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MEDIAPART ET LES AUTRES (PART 2/2)

 

Hier nous avons vu comment le modèle industriel de masse permit à la presse française de conquérir les foules et de connaître ce faisant, son âge d’or de 1870 à 1939. Néanmoins, celui-ci ne fonctionne plus aussi bien aujourd’hui. Les chiffres de diffusion payée se sont effondrés depuis 1947, suite à la diminution du lectorat des titres explicitement destinés aux classes populaires d’une part, et à la baisse de l’attrait des annonceurs pour la presse écrite.

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Aux antipodes de ce système, Mediapart refuse d’accueillir une quelconque forme de publicité, ne perçoit aucune subvention étatique, et son capital est aux mains des seuls journalistes qui y participent. Le site ne vit que des recettes générées par les abonnements de ses lecteurs qui représentent 95% de son chiffre d’affaire (le reste vient de la vente de contenus à l’unité), loin devant les 20% de moyenne de ses concurrents.

Il aura fallu trois ans au site pour devenir rentable. En 2013, le site a dégagé plus d’un million d’euros de bénéfices, pour un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros, là où Libération essuie une perte nette de 1,3 millions d’euros. Faut-il pour autant en conclure à l’obsolescence du modèle girardien ? Pas sûr.

Quoiqu’il en soit, Mediapart estime – à raison – tirer de cette situation, une indépendance sans pareille, et c’est sur cette dimension que s’axe l’ensemble de la communication du site, comme on peut le remarquer dans leur dernière campagne.

Viralité antisystème conjoncturellement maximisée

Intitulée « A qui appartient votre journal ? » cette campagne se compose d’un spot radio, et d’un spot TV de 30 secondes qui seront tous deux diffusés à partir du 16 janvier, et pour une durée de trois semaines.

Toutefois si la date de départ de ladite est campagne est officiellement fixée le 16 janvier, quelques prémices avaient été publiées dès le 13 janvier sur Vine via un compte Twitter crée pour l’occasion.

Le support Vine a été manié avec adresse. Jusque-là les marques qui ont eu recours à ce support l’ont essentiellement fait sous l’angle du brand-content. A l’inverse TBWA est parvenu à se servir des six maigres secondes que lui offrait ce support pour faire passer un authentique message publicitaire.

« Mediapart est à part et l’assume ». Déjà en 2008, deux mois après son lancement, le ton était le même. Mais le discours est aujourd’hui mieux maîtrisé, et surtout ce-même discours est aujourd’hui susceptible d’avoir un impact beaucoup plus important, tant en terme de mémorisation et d’augmentation du capital sympathie du média, qu’en terme de viralité.

La conjoncture aidant, la sensibilité du public aux messages militants, un brin antisystème, est accrue. Leclerc, MAIF, Free, ou encore Intermarché l’ont d’ailleurs bien compris. Toutefois la différence en matière d’information, c’est que cette-dernière se prête bien plus volontiers au partage. Ce partage, conçu par l’internaute comme un geste citoyen, conscient et revendicatif, le met à l’aise, lui donne l’impression d’agir contre les maux de sa société. On peut donc s’attendre à une certaine viralité de cette campagne, qui a par ailleurs avoir été conçue dans cette optique, comme le rappelle Mediapart :

« Pour vous qui êtes attachés à ce journal, à ses contenus de qualité, à ses espaces participatifs, à l’indépendance qui réunit ici journalistes et lecteurs, et à notre succès collectif au nom de cette indépendance, cette campagne est aussi la vôtre. N’hésitez pas à vous en emparer (…) nous n’avons pas d’autre moyen de nous faire connaître que le soutien de nos lecteurs, l’abonné faisant l’abonné par sa recommandation auprès de nouveaux lecteurs potentiels. Une page spécifique est donc dédiée sur Internet à cette campagne pour que vous puissiez la partager auprès de vos amis, relations et parents ».

Reste maintenant à savoir si Mediapart parviendra à atteindre l’objectif (affiché) qui était le sien avec cette campagne : passer de 83.000 abonnés à plus de 100.000, pour « mettre Mediapart définitivement à l’abri des aléas et des accidents ».

 
Teymour Bourial
Sources :
I. Chupin, N. Hubé, N. Kaciaf, Histoire politique et économique des médias en France, Repères, 2012
Direction du Développement des Médias
Le Figaro
Le Figaro
Communiqué Médiapart 2008
Mediapart
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