Extrait du Barbier de Sibérie un film sorti en 1998
Politique

Jacques a dit qu’il irait au bal danser

L’élection présidentielle approche à grands pas et au milieu des discours controversés et des petites phrases assassines, on retrouve depuis des mois les mêmes topos à propos de l’un des partis en lice. Oui, le Front National a changé, Marine le Pen n’est plus dans la tradition xénophobe de son père, ou plutôt, comme Stéphane Guillon le fait dire à une certaine Madame Dupuis (Libération, 24 Janvier 2012), « elle est peut-être légèrement fasciste, mais c’est un fascisme light ». S’adressant aux oubliés, Madame Le Pen grimpe dans les sondages. Sans oublier tous les débats, avis de la population et sondages d’opinion à l’appui de ces gros titres quotidiens.
En tout cas, que le Front National ait changé d’image ou pas grâce à sa meneuse, la technique communicationnelle marche : depuis des mois, on retrouve plusieurs fois par semaine le visage souriant de Marine Le Pen sur les unes des kiosques et les articles internet. Et qu’importe que ceux qui en parlent adhèrent ou non aux idées, défendent le parti ou le traînent dans la boue. Le fait est là, tout le monde en parle.

Mais il y a quelques jours, la candidate s’est engagée sur une route bien glissante. Marine Le Pen a en effet été cordialement invitée, Vendredi 27 Janvier 2012, à participer au bal de la Fédération des corporations pangermanistes, le Burschenschaften, dans le palais de Hofburg où réside le président autrichien. Quel mal y a-t-il à aller exécuter un ou deux pas de valse dans un pays voisin et ami me direz-vous ?
Il s’avère en fait que cette fédération est l’une des survivances s’étant mises au service du IIIe Reich Hitlérien lors de l’invasion de l’Autriche par l’Allemagne, mais elle n’aurait pas abandonné cette idéologie à la suite de la défaite allemande. Les associations SOS Racisme et UEJF (Union des étudiants juifs de France) ont immédiatement attaqué Marine Le Pen sur cette participation à un « bal néonazi ». De nombreux articles se chargeront de lancer le débat à propos de ces fédérations et associations, historiens face aux journalistes, mais ici c’est bel et bien l’impact communicationnel pour la candidate qui m’importe.

Après presque un an de dur labeur à se détacher idéologiquement de son père et à supprimer toute trace dans son discours des idées trop extrémistes ayant si souvent été reprochées au parti, après une campagne orientée sur la nécessité d’« acheter français » plutôt que des débats plus contestables, la semaine dernière, la locomotive FN a changé de rails. Sa simple présence à un bal de cette nature, quand bien même il n’y aurait aucune adhésion de Mme Le Pen aux idées extrémistes des organisateurs de l’évènement (si extrémisme il y a), allait obligatoirement être relaté dans les journaux nationaux et être lié à un « retour aux sources ». Depuis quelques semaines déjà, les sondages l’avaient faite chuter quasiment au niveau de François Bayrou (ou Mr Bayrou l’avait rattrapée, selon les interprétations), et on pourrait se dire que cette stratégie communicationnelle était peut-être une bêtise à trois mois à peine du premier tour, période que tout le monde sait être décisive…

Mais était-ce réellement une « bêtise » de la part de la candidate ?

En effet, Marine Le Pen voyant ses sondages chuter n’aurait-elle pas plutôt envisagé une nouvelle communication axée sur son électorat de base, afin de les rassurer ? C’est en tout cas ce que semble suggérer, à la suite de ce fameux bal, son meeting à Perpignan Dimanche 29 Janvier. La candidate y a en effet prononcé un discours ponctué d’une gestuelle impressionnante sur les Français d’Algérie, sur « la sécurité et l’immigration » (les deux étant cités côte à côte dans son discours…), qui étaient des idées majeures lors des campagnes de son paternel. Et lorsqu’elle cherche à se justifier des accusations de SOS Racisme et de l’UEJF, les huées du public et son propre rire sont autant de signes communicationnels qui ne trompent pas : le parti d’extrême droite semble bien être revenu à une communication traditionnelle qui rassure, loin de la figure que Mme Le Pen a cherché à montrer depuis plus d’un an.

Ce retournement communicationnel va-t-il durer, et cela aura-t-il un effet négatif sur le campagne de Marine Le Pen ? L’avenir le dira, mais il semble que la stratégie de communication du parti s’éloigne quelque peu d’un « fascisme light ».

 
Héloïse Hamard
Crédits photo : ©Barbier de Sibérie – Film – 1998

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