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Tous les chemins mènent aux Roms

 

Les Roms et leur intégration : c’est le sujet qui a occupé l’espace public et la scène politique ces derniers temps. La presse ne parlait que de ça, et pourtant le sujet n’est pas nouveau. Déjà Nicolas Sarkozy en avait fait son cheval de bataille pendant son mandat, ce qui peut paraître plutôt convenu pour un Président de droite. C’est pourtant sous un gouvernement de gauche que le sujet a de nouveau cristallisé les tensions. C’est à gauche que l’on a pu observer une levée de boucliers : Manuel Valls, ministre de l’Intérieur en tête, mais aussi Claude Bartolone, président de l’Assemblée Nationale. Pourtant les autres formations politiques ne sont pas en reste : pour critiquer la parole gouvernementale (pour diverses raisons d’ailleurs, suivant que l’on soit plus à gauche ou plus à droite sur le cursus politique) élus et hommes politiques n’ont pas hésité à renchérir : cette thématique de l’immigration ethnique (strictement Rom) a ainsi pris la forme d’une ritournelle entêtante.

Ce sont les propos de Manuels Valls qui ont mis le feu aux poudres, ce dernier ayant déclaré que les « Roms n’avaient pas vocation à s’intégrer ». Pour un Ministre de l’Intérieur socialiste, cette prise de parole politique a fait l’effet d’un coup de poing médiatique comme idéologique. Le discours de Parti Socialiste est habituellement assez complaisant vis-à-vis est de l’immigration (nous ne prenons pas en compte ici la diversité des positions au sein du Parti Socialiste, qui est idéologiquement très divers) : la déclaration du Ministre de l’Intérieur pourrait donc apparaître comme un revirement idéologique opportuniste, à mettre en parallèle avec la popularité exponentielle du discours du Front National, qui le week-end dernier à Brignoles a de nouveau prouvé son efficacité sur un public originellement sensible au discours et aux valeurs de gauche (le maire sortant est communiste). En fait, il n’en est rien. Le mandat de Manuels Valls place Beauvau inaugure un nouveau type de communication et d’exercice de la fonction du « premier flic de France » : face aux dérives de la peur de l’étranger, loi immémorielle en politique, il oppose la force du discours républicain, qui a l’avantage de ne pas être teinté d’une coloration partisane. La République est encore ce qui fait lien chez les Français, eux qui désavouent tant les partis politiques enfermés dans leurs querelles politiciennes. Cette déclaration semble faire l’unanimité dans l’opinion publique : selon un sondage BVA-Le Parisien, 93% des Français jugent que les Roms « s’intègrent mal ». Et pourtant, François Hollande n’a de cesse de chuter dans les sondages, et surtout chez les électeurs de gauche, déjà désabusés par la politique économique libérale du Président socio-démocrate.

Cette déclaration a donc suscité la colère de plusieurs responsables de gauche, dont la Ministre du Logement Cécile Duflot, qui a accusé Manuels Valls de « mettre en danger le pacte républicain », évoquant entre les lignes la promiscuité du discours gouvernemental avec le discours frontiste. Là encore, selon un sondage BFM, 2/3 des Français soutiendraient les propos de Valls face à ceux de Duflot. Les responsables du Front de Gauche ont aussi fustigé les propos du ministre de l’Intérieur, répondant par le projet d’ouverture d’un village d’insertion pour Roms dans le très chic XVIème arrondissement. Si à gauche on essaie d’investir le débat sur le plan idéologique, pour exister dans l’espace public et faire valoir une certaine force de proposition, à droite et au centre, on dénonce l’opération de communication. C’est par exemple le cas de Christian Jacob, chef de file des députés UMP, qui suite au recadrage des ministres par Hollande (celui-ci invoquant le « principe de solidarité » qui doit prévaloir au gouvernement) a raillé l’intervention du Président qui, selon lui, n’a que vocation à mettre fin à la polémique sur les Roms qui a opposé ses deux ministres :

 « On est là pour y traiter les affaires de la France. On n’est pas là pour trouver la motion de synthèse entre les différentes sections du PS qui sont en train de s’affronter. »

Denis Broliquier, maire UDI du 2ème arrondissement de Lyon, a quant à lui, accueilli avec soulagement le soutien du maire socialiste Gérard Collomb à Manuels Valls, officialisé par sa participation à une tribune publiée dans le JDD dimanche 6 octobre. Cependant, selon lui, « la communication ne fait pas l’action. Il est grand temps de sortir des gesticulations médiatiques qui tentent de rassurer à l’approche des élections municipales ».

En effet, à l’approche des municipales, il est certain que nous n’avons pas fini d’entendre parler des Roms. Nous avons tous vu passer sur nos fils d’actualité des réseaux sociaux ces articles mettant en valeur la réussite de jeunes filles Roms (qui ont acquis la nationalité française ou ont pu faire de grandes études à la Sorbonne). Hommes politiques, élus, journalistes, parlementaires, intellectuels, opinion publique : tout le monde ne parle que des Roms. Les municipales, qui sont habituellement des élections qui mobilisent sur un programme, s’annoncent donc riches en contenu et en proposition…ou ne seront qu’une vaste campagne de communication, où chaque candidat se contentera de réagir aux propos des autres. On ne peut qu’espérer qu’il en aille autrement.

 
Laura Garnier
Sources :
RTL.fr (http://www.rtl.fr/actualites/info/politique/article/roms-jacob-denonce-l-operation-de-communication-derriere-le-recadrage-de-hollande-7765055177)
Mlyon.fr (http://www.mlyon.fr/108123-roms-a-lyon-la-communication-de-valls-et-collomb-ne-fait-pas-l-action-selon-broliquier.html)
Libération (http://www.liberation.fr/societe/2013/10/02/nous-avons-peur-non-pas-des-roms-mais-de-leur-ressembler_936559)

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