Le jeu vidéo : un produit culturel pas comme les autres
L’an dernier, à cette même date, ils étaient 180 000. 180 000 à se presser aux portes du salon Paris Games Week, dont la 3ème édition s’est déroulée cette année à la Porte de Versailles du 31 octobre au 4 novembre. Un chiffre impressionnant pour un produit culturel qui ne cesse de croître : le jeu vidéo.
En effet, si autrefois le jeu vidéo était synonyme de repli sur soi et si jouer était une activité marginale, l’industrie vidéo-ludique se retrouve à présent propulsée sur les devants de la scène. Le jeu vidéo sur l’année 2011 représente 2,7 milliards € de chiffre d’affaire, et ce seulement en France. Le produit culturel le plus vendu en 2011 n’est ni un livre, ni un film… mais un jeu, Call of Duty : Modern Warfare 3, qui a récolté en 5 jours de commercialisation la bagatelle de 775 millions de dollars. Mais ce qui attire l’attention, ce n’est plus seulement l’importance que prennent ces grosses franchises du jeu vidéo. Ces dernières années, en effet, le jeu vidéo traverse de profonds changements. De plus, on ne vend pas un jeu vidéo comme on vendrait un autre produit : les enjeux sont différents, les techniques également.
L’évolution des joueurs est manifeste, et bat en brèche tous les clichés. Tout d’abord, on peut noter que tout le monde joue. 63 % des Français de 10 ans et plus ont joué aux jeux vidéo. L’âge moyen des joueurs est de 35 ans et est en constante augmentation. Il va donc falloir apprendre à s’adresser à de nouveaux joueurs, plus vieux, et qui ne rentrent donc plus dans la cible visée par la communication traditionnellement plus orientée vers les adolescents. C’est ce qu’a compris avant les autres le japonais Nintendo, avec sa Wii, dont les multiples programmes pour garder la ligne et un esprit vif (Dr Kawashima) ont rencontré un franc succès chez les joueurs plus âgés.
La deuxième évolution dément elle aussi un préjugé depuis longtemps ancré. En effet, 52% des joueurs sont… des joueuses. Le public masculin n’est plus prédominant, et les développeurs et éditeurs l’ont compris : il s’agit de produire des jeux qui plairont aux filles ! Plaire aux petites filles donc, avec beaucoup de jeux « girly » estampillés Barbie ou Littlepetshop, mais aussi aux plus grandes : le contenu des jeux ne mise plus tout sur la violence, et s’enrichit de cette nouvelle identité du public. Cela se traduit dans les jeux même par l’apparition de personnages féminins principaux aux personnalités fortes, qui change des stéréotypes sexualisés qu’ils endossaient auparavant. Toutefois, la sexualisation du marché est toujours forte, et les efforts ne sont que des pistes qu’il faut continuer à explorer. Par exemple, Jade de Beyond Good and Evil, est une journaliste-reporter-aventurière qui va dévoiler à ses lecteurs un bien sombre complot… Bien loin d’une Lara Croft dont le seul intérêt sont ses atours qui attirent la gente masculine.
Au delà de ce changement de public, le jeu change aussi de pratique. On ne joue plus de la même manière. Tout d’abord, on ne joue plus seul, on joue en réseau. 73% des joueurs pratiquent le jeu en ligne. Cette mise en commun du jeu contribue à créer de véritables communautés qui échangent et influent sur le jeu avec un pouvoir colossal, parfois même trop important. L’année passée le studio Bioware, et son jeu Mass Effect 3 en ont fait les frais : les fans, déçus devant la fin de la trilogie qui ne tenait pas toutes ses promesses, ont tenu à faire entendre leur voix. Ces fans, par leurs actions sur les forums du jeu, sur les réseaux sociaux et sur ces outils « online » mis à leur disposition, ont fini par obtenir gain de cause. En effet, le studio a décidé de modifier son jeu en ligne pour en changer la fin ! Cela pose d’énormes questions : à qui appartient l’œuvre vidéo-ludique ? Ce comportement et cet engouement semble là encore propre au jeu vidéo : il est peu concevable d’aller voir un réalisateur pour aller lui demander de modifier la fin de son film !
Mais le changement de pratique vidéo-ludique se ressent par dessus tout sur l’évolution des supports. Le jeu traditionnel est amené peu à peu à disparaître.
Le nouveau marché est axé autour de deux supports principaux : les réseaux sociaux, et les smartphones et tablettes.
En ce qui concerne les réseaux sociaux, Facebook a pris une longueur d’avance, avec une application dédiée aux jeux, appelée Games Feed. Le succès est au rendez-vous : Sur Facebook, 350 millions de joueurs jouent ensemble, soit 53 % des utilisateurs.
Le marché des jeux sur portable est en pleine expansion. Ce seul marché a dégagé 5,2 milliards d’euros de chiffre d’affaire dans le monde en 2011. Et certains « hits » en récoltent les fruits : les petits oiseaux énervés d’Angry Birds se sont plus vendus en 3 ans que Mario en 30 ans.
Les effets, prenant une telle ampleur, ne pouvaient rester circonscrits au seul milieu des jeux vidéo. La communication elle-même lorgne de plus en plus du côté du jeu, via l’ « advergaming ». Il s’agit de divertir, tout en faisant passer un message ou en vendant une marque. Cela peut se faire en introduisant le message dans un jeu (très présent dans les jeux sportifs ou automobiles), ou en faisant passer le message via une forme vidéo-ludique. (Cela est très présent sur Internet, notamment sur Facebook.)
Au vu de toutes ces évolutions, le marché culturel étrange et grandissant du jeu a probablement encore de beaux jours devant lui…
Clément Francfort
4 thoughts
Pour ceux qui souhaitent en lire plus, un article un peu fragile par sa structure et son auteur… mais qui aborde le sujet d\\\'un point de vue médiatique :
http://www.erwanngaucher.com/12112012Les-medias-ne-jouent-toujours-par-le-jeu-video.media?a=1023
Toujours les mêmes thèmes : féminisation du public joueur, jeu en réseau, marché des smartphones et tablettes, phénomène Angry Birds. Quelques chiffres balancés ici et là, histoire de, mais rien de nouveau. C'est un juste état des lieux, mais qui n'apporte malheureusement pas grand chose. Ce n'est pourtant pas la matière qui manque dans l'industrie culturelle au modèle économique le plus dynamique.
La référence à l'affaire Mass Effect 3 aurait par exemple été une belle opportunité pour revenir sur les downloadable contents, véritable mine d'or pour les éditeurs qui re-capitalisent sur une production plusieurs mois après leur sortie et pourraient être accusés de volontairement sortir des versions "allégés" pour forcer le joueur à remettre la main au porte-monnaie. Précisons par ailleurs que ce n'est pas la première fois que des fans influent sur le sort d'un média, quelques séries télévisées ont déjà été sauvées de l'annulation grâce à une forte mobilisation du public. Pas de changement de fin, certes, mais cela pourrait tenir à la nature du média, plus malléable dans le cas du jeu vidéo.
De même, pas un mot sur la dématérialisation du commerce des jeux vidéo, qui est pourtant à l'origine de presque toutes les "évolutions" dont il est fait référence dans l'article et dont la croissance explose comparativement à celles de l'industrie du livre ou de la musique.
Essor du cloud gaming, nouvelles formes de jeux vidéo inspirées des séries (The Walking Dead ou Sam & Max sortis en plusieurs épisodes), succès des jeux "indépendants" à forte créativité face aux titres AAA, déclin de la distribution physique. Entres autres. Autant de "questions" (comme on aime à les appeler) qui mériteraient d'être traitées pour analyser plus finement le marché des jeux vidéo d'aujourd'hui – et son avenir.
Je suis tout a fait d'accord, Arnaud. J'ai voulu parle de ces phenomenes auxquels pour certains j'ai participe, mais comprends bien que je suis ici restreint par une limite de caracteres, propre a un blog aux nombreux redacteurs et a une certaine forme de publication. Avec d'avantage de liberte j'en aurais parle pendant des heures… 😉
Tu as egalement oublie la croissance delirante de l'esport, dont le recent evenement tales of the lane au casino de paris est un bon exemple.
desole pour ton insatisfaction et ma brievete, mais c'est ainsi !