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Quand les éléments de langage se déchaînent

Fin 2014, le gouvernement lançait le Kit Repas Famille, un pense-bête expliquant les actions du gouvernement pour chaque sujet politique qui pourrait naître d’un repas en société. Les vignettes sont destinées à prouver que la politique gouvernementale fonctionne et à discréditer les phrases toutes faites. À défaut de vérifier les réalités qui se cachent derrière chaque thème, il est intéressant de voir que les acteurs politiques prennent au sérieux les « éléments de langage » qui émanent de la doxa. Qu’en est-il de ceux des politiques ? En quoi se distinguent-ils ?
De simples poli-tics de langage ?
A priori, l’élément de langage est une formule ou un message reproductible par chaque membre d’un gouvernement. La clarté est de rigueur. Il est un ressort de la communication politique qui fonctionne sur la continuité et la synchronisation. Quel que soit l’intervenant, grâce à l’élément de langage, c’est l’entité décisionnelle et le choix du groupe qui s’expriment à travers lui. De cette manière, les divergences pouvant exister au sein d’une famille politique sont masquées.
Si l’on s’en tient à la définition de Jacques Séguéla, les éléments de langage sont des « petites phrases préparées à l’avance par l’entourage d’un homme politique ou par les communicants pour servir soit de répartie, soit de point d’ancrage dans un débat. ». Bien évidemment, le publicitaire en écrivait pour François Mitterrand mais il n’était pas le seul à mettre la main à la pâte : Jacques Attali, Laurent Fabius et bien d’autres faisaient passer des petites notes avec leurs suggestions. Aujourd’hui, les choses se sont légèrement professionnalisées. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer les méthodes du conseiller en communication du Président de La République, Gaspard Gantzer. Ses pratiques furent révélées par Un Temps de Président, un documentaire réalisé par Yves Jeuland.

Les téléspectateurs furent étonnés de voir Gaspard Gantzer dicter à une journaliste de TF1 les mots-clés de son reportage. Pour qualifier cette relation entre les journalistes et leur sources, Eugénie Saitta, spécialiste des sciences de la communication, parle d’une « rhétorique du cynisme » : les journalistes finissent par s’y faire ! Les communicants cherchent la saillie, l’homme politique tranche et les journalistes l’utilisent. Les politiques ont trouvé comment influencer les médias discrètement.
En politique, l’improvisation n’est pas conseillée. D’après Séguéla, lorsque les résultats tombent, le politique sait de quelle manière il doit réagir : il y a des éléments de langage pour une éventuelle victoire comme pour une éventuelle défaite. En plus de fournir du texte, les éléments de langage présentent le double avantage d’assurer une cohérence entre les prises de parole mais aussi d’augmenter l’efficacité et l’exposition d’une idée par la répétition. Entre une gauche divisée et des Républicains qui cherchent encore un ténor, l’élément de langage paraît être un outil parfait pour feindre l’unité. L’efficacité d’un argumentaire est plus forte si tout le monde martèle la même chose à l’unisson. Une idée répétée est aussi efficace qu’un slogan placardé.

N’y-a-t-il pas un risque de vulgariser les idées ? Le wording politique est aseptisé. Le consensus droite-gauche qui existe depuis la fracture des grands clivages idéologiques autour de l’économie de marché a brouillé le monde politique de ses marqueurs sémantiques. Ainsi, la formule « J’aime l’entreprise », employée par le Premier ministre, aurait pu être prononcée par un centriste comme par un Républicain. Au sein du gouvernement de Manuel Valls, on peut aussi observer des divergences qui sont réprimées : ceux qui ne suivent pas la ligne décidée se font taper sur les doigts. Pour s’en rendre compte, il suffit de se souvenir des remontrances faites à Christiane Taubira après qu’elles se soit prononcé contre la déchéance de la nationalité. Dès lors que les avis ne peuvent plus s’opposer librement, il y a peut-être une défaite de la pensée.
Entre stratégie et démagogie : comment atterrir sur le bandeau de BFMTV ?
Généralement, les médias n’hésitent pas à critiquer les éléments de langage. Pour le voir, il suffit de regarder les compilations qu’en fait Le Petit Journal. À croire qu’il est l’ennemi numéro 1 de la communication politique moderne !
Ce bashing est compréhensible. Il ne faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages : les gens prennent les éléments de langage pour ce qu’ils sont. Le disque semble rayé : on parle d’un discours fatigué qui émane d’une pensée énarchique qui s’est usée avec le temps. La doxa imagine que l’élément de langage est antinomique avec l’honnêteté.
Pourquoi peut-on être sûr que les politiques continueront à utiliser ce procédé ? Pour répondre, il faut d’abord revenir à la définition de l’élément de langage.
Selon le vice-président d’Havas, les années 80 ont constitué l’âge d’or de la publicité : tout le monde était séduit par le pouvoir du marketing et de la pub. Toutefois, selon Pierre Lefébure, maître de conférence en sciences politiques, les éléments de langage ne «[refont] surface [qu’]en 2008/2009 car il y a une volonté de la part de Nicolas Sarkozy et de ses équipes de rationaliser la communication et de maîtriser son environnement ». La seconde moitié des années 2000 est marquée par deux phénomènes qui changent radicalement les dispositifs d’information : l’émergence des chaînes d’information en continu et les réseaux sociaux. Il serait faux de penser que l’utilisation massive d’éléments de langage est purement choisie. Il faut aussi les penser en termes de contraintes. Il y a une responsabilité des médias dans la massification des éléments de langage car les fenêtres d’expression sont plus courtes.

Quand on obtient 30 secondes d’antenne à la télévision, les éléments de langage sont indispensables. Ce sont des estocades : soudains et rapides, ils ont une forme parfaite pour la rhétorique politicienne. Tout comme sur Twitter, il faut réduire le nombre de caractères pour pouvoir accéder aux très convoités bandeaux de BFMTV.
Selon les études de Damon Mayaffre, chercheur au CNRS, le vocabulaire présidentiel se serait déprécié au fil du temps en raison de ces nouvelles contraintes médiatiques. Aujourd’hui, les politiques sont dans la performance : ils utilisent à outrance les phrases verbales et le pronom personnel « je ».
L’élément de langage : diable ou diabolisé ?
Si les éléments de langage sont diabolisés c’est parce qu’ils sont attachés à une définition simplificatrice : on les associe spontanément « aux petites phrases » pré-élaborées que l’on voit sortir de la bouche des politiques à chaque zapping.

Dans cette définition, on ne parle que de la partie visible des éléments de langage. On ne parle pas des argumentaires. Autrement dit, on n’essaye pas d’extraire la démonstration étayée qui se cache derrière et qui vise à soutenir ou à contredire un projet. Aujourd’hui, aller au combat sans communication est une faute professionnelle car c’est laisser son adversaire partir avec un avantage.
Mais il ne faut jamais abuser des bonnes choses ! Les éléments de langage seraient très utiles si on n’en créait pas en quantité industrielle. Dans un premier temps, ils font passer une idée complexe par un message simple : le travail d’un conseiller se résume à dégrossir la matière brute pour en créer une à la portée de l’opinion publique. Frank Louvrier, ancien conseiller de l’ex-président de la République, Nicolas Sarkozy, rappelle que « Quand vous êtes Ministre, vous ne connaissez pas tous les sujets. Si vous allez à une émission matinale d’une radio, on risque de vous interroger sur un sujet compliqué, qui n’est pas forcément votre domaine de compétence, et il faut pourtant répondre ».
Pour la majorité précédente, les éléments de langage étaient surnommés « le prompteur », aujourd’hui on les regroupe sous l’intitulé « l’essentiel ». Ce dernier rappelle qu’un élément de langage peut permettre d’échapper à une situation de crise en évitant de lourds dommages.
À ce niveau de responsabilité, tous les professionnels semblent d’accord pour dire qu’une improvisation est impossible. L’improvisation est un fantasme car il est impossible de priver le débat d’un cadre de pensée rappelé sans cesse par les éléments de langage. D’ailleurs, les politologues reprochent souvent au Président de se laisser guider par les communicants alors qu’il serait doué pour l’improvisation.
On confond souvent « éléments de langage », « formules », « petites phrases » et « argumentaires » : il n’y pas de définition fixe car il n’y pas une unique manière de créer des éléments de langage. Ces formulations font sens pour des acteurs du champ politique et du champ médiatique mais aussi pour ceux qui se trouvent à leurs intersections. Les communicants produisent des énoncés en anticipant leurs conditions de circulation médiatique et leurs conditions de réception. Ce sont pour ainsi dire des ingénieurs du symbole. Ils manient les signes comme des maîtres. Ces données nous permettent de mettre en relief la place prépondérante prise par la communication au sein du monde politique et du monde médiatique. On en viendrait presque à croire qu’ils contrôlent les foules.
Ameziane Bouzid
Sources :
« Le Langage politique malade de ses mots », Frédéric Vallois, Le Huffington post, 20/11/2014 : http://www.huffingtonpost.fr/frederic-vallois/langage-politique-malade-de-ses-mots_b_6190388.html
« Les Dix éléments de langage que vous entendrez ce soir », Le Service politique, Libération, 22/03/2015 : http://www.liberation.fr/france/2015/03/22/les-dix-elements-de-langage-que-vous-entendrez-ce-soir_1226056
« Les « petites phrases » Et « éléments de langage » : des catégories en tension ou l’impossible contrôle de la parole par les spécialistes de la communication », Dossier: Les « Petites Phrases » en Politique , Caroline Ollivier-Yaniv, 01/06/2011 : http://www.necplus.eu/action/displayAbstract?fromPage=online 
« Éléments de langage pour soirée électorale : mode d’emploi », Jacques Séguéla, Atlantico, 16/10/2011 : http://www.atlantico.fr/decryptage/elements-langage-primaire-ps-holland-aubry-mode-emploi-203608.html
« « Un temps de président » : la communication politique dans le collimateur », 08/10 /2015, France 24 : https://www.youtube.com/watch?v=yP9TfAWTVeA
« Doc Hollande : dictée d’éléments de langage (F3) », Arretsurimage.net, 29/09/2015 : http://www.arretsurimages.net/breves/2015-09-29/Doc-Hollande-dictee-d-elements-de-langage-F3-id19305
Crédits images :
– Le Monde, L’actu en patates, Martin Vidberg
– Ray Clid
– Kit Repas Famille : www.gouvernement.fr
– Chaunu

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ELECTIONS REGIONALES FN
Politique

"Quoi, tu t’appelles Gégé tu votes pas FN" : pour en finir avec le cliché du bolos agriculteur et raciste

Le 13 décembre dernier, une brise de soulagement soufflait sur la France. « Zéro », comme zéro région remportée par le Front National malgré une victoire dans un climat anxiogène lors du premier tour. Sur les réseaux sociaux, dans les médias, l’entre-deux tours était submergé d’articles et de farces sur ces « idiots » qui avaient osé voter FN. De l’étude démontrant que moins on est instruit, plus on a tendance à voter FN à la cartographie des tournages de Confessions Intimes comparée à celle du vote frontiste, tout était bon pour faire comprendre que seuls des paysans ignares vivant reclus avaient pu faire un choix aussi irrationnel.
Pourtant, se laisser aller à ce genre de raccourcis peut être dangereux : d’une part, cette association tend à devenir de moins en moins vraie et d’autre part, elle constitue du pain béni pour le FN, qui en joue dans sa communication.

JMLP Jean Marie Le Pen
Flops

Keep calm and…

Vendredi 9 janvier, lors des prises d’otages dans un supermarché casher ainsi que dans une imprimerie de la ville de Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne) par des terroristes islamistes, Jean-Marie Le Pen, président d’honneur du FN a fait publier sur son compte Twitter ce message : « Keep calm and vote Le Pen ».
On assiste ainsi à un très bel exemple de récupération politique des événements qui se sont déroulés il y a déjà deux semaines. Ce tweet a d’ailleurs provoqué un véritable tollé sur la Toile.
Mais pourquoi ces propos font-ils au juste polémique ?
Selon Libération, l’intéressé aurait déclaré : «Ainsi il y aurait des manifestations républicaines et maintenant des convenances républicaines qui font qu’on ne pourrait pas parler d’élections pendant une prise d’otages. Ce fait divers est un fait social qui aura des conséquences politiques. Ce que l’on nous reproche, c’est d’avoir raison avant tout le monde. Nous n’allons pas nous taire aujourd’hui pour laisser certains jouer les parangons des vertus républicaines en défilant dans la rue.»
On pourrait en effet ne pas s’en offusquer il pratique la liberté d’expression. N’est-ce pas d’ailleurs un des enjeux majeurs au centre des événements de ces dernières semaines ?

A propos du message…
Plusieurs raisons peuvent expliquer la majeure partie du rejet de ce type de message. Il y a tout d’abord, comme l’explique le philosophe Xavier Landes sur Slate, « un temps pour le recueillement, la compassion, le soutien sans condition et un autre pour l’analyse critique ».
Egalement dans deux ans reprend la campagne pour les élections présidentielles. Jean-Marie Le Pen a donc ainsi sauté sur l’occasion, sur un moment où des vies humaines étaient en jeu, profitant de cette période de terreur, de désarroi et de colère pour communiquer son message. Un message qui se veut une réponse aux sentiments et à la situation de la population française, surfant ainsi sur une idéologie divulguée à demi-mot.
Aussi le message diffusé sur le compte de Jean-Marie Le Pen reprend celui d’une célèbre affiche de 1939, « Keep Calm and Carry On », qui aurait dû être publiée par le gouvernement britannique afin de rassurer la population en cas d’invasion ennemie… L’équipe de communication de Jean-Marie Le Pen avait-elle conscience du contexte d’énonciation dans lequel cette affiche aurait dû servir ? Il faut toutefois ajouter qu’elle n’est pas la seule à avoir réutilisé ce message. Il a en effet beaucoup été repris pour différents usages commerciaux. Or, il s’agit ici d’un contexte politique et idéologique grave. Les terroristes s’en sont pris à la liberté d’expression, à l’autorité incarnée par des policiers ainsi qu’à une partie de la population de confession juive. Ils incarnent une idéologie à la violence évidente, une véritable menace pour les valeurs et les principes qui se veulent défendus par la France. Ainsi dans le cas présent, l’équipe de communication de Le Pen a publié, non l’affiche, mais le tweet. Elle a donné ainsi l’impression d’avoir accompli ce que le gouvernement britannique n’a pas fait durant la Seconde Guerre Mondial, en cas d’invasion. Invasion. Le mot est lâché et peut être n’est-il pas si anodin.
Dire que ce message a été diffusé en prenant consciemment en compte cette référence historique serait trop hâtif. Or il paraît évident que ce message joue sur les peurs et les amalgames qui voudraient établir un lien entre terroristes islamistes, musulmans et immigration, d’autant lorsque l’on connaît la politique que défend le parti d’extrême droite.
Il ne faut toutefois pas être naïf : connaissant le personnage de Jean-Marie Le Pen, et se douter qu’il y a sûrement eu une volonté de polémiquer en usant d’un discours simplifiant les événements à son avantage.
Il faut pouvoir entendre tous les avis, toutes les opinions car elles sont le reflet d’une partie de la société et nous devons les prendre en considération. Cependant entendre, écouter ne veut pas forcément dire approuver. La liberté d’expression est également un moyen de lutter contre certaines idéologies extrémistes et de montrer tout la bêtise et l’absurdité qui peuvent en découler.
Hélène Hudry
Sources :
liberation.fr
huffingtonpost.fr
slate.fr
Crédits photos :
liberation.fr
francetvinfo.fr

marine le pen heureuse
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La France blues Marine ?

 
 
Elle exulte Marine Le Pen ! Et elle peut : mercredi 9 octobre dernier, un sondage IFOP commandé par le Nouvel Observateur lançait un pavé dans la mare en annonçant que 24% des citoyens français donneraient leur voix au Front National pour les élections municipales à venir ce printemps. Quelques jours plus tard, la victoire de Laurent Lopez (FN) à Brignole (Var) fait écho à ce sondage. Comment expliquer, au vu du discours politique ambiant, ces 24%, symbole de la montée lancinante de l’extrême droite ?
Un chiffre symbolique
Avec les 24% d’intention de vote, le FN gagne trois points par rapport à mai 2013. L’UMP passe de 21% à 22%. Le PS est le grand perdant, passant de 21% à 19%. Une part des électeurs de François Hollande, déçus, se tournent vers le FN qui réussit aussi à glaner les votes des retraités et à attirer dans ses rangs une part croissante de la classe moyenne. La réponse du FN ne s’est pas faite attendre, le parti d’extrême droite se targue de devenir désormais le « premier parti de France », adoptant une position conquérante très facilement lisible dans le communiqué de presse de Steeve Briois. Le secrétaire général du FN qualifie ces résultats de « séisme sans précédent » traduisant un « élan d’enthousiasme manifeste », exprimant le raz-le-bol des français face aux deux grands partis, le PS et l’UMP. Le FN ne doute de rien donc, et affirme sa détermination dans sa marche vers le pouvoir. Le discours outré des journalistes et personnages politiques ne cache pas la vacuité de leur action. Un tel discours a pour seul effet de victimiser le FN, de le mettre au centre du débat sans parvenir à le neutraliser. Dans une position de maître, le parti de Marine Le Pen peut se contenter de rester muet.* Le reste de la sphère politique lui assure sa communication, ou pire encore, légitime ses positions : qui ne dit mot consent. Qui n’agit pas non plus ?
La mue déculpabilisatrice opérée par Marine Le Pen…
Le Front National propose des réponses simples, voire simplistes, aux problèmes compliqués de notre société, parvenant en conséquence à toucher un large panel d’électeurs potentiels. Marine Le Pen se présente comme figure providentielle, détenant une vérité simple et efficace. Or, il est beaucoup plus aisé d’adhérer aux thèses du FN que l’on comprend, plutôt qu’à des discours complexes qui tentent d’apporter une réponse complète aux problèmes de notre société. Le FN pratique de ce fait une stratégie de vulgarisation se fondant sur un imaginaire national, voire nationaliste. En jouant sur le mythe d’une France à la grandeur passée, le parti adopte une position rétrograde bien plus rassurante que l’avenir sombre dont on nous brosse le portrait quotidiennement. En somme, le discours du FN, simple et rassurant amène ceux qui y adhèrent à se tourner vers le connu et le repli sur soi.
Ce discours séduisant a longtemps possédé une faille en la figure de Jean-Marie Le Pen. Mais on assiste, depuis l’arrivée de sa fille, à une déculpabilisation du vote FN. Femme « popotte », divorcée, mère de trois enfants, aux propos (en apparence) moins stigmatisants, Marine Le Pen a tout pour atteindre son but : faire oublier les idées qu’elle véhicule. Le site qu’elle a mis sur pied (www.marinelepen.com) la présente comme une femme respectable, loin des propos racistes de son père. Elle gomme l’image « extrême » de son parti afin de convaincre les électeurs encore timides. Sa dernière lubie, amener au tribunal quiconque aurait l’audace de qualifier son parti d’extrémiste le prouve bien : elle brouille les cartes afin de mieux pouvoir les distribuer. La rhétorique de la présidente du FN semble donc bien tendre vers une normalisation et une banalisation de son parti.
En conséquence, le vote FN tend à ne plus être tabou. La bataille sémantique qu’a lancé Mme Le Pen amène le FN au centre de l’actualité politique. Mais pour une fois, on oublie son côté polémique pour se concentrer sur le coup médiatique. Le fait qu’elle se batte contre l’appellation « extrémiste » montre bien qu’elle cherche à faire du FN un parti politiquement correct. Pour ce faire, elle s’appuie sur la faiblesse actuelle du PS et de l’UMP.

…Conséquence du désamour politique ?
Face à l’impopularité du gouvernement et à la « guerre des chefs » qui règne à l’UMP, le FN propose un discours clair et simple, apparemment sans faille ni langue de bois, faisant bloc autour de la figure de Marine Le Pen.
Mais n’oublions pas que le grand gagnant des élections de ces dernières années reste l’abstention. Le problème n’est-il pas le rejet de la politique telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui ? L’Union Européenne paraît bien loin des préoccupations quotidiennes des européens qui se méfient de Bruxelles. Que nous avons tord cependant ! L’Europe est, malgré toutes ses imperfections, un projet stimulant. Pour contrer le repli sur soi qu’incarne Marine Le Pen, les Français auraient peut-être besoin de plus de chantiers communs. Tout va mal ? Réjouissons-nous : une société meilleure n’attend que nous pour être construite !
Mathilde Vassor
Sources :
http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20130823.OBS4202/18h-le-front-national-obsession-politique-numero-un.html
http://www.frontnational.com/author/steevebriois/
http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2013/10/11/montee-du-fn-comment-en-est-on-arrive-la
 

Campagne Homoparentalité Lepen
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Jacques a dit « Eva aussi aurait pu avoir deux papas gays »

 
Bon d’accord, ce n’est pas Jacques qui l’a dit. On vous explique :
Période électorale oblige, les candidats à l’élection présidentielle ont  été vus partout, dans tous les médias et dans toutes les situations, plus ou moins réelles. Après avoir vu François Bayrou ou Nicolas Sarkozy à l’agonie dans une campagne en faveur de la légalisation de l’euthanasie, on retrouve six des dix candidats dans la peau, pour le moins surprenante, d’enfants et adolescents épanouis.
Cette idée peut prêter à sourire (ou au contraire être plutôt effrayante) mais elle traite un sujet bel et bien sérieux. Ces images ont en effet été réalisées dans le cadre d’une campagne web lancée par SOS homophobie pour défendre les droits des familles homoparentales.
François Bayrou, François Hollande, Eva Joly, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Sarkozy auraient pu, comme le répète la campagne, être eux aussi élevés dans des familles homoparentales et être heureux. Voilà le message simple véhiculée par l’association qui se bat depuis 18 ans pour l’égalité des droits des couples.
Le recours aux candidats pour cette campagne relève d’un double intérêt : tout d’abord, certains électeurs, ou du moins ceux qui n’ont pas fait une overdose, ont été à l’affût de toute apparition des aspirants présidents. Dans un tel contexte, la visibilité de leur message est assurée auprès d’un large public. Public dont faisaient à coup sûr partie les principaux concernés par cette campagne : les candidats.
SOS Homophobie avait auparavant sollicité chaque candidat sur douze de leurs revendications essentielles (mariage homosexuel, don du sang, sensibilisation à la diversité des relations amoureuses dans les programmes scolaires…) et mené plusieurs actions pour médiatiser ses problématiques. Et c’est cette campagne, relayée également par Le Monde, qui constitue le point d’orgue de la mobilisation. Ces images à la fois choquantes et drôles devaient interpeller les candidats sur un thème particulièrement discret, voire absent de cette (longue) campagne, bien qu’il divise très clairement les différents candidats. Liberté et ouverture pour les uns, respect des traditions pour les autres, la question des droits des lesbiennes, gays, bi et trans (LGBT) a été relayée au second plan lors des débats mais gagne de l’importance grâce à cette nouvelle campagne bien ancrée dans l’actualité.
Même si les candidats se voient interpelés par cette campagne, ils peuvent également en bénéficier. Après tout, qui résisterait à un bébé Eva ou teenager François ? L’image des candidats devient de plus en plus importante. Le futur président se doit d’être présentable, souriant et d’être un citoyen lambda. Mathieu de Martignac, photographe pour Le Parisien, l’a bien compris, en proposant même aux candidats d’être pris en photo par… eux-même ! Quoi de mieux pour maîtriser sa propre image ?
La vidéo à voir ici >> laparisien.fr
En bref  l’ancrage dans l’actualité du message de SOS homophobie, qui lui reste intemporel, augmente l’impact de la campagne et vise directement les premières cibles visées. Mais le recours à l’image des candidats est-il une nouvelle tendance ou est-il amené à retomber dans l’oubli (et avec lui les thèmes abordés) dès la fin de la campagne et de sa couverture médiatique ? Les médias montrent ici une fois de plus leur pouvoir en s’adressant, quasiment sans intermédiaire aux candidats de l’élection.  Les enseignements à tirer de ce type de campagne publicitaire sont nombreux.  Et quel que soit son avis sur la question, on ne peut qu’apprécier de voir enfin des candidats souriants !
 
Manon Levavasseur
Sources :
Sos-homophobie
Lemonde.fr

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Campagne ADMD pour l'euthanasie avec Sarkozy mars 2012
Société

Une campagne qui fait mourir les candidats à la présidentielle

 
L’euthanasie : voilà un mot qui fait peur, une idée qui fait frémir, un droit contesté. L’euthanasie, c’est le droit de mourir dignement quand il n’y a plus d’autre espoir que la souffrance et l’agonie. L’euthanasie est autorisée légalement en Belgique pour les patients en phase terminale mais elle est tolérée de manière plus ou moins explicite dans de nombreux pays européens tels que le Luxembourg, les Pays-Bas ou encore la Suisse. En France en revanche, l’euthanasie est considérée comme un assassinat, un empoisonnement prémédité passible de la peine de prison à perpétuité ; des textes législatifs élargissent néanmoins les possibilités de cessation de l’acharnement thérapeutique.
Selon un sondage réalisé en 2000, 70% du corps médical français se déclare favorable ou très favorable à l’exception d’euthanasie. Le 24 novembre 2009, les députés français ont cependant rejeté une proposition de loi présentée par le député socialiste Manuel Valls visant à légaliser l’euthanasie dans certaines conditions.
Si la majorité de l’ordre des médecins est prête à tolérer l’euthanasie pour les patients en phase terminale, il semble que les politiciens soient plus difficiles à convaincre. L’euthanasie est un sujet polémique ; l’idée d’autoriser la mort assistée d’un patient est souvent considérée comme amorale et assimilée à la violation de la loi sacrée de la vie humaine. Cependant quand il n’y a plus d’espoir, quand l’agonie se fait longue et douloureuse et que la mort n’est plus qu’une question de temps, le droit de mourir dignement est alors compréhensible.
C’était d’ailleurs le sujet de la dernière émission Sept à Huit au cours de laquelle les journalistes de TF1 recevaient le mari de Marie Deroubaix laquelle, atteinte de plusieurs tumeurs au cerveau, avait pris la décision de se faire euthanasier en Belgique pour éviter de souffrir et de faire souffrir son entourage. Quelques jours avant de s’éteindre, elle avait accordé une interview aux journalistes de TF1 pour expliquer les raisons de son choix : elle voulait ainsi montrer aux gens, et plus particulièrement aux hommes politiques français, les raisons de son choix pour permettre aux gens dans sa situation de bénéficier du droit de mourir dans les meilleures conditions possibles, dans la dignité et avec le soutien de ses proches.
C’est donc un acte militant que Marie Deroubaix a accompli peu avant sa mort. Comme elle, de nombreuses associations militent en faveur de l’euthanasie comme l’ADMD en France ou Dignitas en Suisse.
En période de campagne pour les présidentielles, ces associations tentent le tout pour le tout pour convaincre les hommes politiques de s’intéresser à la question de l’euthanasie et faire des propositions précises. L’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité organise d’ailleurs un rassemblement le 24 mars prochain sur la place de la République et encourage les malades à réclamer leur droit à la fin de vie dans la dignité. Comme on peut le lire sur leur site internet « l’ADMD entend obtenir qu’une loi légalisant l’aide active à mourir (euthanasie et auto-délivrance assistée) soit votée par le Parlement, comme le réclament 94 % des Français interrogés par l’institut de sondage Ifop en août 2011 ».
Il y a moins d’une semaine, l’ADMD lançait une campagne publicitaire choc interpelant le président de la République et certains candidats à la présidence de la République (tels que François Bayrou, candidat centriste du Modem et Marine Le Pen, candidate pour le Front National) en les représentant sur leur lit de mort.
« M. le candidat, doit-on vous mettre dans une telle position pour faire évoluer la vôtre sur la question de l’euthanasie ? » demande le message d’accompagnement des affiches publicitaires parues cette semaine dans Les Inrockuptibles.
La campagne choc de l’association cherche avant tout à susciter une réaction de la part des politiques qui délaissent littéralement cette question depuis l’échec de la proposition de loi de 2009. « Même si la population est largement en faveur de nos demandes, ces politiciens continuent de ne pas écouter » affirme Jean-Luc Romero, le président de l’ADMD. La campagne pour la présidentielle apparaît donc comme une opportunité à saisir pour parler de l’euthanasie et tenter de la replacer au cœur des débats.
Cette campagne a été beaucoup critiquée ces derniers jours ; les images ont été qualifiées « d’indignes » par Jean Leonetti, ministre des Affaires européennes et auteur de la loi actuellement en vigueur. De plus, l’absence de François Hollande sur les affiches suscite l’incompréhension et la suspicion d’un favoritisme envers le candidat socialiste.
Suite au lancement de la campagne, le président de l’ADMD convoque les candidats à la présidentielle à une rencontre publique à la fin du mois pour débattre de l’euthanasie. Si François Hollande a récemment affirmé qu’il était favorable à une révision de la loi pour les patients en phase terminale d’une maladie incurable, Nicolas Sarkozy reste quant à lui très ferme sur ces positions.
Quoiqu’il en soit, s’il est incontestable que cette question continue de faire des émules, il paraît peu probable de voir un réel changement dans les mentalités des politiques.
 
 Charlotte Moronval

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Oiseaux pris en photo en contre-plongée volant tous ensemble
Société

Twitter, la parole qui fourmille

Jeudi soir, Marine Le Pen était invitée de l’émission politique de France 2 orchestrée par David Pujadas et intitulée « des Paroles et des Actes ». Cette émission a pour but de faire passer les candidats face aux mêmes chroniqueurs pour qu’ils puissent expliquer et défendre leurs propositions de manière équitable. Ainsi, comme c’est l’usage dans cette émission, la candidate du Front National a fait face aux différents chroniqueurs (Nathalie St Cricq, François Lenglet et Fabien Namias) et à deux contradicteurs (Henri Guaino et Jean-Luc Mélenchon). Jusqu’à 5,9 millions de téléspectateurs[1] ont assisté à cette somme d’échanges plus ou moins instructifs.
Parallèlement, sur Twitter, le hashtag[2] « #dpda » a été très employé. Plus de 11.000 twittos sévissaient sur la toile et plus de 42.000 tweets avec le hashtag de l’émission ont ainsi été postés. Ces Tweets étaient de natures très diverses. Certains étaient émis par des journaux et renvoyaient à des articles en ligne relatifs à ce que disaient les protagonistes du débat pour permettre de mieux comprendre ce qui se disait. D’autres étaient émis par des journalistes ou des acteurs politiques et apportaient une analyse sur le fond ou sur la forme du débat. Enfin, une bonne quantité de tweets provenaient de simples téléspectateurs à la culture politique plus ou moins fine qui regardaient le débat en attendant l’arrivée de Mélenchon avec une excitation pareille à celle que l’on ressent quand on attend le début d’un match de foot. A cause du petit nombre de caractères possibles pour chaque message (140), certains sonnaient comme des maximes politiques ne pouvant souffrir d’aucune objection. Il y avait aussi beaucoup de messages pour commenter la prestation de David Pujadas ou la chemise à carreaux d’une fille dans le public.
Twitter s’est ainsi présenté comme un prolongement de l’émission. Une plateforme interactive où chacun peut donner son avis immédiatement à tout le monde. Pas de hiérarchie ni d’encadrement des twittos, juste un fourmillement de paroles. Mais tellement de tweets qu’on ne peut en aucun cas tous les voir. Quelqu’un suggérait de faire comme dans l’émission qu’animait Marc Olivier Fogiel sur France 3 il y a quelques années : mettre en place un bandeau en bas de l’écran de France 2 pour diffuser les tweets à tous les téléspectateurs. Imaginez la vitesse de défilement des tweets ! Et si on sélectionnait les meilleurs ? C’est contraire à l’idée de Twitter qui consiste à réduire les asymétries de parole… Et d’ailleurs cela poserait des problèmes de réalisation.
 
Thomas Millard

[1] Francetv.fr

[2] Thème du tweet précédé du symbole « # » pour en faire un mot clé. Ainsi, en un clic, on peut consulter tous les messages émis par les twittos du monde entier qui se rapportant à ce thème.

Extrait du Barbier de Sibérie un film sorti en 1998
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Jacques a dit qu’il irait au bal danser

L’élection présidentielle approche à grands pas et au milieu des discours controversés et des petites phrases assassines, on retrouve depuis des mois les mêmes topos à propos de l’un des partis en lice. Oui, le Front National a changé, Marine le Pen n’est plus dans la tradition xénophobe de son père, ou plutôt, comme Stéphane Guillon le fait dire à une certaine Madame Dupuis (Libération, 24 Janvier 2012), « elle est peut-être légèrement fasciste, mais c’est un fascisme light ». S’adressant aux oubliés, Madame Le Pen grimpe dans les sondages. Sans oublier tous les débats, avis de la population et sondages d’opinion à l’appui de ces gros titres quotidiens.
En tout cas, que le Front National ait changé d’image ou pas grâce à sa meneuse, la technique communicationnelle marche : depuis des mois, on retrouve plusieurs fois par semaine le visage souriant de Marine Le Pen sur les unes des kiosques et les articles internet. Et qu’importe que ceux qui en parlent adhèrent ou non aux idées, défendent le parti ou le traînent dans la boue. Le fait est là, tout le monde en parle.
Mais il y a quelques jours, la candidate s’est engagée sur une route bien glissante. Marine Le Pen a en effet été cordialement invitée, Vendredi 27 Janvier 2012, à participer au bal de la Fédération des corporations pangermanistes, le Burschenschaften, dans le palais de Hofburg où réside le président autrichien. Quel mal y a-t-il à aller exécuter un ou deux pas de valse dans un pays voisin et ami me direz-vous ?
Il s’avère en fait que cette fédération est l’une des survivances s’étant mises au service du IIIe Reich Hitlérien lors de l’invasion de l’Autriche par l’Allemagne, mais elle n’aurait pas abandonné cette idéologie à la suite de la défaite allemande. Les associations SOS Racisme et UEJF (Union des étudiants juifs de France) ont immédiatement attaqué Marine Le Pen sur cette participation à un « bal néonazi ». De nombreux articles se chargeront de lancer le débat à propos de ces fédérations et associations, historiens face aux journalistes, mais ici c’est bel et bien l’impact communicationnel pour la candidate qui m’importe.
Après presque un an de dur labeur à se détacher idéologiquement de son père et à supprimer toute trace dans son discours des idées trop extrémistes ayant si souvent été reprochées au parti, après une campagne orientée sur la nécessité d’« acheter français » plutôt que des débats plus contestables, la semaine dernière, la locomotive FN a changé de rails. Sa simple présence à un bal de cette nature, quand bien même il n’y aurait aucune adhésion de Mme Le Pen aux idées extrémistes des organisateurs de l’évènement (si extrémisme il y a), allait obligatoirement être relaté dans les journaux nationaux et être lié à un « retour aux sources ». Depuis quelques semaines déjà, les sondages l’avaient faite chuter quasiment au niveau de François Bayrou (ou Mr Bayrou l’avait rattrapée, selon les interprétations), et on pourrait se dire que cette stratégie communicationnelle était peut-être une bêtise à trois mois à peine du premier tour, période que tout le monde sait être décisive…
Mais était-ce réellement une « bêtise » de la part de la candidate ?
En effet, Marine Le Pen voyant ses sondages chuter n’aurait-elle pas plutôt envisagé une nouvelle communication axée sur son électorat de base, afin de les rassurer ? C’est en tout cas ce que semble suggérer, à la suite de ce fameux bal, son meeting à Perpignan Dimanche 29 Janvier. La candidate y a en effet prononcé un discours ponctué d’une gestuelle impressionnante sur les Français d’Algérie, sur « la sécurité et l’immigration » (les deux étant cités côte à côte dans son discours…), qui étaient des idées majeures lors des campagnes de son paternel. Et lorsqu’elle cherche à se justifier des accusations de SOS Racisme et de l’UEJF, les huées du public et son propre rire sont autant de signes communicationnels qui ne trompent pas : le parti d’extrême droite semble bien être revenu à une communication traditionnelle qui rassure, loin de la figure que Mme Le Pen a cherché à montrer depuis plus d’un an.
Ce retournement communicationnel va-t-il durer, et cela aura-t-il un effet négatif sur le campagne de Marine Le Pen ? L’avenir le dira, mais il semble que la stratégie de communication du parti s’éloigne quelque peu d’un « fascisme light ».
 
Héloïse Hamard
Crédits photo : ©Barbier de Sibérie – Film – 1998

Marine Le Pen dans les rues de New York
Flops

Le rêve américain s’effondre pour Marine Le Pen

Mardi 1er novembre, Marine Le Pen, présidente du Front National et candidate à la présidentielle de 2012, s’est rendue aux Etats-Unis pour y rencontrer plusieurs ambassadeurs et représentants américains. Le but de cette tournée américaine est simple : Marine Le Pen veut se doter d’une stature internationale à quelques mois de la présidentielle, afin de prouver qu’elle a l’étoffe d’une future présidente, ou au moins d’une candidate sérieuse. Cette démarche est assez courante chez les politiques français, mais dans le cas de Marine Le Pen, les choses ne se sont pas exactement passées comme le FN l’avait prévu.
 
Marine est abandonnée par ses hôtes
 
Si Marine Le Pen avait des rendez-vous prévus (elle avait annoncé des rencontres avec des représentants des communautés noires et juives, des élus au congrès, etc.), personne ne s’est bousculé pour la rencontrer. Une à une, les personnes en question ont annulé ou écourté leur rendez-vous avec la candidate d’extrême droite. Doit-on y voir le refus d’associer son image à celle d’un parti d’extrême droite française ? Ou bien doit-on comprendre que les dirigeants américains n’ont pas de temps à accorder à une personnalité qu’ils connaissent finalement peu, voire pas du tout ? Le fait est que celle-ci a fini par faire du tourisme dans les rues de Washington.
En fait, ce n’est pas tout à fait juste, Marine Le Pen a bel et bien rencontré un représentant américain, et pas des moindres : l’ambassadeur d’Israël à l’ONU. Tout un symbole pour la fille de celui qui avait qualifié les horreurs de la Shoah de « point de détail », et peut-être, qui sait, cela aurait-il eu un effet positif pour le FN si l’ambassadeur n’avait pas, ensuite, qualifié cette rencontre de « malentendu » et de « bourde ».
En définitive, Marine Le Pen n’a finalement été vraiment reçue que par une seule personne, qui n’a pas voulu assumer cette rencontre.
 
Marine se met les médias à dos
 
Alors que le voyage avait une visée médiatique évidente (montrer aux français la carrure internationale de Marine Le Pen), celle-ci s’est échinée à fuir les journalistes, à refuser de répondre à leurs questions, et comble du comble, la candidate en voyage a même semblé les trouver pénibles. Evidemment, on comprend mieux cette attitude quand on découvre que l’entreprise du Front National a été un véritable fiasco. Marine Le Pen n’a probablement pas eu envie de devoir lister devant les caméras tous les refus qu’elle a essuyés.
Les journalistes français ne se sont pas gênés pour rendre à Marine la monnaie de sa pièce. Tous les médias ont évoqué l’affaire et se sont accordés pour parler de flop.
 
Marine donne un bel exemple d’échec communicationnel
 
Non seulement le FN n’a pas atteint l’effet escompté, mais il a obtenu l’effet inverse. Ce que l’opinion française aura retenu de ce voyage c’est l’image d’un Front National méconnu à l’étranger et auquel on ne veut surtout pas être associé parce que cela fait tâche. Et après cet épisode, les élus étrangers ne risquent pas de se presser au portillon pour rencontrer Marine Le Pen. On peut se demander si cela entachera finalement la campagne de la candidate. Peut-être pas, mais sa sortie américaine ne lui aura probablement pas apporté de nouveaux électeurs.
Le Front National aura tout de même réussi, on peut le reconnaître, à faire parler de lui. Mais en avait-il vraiment besoin ? Le FN est suffisamment connu des français et peut se passer d’un nouveau bad buzz. Il va donc falloir qu’il redouble d’efforts pour travailler son image, parce que de ce bad buzz là, on oubliera vite le « buzz » pour ne garder que le « bad ». Et le bide.
 
Claire Sarfati
 
Crédits photo :
AFP/Emmanuel Dunand
AFP/Alberto Pizzoli
AP/Jacques Brinon

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