Vladimir Poutine
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Vladimir Poutine, tsar des temps modernes ?

 

Qualifié par beaucoup d’ « homme de l’année 2013 », Vladimir Poutine semble définitivement avoir le vent en poupe.

Un récent sondage du Centre Russe d’Etude de l’Opinion publique – organisme indépendant, précisons le –  révèle en effet que 69% de la population russe approuve à ce jour la politique de Vladimir Poutine, aussi bien intérieure qu’extérieure.  Le président russe atteint ainsi dans son pays sa plus haute côte de popularité depuis le début de son troisième mandat, en 2012.  Les populations européennes semblent également éprouver une certaine sympathie pour le président russe. Ainsi, même si seuls 14% des Français affirment avoir une bonne opinion de lui d’après l’institut BVA et même si 72% déplorent son rôle au sein de  la scène internationale, 56% estiment pourtant qu’il défend efficacement les intérêts de son pays.

Suite aux nombreuses incartades récemment commises par Poutine – comme la persécution des écologistes russes pendant les JO de Sotchi ou encore l’invasion de la Crimée, pour ne citer que cela -,  et la situation économique relativement désastreuse de la Russie, on est alors en droit de s’étonner et de s’interroger sur les ressorts de cette popularité, à la fois nationale et internationale.

Rien de très original à première vue : comme tout dirigeant qui se respecte, Vladimir Poutine maîtrise à merveille les codes les plus classiques de la communication politique.

Le storytelling fait ainsi partie intégrante de la stratégie mise en œuvre par le chef du Kremlin, qui tente par là d’apparaitre comme un homme hors du commun, un mâle absolu doté d’une force et d’une habileté extraordinaires. On le retrouve ainsi tour à tour conducteur d’une Formule Un dépassant les 250 km/h, cavalier torse nu montant un cheval au galop en plein cœur de la Sibérie, homme-grenouille brandissant fièrement des amphores miraculeusement retrouvées par ses soins dans les eaux de la Mer Noire ou encore guide d’un vol de cigogne fraîchement remises en liberté depuis un ULM. Ajoutons à cela qu’il se présente comme un homme ayant gravi les marches du pouvoir grâce à sa seule volonté de fer, comme en témoigne par exemple son livre autobiographique A la première personne, recueil d’interviews paru en 2000 dans lequel il explique consciensieusement être sorti de la misère de la kommounalka –  c’est-à-dire un appartement communautaire – dans lequel il vivait enfant grâce à son investissement démesuré dans le judo.

Raillé par les élites russes de Moscou ou de Saint-Pétersbourg pour ces constantes mises en scènes, Poutine fascine et ensorcelle pourtant les populations de la Russie reculée par cette maitrise affichée et exhibée de son corps et de son esprit, se présentant ainsi comme un modèle de réussite sur lequel prendre exemple.

Mais la véritable force de la stratégie de Vladimir Poutine semble tenir dans sa maîtrise incomparable de la rhétorique des blessures présentes et passées de la Russie.

On peut ainsi remarquer son utilisation fréquente mais subtile de la rhétorique de la persécution lui permettant de retourner les attaques de ses opposants à la fois nationaux et internationaux à son avantage en jouant sur le passé douloureux de la Russie, sur sa perte de crédibilité suite à la chute de l’URSS en 1991 et sur la honte que cela a entraîné pour le pays. L’analyse du cas des JO de Sotchi peut ainsi se révéler édifiante : le monde entier semblant penser impossible le bon déroulement de ces jeux du fait de leur pays d’accueil, ces JO et leur succès constituèrent un moyen efficace pour Poutine de souligner auprès du peuple russe qu’en dépit de la piètre image – supposée – de la Russie au niveau international, celle-ci était capable de relever un défi tel que l’accueil de Jeux Olympiques de manière aussi satisfaisante que d’autres pays, et donc de jouer sur un certain nationalisme afin de rassembler le peuple russe derrière lui.

De manière plus générale, on peut remarquer  que Poutine tente en permanence de se présenter comme l’homme capable de restaurer la souveraineté de la Russie face aux Etats-Unis, ainsi que comme la véritable incarnation d’une opposition crédible au système capitaliste, les esprits russes étant toujours marqués aujourd’hui par la « thérapie du choc » néolibérale imposée par l’ex-président Boris Eltsine et des institutions telles que la Banque Mondiale ou le FMI entre 1992 et 1999, qui avait entre autre provoqué une diminution de 50% du PIB russe et une baisse significative de l’espérance de vie dans le pays. Le chef du Kremlin représenterait alors en quelque sorte une incarnation idéalisée d’une utopie altermondialiste. C’est peut-être en cela que l’on peut expliquer l’admiration d’une partie du peuple russe à son égard, et les qualités que lui prêtent une partie des populations européennes. Le caractère autoritaire du régime de Poutine participe néanmoins également à lui conférer cette image, chaque détail pouvant contribuer à l’entacher étant soigneusement écarté et caché par le régime. Par exemple, sa fortune estimée à 40 milliards de dollars.

 
Héloïse Lebrun-Brocail
Sources
BVA
LeFigaro
Métapoinfos
RBTH
SpécialInvestigation
LeMonde

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