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Société

"Coexist", le street-art militant

Un slogan pacificateur et universel

En 2001, à l’occasion d’un concours organisé par le musée socio-politique d’art contemporain de Jérusalem (the Museum on the Seam) autour du dialogue et de la tolérance, le graphiste polonais Piotr Mlodozeniec invente le logo « Coexist ». Ce mot-slogan est formé par les symboles des trois religions monothéistes, respectivement, le croissant de l’Islam, l’étoile de David et la croix du christianisme, formant le C, X et T de « Coexist ». L’artiste ne dépose aucun droit sur cette création, la léguant ainsi au domaine public. En effet, il souhaite qu’elle puisse être diffusée dans le monde entier comme message de paix.

Les plus férus de musique n’auront pas manqué de remarquer que Bono et ses acolytes irlandais se sont appropriés ce symbole lors de leur Vertigo Tour en 2005.

Combo, le digne héritier parisien

Son aspiration trouvera du sens à travers l’œuvre du graffeur parisien Combo. A la suite des attentats qui ont visé Charlie Hebdo en janvier dernier, on peut voir fleurir sur les murs de la capitale l’apophtegme. Un de ses auteurs, Combo, un jeune artiste français de 28 ans « ne cherche pas à défendre la religion, mais les gens souffrant des préjugés concernant leur religion » confie-t-il à l’hebdomadaire Elle. On peut parfois apercevoir sa silhouette, vêtue d’une djellaba, dessinée aux côtés du slogan. Pourtant, le 30 janvier dernier, ce n’est pas ses dessins qui ont été pris pour cible mais bien le graffeur lui-même. Victime d’une violente agression après avoir refusé de retirer son affiche, il parvient à s’en tirer sans blessures graves et devient un symbole de la liberté d’expression.

Combo n’en est pourtant pas à son coup d’essai. En 2014, il effectue un voyage à Beyrouth où il initie une campagne de « Dji-art ». Le procédé est simple et déclinable à l’infini, il détourne les images utilisés par Daesh pour mieux renverser leur propagande. « Moins de Hamas, plus de Houmous » peut-on lire sur un mur de la capitale libanaise. Ancien publicitaire, il maitrise la rhétorique des catchphrases, les murs sont ses terrains d’expression engagée, car engagé il l’a toujours été.
Le 8 février, sur le plateau du Grand Journal, il lance une campagne d’affichage baptisée « Coexistons » et donne rendez-vous à l’Institut du Monde Arabe pour une distribution d’affiches destinées à être placardées sur les façades parisiennes. Les volontaires présents sont d’autres graffeurs mais aussi des communicants, des enseignants ou encore des étudiants. L’initiative est encouragée par le maitre des lieux, Jack Lang, et l’IMA revêt le premier « Coexist » de la matinée.
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Combo fait aussi remarquer que depuis les attaques terroristes de janvier, ses messages ont une durée de vie raccourcie et sont effacés en quelques jours par la Mairie, alors qu’ils pouvaient subsister plus de deux ou trois mois auparavant.
Dernière création en date, réalisée le jour de la Saint-Valentin, deux personnages – un juif et un musulman – en train de s’embrasser. A côté on lit le tag “Love is blind. And religion can blind us.”
L’idée, encore une fois, est de faire réfléchir, ici autour de l’homosexualité et de la religion, de casser les stéréotypes. L’image est forte et n’est pas sans rappeler le « baiser fraternel » échangé entre Leonid Brejnev et Erich Honecker, dessiné sur le mur de Berlin par l’artiste russe Dimitri Vrubel.
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Un phénomène amplifié par l’actualité

Paris n’est pas un cas isolé, le phénomène est repris par-delà les frontières. Le graffeur raconte qu’il a reçu des photos de Bordeaux, Chicago, Boston. Il suffit de télécharger le slogan et chacun peut alors lui aussi diffuser le message.

Lors des manifestations qui ont suivi les profanations de cimetières juifs dans le Bas-Rhin cette semaine, on retrouvait là aussi le fameux « Coexist » sur les banderoles.
Si ce crédo connait un tel succès, c’est parce qu’il tend à concerner la plupart des conflits géopolitiques actuels, à apaiser les tensions croissantes liées à la religion. L’action est symbolique et pacifique et l’on peut se demander dans quelle mesure elle parvient à éduquer les pensées, et à lutter contre les déchainements de violence commis au nom de la religion. Au-delà de ce message, le street-art, engagé par essence, représente un terrain d’expression virale et impactant, autour duquel la réflexion est toujours intéressante.

Thelma Cherpin

Sources :
elle.fr
observers.france24.com
lemonde.fr

Crédits photos :
observers.france24.com
culturebox.francetvinfo.fr
observers.france24.com

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