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« L’Europe, l’Europe, l’Europe ! »

 

Alors que les élections européennes du 25 mai prochain approchent à grand pas, une seule question semble encore dominer les débats : celle de l’intérêt qu’y portent les Français. Car même si selon un récent sondage 62 % d’entre eux se déclarent prêts à aller voter, les motivations exprimées restent dans le détail beaucoup moins rassurantes.

Le sacre de l’euroscepticisme ?

Il semble en effet que ces élections annoncent le triomphe d’un repli national déjà bien engagé depuis la crise économique. Ainsi, ce sont seulement 25 % des électeurs qui pensent que ce scrutin changera quelque chose à la situation de la France.
La montée en puissance du Front national en témoigne, avec en particulier le paradoxe de voir que c’est le parti le plus anti-européen qui, avec plus de 20% des intentions de vote, va certainement être la première force politique de ces élections.
Pourtant, à y regarder de plus près, cet euroscepticisme n’est le fait que d’une poignée de pays (France, Royaume-Uni, République tchèque, Pologne ou Danemark) seulement, et c’est bien l’alliance des partis de gauche et des écologistes qui devrait rester majoritaire en nombre de sièges au Parlement.
Plus qu’une approbation aux idées eurosceptiques, il semblerait donc que le discrédit des élections européennes vienne d’ailleurs.

Une communication particulièrement défaillante

 En effet, si la nationalisation des votes est une des raisons principales de ce désamour vis-à-vis de l’Union européenne, il faut aussi noter qu’elle se nourrit d’une communication des partis politiques particulièrement défaillante.

 Cela est spécialement vrai pour le Parti socialiste qui pâtit avant tout des mauvais résultats de François Hollande, 21 % des français annonçant ainsi que leur vote aux élections européennes servirait avant tout à sanctionner le gouvernement. Gouvernement qui avait d’ailleurs lui-même bien mal préparé le terrain lors du dernier remaniement, avec la nomination très contestée du « cancre » Harlem Désir comme Secrétaire d’État aux affaires européennes.

 De son côté, l’UMP souffre de divisions récurrentes, Laurent Wauquiez et Henri Guaino ayant eu la bonne idée de publier dans le Figaro, au lendemain du lancement de la campagne par le Parti, une tribune signée par 40 parlementaires pour « tout changer » en Europe. Une initiative traduisant les amertumes nées de la constitution des listes, et notamment de la nomination d’Alain Lamassoure comme tête de liste d’Île-de-France. Ces problèmes venant d’ailleurs s’ajouter à l’affaire Bygmalion, qui resurgit au plus mauvais moment, jetant un peu plus le discrédit sur le parti, par l’intermédiaire d’un de ses chefs, Jean-François Copé.

 Enfin, et c’est peut-être plus inquiétant, même l’UDI et EELV pourtant connus pour être les plus européens des partis français, ne semblent pas parvenir à gagner la confiance des électeurs. Dans le premier cas, cela est dû à un semblant de désorganisation que focalise la maladie et le retrait récent de Jean-Louis Borloo, tandis que dans le deuxième cas, ce sont des choix de communication peu judicieux qui portent tort au parti (voir article précédent: http://fastncurious.fr/flopsalappui/quand-les-verts-capotent.html/).

Le rôle des médias : les dangers de l’effet loupe

Mais si ces difficultés existent, on peut toutefois questionner in fine le rôle décisif que semblent jouer les médias. On peut ainsi se demander dans quelle mesure leur focalisation sur des querelles nationales, doublée d’un désintérêt assez marqué pour les élections européennes, n’est pas ce qui conditionne en grande partie la vision négative des électeurs.
Il apparaît en effet très difficile pour les électeurs d’appréhender le rôle et les enjeux réels de l’UE, quand France Télévisions ne diffuse même pas le débat du 15 mai dernier pour la Présidence du Parlement. De même, il est certainement tout aussi difficile d’accorder du crédit à nos élus, alors que les chaînes de télévisions nous rappellent à loisirs le taux d’abstention de certains d’entre eux.
Enfin, et c’est là que l’effet loupe est le plus pervers, il semble très compliqué de se rendre compte que l’euroscepticisme est loin d’être dominant, alors que la montée du Front national monopolise l’attention et les débats.
Bizarrement, ces élections présentent donc le dangereux paradoxe de ne pas être très médiatiques, tout en étant le pur fruit de la communication ; une communication malheureusement centrée sur la forme et le cadre national, et qui tend à oublier le fond et les enjeux européens.
Il serait alors peut-être temps de se souvenir de la célèbre phrase du Général de Gaulle, pour se rappeler que l’Europe n’est pas une abstraction mais bien un débat d’idées à même de conditionner notre avenir :
« On ne fait pas de politique autrement que sur des réalités. On peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « l’Europe, l’Europe, l’Europe », mais ça n’aboutit à rien, et ça ne signifie rien. »

Grégoire Larrieu

Sources :
Latribune.fr
Lesechos.fr

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