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Société

Vendre la peau de l’ours (canadien) ?

Au terme de deux ans de difficulté, l’entreprise anciennement nommée RIM, rebaptisée BlackBerry à l’occasion, a présenté le 30 janvier la nouvelle version de son système d’exploitation (OS, pour Operating System), BlackBerry10, qui équipe d’ores et déjà deux nouveaux terminaux, le Z10 et le Q10.

Comment la firme, leader incontesté des smartphones il y a encore 3 ans, en grande difficulté face à la montée en puissance de Samsung et d’Apple, a-t-elle mis en scène son retour et pour quel résultat ?

La question est d’importance, parce que c’est une bonne part de l’avenir de BlackBerry qui s’est jouée dans la présentation du 30 janvier, du moins pour ce qui est de sa portée symbolique.

C’était une présentation du directeur général Thorsten Heins, retransmise sur internet en direct, une présentation telle que les a popularisées Steve Jobs sous le nom de keynote ; un exercice dans lequel on a pu voir Xavier Niel au lancement de Free Mobile et plus récemment Stéphane Richard pour la mise sur le marché de la nouvelle Livebox.

Pour BlackBerry, il s’agissait de rassurer d’une part les marchés, de l’autre les utilisateurs, sur sa capacité à être à la pointe de l’innovation et d’assurer le service fiable qui a beaucoup contribué à son succès premier. Il s’agissait également de montrer que l’on avait pris acte des déboires de ces deux dernières années, et de redonner à BlackBerry une unité, une cohésion lui permettant de reconquérir les marchés.

En ce sens, la prestation de Thorsten Heins a été exemplaire : il n’a eu de cesse de saluer et de remercier ses quelques 12 000 collaborateurs. De même la décision de donner un nom unique à l’entreprise, à sa marque et à son système d’exploitation est une façon exemplaire de mobiliser autour d’un objet unique : BlackBerry. On a pourtant senti le directeur général peu à l’aise dans cet exercice particulier, inséparable désormais de toute annonce relative aux nouvelles technologies.

C’est que l’image de BlackBerry a toujours été du côté de la discrétion, comme il se doit pour une marque dont le marché principal a été l’entreprise : rien à voir avec le charisme d’un Steve Jobs ou, plus tonitruant, d’un Xavier Niel.

Un lourd travail a été accompli pour moderniser des terminaux et un OS largement distancés par ses concurrents : des photographies de piètre qualité, une navigation internet bien en deçà de ce qui est proposé aujourd’hui, un catalogue d’applications bien trop pauvres face aux 700 000 applications d’Apple ou au 800 000 d’Androïd… Autant de points critiques sur lesquels BlackBerry a insisté au cours de cette présentation. Rattraper le temps perdu, parfaire le présent, anticiper l’avenir, tels étaient les mots d’ordre : le clavier, tactile dans le cas Z10, physique pour le Q10, a fait l’objet d’un soin particulier en tant qu’étendard de la marque, mais on a pu découvrir des fonctionnalités intéressantes comme le partage d’écran au cours d’un appel vidéo, toute une panoplie de gestes pour interagir avec son terminal, ou encore la possibilité d’accéder à ses messages sans avoir à repasser par un menu centralisé.

À noter également, l’intégration poussée de Twitter, Facebook ou encore LinkedIn, désormais réunis avec les mails et les sms.

On a retrouvé dans cette présentation tous les gènes de BlackBerry : la rigueur, la fiabilité, l’efficacité, mais également une certaine vision de l’avenir sur nos smartphones.

Par ailleurs, émanait de cette présentation un parfum de sincérité : un peu du relatif inconfort de Thorsten Heins et beaucoup de cette belle marque aujourd’hui acculée qui a joué sa dernière carte.

Mais dans ce monde technologique où les évolutions sont fulgurantes et les déclins tout autant, il serait mal avisé de vendre la peau de l’ours (canadien), d’autant que BlackBerry10 et ses deux terminaux sont alléchants, et anticipent la grande versatilité que l’on exige déjà de nos appareils en termes de manipulation, d’usages et d’efficacité.

Parce que c’est toujours un crève-cœur de voir partir à la dérive une belle entreprise, on ne peut que lui souhaiter une année 2013 dynamique, qui, à l’image de son nouveau baptême, tirera un trait définitif sur le passé.

Oscar Dassetto

CRÉDIT PHOTO Justin Sullivan/Getty Images

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