Affiche du film L'exercice de l'Etat sorti en 2011
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La politique m'a tuer

Intouchables  vs.  L’Exercice de l’État

 

Pourquoi les gens sont-ils tous allés voir Intouchables plutôt que L’Exercice de l’État ? La mauvaise langue que je suis dirait d’abord qu’il faut arrêter de considérer le succès du film d’E.Toledano et O.Nakache comme une surprise. Je ne comprends pas pourquoi tout le monde agit comme s’il n’y avait pas eu une énorme campagne médiatique AVANT sa sortie ? Personnellement j’ai entendu parler d’Intouchables pour la première fois en août, et le film était déjà présenté comme le coup de cœur de la rentrée 2011. Un film à Césars, me suis-je alors dit. Attention, pas de méprise : ce n’est pas une critique. Bien au contraire. Le film est non seulement très réussi, mêlant avec subtilité comédie et film social ; mais mérite son succès, dans le sens où il relève l’un des paris les plus difficiles du cinéma : atteindre un large public, donc divers. En revanche, le pari du large public est perdu pour Pierre Schoeller. On peut comprendre le relatif échec de L’Exercice de l’État  au box-office (le film a fait 26 fois moins d’entrées qu’Intouchables).

En même temps il faut avouer que Bertrand Saint-Jean, ministre des transports, tenant l’affiche avec un autre quinqua quasi chauve; ça attire moins que la bonne bouille de Driss, sourire parfait ressortant blanc sur noir. Le contraste, ça marche vachement. Surtout quand il n’est pas subtil, bizarrement. Parce que du contraste, dans L’Exercice de l’État , il y en a. Le personnage public est tiraillé entre ses convictions et une vie simple ; entre ses fonctions et son appartenance au gouvernement. Il y a même de la réflexion. Mais c’est finalement peut être pas le plus important dans un film. Ce que le public cherche, on le sait, c’est avant tout l’émotion. Il ne faut pas que j’oublie que le cinéma est un divertissement, jamais…

 

La politique m’a tuer

 

…Ce qui semble exclure d’emblée les films politiques ! Dans le cinéma français, on hésite à plonger directement dans les coulisses du pouvoir et dans les dilemmes des gouvernants ; on utilise plutôt les thèmes de la justice (Omar m’a tuer), de l’armée (L’Ordre et la Morale) de manière détournée. C’est certainement plus confortable. Non pas que ces sujets soient moins délicats, mais ils sont plus dramatiques et appellent un certain imaginaire qui semble difficilement permis par le réalisme du quotidien, disons, de l’hémicycle…

Pourtant, certains sont arrivés à nous faire fantasmer. A l’exemple : Le Nom des gens, de Michel Leclerc qui met en scène les tribulations d’une jeune femme qui s’amuse à convertir par le sexe des hommes de droite en gauchistes convaincus. Mais peut-on vraiment parler de film politique ? Il relève quand même plus de la jolie fable amoureuse…Avec la sortie, inattendue pour le public français, en 2011, de trois films politiques: La conquête,de Xavier Durringer qui retrace l’ascension de Nicolas Sarkozy à la fonction présidentielle, Pater, d’Alain Cavalier mettant en scène la relation d’un présidente et son premier ministre, et l’Excercice de l’Etat; nombreux critiques cinéma ont émis l’hypothèse d’un « renouveau » du cinéma politique. Néanmoins, aucun de ces films n’a bénéficié d’un réel succès auprès du public. Pourquoi?

Est-ce un thème trop éloigné de notre quotidien? Pourtant, non, la politique nous touche tous les jours. Justement, l’élément déclencheur du film de P. Schoeller, c’est l’éventuelle privatisation de la SNCF… Qu’on ne vienne pas me dire que cette préoccupation ne concerne pas tous les niveaux de la société. Seulement voilà, si le film ne parle pas du clivage gauche droite (Ma part du gâteau, de Cédric Klapish, une histoire pseudo-amoureuse entre un trader et une femme de ménage), ou d’une personnalité publique en particulier (La conquête pour Nicolas Sarkozy, Le Président pour Georges Frêche), la fiction politique ne retient pas l’attention et ne crée aucun buzz. Un peu comme la vie politique française. Finalement, le cinéma est fidèle à la Société dont il s’inspire…

 
 
C.P

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10 thoughts

  • Il faut aussi mentionner que le film est paru dans peu de salles. Intouchables est présent à l'affriche dans ma petite ville de banlieue depuis des semaines, alors qu'avec ma famille on a guetté l'exercice de l'Etat parce qu'on souhaitait le voir et qu'on l'attend encore…
    Le marketing tient une place énorme dans le succès d'un film, il en va de même pour le film de Marjane Satrapi, Poulet aux prunes, qui n'est passé que dans certaines salles parisiennes. C'est plus facile d'être le 6ème film le plus vu depuis les années 40 quand on reste des semaines à l'affiche dans de petits cinémas… Même si je ne conteste absolument pas le fait sociétal loin de là!!

  • Je suis tout à fait d'accord avec toi, Loulou. L'Exercice de l'Etat a été sorti en deux fois moins de copies qu'Intouchables dès sa première semaine de sortie. De plus, être distribué par Gaumont, ça aide à disposer de 800 ou 900 copies dans toute la France dès le début. En fait, les spectateurs ne sont pas plus à blamer que les sociétés de production ou de distribution : l'Exercice de l'Etat n'a pas bénéficié d'un marketing suffisant, faute de moyens probablement.
    Merci pour ton commentaire et ton témoignage qui montrent bien le rôle primordial du marketing dans le succès d'un film.

  • Je voudrais juste ajouter qu'Intouchables me parait être une œuvre commerciale avant d'être un Film, dont le scénario, les personnages, le casting (omar sy pour les jeunes, et cluzet pour le public parisien post quadragénaire)et enfin la réalisation sont pensés comme œuvre marketing avant de l'être comme œuvre cinématographique. On ajoute à ça l'étiquette "inspiré d'une histoire vraie", et c'est le jackpot: plusieurs millions d'entrées. Et c'est ce que je regrette, délaisser la qualité au profit de la quantité. C'est dommage, car l'idée de départ avait beaucoup de potentiel, or la démarche des deux réalisateurs est moins celle de cinéastes que de promoteurs publicitaires.
    Pas étonnant donc que L'Exercice de l’État, qui mérite sans doute davantage le nom de film qu'Intouchables, soit passé inaperçu à côté.

  • Tout ça ne fait que soulever le problème qui se fait sentir concernant les cinémas d'art et d'essai. Bientôt tous fermés face aux mastodontes qui nous passent du bon film bien commercial, c'est leur tragique destin. La fin du cinéma d'auteur, mais quel intérêt de distribuer des films qui ne feront que quelques entrées? C'est toute une chaîne intéressée uniquement par le rendement qui est à blâmer.
    ps : je guettais Poulet aux prunes et j'étais persuadée qu'il n'était pas encore sorti car je ne l'ai vu presque nulle part!

  • Certes, on voit de plus en plus de films commerciaux. Mais il ne faut pas confondre deux choses: la production et la diffusion. Si la plupart des films qui bénéficient d'un coup de pub énorme sont ceux qui sont susceptibles de faire le plus d'entrées et ce au dépend des "bons films", on ne peut pas pour autant proclamer la mort du cinéma d'auteur. Bien au contraire, chaque jour il y a des accords entre le CNC, les chaînes de télé, les boîtes de productions pour financer des films de qualité. Comme leurs réalisations devient de plus en plus difficile, on offre en contrepartie de plus en plus d'opportunités au cinéma dit indépendant, à des échelles plus petites, mais tout de même. Alors ils sont certes beaucoup moins accessibles au public, et c'est regrettable, mais ils existent.

  • Je veux bien croire, et j'espère, que l'offre des films indépendants perdurera. Mais le problème est que les multiplexes obtiennent mtn l'autorisation de diffuser de petits films, au nom d'une prétendue diversité. Mais personne ne va les voir, eux s'en foutent car ils ont les moyens de les diffuser et de perdre un peu dessus, du moment que le petit cinéma d'à côté ne fait plus d'entrée et ferme. Jamais je n'irai voir un film d'auteur dans un multiplexe mais bientôt il n'y aura plus de petits cinés c'est tout. Alors oui le cinéma d'auteur continuera mais s'il n'est plus distribué que dans les multiplexes? Production et diffusion sont bien à rapprocher.

  • J'ai bien ri en voyant "Intouchable" (contrairement à la comédie un peu lourdingue de F. Foresti, "Hollywoo"), donc pour moi le film est bon.
    Dans un tout autre registre, j'ai aussi apprécié "L'exercice de l'Etat" qui, comme le rappelle la catégorie dans laquelle il était en compétition à Cannes, propose bien un "certain regard" de l'Homme politique et du monde impitoyable et carnivore (cf la scène du crocodile) qui l'entoure. Petit bémol néanmoins : le réalisme qui s'effondre rapidement derrière la fiction : le ministre qui va se saouler dans une roulotte, ou encore le plan qui consiste à embaucher des chômeurs dans les ministères, qui relève de l'utopie. Mais après tout, la réalité ne devient-elle pas regardable qu'une fois transformée ?

  • Il me semble que, en 6 mois, en salle, en France, le film aura dépassé les 500 000 spectateurs… C'est quand même pas si mal( et combien d'électeurs là-dedans?). Alors oui, ce n'est pas une comédie romantique avec une intrigue amoureuse… mais je trouve que c'est un bon film (et je ne partage pas forcément votre avis (provocateur" du cinéma seulement loisir de "divertissement". Je trouve L'Exercice de L'Etat très "pédagogique" et matière à réflexion.
    (s) ta d oi du cine, "squatter" chez dasola

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