Société

Les réseaux sociaux : promotion ou lutte contre l’homophobie en France ?

Paris élue la ville la plus gay friendly du monde par la plateforme d’hébergement et de réseautage social réservée aux hommes gays MisterB&B… ? Pourtant, un rassemblement contre l’homophobie s’est tenu ce dimanche 21 octobre. N’est-ce pas là tout le paradoxe du problème sociétal qu’est l’homophobie en France ? La lutte est au cœur de tous les débats à l’heure où les médias oscillent entre libération de la parole et censure.

Une scène politique partagée entre progrès et restriction

L’ouverture du mariage aux couples homosexuels, consacrée par la loi Taubira de mai 2013 a été un des fers de lance du gouvernement Hollande en terme de politique sociétale. Cette loi s’inscrivait dans un continuum d’avancées avec notamment la mise en place en 1999 du PACS.1 Cette ouverture des droits de la communauté LGBT+2 apparaît alors comme synonyme d’espoir dans la lutte contre l’homophobie et la reconnaissance de celle-ci à l’échelle nationale.

Cependant, de nombreuses zones d’ombre demeurent en termes d’égalité : les personnes homosexuelles ne bénéficient pas des mêmes droits. L’élargissement du don du sang aux personnes homosexuelles a été rejeté par la majorité parlementaire ce jeudi 11 octobre ; les homosexuels dont les rapports remonteraient à moins d’un an se voient ainsi exclus de cet acte citoyen.

Le débat sur l’ouverture de la PMA aux couples de femmes témoigne également d’un va-et-vient décisionnel des politiques lorsqu’il s’agit de l’élargissement des droits des LGBT+. Pourtant, la société semblait prête ; en témoigne un sondage de l’IFOP selon lequel six français sur dix seraient favorables à cette réforme.

Cet élargissement a d’abord été une promesse de campagne de l’actuel Président, Emmanuel Macron, puis a été retardé dans le débat car jugé non prioritaire. La Ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, a finalement assuré, ce dimanche 21 octobre sur RTL, que ce projet serait intégré dans la loi bioéthique. La progression des droits de la communauté LGBT+ semble encore diviser la scène politique.

La communauté LGBT+ face à la violence

L’agression le 17 octobre du Président de l’association Urgence Homophobie, Guillaume Mélanie, est révélateur de la réalité de la situation des homosexuels en France. L’issue du sondage de l’IFOP, paru le 27 juin 2018 affiche des chiffres préoccupants : un homosexuel sur deux affirme avoir déjà été victime d’actes homophobes et plus d’un sur six avoir subi une agression physique à caractère homophobe.

Ce vent de rejet de la communauté LGTB+ revêt différentes formes. La récente détérioration de passages piétons arborant les couleurs de l’arc-en-ciel, symbole de cette communauté, ne semble pas faire exception. Sous l’initiative de la Mairie de Paris, ceux-ci avaient en effet fait leur apparition lors de la Marche des Fiertés. La vague de haine est d’autant plus préoccupante qu’elle intervient dans un contexte déjà peu favorable à l’acceptation de la communauté LGBT+. Faut-il rappeler à cet égard les propos douteux tenus par le candidat à la Mairie de Paris Marcel Campion, face à Ian Brossat sur LCI, faisant l’amalgame entre homosexualité et sida, ce mercredi 17 octobre… ?

Face à la multiplication des agressions à caractère homophobe et la remise en lumière sur les scènes médiatique et politique de la situation homosexuelle, la communauté LGBT+ a organisé un grand rassemblement contre l’homophobie dimanche 21 octobre. Plusieurs milliers de personnes ont ainsi souhaité réagir face à la montée des actes homophobes et manifester leur ras-le-bol. Si cela témoigne d’un désir de changement, les chiffres recensant le nombre de personnes présentes lors de ce rassemblement en disent long sur la gravité de la situation.

Twitter : épicentre de la lutte ou zone d’expression haineuse ?

Twitter est un réseau social sur lequel la communauté LGBT+ a la possibilité de s’exprimer face aux actes homophobes et permet à quiconque d’afficher son soutien à la cause. La plateforme donne ainsi une voix aux minorités et permet de relayer des informations à une large audience. C’est pourquoi, nombreuses sont les victimes ayant opté pour la dénonciation par la médiatisation et la monstration. Des photos des visages ravagés par les blessures se propagent sur les réseaux sociaux, comme s’il s’agissait de l’ultime recours pour lutter contre l’homophobie et la recrudescence des agressions homophobes.

En effet, même si Twitter est un puissant moyen d’expression pour les communautés minoritaires, la plateforme sert aussi la diffusion d’idéaux homophobes. L’homophobie se développe sur le réseau qui devient dès lors un puissant outil de libération… de la parole haineuse. Des propos vis-à-vis desquels Twitter s’est d’ailleurs vu reprocher un certain laxisme.

Twitter est-il donc véritablement l’outil idéal pour faire progresser cette lutte ? Ce réseau social peut offrir l’opportunité aux homosexuels d’afficher les discriminations et les injustices dont ils sont victimes mais il les expose par ailleurs à l’agressivité et aux propos homophobes d’internautes hostiles. Comme tout moyen communicationnel, Twitter a une portée très large, mais est-il efficace pour changer la réalité dans le fond ?
Antoine AZEU

1 (Pacte Civil de Solidarité)
2 (lesbiennes (L), gays (G), bisexuels (B) trans (T) et nouvelles identités (+))
Bibliographie :
–       Sondage IFOP “Observatoire LGBT+” [https://www.ifop.com/publication/observatoire-lgbt/] 27/06/2018, consulté le 22/10/2018
–       Sondage IFOP paru sur LaCroix [https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Ethique/Bioethique-quen-disent-Francais-2018-01-03-1200903245?from_univers=lacroix] 03/01/2018, consulté le 22/10/2018
Crédits photo :
–       Compte Twitter de François de Rugy (@FdeRugy)
–       Charles Platiau (REUTERS)
–       Benoit Tessier (REUTERS)
–       Capture d’écran Tweet de SOS Homophobie (@SOShomophobie)
–       Capture d’écran d’un Tweet à caractère homophobe

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