Environnement, Flops

Du gaz dans la communication de la mairie de Paris

Début décembre, Paris et l’Île-de-France ont rencontré le plus grave pic de pollution survenu depuis une décennie. C’est un risque de crise sanitaire majeure auquel doit faire face la municipalité parisienne alors qu’Anne Hidalgo a fait de la fin de la voiture dans Paris une des priorités de son mandat. Pour y répondre, la maire de la capitale a pris la décision de déployer un dispositif de grande ampleur et lourd de conséquences : la circulation alternée durant quatre jours consécutifs.
Avec des tensions politiques en toile de fond et des difficultés à communiquer sur l’urgence de la situation à l’ensemble de la population parisienne, la politique d’Anne Hidalgo est confrontée à une incompréhension qui enfle.

Un problème de réception

Dès la première journée de circulation alternée, près de 1750 procès-verbaux ont été dressés par les 400 policiers déployés dans la capitale. Ces stratégies d’évitement mettent en lumière l’ignorance de certains automobilistes quant à la gravité de la situation, mais aussi la complexité du réseau de transports en commun parisien, et ce malgré la gratuité.
On peut observer différentes situations de « désobéissance » : pour certains habitants de la banlieue, les arrêts sont parfois très éloignés de leur domicile et emprunter les transports en commun est alors contraignant et chronophage. D’autres ferment les yeux sur celle-ci par habitude et par mépris, la jugeant liberticide, et prennent malgré tout leur véhicule particulier pour se rendre à leur travail. Ainsi, la consigne n’a pas été suffisamment respectée pour mettre fin à la pollution de l’air. En outre, les perturbations dans les transports en commun ont dissuadé les automobilistes d’abandonner leur véhicule et ne les ont pas incité, de fait, à prendre des moyens de transport plus écologiques. En effet,
deux lignes de transport ont présenté d’importants retards de trains (RER B et RER D) et tous les trains au départ et à l’arrivée de la gare du Nord étaient bloqués.
Les quatre jours de circulation alternée passent difficilement auprès de la population parisienne, d’autant plus que c’est la troisième fois en deux ans que la municipalité de Paris prend une telle décision, et cette fois-ci, la mesure s’étale dans le temps alors qu’auparavant elle ne dépassait jamais une journée.
De surcroît, cette décision fait suite à la journée sans voiture du 25 septembre dernier : un projet XXL qui s’étendait sur un périmètre de 38 km2 soit 45% du territoire parisien. L’initiative éco-friendly d’Anne Hidalgo avait été vivement critiquée par les internautes suite aux embouteillages et aux difficultés de stationner provoqués dans les 55 % de territoire restant. Cette mesure a également vu le jour après la décision prise par la mairie de Paris de piétonniser les berges de la Seine, alors que la région s’opposait à cette initiative et que l’association « 40 millions d’automobilistes » résistait à la municipalité.
La circulation alternée a du mal à être acceptée par les automobilistes surtout que des études menées par l’association de surveillance de la qualité de l’air, Airparif, lors du premier pic de pollution, montraient qu’elle n’avait en réalité qu’un faible impact sur la réduction de la pollution de l’air. Par ailleurs, cette mesure a tardé à se mettre en place alors que dès le 30 novembre, le premier seuil (50 microgrammes par mètre cube d’air) avait été dépassé.
En somme, la complexité structurelle et conjoncturelle des transports parisiens additionnée aux critiques émises par les experts sur les résultats peu convaincants de cette mesure, n’ont pas incité les automobilistes à suivre la consigne et ont donc interféré dans la communication de la mairie de Paris.

Des erreurs de communication politique

Depuis le 2 décembre, la municipalité parisienne a été la seule collectivité d’Ile de France à demander à la préfecture la mise en place de la circulation alternée, sans jamais obtenir satisfaction.
Anne Hidalgo a entamé une campagne de communication sur les réseaux sociaux afin d’avertir les habitants des effets néfastes de la pollution sur la santé.

Anne Hidalgo fait donc cavalier seul dans la lutte contre la pollution, ce qui donne lieu à une hyper-personnalisation de ce combat et des mesures qui suivent. Les médias et les réseaux sociaux ne s’adressent pas à tous les acteurs de la décision, ils parlent d’« Anne Hidalgo » et à « Anne Hidalgo ».
Cette hyper-personnalisation des mesures de lutte contre la pollution était déjà perceptible lors de la journée sans voiture dans Paris. À cette occasion, l’humoriste Fabrice Eboué avait mis en ligne une vidéo au sujet de la journée sans voiture XXL : « j’ai acheté une voiture, je pensais que c’était pour avoir une certaine liberté de mouvement. Mais bon on n’a plus le droit de rien faire en voiture (…). Donc un gros merci à Mme Hidalgo ».

Lors de l’épisode de la circulation alternée, les internautes se sont aussi adressés directement à Anne Hidalgo, et ont occulté les autres acteurs (Airparif ou encore les conseillers municipaux). Ce qui a rendu la décision davantage politique qu’écologique et sanitaire, et, de fait, moins altruiste.
Les erreurs de communication passent aussi par les désaccords ouverts entre la région et la municipalité parisienne exposés sur les réseaux sociaux. En effet, le mercredi 7 décembre, un communiqué de la région Ile de France circule sur la toile indiquant : « Face à cette situation sur le réseau ferroviaire francilien, Valérie Pécresse, présidente du conseil régional et présidente du syndicat des transports d’Ile-de-France (Stif), demande au préfet de police de suspendre les mesures de circulation alternée, tant que la situation ne sera pas revenue à la normale ». Ce communiqué a dévoilé au grand jour et a exacerbé les tensions entre la ville de Paris et la région Ile de France. Ces tensions prennent ainsi l’allure d’une confrontation entre deux concurrentes politiques.

Judith Grandcoing

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Sources :
La mairie de Paris lance une campagne en ligne contre la pollution automobile, Le Figaro, le 08/12/2016, consulté le 12.12.2016
Vinogradoff Luc, Journée sans voitures à Paris : Anne Hidalgo et Fabrice Eboué continuent de se provoquer sur Facebook, Le Monde, le 27.09.2016, consulté le 10.12.2016

Degeorges Marion, Circulation alternée : pourquoi ce délai de mise en place ?, Le Monde, le 06.12.2016, consulté le 12.12.2016

Demarthon Jacques, « J’avais pas compris »: la circulation alternée peine à s’imposer, le 08/12/2016, consulté le 12.12.2016
Pousson Juliette, Paris: la circulation alternée, une consigne peu suivie et contestée, le 07/12/2016, consulté le 12.12.2016
Crédits :
Challenges
@OhLeHibou_
@Anne_Hidalgo
@Marsupi_L_Ami
Ecologie, Communication politique, Paris, Hidalgo, Hyper-personnalisation

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