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Un faux porno en peer to peer : un (Bit)torrent de succès pour Diesel!

 

Difficile d’imaginer comment une marque telle que Diesel, dont les campagnes de publicité sont le plus souvent provocantes et irrévérencieuses, pourrait s’exporter en Chine, où la censure demeure l’une des plus restrictives au monde. Et pourtant, la marque italienne a réussi à contourner la censure en se livrant à un exercice inédit : proposer au téléchargement la campagne Erotica Spring Summer 2014 sur…. BitTorrent.
La marque, célèbre pour ses jeans et ses campagnes scandaleuses, a fait appel à l’agence Fred & Farid pour mettre en place cette opération qui frôle l’illégalité. L’agence a décidé d’esquiver la réglementation chinoise, très stricte en ce qui concerne la pornographie, en utilisant comme plateforme de lancement de sa campagne le logiciel de téléchargement peer to peer Bitorrent, mine d’or des films pornographiques. Et puisque les italiens sont ceux qui passent le plus de temps sur Youporn, c’était l’occasion de passer de l’autre côté de la caméra. La vidéo, au nom plus que suggestif apparaît à première vue comme un film porno italien. De quoi déchaîner les téléchargements des chinois en quête de sensations exotiques et maximiser l’exposition de cette campagne ultra-sexy au pays du soleil levant.

La vidéo met en scène la rappeuse Brooke Candy, qui s’avère être une ancienne danseuse érotique, ainsi que le mannequin Tessa Kuragi. Les deux beautés torrides jouent de leur charme autour d’une barre de pole dance, arborant des sous vêtements sexys, qui font référence au vestiaire bondage ou sado-masochiste. L’esthétique noir et blanche ainsi que la lumière rasante et tamisée, créent une atmosphère en clair-obscur de club de strip-tease lynchien. Et pourtant, la vidéo n’est en rien un film pornographique, un clip erotico-fashion tout au plus. Alors comment expliquer cet engouement qui a entraîné 60 000 téléchargements, 5000 reposts et 2000 commentaires ?
Brooke-Candy-Diesel-1

Si Diesel n’a pas eu besoin de montrer des scènes de sexe crues et explicites pour attirer l’attention de l’internaute chinois, c’est car la marque s’est appuyée sur la solide réputation et la culture liée au format. Il a suffit à l’agence Fred & Farid de frapper au bon endroit pour déclencher la viralité de la campagne. Excitant et illégal, télécharger sur BitTorrent est, pour un chinois, un moyen de vivre malgré la censure,et tout simplement, un moyen d’avoir accès à une bibliothèque idyllique de sexe en tout genre. Alors même si l’ingrédient « sexe » n’est pas réellement explicite dans Erotica, la plateforme BitTorrent a parlé d’elle même aux internautes qui ont fait le reste du cheminement mental!

Mais cette campagne revêt une dimension plus profonde qu’un simple coup de pub. Elle s’inscrit involontairement dans une dynamique de lutte contre la censure de la pornographie chinoise. De fait, en Chine, la pornographie est tout simplement interdite. Face à cela, on voit émerger le porno « made in China », une culture alternative du sexe en ligne, entre description des activités sexuelles de chacun et vidéos pornographiques amatrices. C’est ce sur quoi les recherches du professeur Katrien Jacobs, ont porté dans son livre « Pornographie du peuple : sexe et surveillance sur l’Internet chinois ». Et oui, le cyberactivisme pour défendre les droits de l’homme, ça peut aussi passer par le porno!

Ce qui est certain, c’est que Diesel a réussi un tour de force avec cette campagne de publicité. Habituée de puis toujours à jouer la carte de la provocation à travers des campagnes toujours plus choquantes les unes que les autres, la marque avait déjà , par le passé, eut affaire au registre de la pornographie. On se souvient entre autre de cette vidéo parodique (extralink :)qui croisait avec humour film porno vintage et dessin animé.

Si ces opérations ne sont pas au goût de tous, elles ont le pouvoir d’attirer les regards et de faire le buzz. C’est pourquoi, malgré les critiques et le accusations, Diesel, depuis 1991, ne cesse de nous provoquer en diffusant l’image d’une femme facile, stupide… mais sexy. Hier, la marque revendiquait la stupidité avec sa campagne « Be stupid », aujourd’hui elle utilise un logiciel illégal pour diffuser du faux porno, jusqu’où sera-t-elle prête à aller ?

Hélène Carrera

Sources
Rue89
LADN
Darkplanneur

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