Time’s Up et MeToo : une communication en noir et blanc
Time has come
« À tous ceux qui voudraient essayer de nous faire taire, nous offrons deux mots : c’est fini ». « C’est fini », « time is up » en anglais. En trois mots, lors de la cérémonie des Grammy Awards le 28 janvier, la chanteuse Janelle Monae a repris dans son discours le flambeau d’Hollywood, se l’appropriant et passant ainsi le témoin à l’industrie musicale américaine. Une rose blanche au col, comme ses consœurs Lady Gaga, Pink ou Rihanna, la chanteuse a ouvert la voix sur un sujet jusqu’à maintenant peu traité par le milieu de la musique. L’industrie du cinéma avait amorcé le mouvement aux Golden Globes, en s’habillant tout en noir par solidarité avec les victimes de harcèlement et d’agression. Une action qui a inspiré les labels Roc Nation et Interscope/Geffen/A&M Records, proposant la rose blanche, « symbole de résistance » inspiré du mouvement des Suffragettes, toutes habillées de blanc.
Une initiative complétée par la naissance d’un groupe « Voices in Entertainment » et relayée par de nombreuses célébrités. La création d’un support de communication qui rejoint progressivement celle du mouvement Time’s Up, qui peut compter sur un attirail communicationnel conséquent, dont un Instagram « TimesUpNow » mêlant photos de femmes actrices mondialement reconnues, de citations percutantes et d’illustrations du merchandising, dont les bénéfices sont intégralement reversés au fond Time’s Up. Un soulèvement à la communication percutante et efficace, qui entre directement dans la vie et dans le quotidien de ceux qui le soutiennent : au travers de vêtements que l’on peut porter soi-même et donc se revendiquer comme militant de ce mouvement, de dons ou simplement de « likes » sur les réseaux sociaux
Allons voir si la rose (blanche)
L’initiative même de la rose blanche a été relayée par un nombre conséquent de personnalités, hommes et femmes du monde musical, et peu de voix s’élèvent aux Etats-Unis pour contrer ce raz-de-marée de libération de la parole. De l’autre côté de l’Atlantique, la communication entre porte-voix et opposants est difficile, souvent inaudible : les personnalités françaises sont très frileuses à l’idée de se dire ouvertement féministes, et utilisent au mieux des périphrases. Les bien connus « j’aime trop les hommes pour être féministe » ou « je n’aime pas les idéologies » font aussi leur chemin dans l’industrie culturelle française. Une telle différence de communication autour d’un sujet pourtant subi et vécu par toutes les femmes, sans distinction de nationalité, peut sans doute s’expliquer par des différences culturelles et politiques.
Grab them by the fundamental rights
Depuis quelques années, les États-Unis communiquent énormément sur le concept d’« empowerment », ce que pourrait se traduire en français par « empouvoirement », soit « le processus qui permet aux individus de prendre conscience de leur capacité d’agir et d’accéder à plus de pouvoir », comme défini par Sylvia Zappi dans Le Monde. Un concept que se sont appropriées les femmes à l’origine de l’hashtag MeToo, et avant cela, de La Marche des Femmes, manifestations pacifiques de protestation et de défiance à l’égard du gouvernement de Donald Trump. Le point de discordance franco-américain se trouve peut-être justement dans ce prisme politique : les Etats-Unis vivent depuis plus d’un an sous un gouvernement qui remet régulièrement en cause les droits des femmes, avec à sa tête un homme s’étant targué de harceler et d’agresser physiquement de nombreuses femmes. Interdiction par décret de financer des organisations non gouvernementales en faveur de l’avortement, Planning Familial coupé de ses financements publics, limitation d’accès à la contraception… les mesures promises par le président américain lors de sa campagne ont été tenues, et ont poussé des milliers de femmes à manifester leur colère.
La présence à la tête du pays d’un homme aussi engagé dans le recul des droits fondamentaux a fait office de signal d’alarme, quand en France, les acquis sociaux semblent stables. A tort ou à raison ? L’effet domino de la révolte ne semble pas avoir atteint toutes les strates du monde culturel français, qui se repose peut-être trop sur ses certitudes.
Rafaëlle Dorangeon
@RafaelleDoran
Sources :
- Sylvia Zappi, « L’empowerment, nouvel horizon de la politique de la ville », Le Monde, 07/02/2013
- Amandine Seguin, « Women’s March, où en sont les droits des femmes après un an de Trump », L’Express, 20/01/2018
Crédits photos :
- Time’s Up
- Capture d’écran de l’instagram @timesupnow
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- Capture d’écran de l’Instagram de @Voicesinentertainmen
- Women’s March, Wikipiedia Commons, ©MMRogne