Wesh, ta Com’ se porte bien ?
Les jeunes, c’est bien connu, ne captent strictement rien à ce qui se passe dans la vraie vie des adultes. Du coup, il faut leur parler comme à des enfants, et adapter sa communication à cette faune étrange et incompréhensible. Parce que clairement, une campagne normale, avec des mots normaux, on ne la comprendrait pas.
Deux secteurs sont particulièrement touchés par ce jeunisme linguistique qui passe rarement à côté d’un énorme flop ; le secteur bancaire, et les campagnes anti-substances plus ou moins louches (drogue, alcool, et autres objets de dépravation). Une publicité de La Poste et son service Bagoo, résume assez bien le casse-tête que représente la jeunesse aux yeux des communicants :
La publicité date de la fin des années 2000 mais conserve sa fraîcheur, contrairement à d’autres publicités plus actuelles qui sont ringardes avant même d’être diffusées. C’est bien simple, les communicants ont beau tous avoir été jeunes un jour, ils ne conservent aucun souvenir précis de cette époque-là. Pour beaucoup de communicants et comme le prouve cette vidéo, il est essentiel de pouvoir se mettre dans la peau de sa cible (attention les jeunes je ne vous parle pas de votre target en boîte de nuit mais bien de cible marketing). Ce changement de peau, ce rajeunissement est rarement une réussite, souvent parce qu’il y a du trop dans à peu près toutes les tentatives.
J’en veux pour preuve plusieurs campagnes plus ou moins récentes.
La Caisse d’Épargne : petit Larousse des expressions désuètes
La Caisse d’Épargne, pour sa nouvelle campagne dans les stations de métro a choisi, entre autre, de s’adresser aux jeunes, intrinsèquement novices dans l’univers de la banque, des finances et de l’épargne. L’idée de départ n’est pas mauvaise : proposer un mot courant et le faire suivre de la définition que donne la banque a ce même mot. Sauf que, et c’est là que j’ai du mal à comprendre, lorsque la banque s’adresse aux jeunes, le vocabulaire proposé n’est pas courant, il est soi-disant djeuns, du genre « halluciner grave » ou « ça déchire ». Mouais. Un parti pris pas vraiment cohérent avec le reste de la campagne qui n’était pas outrancière et qui commençait par ce visuel :
Bien que la définition soit du flou propre au jargon des banquiers, la Caisse d’Épargne n’essaie pas de se faire passer pour un jeunot ou une jeunette. En revanche, dès que jaillissent les expressions prétendument sorties du vocabulaire de notre génération, le ridicule frappe à leur porte. Et le pire, c’est qu’on ne sait pas vraiment qui est ridicule entre :
– Le communicant qui a décidé de placer « halluciner grave » en pensant que c’était d’actualité et resplendissant de jeunesse
– La jeunesse à qui l’on prête ces mots
– Les mannequins sur les photos
Bref, une mauvaise opération de communication, le communicant semble s’être abaissé pour parler aux jeunes qui, de fait ne peuvent se sentir que plus bêtes qu’ils ne le sont réellement. L’idée de départ était bonne, la réalisation est à mon sens un joli raté.
Les communicants doivent eux aussi éviter les substances illicites
Ce qui m’a décidé à écrire cet article n’est cependant pas la campagne de la Caisse d’Épargne, mais l’apparition d’une vidéo, relayée par un ami via Brain Magazine, qui ne peut que faire horreur.
La palme du jour du flop le plus gargantuesque revient sans conteste à la Sécurité Routière. De manière générale, on peut se demander quelle agence fait donc ces campagnes toujours plus ou moins ratées. Revenons à nos jeunes inconscients et emplis « de seum ». Nous avons ici le parfait exemple de ce qui fait TOUJOURS rater une campagne de communication pour les djeuns : essayer de jouer avec leurs (nos) codes et tenter de les imiter, surtout de manière aussi ridicule que celle-là. C’est tellement raté que l’on aurait presque envie de conduire à 5 grammes, histoire de faire un pied de nez à la Sécurité Routière qui semble volontairement vouloir se mettre ses cibles à dos.
Le jeune a un cerveau, par conséquent il est probable qu’il comprenne les mots « Ne pas conduire après avoir bu ». C’est un peu comme si l’on faisait une publicité pour les couches pour bébés en séduisant les parents avec un slogan du style « la cou-couche c’est pour faire popo dedans et en plus ça sent bon ! » Au temps pour ma mauvaise foi.
Vouloir jouer avec les codes sociaux est toujours un jeu dangereux et rarement réussi en manière de communication. En sortant de ses propres codes de langages, on tend à se ridiculiser soi-même et plus encore sa cible. Un peu comme si vous parliez français à un étranger et que vous imitiez son accent ou ses erreurs de grammaire, sans le faire au second degré.
Pour un communicant dans la fleur de l’âge, vouloir se mettre intégralement dans la peau d’un jeune ne peut pas réussir, parce qu’il met en avant un fossé entre deux générations et donne à sa cible l’impression d’être fondamentalement différente et pis encore, inférieure. Alors que s’il lui parle avec un langage neutre, il établira un terrain d’égalité et, plus favorablement, d’entente.
Comprendre sa cible, oui, l’imiter non.
Noémie Sanquer
Sources :
Brain Magazine
La Dépêche
4 thoughts
C'est vrai que ces multiples tentatives de parler "djeunz" sont souvent ratées. Néanmoins, je ne pense pas que la cible de la Caisse d'Epargne soit les jeunes, et c'est justement là l'intelligence de cette campagne !
La réalité, c'est que les complémentaires santé, les comptes bancaires etc … quand on est jeunes, on s'en fout. Ou du moins, on s'en fiche d'être à la BNP, à la Banque Pop ou n'importe quel autre acteur du marché. On laisse maman s'en charger et nous orienter. Et Maman, elle ne comprend pas non plus les jeunes et elle veut une banque / complémentaire santé pour son grand adolescent qui va le comprendre. La Caisse d'Epargne l'a bien compris et c'est pour cela que dans cette campagne, elle ne cible pas les jeunes, mais bien les mères.
C'est vrai que je n'avais pas envisagé les choses sous cet angle-là, mais quoi qu'il en soit les jeunes voient ces campagnes et ne peuvent (à mon avis) que se braquer, se moquer du communicant, ou se sentir ridicules. Je pense aussi qu'il est encore pire de cibler les jeunes à travers leurs parents, mieux vaudrait dans ce cas là sensibiliser les jeunes à l'extrême complexité du système bancaire plutôt que de les infantiliser au maximum ou de les rendre "mineurs" (au sens de Kant dans qu'est-ce que les Lumières ? c'est la seule chose qui me vient à l'esprit même si c'est une référence hyper prétentieuse, je m'en excuse). Les jeunes ont peu de chance de s'intéresser à leur compte en banque si justement on estime que papa et maman doivent s'en occuper pour eux 🙂
PS : ma tendance féministe indécrottable me pousse à signaler que ça peut être les mères OU/ET les pères qui peuvent se charger de ça pour leurs enfants ^^
Je répondais au fait que tu critiquais la Caisse d’Epargne pour leur stratégie ratée. Le rôle de la publicité, c’est de vendre ! Et là, je trouve que c’est plutôt réussi 😉 Rôle éducatif de la pub ou pas, c’est un autre débat.
La stratégie est bonne pour la cible : les mères de famille (ou les pères, ok, mais aujourd’hui, c’est encore les mères qui gèrent les foyers). Les jeunes se moquent de leur complémentaire santé, ne savent probablement même pas ce que c’est (ce n’est pas un mal, j’étais la première à m’en moquer « à l’époque »). Et ils ne vont pas contester le choix de leurs parents, sous prétexte que la publicité était ridicule. Donc stratégie réussie !
De là à dire que c’est infantilisant … Ce n’est pas très grave non plus de ne pas savoir ce qu’est une complémentaire santé à 18 ans. On apprend tous tôt ou tard (généralement, lorsqu’on entre sur le marché du travail), et finalement, on s’en porte bien non ? Sachant qu’avant de travailler, on est quasiment tous rattachés à la mutuelle de ses parents etc … donc c’est « normal » de ne pas être indépendant à ce niveau-là, puisque Papa Maman paient 😉
Le rôle éducatif de la publicité, j'aimerais bien y croire, mais j'avoue, je n'y arrive pas 😉 La publicité ne fait qu'identifier des comportements, aller dans ce sens et répondre aux besoins (ou créer des besoins, mais ça repose quand même sur des insights conso). Elle est plus suiveuse qu’acteur. Et si la publicité doit avoir un rôle éducatif, c’est sur des choses plus importantes que des complémentaires santé je pense !
Sans intention de provoquer hein 😉
Pas de soucis, j'aime les discours constructifs 🙂
J\'avoue que j\'ai un point de vue probablement trop idéaliste vis à vis de ce que peut produire la publicité, mais je m\'efforce de parler de ce qu\'elle devrait être, histoire de voir si on peut changer les choses (et je pense qu\'on le peut !).
Après je trouve que les jeunes choisis pour illustrer les publicités n\'ont pas moins de 18 ans, on parle d\'étudiant, donc de personnes qui vont entrer dans la vie active. En tant qu\'étudiante moi-même, j\'avoue me sentir désemparée face à un banquier parce que justement mes parents ont géré mes comptes jusqu\'à ce que je quitte le domicile familial, et je trouve ça dommage. On peut bien sûr se moquer de ce qu\'est une complémentaire santé, mais je trouve ça toujours mieux de savoir tout de même comme fonctionne le système qui nous entoure. Et je trouve que les jeunes sont très peu sensibilisés à ça, mais je le vois hors d\'une logique publicitaire il est vrai (il est sans doute plus pratique pour une banque que son client ne comprenne rien à ce qui lui est proposé, quoique je ne sois pas cynique au point de penser réellement cela), et légèrement moins pragmatique. Mais je suis jeune c\'est vrai et un brin utopiste 😀
Mais la stratégie est réussie en effet sur un certain point et ton raisonnement en atteste 🙂