Les poupées russes
Dimanche, dans un climat électrique Vladimir Poutine était élu avec plus de 60% des voix. Une réélection entourée d’une aura de doute : observateurs volontaires escamotés, bancs d’électeurs « volants » allant de bureau de vote en bureau de vote… Autant de ruses tues par le nouveau président qui évoque une élection « ouverte et honnête ». Pourtant toutes les formes de contestation n’ont pas été muselées et cette période électorale a permis le surgissement de nouvelles d’entre elles.
Ainsi, méfiez-vous des apparences : ces « poupées » sont en passe de devenir les figures de proue du mouvement anti-Poutine. Des masques flashy et des robes édulcorées qui n’auront pas empêché la réélection du « père de la nation ».
Poutine ou les nouvelles « poupées russes »
Ces mystérieuses créatures, qui forment le groupe punk « Pussy Riot », ont multiplié les happenings depuis quelques semaines pour dénoncer la politique de Poutine et son retour –annoncé- en tant que président après 4 ans passés à la tête du gouvernement. Un retour assez symbolique puisque, concrètement, l’ancien agent du KGB était toujours resté au pouvoir. Comment ? Grâce à un réel tour de passe-passe : puisque la constitution russe ne permet pas à son président d’enchaîner plus de deux mandats, Dimitri Medvedev a pris l’intérim dans cette vaste pantomime qui laissait le pouvoir aux mains de l’ancien président. Pis encore pour les détracteurs de Poutine, ils devraient souffrir sa présence au Kremlin jusqu’en 2018 en cas de victoire cette année (en 2008, une réforme de la constitution allongeait le mandat du président de 4 à 6 ans) voire 2024 s’il parvenait à briguer sa propre succession, ce qu’il avait déjà fait en 2004. Un horizon bouché qui en agace beaucoup…
Pourtant comme le dit le dicton, « chat échaudé… »
Poutine jouissait d’une popularité confortable jusqu’à ces derniers mois où divers scandales sont venus entacher la candidature de l’ex-président : corruption, fraude (les élections législatives de décembre sont entourées d’un voile de suspicion et ont provoqué moult manifestations), censure… Les maux dont on accuse le candidat sont violents et ont ranimé les forces de contestation des opposants. Opposants à qui on donne des noms, des visages et qui incarnent à l’étranger la figure du « Protester » à l’image du blogueur Alexeï Navalny auteur du blog Navalny et du site Rospil qui dénonce les différents faits de corruption. Cet activisme lui vaut un passage en prison mais participe surtout à donner de la visibilité à son combat relayé par de nombreux médias étrangers comme le site BBC news qui disait à son propos : « He is also arguably the only major opposition figure to emerge in Russia in the past five years. And he owes his political prominence almost exclusively to his activity as blogger »[1]. Cependant, le web n’est pas le seul territoire de la contestation et la rue est investie massivement. Par des manifestants d’abord, qui ont défilé à de nombreuses reprises dans les rues en arborant un ruban blanc, symbole de cette « révolution ».
Et dernièrement par un groupe punk, qui choisit de protester d’une façon atypique mais efficace. Les Pussy Riot c’est un band exclusivement féminin qui pour se faire entendre, a choisi de se produire dans des lieux pas forcément prêts à les accueillir : le toit d’un immeuble à proximité de la prison où était alors détenu Navalny, la Place Rouge et dernièrement la cathédrale Saint Sauveur où elles ont prié -selon le titre de leur chanson- « Sainte Vierge, chasse Poutine »… Où la prière -punk- comme droit de résistance au « tyran » qu’un Thomas d’Acquin ne renierait pas…
Une balade punk sans conséquence ?
Dimanche soir, sans second tour, Vladimir Poutine était sacré Président de la République russe. Alors, que conclure de toute cette mobilisation ? Du bruit, et rien de plus ?
Certes l’élection de Poutine était annoncée, l’homme contrôlant la plupart des leviers du pouvoir : les médias, les forces de l’armée et les milieux d’affaires. Ce pouvoir ainsi verrouillé ne permettait aucune surprise aux urnes. Pourtant ce déferlement des paroles contestataires n’est pas vain : il trouve des relais efficaces qui consacrent les personnages emblématiques de cette lutte, meilleure façon de cristalliser l’attention sur les leaders de l’opposition et donc, de contrebalancer la parole officielle qui n’hésite pas à négliger cette opposition (Poutine comparait les rubans blancs brandis par les opposants à des préservatifs). Largement fissurée, l’image de Vladimir subit les attaques d’une partie de l’intelligentsia russe, des journalistes et des blogueurs qui n’hésitent pas à braver sur le net la censure et les peines encourues. Une décomplexion de la parole qui aujourd’hui fait mentir les pronostics : si Poutine est élu cette année et pour six ans, la question est maintenant de savoir si l’exploit sera réitéré en 2018.
Les perturbateurs font désormais mentir ceux qui voyaient Poutine rivaliser avec Staline et ses 25 ans au pouvoir.
Marie Latirre
Crédits photo: Ksenia Kolesnikova
2 thoughts
C'est génial de voir que, quoi qu'on en dise, il y a toujours des résistances. Espérons que ça continue et que ce beau pays accède enfin un jour à un régime politique libéré de ce personnage. Je ne connaissais pas ce groupe et suis très heureuse de le découvrir grâce à cet article, merci beaucoup!
Groupe étonnant oui ! Mais ce qui est à retenir en effet c'est la notion de résistance qui motive ces actions ! Merci de ton intérêt en tout cas !