Société

Je t’aime, moi non plus: le paradoxe du vagin

Après l’immense succès de sa campagne #Blood Normal, lauréate du Grand Prix Glass : The Lion for Change du festival des Cannes Lions 2018 et particulièrement du spot dans lequel du liquide rouge (et non plus bleu) était utilisé pour parler des menstruations, la marque suédoise de produits d’hygiène féminine Libresse (Nana en France) nous propose, un an plus tard, une nouvelle campagne à la fois hilarante et particulièrement positive. Depuis fin novembre, il est possible de retrouver, principalement sur les réseaux sociaux, un spot quelque peu particulier, Viva la vulva, un hommage vidéo à la diversité des organes génitaux féminins.

We have to celebrate all of you babies!

A la frontière entre campagne de sensibilisation et communication produit (ou ingénieux mélange des deux), ce spot réalisé par Kim Gehrig de Somesuch pour l’agence AMV BBDO nous propose une large gamme de métaphores et de représentations quotidiennes des vulves et vagins aux formes, couleurs et tailles différentes. Bien que le traitement de l’image joue un rôle particulièrement important, c’est aussi et surtout le choix de la musique qui donne à «Viva la vulva » une dimension particulière. Véritable hymne au respect, à la célébration et à l’amour, la musique « Take Yo’ Praise » de Camille Yarbrough remixée pour l’occasion s’érige en voix off pour glorifier les sexes en soutenant que « nous avons parcouru un très long chemin ensemble, dans les bons comme dans les mauvais moments. Je dois te célébrer bébé, je dois t’honorer ». La marque Libresse a d’ailleurs déclaré « vouloir contribuer à une culture plus ouverte où les femmes peuvent être fières de ce qu’elles ont, peuvent parler de leurs organes génitaux et peuvent en prendre soin sans se sentir honteuses ». Ce spot a également une autre particularité, aussi bien dans son fond que dans sa forme : après l’euphorie des 2 premières minutes, plusieurs femmes prennent la parole et expliquent leur vision « du vagin parfait ». Cette seconde partie révèle finalement l’insight de la campagne (bien qu’en partie critiquable par rapport à son positionnement quelque peu hétéro-normé) et soulève des problématiques plus profondes.

 

Une nouvelle tendance inquiétante

Bien que jovial, ce court film puise sa raison d’être dans une réalité bien moins réjouissante. En effet, l’idée de ce spot provient de plusieurs données et constats. Selon la Société internationale de chirurgie esthétique (ISAPS), en 2015, plus de 95 000 femmes dans le monde ont eu recours à une labiaplastie c’est à dire des injections et/ou chirurgie des petites et grandes lèvres et leur nombre ont augmenté de plus de 46% entre 2015 et 2016 au Royaume Uni. La marque a, quant à elle mis en place, cette année, une étude révélant que près de la moitié des femmes (44%) ne sont pas à l’aise, ressentent une pression ou sont même complexées par la forme et les odeurs naturelles de leur vulve. Ces chiffres sont d’autant plus alarmants que la labiaplastie séduit de plus en plus les adolescentes. En effet, aux Etats-Unis, 400 jeunes femmes de 18 ans et moins ont recouru à cet acte chirurgical en 2015, contre 222 en 2014, soit une augmentation de 80 %. Evidemment, ce n’est pas la labiaplastie en elle-même qu’il faut blâmer mais son utilisation à des fins purement esthétiques, dans le but de se créer « un vagin parfait ».

Un vrai paradoxe ! En effet, depuis quelques années, et de façon de plus en plus rapide, le tabou et la honte liés aux organes féminins et aux divers sujets qui pourraient leur être associés volent en éclats. Les langues se délient, les femmes mais également les hommes témoignent, prennent la parole et de plus en plus de contenus et même de pages ou de comptes sur les réseaux sociaux sont entièrement dédiées aux sexes et à la sexualité. Ces derniers prônent et revendiquent l’authenticité et la fin des diktats comme par exemple le compte Instagram #tasjoui, dont la vocation est de parler de l’orgasme féminin mais également de et du sexe féminin en général.

Deux phénomènes simultanés complètement antinomiques qui révèlent une tension presque obsessionnelle et parfois un profond malaise d’une nouvelle génération qui se cherche.

Mesdames, aimez-vous, aimez votre vagin, faites-vous aimer comme vous êtes, votre corps vous le rendra bien !

 

Elisa Le Breton

 

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