Politique

Le sport, les jeux olympiques et la communication politique

 

Certains grands événements sportifs sont entrés dans l’histoire des relations internationales, que ce soit parce que leur déroulement a été l’occasion d’affrontements et de revendications politiques, ou parce qu’ils ont eux-mêmes créé l’événement. La Coupe du Monde de football ou les Jeux Olympiques en sont les exemples les plus marquants puisqu’ils se chargent de valeurs symboliques et quasi chevaleresques : sont ainsi célébrés l’honneur et le devoir (de faire rayonner son pays à l’étranger).
Les représentants des pays, en s’appuyant sur la puissante capacité fédératrice du sport, ont donc fait du geste sportif un outil de communication politique – voire de propagande. Mais cela ne va-t-il pas à l’encontre des valeurs sportives, telles que la neutralité et la gratuité du geste ?

La communication par le sport

La communication par le sport apparaît être un moyen très efficace de transmettre des idées, puisque le sport a l’aptitude de fédérer les foules tout en étant chargé de valeurs généralement positives. Les villes ou pays candidats rêvent d’organiser un méga-événement sportif comme le Super Bowl ou les Jeux Olympiques puisqu’ils ont un impact économique majeur sur la région qui accueille, tout en augmentant son attractivité.

L’événement sportif est aussi et surtout un événement médiatique : ainsi 3 milliards de téléspectateurs ont regardé la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi, vendredi 7 février dernier. En tant que tel, le sport est un indicateur des relations politiques internationales. Hélène Dumas s’est intéressée par exemple aux liens entre le génocide rwandais de 1994 et le football, sport implanté par les missionnaires et réservé aux Tutsi. Les stades étaient devenus de véritables tribunes politiques et c’est là que les milices populaires se sont formées. Le sport et la politique s’imbriquent donc aisément, ce que les Etats ont pris en considération.

Le cas particulier des jeux olympiques

Les Jeux Olympiques sont le symbole paroxystique de cette communication politique qui s’incarne via le sport. Cet événement est politique, depuis ses débuts (Pierre de Coubertin a recréé les Jeux dans le contexte revanchard français post-défaite de 1870) jusqu’à son actualité sous tension à Sotchi, en passant par les grands moments du XXème siècle. Le retentissement médiatique promis par les Jeux a contribué à en faire une véritable tribune politique.

Pour les sociologues Elias et Dunning « Les JO permettent aux représentants des différentes nations de s’affronter sans s’entretuer » (Sport et civilisation, la violence maîtrisée). Les Jeux sont en effet l’occasion de communiquer très largement des idées politiques. Ainsi à Mexico en 1968, avec en toile de fond la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis, les sportifs noirs Tommie Smith et John Carlos ont levé vers le ciel un poing ganté de noir lors de l’hymne américain. Cela a été interprété comme un geste de soutien au mouvement politique afro-américain des Black Panthers et les coureurs ont été exclus des Jeux.
Le Comité international olympique (CIO) a beau se targuer d’apolitisme, l’on ne peut que remarquer toute la portée politique des choix du CIO, étant donné que les JO sont porteurs de valeurs de paix et d’union Grèce au sport et ce depuis l’antiquité, ils ne sont pas censés être une chaire politique.

Le pari Sotchi

L’actualité nous présente un autre exemple du sport utilisé comme outil de communication politique. Les 22èmes Jeux Olympiques d’hiver se déroulent à Sotchi, station balnéaire russe située sur les bords de la Mer Noire. En se lançant dans ce projet pharaonique (avec 37 milliards d’euros, ce sont les Jeux d’hiver les plus chers de l’histoire), le président russe entend donner l’image d’un pays qui s’exporte. Mais, sur fond d’oppression des minorités, de scandales de corruption et de tensions nationalistes, c’est un pari qui semble bien risqué.
Organiser les Jeux est pour la Russie une aubaine communicationnelle puisqu’il s’agit de mettre en scène le retour du pays dans la plénitude de sa grandeur, en s’inscrivant dans une vision quasi tsariste de la grandeur russe. Mais encore faut-il bien maîtriser son organisation et sa communication, ce qui ne semble pas être le cas. En effet, les moqueries sur l’organisation des Jeux sont devenues récurrentes sur le Web, notamment sur Twitter (avec l’usage du hashtag #SochiFails ou #SochiProblems).
Malgré la magnificence de la cérémonie d’ouverture, les paillettes de Sotchi ne feront pas oublier l’envers du décor : un saccage environnemental et une menace terroriste (confirmée par les attentats récents de Volgograd). Plus largement, cet événement n’occulte pas le marasme économique qui frappe la Russie ou les controverses actuelles, telles que la loi « antigay » ou les manifestations en Ukraine.
Si de nombreux chefs d’Etat n’ont pas assisté à la cérémonie d’ouverture (Merkel, Cameron ou Hollande), aucun ne s’est prononcé en faveur d’un boycott, comme l’auraient souhaité plusieurs ONG. La France par exemple sera représentée par la ministre des Sports, Valérie Fourneyron, pour qui « le boycott n’est pas une bonne solution ». Elle affirme qu’il peut être plus utile, pour faire avancer la cause des droits de l’homme, de se rendre aux Jeux car ils « sont un moment où on peut obtenir des avancées politiques. Cela s’est produit en Chine et, on l’a encore vu en Russie ces dernières semaines avec des libérations d’opposants au régime ». Le véritable enjeu de Sotchi ne serait-il pas alors plus politique que sportif ?

Jeux olympiques Sotchi Poutine

Le sport est donc l’occasion de communiquer positivement via du divertissement. Il n’est plus seulement une activité de proximité mais devient un spectacle mondial et un outil au service de la communication politique. En raison de leur symbolique historique et de leur retentissement médiatique toujours plus conséquent, les Jeux Olympiques sont le paroxysme de ce credo. Ils deviennent un lieu d’expression des rapports de force internationaux et par conséquent, un vivier très intéressant de communication.
On peut donc considérer que cette utilisation communicationnelle et politique est une dérive supplémentaire du sport. Néanmoins, compte tenu de l’extraordinaire médiatisation des JO, on peut espérer qu’un tel événement engendre des avancées politiques.

 
Lucie Detrain
Sources
RFI
Challenges
Lesreceptionstendances

Tags:

Laisser un commentaire