Société

L’information, Facebook et moi

Cela fait quelques années que les réseaux sociaux — et notamment Facebook, né en 2004 — sont devenus les nouveaux intermédiaires de l’information en ligne, modifiant la relation entre les producteurs de contenus médiatiques et nous. Que ce soit pour lire un journal comme Le Monde ou un pure player comme Konbini, on like leur page officielle sur Facebook. Ce réseau social constitue un peu l’équivalent virtuel de la place publique, où l’on peut à la fois trouver un kiosque à journaux, voir des affiches militantes, entendre des discussions de comptoir et croiser nos proches.

C’est parce que Facebook est au centre de la circulation de l’information sur Internet qu’il est également au centre de toutes les critiques. Vous avez certainement déjà entendu une remarque comme : « Vous vous rendez compte, ils choisissent pour nous ce qui est important et ce que l’on doit — et donc peut — voir et lire !? ». On ne peut pas dire que cette réflexion soit infondée, mais elle ne décrit pas pour autant la réalité

L’algorithme de Facebook

Par son rôle de curateur et d’agrégateur de contenus, Facebook opère une sélection parmi tous les contenus disponibles pour nous proposer ceux qui nous intéresseraient ou nous plairaient le plus. Cela n’est pas fait par bonté de coeur ou pour rendre service, je pense que vous vous en doutez, mais plutôt parce que cela correspond à leur modèle économique. Et oui, désormais la place publique a des objectifs de rentabilité !

Facebook souhaite avant tout avoir de la circulation sur sa plateforme, car c’est ce qui lui permet de gagner de l’argent, notamment avec la vente d’encarts publicitaires. La logique est donc toute simple : on aime, on reste ; on n’aime pas, on part. Comme ils veulent bien évidemment que l’on reste, ils font en sorte que l’on apprécie leur plateforme, qu’on aime l’utiliser, en nous cloîtrant dans des bulles. Il est tout à fait normal pour une entreprise d’agir dans ce sens.

Les contenus qu’ils choisissent de nous présenter sont sélectionnés par un algorithme bien secret dont le rôle est de connaître nos goûts et nos valeurs. Pour faire simple : il se souvient de tout ce qu’on lui dit. Il enregistre le moindre clic pour pouvoir établir le profil de chaque utilisateur. En réalité, cet algorithme est évidemment bien plus poussé. Par exemple, consulter passivement une publication lui donnera moins d’importance qu’un like ou un commentaire, puisque cela requière une action plus poussée et donc marque un engagement plus important.

Nous ne sommes pas des marionnettes

Dans un entretien récemment accordé au Monde, Dominique Cardon déclare : « Quand on like, on produit un signal, qui va avoir un effet sur les algorithmes des plates-formes. Il y a donc une coresponsabilité partagée entre tous dans notre rapport à l’information. »

Avec ces propos, le directeur du Médialab de Sciences Po insiste sur le fait que nous sommes tous acteurs de ce processus de sélection opéré par Facebook. Ce sont nos actions passées qui conditionnent la sélection de l’information qui sera faite pour nous par la suite. La finalité du réseau social n’est pas de nous imposer des contenus, il se fait plutôt l’extension de nos propres choix, à partir des informations qu’il a pu récolter sur nous.

Sans vouloir minimiser la place des réseaux sociaux dans la circulation de l’information, car ce fameux algorithme pose un certain nombre de questions qui ne seront pas développées ici, je pense pouvoir affirmer que la passivité des utilisateurs de Facebook n’est pas l’un de ses problèmes.

Toujours dans son entretien, Dominique Cardon décrit une dualité chez les internautes : on est à la fois des êtres rationnels dotés d’une autonomie de jugement, mais aussi des êtres crédules et dociles. Cela explique le paradoxe montré ici du doigt, à savoir qu’on est à la fois conscients du modèle économique de l’information créé par Facebook, mais à la fois ignorant de notre impact individuel. Je vous invite donc à considérer la valeur de vos actions sur Facebook, car elles influencent directement votre relation à l’information !

Emma JURADO

Sources :

  • Les clés pour rester visible face au nouvel algorithme Facebook. Blog Swello, 09/05/2018.

  • Dominique Cardon : « Ce ne sont pas les réseaux sociaux qui ont créé des bulles informationnelles ». Le Monde, 21/10/2018. [En ligne]

Illustrations par Andrew McKay (https://dribbble.com/andrewmckay) et Anton Fritsler (https://dribbble.com/Frizler)

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