Société

Vous reprendrez bien un peu de Candy ?

 

La dernière production de Wes Anderson vient de sortir. Il ne s’agit pas d’un film racontant les aventures de deux jeunes adolescents ou d’une fratrie égarée mais d’un clip publicitaire pour le parfum Prada Candy L’Eau. Prada rentre ainsi dans le cercle très privilégié des marques qui peuvent se payer la contribution d’un réalisateur connu pour mettre en avant leur image/produit.

La marque italienne ne se contente pas de se payer un des réalisateurs indé/hollywoodiens les plus reconnus de sa génération mais, comme lors de son précédent clip, elle propose Léa Seydoux comme égérie de sa fragrance.

Julius et Gene

Le film publicitaire possède une forme hybride, à mi-chemin entre le clip promotionnel usuel et le court-métrage. Prada Candy ne déroge pas à la règle et le film dure 3mn 30.
Séparé en trois parties, il nous présente les pérégrinations amoureuses de Léa Seydoux alias Candy avec deux jeunes hommes prénommés Julius et Gene. Ces deux hommes sont amis et se déchirent pour conquérir le cœur de la belle avant d’accepter de faire ménage à trois.

Les prénoms des héros masculins ne sont bien sûr pas sans rappeler le titre d’un des films les plus emblématiques de la Nouvelle Vague Jules et Jim. Réalisé en 1962 par François Truffaut, le film raconte l’histoire d’un amour à trois entre Jules, Catherine (interprétée par Jeanne Moreau) et Jim. A propos de son film, Truffaut disait « Jules et Jim c’est l’histoire d’une femme qui aime deux hommes et qui en meurt ». Mais la marque italienne fait bien évidemment fi de cette fin tragique. A la fin du clip, Candy, en pleine séance de manucure pédicure chez sa coiffeuse, est prise d’une crise de doute et interroge ses deux partenaires sur l’avenir de leur relation : « Je me demande encore combien de temps on pourra être heureux tous ensemble » Cette question est aussitôt feintée par ses compagnons qui lui répondent philosophiquement « Qui sait ? » « Est-ce important ? »

Prada Candy n’a pas tant pour but de faire réfléchir les jeunes femmes sinon de les faire rêver grâce à l’univers rétro et décalé de Wes Anderson. Au contraire, il les incite à dévorer la vie (et les hommes) si l’on en croit l’appétit gargantuesque de Léa Seydoux à chacune de ses interventions.

Une initiative ratée

Si Prada souhaitait, grâce à l’intervention de Wes Anderson, faire de son film un objet cinématographique digne d’intérêt, c’est raté. Certes, les publicités de parfum nous présentent régulièrement des histoires édulcorées mais là, on atteint des sommets. Esthétiquement, il n’y a rien à reprocher à ce clip. Mais Wes Anderson n’utilise pas son talent pour tourner en dérision les lieux communs. Au contraire, le réalisateur de Moonrise Kingdom nous propose ici une vision plus que stéréotypée de la capitale. Et si le spectateur venait à oublier que l’histoire se déroule à Paris, la chanson Paris s’éveille de Jacques Dutronc retentit toutes les 30 secondes afin de le lui rappeler.

Quant à Léa Seydoux, fort heureusement, son talent d’actrice ne se résume pas à la prestation qu’elle donne dans ce film, car elle ne cesse de sur-jouer ses répliques. Cette manière d’être est probablement censée donner l’impression que la jeune femme profite de la vie. Au lieu de ça, le spectateur a l’impression d’avoir à faire à une douce hystérique.

Quel(s) bénéfice(s) pour les marques ?

Bien que les marques ne communiquent pas sur le prix auquel elles ont rémunéré les réalisateurs qui acceptent d’associer leur nom à un produit, on peut aisément imaginer que ce type de collaboration est particulièrement coûteux. Dans leur volonté d’être présentées comme des objets de luxe, les marques s’approprient les grands noms du cinéma afin de se distinguer des formats publicitaires classiques.

Refn pour Saint-Laurent, Coppola pour Dior ou Jeunet pour Chanel, le but est moins pour ces publicités d’être réussies (et bien souvent elles ne le sont pas) que de retenir l’attention du public. Au cœur d’un marché saturé par la publicité, ces objets prestigieux sont plébiscités par les médias. Le talent est moins important que la notoriété et l’essentiel est donc de créer l’évènement.

Si tel était le souhait de Prada alors leur pari est réussi.

 
Angélina Pineau
Vers les trois vidéos

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