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Société

Les jeux multi-joueur : le prix de la gratuité

The Elder Scrolls Online, MMO issu de la célèbre saga de Bethesda, vient de renoncer au format économique de l’abonnement mensuel, après son intronisation tapageuse qui débouche sur un bilan plus mitigé.

Face au multi-joueur se dressent des obstacles nouveaux : des consommateurs qui ont bien l’intention de tirer parti de l’offre surabondante, une concurrence asiatique très active, nourrie également par quelques géants scandinaves et américains, et une communauté de plus en plus exigeante, avec de nouvelles habitudes de consommation.

Le produit payant, un modèle de consommation menacé d’obsolescence ?

Le modèle d’abonnement mensuel, incarné par l’emblématique World Of Woarcraft (Blizzard), est en crise. Fort de ses dix années d’ancienneté, de son caractère et de sa communauté composée de plus de dix millions de joueur, Blizzard s’est taillé une place de choix sur le marché et a su garder sa place de leader, s’assurant un quasi monopole pendant une longue période. Néanmoins, de grands noms comme Eve Online parviennent à s’insérer sur le marché, en lançant un challenge à ses joueurs : payer l’abonnement, ou gagner le droit de jouer gratuitement par la performance. Allant plus loin dans la guerre des prix, le précurseur d’un mouvement pérenne, Guild Wars II, propose un modèle de paiement plus souple : le consommateur paie le produit de base, et dispose ensuite d’un temps de jeu illimité. En revanche, les mises à jours importantes sont payantes.

La norme aboutie de cette évolution : le modèle free-to-play. Ce modèle est à distinguer du freemium : même si ces deux phénomènes surfent sur la même dynamique, ils ne répondent pas à la même politique. Le freemium, également connu sous le nom de pay-to-win, est, comme son nom l’indique, la possibilité de bénéficier d’un régime de jeu facilité par le biais de l’achat. En d’autres termes, ce système permet d’améliorer ses performances sans fournir le moindre effort.

Le modèle free-to-play n’est pas nécessairement freemium. Il repose essentiellement sur une donnée délicate : l’envie de personnalisation. Il s’agit d’acheter du contenu individualisant destiné à sse démarquer des autres joueurs, mais qui n’a aucune influence sur les performances du jeu.

Si le modèle économique a changé, c’est parce que le consommateur s’est également métamorphosé. Moins fidèle, plus impératif, il papillonne d’un échantillon à l’autre sans s’attarder, et surtout, sans s’engager financièrement. Ou du moins, pas sans contrepartie immédiate. La nouvelle cible des studios de développement ne manque pas tant d’argent que de temps.

Lorsque Edouard Rencker évoque le postulat d’un produit prêt à être consommé à la seconde où il est désiré, avait-il à l’esprit le prodigieux essor du cash shop ? En somme, le consommateur achète un jeu paramétré pour lui, ses goûts, son emploi du temps. Cela n’est pas sans rappeler cette obsession générale dela consommation personnalisée…

Et c’est dans ce contexte que The Elder Scrolls Online s’élance sur le marché, la bataille perdue d’avance.

one does not simply play league of legends for free

Le brand content, fer de lance du free-to-play

Surfant sur cette tendance de l’ultra-personnalisation, du gain de temps et de cette réticence à s’engager, un nouveau genre de jeu multi-joueur a vu le jour : le jeu gratuit. Au départ lancé par de nombreux MMO coréens, ce modèle connait une croissante fulgurante, multipliant les prouesses graphiques et les promesses d’inédit. Le principe est simple : il suffit de télécharger. Il est tout à fait possible de progresser et de profiter de la richesse du jeu sans débourser un centime.

Seulement, le joueur finit par payer. Comment arriver à persuader un joueur de payer s’il n’en a pas besoin ? Si on laisse de côté le système freemium, qui joue sur le gain de temps en utilisant le classique procédé de l’appât, tout le pouvoir de persuasion du free-to-play joue sur le désir de personnalisation. Reposant sur un des piliers du marketing, qui consiste à faire perdre de vue ses repères rationnels au consommateur pour l’amener sur le terrain de l’émotionnel, cette stratégie s’appuie sur un community management à l’écoute et le développement du brand content. Un bon exemple de cette stratégie est Blizzard, initiateur de conventions très médiatisées mêlant cosplay, démonstrations, promotions commerciales et festivités.

Cependant, le maître du brand content est probablement Riot, le producteur de League of Legends, égérie de l’e-sport.

Ce court-métrage produit par Riot bénéficie d’une bande-son créée spécialement pour l’occasion, et accumule quelques 5 000 000 de vues en trois jours sur la page Facebook de League of Legends.

Le jeu lui-même n’a rien à voir avec l’expérience audio-visuelle que représente cette vidéo, le seul lien étant l’un des personnages du jeu qui est mis en valeur par ce mini-film. Ainsi, la marque créé du contenu sans changer son support de base, ce qui représente pourtant une véritable valeur ajoutée pour celui-ci.

En plus de faire l’étalage des indéniables talents de la direction artistique de Riot, cette vidéo est porteuse d’un fort contenu émotionnel qui, pour tout joueur potentiel, est désormais connecté au jeu lui-même, facilitant la décision d’achat de contenu facultatif…Comme payer 4,99 euros pour débloquer le héros de cette vidéo. Cette stratégie marketing apparaît redoutable : ce jeu, pourtant free-to-play, est le premier mondial avec 67 millions de joueurs en 2014…et 946 millions de dollars de chiffre d’affaires la même année.

Pour parachever ce triomphe du modèle économique free-to-play, il faudrait y ajouter le facteur gain de temps… League of Legends, bientôt sur vos smartphones ?

Marguerite Imbert

Sources :
facebook.com/leagueoflegends
jeuxvideos.com
generation-nt.com
millenium.org
gameblog.fr
Crédits photos :
wccftech.com
quickmeme.com

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