréalité faite maison », Le Monde.fr. 09/10/2015. Consulté le 10/11/2015. http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/10/09/les-family-vlogs-ou-la-telerealite-faite-maison_4786496_4408996.html#sZIUdBPgyzdfOtbH.99
Crédits photo :
MacEntee, Sean. Tyler Parker. Random Thoughts From My Random Mind. Consulté le 12/11/2015.
http://blog.tylerparker.ca/?cat=38

téléréalité crimes fastncurious
Médias

Un crime parfait pour la télé

Ce soir, découvrez l’histoire de la petite Marguerite, enterrée par ses parents dans un bloc de béton, celle de la veuve noire de Floride qui tue ses maris en mettant des sangsues dans leur bain ou bien celle de l’employé de fast-food fou empoisonnant ses clients avec leurs hamburgers. Programme alléchant : 100% vraies, 100% glauques, les émissions d’enquêtes et de crime ont la côte !
Si “Faites entrer l’accusé” – avec ses 15 ans d’existence – fait partie des vieux meubles télévisuels du crime, l’émission a depuis été massivement déclinée : “Enquêtes criminelles” sur W9, “Crimes” sur NRJ12 ou encore “Les enquêtes impossibles” sur NT1.
Et appelons un chat, un chat. Malgré quelques variations, de la plus métaphorique – “Faites entrer à l’accusé” – à la plus littérale – “Crimes”, les titres restent évocateurs : de l’hémoglobine, des empreintes digitales compromettantes, des alibis douteux et des rebondissements judiciaires, voilà ce qui nous attend, on le sait et c’est pour cela que l’on regarde.

Du point de vue de la construction du programme, rien de bien extraordinaire : il s’agit de retracer une enquête du début à la fin, soit du crime à sa résolution. Un peu comme un épisode des Experts en somme : qui a tué et pourquoi ? Le récit de l’enquête policière et de l’instruction judiciaire est généralement étayé par des archives télévisuelles ou photographiques, des entretiens avec des experts-psychiatres, des journalistes, des enquêteurs, des avocats ou des témoins mais aussi par des prises de paroles des proches de la ou des victime(s) et, parfois même, par les suspects et les coupables de l’affaire en question.
A mi-chemin entre la série policière américaine (ou française d’ailleurs) et l’émission d’information judiciaire et policière, ces émissions attirent indéniablement les publics. Enquête express sur ce mystère non-résolu.
Tutoriel pour une enquête réussie ou délectation morbide ?
Si les séries télévisées policières foisonnent sur toutes les chaines télé, elles ne sont pas parvenues à endiguer l’apparition de ces programmes hybrides que sont les émissions d’enquêtes criminelles : quelle est la clé de ce succès ?
La réponse semble évidente : la réalité. De vrais meurtres, de vraies victimes, de vrais tueurs, de vrais lieux, de vrais policiers, de vraies enquêtes, un florilège de réalité-vraie-qui-a-réellement-eu-lieu.

Dans un contexte de généralisation de la défiance du public où le soupçon du “fake” est une menace, ces programmes télé détournent une potentielle polémique en garantissant la “réalité” de leur contenu. Exit les “ce n’est pas crédible”, “c’est tiré par les cheveux”, “c’est tellement tordu que ça ne pourrait jamais arriver en vrai” : puisque cela s’est veritablement passé, le jugement du public quant à la validité et la vraisemblance des faits exposés n’a pas lieu d’être. Cette véracité des faits ouvre la porte à une plus forte compassion du public et au frisson de savoir que cela peut arriver. Les interventions de la famille et des proches qui parlent de la victime et de son passé ou la localisation précise du drame dans une zone géographique particulière (une ville, une région, une maison…) sont autant d’éléments qui ancrent les faits dans cette réalité inquiètante dont se délecte le téléspectateur.
Ces émissions s’inscrivent dans une tendance générale de l’amenuisement progressif de la frontière entre fiction et réalité, dont témoigne la multiplication de programmes hybrides dans le paysage télévisuel contemporain. Le néologisme “téléralité” illustre à lui seul cette extraordinaire ambiguité des contenus : comment faire cohabiter la télé – soit la fiction, le créé et le construit à destination d’un public – et la réalité – soit le fortuit, l’aléatoire et l’imprévisible ?
Et de cette grande question découle le problème posé par ces émissions d’enquètes criminelles : celui de parvenir à les qualifier. Si elles semblent chercher à nous faire découvrir les dessous du système judiciaire et policier, peut-on pour autant les rapprocher de programmes documentaires ? Certaines émissions qui insistent davantage sur les méthodes d’investigation et de résolution d’enquètes, à l’instar des “Enquêtes impossibles”, pourraient y trouver la justification de leur existence mais, dans la majorité des cas, le caractère instructif des programmes paraît largement surpassé par le sensationnel. Entre instruction et divertissement pervers, quelle finalité trouver à ces contenus médiatiques ?
De l’art de brouiller les pistes
Au terme d’une micro-investigation sur le fond et la forme des ces émissions d’enquètes criminelles, il apparait rapidement que la “réalité” ne joue que comme argument dans la construction d’un contenu médiatique aux fins davantage divertissantes qu’instructives.
Si le modèle fonctionne indéniablement du point de vue de l’audimat, c’est également un modèle efficace du point de vue économique. De la réalité donc peu de frais ! On oublie les acteurs et les scénaristes : l’enquète est servie sur un plateau avec tous les protagonistes et les rebondissements qu’il faut, pour peu qu’on la choississe avec soin. Compte tenu du nombre de faits divers des dernières décennies, la matière télévisuelle potentielle est considérable. La quantité d’histoires incroyablement sordides et originales est importante au point d’autoriser le luxe du choix. Car si le public veut de la réalité, il veut la crème de la réalité. De même qu’une maison de téléréalité se doit de fournir son lot de coucheries et de disputes pour échapper à la fadeur la plus totale, une enquète criminelle se doit de s’en tenir à certains critères. De l’inhumanité, de la trahison, des mobiles atroces…pourvu que ce ne soit pas banal. Il va sans dire qu’un simple homicide involontaire, un désaccord basique qui aurait mal tourné ou un réglement de comptes de voisinage ne sauraient trouver grâce aux yeux des téléspectateurs. L’”histoire” qui fonctionne est celle qui brise les règles établies et acceptées tacitement par la majorité du corps social, celle qui déplace les limites de l’humanité, celle qui pousse à essayer de comprendre l’incompréhensible : les cas d’infanticides, d’incestes ou de meurtres en série sont ainsi des perles télégéniques, par la charge émotionelle, terrifiante et révoltante qu’ils portent en eux.

Au delà de ce choix editorial du “meilleur crime” à raconter, le tiraillement entre fiction et réalité auquel sont confrontées les émissions d’enquètes criminelles se manifeste dans les choix, imposés par le média qu’est la télévision, de mise en scène, de cadrage et de narration.
Les titres des enquètes présentées – “Meurtre sur ordonnance”, “L’assassin habite au numéro 1”, “Cauchemar au fast-food” ou “Massacre en chambre froide” – donnent le ton et renvoient immédiatement à  l’imaginaire du polar de gare un peu “cheap”. Les mélodies à suspens sont de mise, les coupures publicitaires sont travaillées de manière à maintenir en éveil l’attention du téléspectateur, une musique bouleversante accompagne les temoignages larmoyants des proches éffondrés, les fondus au noir accentuent le caractère mystérieux de l’enquète tandis qu’une voix off semble nous narrer un roman d’Agatha Christie – entre reprises de souffle et silences angoissants. Autant d’éléments qui achèvent de faire basculer ces “histoires vraies” dans une pure logique narrative.
Ce recours massif à des mécanismes intimement liés au contenu de divertissement témoigne bel et bien de l’inscription de ce type de programmes dans la “romance télévisuelle” et en aucun cas dans le genre du “documentaire”. L’émission est travaillée afin d’être vendable aux chaines auxquelles elle se destine et consommable par son public. NRJ12, W9 ou encore NT1, chaines de la TNT, ont fait du divertissement leur crédo et des hybrides à mi-chemin entre la fiction et la réalité, leurs spécialités : il n’est donc pas étonnant que ces émissions d’enquètes criminelles s’inscrivent dans cette ligne éditoriale.
Proposé sous une forme proche de celle d’émissions comme “Tellement vrai” ou “Confessions intimes”, le fond du contenu médiatique reste cependant tragique : dans quelle mesure est-il convenable de proposer une expérience de divertissement autour de faits réels si dramatiques ?
C’est grave docteur ?
Si ces émissions fonctionnent, c’est qu’elles ont su trouver leur public : comment situer le téléspectateur au sein de ce phénomène ?

Au delà du risque encouru (et mérité) de passer pour le fana de morbide de la bande, se pose véritablement la question de la distinction entre la production médiatique consommée et la réalité à laquelle elle renvoit. Regarder, à l’aune du divertissement, les témoignages de familles en deuil et les images de vraies scènes de crimes témoigne d’une insensibilité croissante du téléspectateur. L’étalonnage de tous les programmes télévisuels autour d’une considération indifférenciée – “c’est de la télé” – n’est pas sans risques. En effet, l’exposition répétée à des images violentes peut engendrer un phénomène d’acculturation – soit d’accoutumance du regard – mais aussi un potentiel manque de retour critique sur les contenus donnés à voir. Un autre effet néfaste à prendre en considération est que la surconsommmation télévisuelle d’émissions d’enquètes criminelles participerait d’une vaste tendance à la surrévalutation de la dangerosité du monde. Par leur contenu violent et anxiogène, ces programmes tendent à altérer la perception de l’environnement dans lequel on évolue, à surestimer sensiblement les risques réels et à accroitre la paranoia. Le fameux théoricien de la télévision et ses effets, Georges Gerbner, le montrait déjà il y a plusieurs d’années : la consommation d’images violentes et la crainte d’être victime de cette même violence dans la réalité sont corrélées. Une expérience menée avec des volontaires a ainsi permis de constater que les téléspectateurs les plus assidus surestimaient très largement la dangerosité de leur environnement, à partir de l’image faussée que leur en donne la télévision.
Alors, pour échapper aux insomnies chroniques, s’éviter des pics de stress en rentrant chez soi le soir et ne pas entretenir ce penchant naturel pour le morbide, le meilleur remède consiste encore à zapper sur un épisode des Chtits dans la brousse ou sur les confessions d’un drag-queen effrayé par les paillettes : autant de réalité, moins de lugubre.
Tiphaine Baubinnec
@: Tiphaine Baubinnec
Sources :
programme-tv.net
puretrend.com
Crédits photos :
blog.plaine-images.fr
“Enquêtes criminelles” – W9
“ Crimes” – NRJ12
“Les enquètes impossibles” – NT1

adam recherche eve fastncurious
Flops

"Des nouvelles merdes, ça reste des merdes"

Le mardi 3 mars dernier, l’adaptation française de l’émission néerlandaise « Adam looking for Eve » a fait son entrée sur la chaîne D8. Le concept ? Trouver l’amour sur une île déserte, le tout entièrement nu. Après « L’amour est dans le pré » et « L’Ile de la tentation », la chaîne a franchi un nouveau cap. Repoussant toujours plus loin les frontières du « politiquement correct », le nouveau bébé de D8 a-t-il autant séduit en France qu’à l’étranger ? Lumière sur cette nouvelle émission, toujours plus voyeuriste et hypocrite.

« Une expérience romantique extrême »
La filiale de Canal + n’y est pas allée de main morte sur la communication autour de ce nouveau programme, en tentant une approche sociologique du concept, à coups d’ « Expérience de retour à la nature », d’ « expérience romantique extrême », de « vérité nue, sans tricherie », ou encore de « renouvellement du genre du jeu de séduction »… Xavier Gandon, directeur des flux et divertissements de D8 a défendu la reprise de cette émission – qui fait un carton en Espagne, aux Etats-Unis et en Allemagne – en nous assurant qu’il s’agit d’un « truc mignon, joli, l’ultime expérience romantique de deux personnes revisitant le mythe du jardin d’Eden […] Il n’y a pas d’argent à la clé : une manière de s’assurer que les gens sont dans une démarche amoureuse ». Ah oui, vraiment ?
« Des gens normaux »
« On a pris des gens normaux », proclamait la chaine dans son communiqué. Alors oui, les participants sélectionnés (sur environ 300 candidatures) ne sont ni maquillés, ni coiffés, ni habillés, et ne font plus du 34-36 mais du 38-40 ; mais ce n’est pas pour autant que leurs corps sont ceux de monsieur et madame Tout-le-monde. Le casting, réservé aux 25-37 ans, privilégie en effet les anatomies plutôt avantageuses, qui ne laissent paraître aucun réel défaut à l’écran. De plus, Marie-Hélène Soenen, rédactrice pour Télérama, nous indique que la production aurait déclaré avoir tout fait pour « éviter les gens en quête absolue de notoriété ». Pourtant, la journaliste nous explique que l’on y retrouve des « Adam et Eve » ayant déjà participé à des émissions comme « Séduis-moi si tu peux », ou encore un ancien « Mister National » qui aurait été candidat au titre de Mister World. Des gens normaux, donc, qui ne sont là que pour trouver l’amour pur et « naturel ».

D’ailleurs, en parlant de naturel, la chaîne proclamait d’être « loin de la bimbo ». Or Lina, 27 ans, première candidate, aurait pris cette émission comme le défi de s’assumer naturelle, elle qui ne sort jamais sans maquillage. Blonde, un brin superficielle et avec une poitrine généreuse, il est difficile de dire que l’on est vraiment loin de la bimbo des autres émissions du genre. A ce propos, nous pouvons noter la réaction « spontanée » d’Anthony, participant à la même émission, qui aurait dit « Pour moi, Lina c’est pas une bimbo, je pense pas en tout cas. Non, je pense que c’est une fille simple ». Serait-ce pour démentir la réflexion d’un journaliste hors champ ? Le mystère reste à élucider.
 
 
« Des nouvelles merdes, ça reste des merdes »
 
Quoi qu’il en soit, l’hypocrisie de la chaîne ne s’arrête pas là. En effet, contrairement à l’émission néerlandaise, la version floute les sexes des participants (ce qui était pourtant la seule chose que les gens attendaient !), ne laissant apparaître « que » leurs seins et leurs fesses. Un programme que D8 ne semble assumer qu’à moitié, donc. « On leur a dit que cela allait être soft, mignon, plein de bons sentiments » précise Caroline Ithurbide, la présentatrice de l’émission, qui espérait surement que le CSA l’entende. Même notre chère Enora Malagré, qui a honte de sa propre chaîne, s’est révoltée sur le plateau de Touche Pas à Mon Poste : « C’est d’une hypocrisie. Moi je suis horrifiée ! Ça y est, pour moi, on a touché le fond ! Pardonnez-moi, mais j’ai honte ! J’ai honte vraiment qu’on diffuse ce programme ! ». C’est vrai quoi, quitte à vouloir faire de l’audience, autant y aller à fond la caisse ! Elle a même rétorqué face à la présentatrice que « des nouvelles merdes, ça reste des merdes ».
 

 
En résumé, on assiste donc à un réel décalage entre les dits de la production et la réalité. Ce nouveau programme qui selon la chaîne devait « renouveler profondément le genre du jeu de séduction », s’apparente clairement aux autres émissions de la sorte – comme si il n’y en avait pas assez – en bien plus mou. En effet, passé la découverte des corps nus, des seins et des fesses, absolument rien ne se passe, l’émission ne voulant pas entrer dans le vulgaire. Qu’est-ce qu’on se marre. Pourtant, le programme est diffusé assez tôt dans la soirée pour permettre à des adolescents de tomber dessus, ce qui a bien évidemment déplu à de nombreux parents.
 
Mais ne nous faisons pas trop de souci, l’émission est actuellement au stade de l’agonie, passant de 1,3 millions de curieux le 3 mars, à 647 000 le 7 avril dernier. Avec une crédibilité zéro, un scénario plus creux qu’un porno amateur et une absence totale de rebondissement, le programme est voué à l’échec. Mais jusqu’où ira la télé-réalité pour faire de l’audience ? La question se pose…
 
Pour les curieux, voici la première émission :

 
Louise Bédouet
@: Louise Bedouet
 
Sources :

 
television.telerama.fr (1) et (2)
teleobs.nouvelobs.com (1) et (2)
leplus.nouvelobs.com (1), (2), (3) et (4)
Crédits photos :

 
images.telerama.fr
referentiel.nouvelobs.com
mcetv.fr
media.melty.fr

Flops

Rising star : quand l'émission déchante

 
Lancée en 2013 par la société de production israélienne Keshet Broadcasting, l’émission HaKokhav HaBa – repris sous le nom de Rising Star – a très vite gagné sa place dans le monde des télé-crochets. Ce programme innovant remporte rapidement l’adhésion du public israélien – atteignant jusqu’à 49% de parts de marché – et devient alors le nouveau succès convoité des diffuseurs internationaux. En France, c’est M6 qui se montrera la plus persuasive pour remporter le contrat.
Un concept innovant où l’immédiateté règne
Avec un format reposant sur la gratuité du vote, le direct continu et une interaction plus qu’active avec le téléspectateur qui décide du sort des candidats, Rising Star rompt avec les codes classiques des télé-crochets, ces concours de chant télévisuels. Chantant derrière un mur, les candidats, sélectionnés par un jury ou bien sur Instagram, doivent recueillir 70% de votes positifs via l’application Rising Star afin de faire lever le mur et ainsi poursuivre l’aventure. C’est donc sur le principe d’immédiateté que repose cette émission, où le téléspectateur, friand du direct, peut détenir les pleins pouvoirs du déroulement d’un prime.
Des audiences en chute libre
Le 15 septembre dernier M6 diffuse un kick off* de l’émission : un succès avec 3,7 millions de téléspectateurs. Un score très encourageant qui se reproduira 10 jours plus tard pour la première avec 3,8 millions et 16,9% de parts de marché et surtout M6 première sur les cibles jeunes et féminines, les cibles recherchées. Mais voilà, ce succès n’aura pas duré puisque la deuxième émission ne rassemble que 2,7 millions pour 12% de part de marché ; la troisième chute encore en atteignant seulement 9% d’audience et la quatrième ne fait guère mieux, peinant à atteindre les 2 millions de téléspectateurs.
Des bugs techniques, un jury irritant qui sonne faux, une présentation en duo qui se cherche, un manque de souffle et de surprise : la presse, tout comme le public, sont critiques. Les réseaux sociaux, plus particulièrement Twitter deviennent des défouloirs où la moindre erreur n’est pas pardonnée. Un comble pour cette émission musicale interactive.
« @Mauraneofficiel : « En résumé, pour moi #RisingStar c’était la première et la dernière fois » »
« @neige2407 : « Avis très mitigé sur cette 1ere de #risingstar, présentation tres en deçà et le surf sur la vie privé des candidats me dérange bcp » »
Un coup dur pour la chaîne qui partait pourtant confiante avec notamment Nicolas de Tavernost qui annonçait en mars dernier : «  Je vais vous faire une confirmation, un aveu, Rising Star ça va être un immense succès, voilà. »…raté.
Malgré des améliorations, le public n’adhère pas. En conséquence, la régie publicitaire de la chaîne doit revoir à la baisse ses tarifs, le coût des écrans passant de 60.000 à 30.000 euros les 30 secondes. Avant d’être un pari risqué pour la chaîne, Rising Star reste surtout un programme très onéreux.
Rising star : le télé-crochet où la voix est oubliée
Autre critique de l’émission : la focalisation sur l’histoire des candidats. « Je veux prouver à mes parents qu’ils se sont trompés », « j’ai abandonné l’école pour réaliser ce rêve », « je veux prendre une revanche sur la vie » : Ces phrases-là ne sont que des échantillons parmi tant d’autres. Pathos et sob stories** sont mis au premier plan et la prestation même du candidat au second. Avec les codes de la téléréalité, l’histoire du candidat est alors rabâchée encore et encore par la présentation ou par une Cathy Guetta larmoyante. Le cliché supplante alors la musique et faire le buzz semble alors être l’objectif principal. Nous sommes loin du concept de The Voice où la voix est au cœur de l’émission. Une volonté de la production ? Malheureusement cela ne paye pas et engendre moins de sympathie que d’agacement.
Nathalie Nadaud-Albertini, sociologue des médias, relève également le concept du mur comme repoussoir. Ce  « mur virtuel » peut « donner l’impression de quelque chose d’un peu désincarné, ou du moins dont on n’a pas l’habitude visuellement », annonçait-elle sur BFMTV. Cette dernière ajoute qu’il faudrait «laisser du temps au téléspectateur pour qu’il s’habitue. » Mais les téléspectateurs pros du zapping auront-ils assez de patience ?
Un échec du genre
Petite dernière sur la liste, Rising Star arrive dans une période où les télé-crochets sont assez contestés.
Serait-elle donc la goutte d’eau qui fait déborder le vase ? Là où The Voice est parvenue à se faire une place grâce à son concept novateur, Rising Star semble avoir manqué la marche et entretient cette lassitude des télé-crochets chez le public français. Les récentes déprogrammations de X Factor, Star Academy et Popstars ou la baisse d’audience de Nouvelle Star annoncent-elles déjà une fin prématurée de Rising Star ?
Si M6 assure ne pas vouloir diminuer son nombre de prime, la rude concurrence de TF1 avec la série Profilage attirant plus de 30% d’audience, la pression économique ou encore des crises internes comme la récente mort d’un participant, peuvent sonner la fin de ce programme. Rising Star parviendra-t-elle à échapper à une déprogrammation en France, là où l’Angleterre n’aura même pas attendu une première diffusion ?
*coup d’envoi
**histoires larmoyantes
Félix Régnier
Sources :
BFMTV
Europe 1
RTL
Le Tube (Canal +)

Ozap.com

Société

RIsing star : la social tv sur le devant de la scène

 
M6 avance ses pions sur le grand échiquier des programmes TV. Dans quelques mois, la chaîne lancera « Rising Star », un télé-crochet nouvelle génération. Pour espérer rivaliser avec The Voice et TF1 – dont la saison 3 cartonne actuellement – M6 mise sur un programme totalement interactif, qui marquera peut-être une vraie révolution dans l’ère de la social TV.
 « Le premier concours de chant 100% interactif »
Star Academy, X Factor ou la Nouvelle Star… on ne compte désormais plus les émissions musicales du genre passées à la trappe ou reléguées au second plan. Pourtant, avec Rising Star, l’adaptation directe d’un concept israélien à gros succès, M6 veut marquer les esprits. Plus qu’un simple talent show aux codes vus et revus, l’émission se présente comme un spectacle musical où le téléspectateur est roi.
Bien loin des fauteuils rouges qu’il faut retourner, les candidats – en solo ou en groupe – se présenteront devant un immense mur digital, symbole des téléspectateurs. Ce sont ces derniers, devant leur poste et via une application dédiée, qui décideront si oui ou non le chanteur mérite que le mur se lève et laisse apparaître un vrai public et le jury, dont le rôle sera a priori moins décisif qu’à l’accoutumée. Les rumeurs vont d’ailleurs bon train sur la composition de celui-ci : M.Pokora, Linda Lemay, Cathy Guetta ou encore – et c’est plus surprenant – Lenny Kravitz, seraient pressentis.
Un vote gratuit et immédiat
Ce concept d’interactivité totale avec les téléspectateurs va de pair avec l’idée d’un vote gratuit et immédiat. Dans la continuité d’une retransmission en direct des tweets, le téléspectateur pourra donner son avis en temps réel et aura, par là même, la chance de voir apparaître son visage – du moins sa photo de profil Facebook – sur le fameux mur digital.
Les appels et SMS surtaxés ainsi que les longues minutes de remplissage des animateurs dans l’attente des résultats ne seront plus qu’un lointain souvenir. M6 veut réussir un tour de force conséquent : faire que chacun devienne acteur de l’émission et, de fait, cultive un sentiment de quasi appartenance au spectacle. Grâce au lourd dispositif technique mis en place par la chaîne, tout un chacun pourra, depuis son canapé, laisser aller sa spontanéité et se sentir influent sur le cours du télé-crochet en question. Le second écran qu’est le smartphone ou la tablette tactile, fondateur de la notion de social TV, n’apparaît plus ici comme un simple accessoire éventuel, mais bel et bien comme un facteur nécessaire au déroulement de l’émission. « Sans le second écran, pas de show », commentait d’ailleurs le PDG de la maison de production du programme israélien.

Vers une révolution des pratiques télévisuelles ?
L’avènement des réseaux sociaux, et notamment de Twitter, a doublement impacté les programmes de divertissement à la télévision. D’un premier côté, les téléspectateurs ne se contentent plus de regarder, ils commentent et réagissent en direct. De l’autre, et dans un système de cause à effet, les producteurs se lancent dans une course aux tweets effrénée où générer du discours devient un objectif à part entière. De plus en plus, certains tweets, soigneusement sélectionnés, apparaissent à l’écran pour amplifier cette idée d’interactivité, si chère aux téléspectateurs actuels.
C’est en cela que Rising Star s’avère être incroyablement dans l’air du temps. Mais plus encore, le prochain programme d’M6  pourrait marquer un réel tournant, voire une révolution, dans les pratiques télévisuelles. Pour la première fois, et grâce à Internet, le téléspectateur est placé au centre d’une émission. Cette valorisation du plus grand nombre pourrait bien devenir, à terme, une constante des divertissements et s’imposer comme un facteur de réussite. En Israël, le programme rassemblait chaque semaine près de 50% de parts de marché.
Il semblerait que M6 veuille s’imposer comme le précurseur français de cette social TV dernière génération puisque la chaîne lancera début mars en prime time « Qu’est-ce que je sais vraiment ? », un quizz télévisé présenté par Stéphane Plaza et Karine Lemarchand, dont la singularité est de faire participer les téléspectateurs depuis leur second écran.
 
Céline MALE
Sources
Metronews
L’express
M6
Télérama
Sourcephoto

M6
Les Fast

M6 à la recherche d’un nouveau talent cousu main

« On aura tout vu », comme dirait l’autre. Ces dernières années on observe un véritable essor des émissions du type « Le meilleur… » cherchant le talent culinaire, musicale, acrobatique… On connaît bien ces émissions à la croisée du télé-coaching et de la télé-réalité telles que « Top Chef » ou « The Voice ».
 Et dire qu’en voyant « Le meilleur pâtissier », petite dernière dans cette lignée interminable d’émissions « talents », on se disait que « maintenant, ils n’ont vraiment plus d’idées ». Et cependant, l’Italie nous a déjà détrompé en lançant un programme cherchant le meilleur écrivain. 
De même, M6 nous surprendra de nouveau à la rentrée 2014 avec  « Cousu Main », une émission – le titre le laisse facilement deviner – dédiée à la couture, l’autre pilier du savoir-faire français. Dans une adaptation du programme britannique « The Great British Sewing Bee » présentée par l’emblématique Cristina Cordula, il s’agira de « prouver qu’il est possible de confectionner à moindre coût les vêtements tendances que tout le monde aime porter ».
On remarque ici clairement la tendance actuelle du « récup’ » mais on distingue également la continuation d’une télévision « low-cost » rendue possible par la mise en scène d’anonymes et d’un programme déclinable en épisodes sur plusieurs semaines. Ainsi dans « Cousu Main » la dramaturgie sera fondée sur l’élimination, de fil en aguille, des participants par un jury d’experts.
L’avenir nous dira si la France s’intéresse à la couture, néanmoins, un but sera sûrement atteint : enchanter la consommation de produits liés à la mode.

Teresa Spurr
Sources :
Cbnews.fr
Lefigaro.fr
Crédit photo :
Marianne ROSENSTIEHL/M6 dans le NouvelObs

16 ans et enceinte
Com & Société

De la téléréalité à la natalité

 
Voilà une nouvelle qui devrait enchanter  les parents américains ! Si l’on en croit les résultats d’une enquête menée par deux économistes du NBER (National Bureau of Economic Research) de Chicago, la téléréalité n’aurait pas que des désavantages et serait même un excellent vecteur de sensibilisation.
Relayée par le très sérieux New York Times dans un article paru le 13 janvier dernier, cette étude établit une corrélation entre  la réduction rapide et significative du nombre de grossesses précoces dans certaines régions des Etats-Unis et les records d’audimat réalisés par MTV dans ces mêmes  régions. Depuis le lancement de sa série phare « 16 and pregnant »  (16 ans et enceinte) en 2009, la chaîne la plus plébiscitée par les ados aurait permis d’éviter plus de 20 000 naissances non désirées par la seule influence de son programme.
Le pitch de cette émission qui attire plus de 3 millions de téléspectateurs par épisode?  Une immersion si réaliste dans le quotidien de jeunes américaines tombées enceintes par accident qu’elle en deviendrait presque intrusive. Parents au bord de la crise de nerfs, petits-copains absents, manque de sommeil et problèmes financiers, rien n’est épargné à ces anciennes cheerleaders aujourd’hui dépitées par leurs vergetures.  On s’émeut et surtout, l’on apprend des erreurs de la jolie Mackenzie. Elle qui refusait de prendre la pilule par peur de grossir est aujourd’hui surnommée «  la baleine » par ses camarades de lycée. On s’insurge et plus encore, l’on compatit au tragique destin de ce pauvre Josh contraint d’arrêter le rodéo pour trouver un travail alimentaire alors même qu’il peine à retenir la date prévue pour l’accouchement de sa copine.
Si le contenu d’un tel programme peut prêter à sourire, il n’en est pas moins digne d’intérêt. Quoi qu’en disent les mauvaises langues, l’enregistrement des taux records de tweets  et de recherches Google ayant trait à la contraception coïncide avec les horaires de diffusion du programme.
Interrogée sur la question, Sarah S. Brown, directrice générale du programme américain de prévention de la grossesse chez les adolescentes, s’enflamme et déclare «  Les gens n’ont simplement pas conscience de l’impact qu’ont les médias d’influence sur les jeunes ! ».
Aux vues des vagues de fanatisme que suscitent certaines émissions, on est nécessairement tenté de lui donner raison…
Le plus étonnant dans cette histoire ? Le show,  longtemps critiqué par les progressistes qui l’accusaient de prêcher la bonne parole républicaine à travers un discours censé diaboliser l’avortement et encenser la merveilleuse expérience de la maternité, fait désormais la joie… de ses principaux détracteurs !
S’il est vrai que les adolescentes ayant participé à l’émission sont devenues de véritables stars outre Atlantique, ce qui pourrait inciter les téléspectatrices à suivre leur exemple, elles ne font pas figures  de modèles pour autant. Farrah Abraham, qui a connu la gloire le temps d’une sextape, suit désormais une « Thérapie de couple » dans une émission éponyme diffusée sur VH1. Janelle Evans fait davantage la Une des tabloïds que celle des grands magazines et la presse à scandale qui se délecte de ses problèmes d’addiction ne manque pas de médiatiser la moindre de ses arrestations. Quant à Kaylin Lowry, qui regrette de n’avoir jamais obtenu son baccalauréat, elle profite de ses apparitions publiques pour rappeler combien élever un enfant est difficile quand on n’en a ni la maturité, ni les moyens.
Loin d’encourager les jeunes américaines à devenir mère et avoir beaucoup d’enfants, « 16 and pregnant » fait davantage office de « cautionary tale » (avertissement) que de « fairytale » (conte de fées) pour reprendre une expression chère à  nos amis anglo-saxons.
Quel meilleur moyen en effet de sensibiliser la jeunesse aux conséquences de rapports non protégés si ce n’est en leur montrant la réalité à laquelle d’autres ados ont été confrontés avant eux? « Ça pourrait très bien m’arriver » semblent se dire des milliers d’adolescents peu enthousiasmés à l’idée de devoir un jour assumer pareilles responsabilités.  Même âge, même vie ;  scotchés à leurs écrans, les téléspectateurs ne pourraient se sentir plus proches des personnages de leur show télévisé. Le processus d’identification fonctionne et va jusqu’à briser certains tabous, déliant les langues et incitant les jeunes à parler librement de contraception.
Offrir du divertissement aux ados pour les inciter à se protéger ? Encore fallait-il y penser !
Si  les résultats de l’étude menée par les économistes de NBER sont à manipuler avec précaution, ils ont le mérite de poser la question de l’influence des médias sur notre quotidien. Les créateurs de  « 16 and pregnant » n’avaient rien planifié et c’est sans doute la raison du succès de leur programme en matière de prévention. La morale de cette success story à l’américaine ? Le miroir de la réalité se révèle plus efficace qu’un discours moralisateur ou préfabriqué.
Faut-il pour autant  envisager la téléréalité comme un nouveau moyen de communication à visée pédagogique ? A méditer.
 
 Marine Bryszkowski
Sources
NYTimes
NBER
Grazia
Wikipédia