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L’exécution du journaliste saoudien, Jamal Khashoggi

L’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi dans les locaux du consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul par un commando de 15 personnes, envoyé par Riyad, est une atteinte sans précédent à la dignité humaine et aux droits humains les plus élémentaires ; en même temps qu’une maladresse diplomatique atterrante.

Les organisations et les militants qui défendent les droits de l’Homme dénoncent régulièrement le despotisme du gouvernement saoudien et ses pratiques excessivement répressives notamment en matière de liberté de la presse. En effet, le pays a été classé 169ème au classement RSF sur la liberté de la presse.

L’assassinat du journaliste Khashoggi, dans des conditions qui inspirent l’horreur, entraînera l’indignation unanime des journalistes, des militants des droits de l’Homme ainsi que celle de civils de tous bords. Et pourtant, pas de condamnation immédiate de la part des dirigeants occidentaux ou de la communauté internationale.

 

Le silence de Riyad : un choix stratégique ?

Jamal Khashoggi, journaliste collaborateur du Washington Post, disparaît le 2 octobre 2018, après s’être rendu au consulat saoudien d’Istanbul, pour obtenir un document nécessaire à son futur mariage. Trois jours après la disparition de l’homme, les médias turcs, en citant des responsables locaux, évoquent son assassinat dans l’enceinte du consulat saoudien. Dans ces allégations, c’est la responsabilité des plus hauts dirigeants saoudiens qui est invoquée.

Dans un premier temps, Riyad réfute les accusations qu’on lui porte, puis se réserve au silence. Un silence qui ne laissera pas les médias internationaux indifférents, puisqu’il confortera leurs soupçons quant à l’implication du prince hériter Mohamed Ben Salman (MBS) dans le meurtre de Khashoggi. Ainsi, en gardant le silence, l’Arabie Saoudite apparaît encore plus coupable aux yeux des médias internationaux, et finira par affirmer que le journaliste serait bel et bien sorti de son consulat à Istanbul et qu’ils « prient » pour sa réapparition, saint et sauf.

Cependant, il faut des preuves matérielles ; or ce jour-là, les caméras de surveillances « ne fonctionnaient pas », il serait donc impossible pour Riyad, de démontrer que le journaliste était sorti du consulat. Etant donné la sensibilité de l’affaire, ainsi que des récits de plus en plus circonstanciés, du côté turc, l’Arabie Saoudite change de stratégie de défense : place maintenant à un changement de versions évolutif au gré des déclarations de la presse et du gouvernement turcs.

 

La position turque : des enjeux diplomatiques qui pèsent sur la communication

Dans l’affaire Khashoggi, le gouvernement turc a d’abord fait le choix du silence, lui aussi. En effet, c’est la presse turque qui était mise en avant. Les dirigeants du pays ont d’abord choisi, la réserve.

Ce sont dans un premier temps, les journalistes turcs qui ont mentionné l’existence d’enregistrements audios compromettants -réalisés à l’intérieur du consulat saoudien- attestant du meurtre de Khashoggi, par un commando exclusivement envoyé à cet effet. La position des dirigeants turcs semble ambigüe car ce sont les journalistes qui sont en première ligne et qui décrivent l’assassinat de Jamal Khashoggi, en citant un agent des services de renseignements « indiscret ». Ce n’est donc pas la responsabilité étatique qui est mise en avant mais celle de la presse et ses sources.

Il faudra attendre le 10 octobre 2018 afin que le président turc, Recep Tayipp Erdogan, lors d’une conférence télévisée, confirme l’existence de ces enregistrements audios, qu’il aurait notamment donnés à Riyad et à l’Occident.

En ayant mis en première ligne l’activisme des journalistes dans l’affaire du journaliste saoudien, les dirigeants turcs ont joué la carte de la prudence. Ce scandale aurait donc été d’abord dévoilé par les journalistes et un agent indiscret ! En conséquence, le gouvernement turc n’aurait donc seulement concouru à la manifestation de la vérité.

 

Des changements de versions permanents mettent à mal la crédibilité de Riyad

 Des déclarations évasives, constamment modifiées du côté saoudien, ont tout de même obligé le royaume à reconnaître qu’une « rixe » entre le commando saoudien – exclusivement envoyé pour ramener Khashoggi au pays – et le journaliste, serait à l’origine de la mort de ce dernier…

Cependant les Turcs contredisent cette version des faits et datent le meurtre du journaliste, le 2 octobre 2018 : Yasin Aktay, le conseiller du président turc, a déclaré qu’après avoir été torturé et tué, le corps du journaliste a été découpé en morceaux puis dissous dans de l’acide.

Ces révélations entraînent l’indignation de Donald Trump, qui rappelle toutefois l’importance des accords stratégiques et des marchés fructueux et juteux entre son pays et l’Arabie Saoudite… On retrouve le fameux «America first » du président américain.

Notons bien que la communication saoudienne sur cette affaire connaît trois temps. D’abord, la réfutation des allégations qu’elle qualifie d’« infondées », puis le choix du silence et enfin, la stratégie de la faute à moitié avouée (c’est une rixe entre Khashoggi et le commando qui l’aurait tué)…

De la même manière que la stratégie communicationnelle turque a été de jeter la faute sur un agent des services de renseignements « indiscret » ; l’Arabie Saoudite évoque à son tour une action entreprise par un commando de 15 personnes sans ordres ni accord de Riyad, et encore moins du prince héritier.

 

Le meurtre de Khashoggi : quelle symbolique ?

En réalité, depuis son arrivée au pouvoir en juin 2017, Mohammed ben Salmane a mené une purge inédite dans la sphère politico-médiatique saoudienne : on parle de plus de 3000 arrestations sans compter les disparitions soudaines et les arrestations de journalistes locaux… Cette campagne sans précédent, dresse un portrait antagoniste de celui qui paraissait à l’inverse, vouloir entreprendre des réformes fortes de modernisation. En effet, les femmes saoudiennes au volant, la permission du premier concert en Arabie Saoudite et la lutte contre la corruption, sont autant de faits qui posaient le jeune prince héritier en homme fort du royaume.

Finalement, plutôt que l’homme moderne de Riyad, MBS manifeste vraisemblablement une posture qui est aux antipodes de ce qu’il voulait incarner. Le message adressé aux ressortissants saoudiens résidents à l’étranger, s’inscrit dans le registre de la terreur. Où qu’ils soient, les saoudiens restent sous le joug d’un État dont la répression transcende les frontières nationales.

 

Qui était Jamal Khashoggi ?

Exilé depuis 2017 aux Etats-Unis, Khashoggi a écrit une série d’articles (Washington Post) dénonçant le radicalisme religieux saoudien et le pouvoir en place. Il s’indignait contre la guerre au Yémen et condamnait les actions Saoudiennes à l’encontre du Qatar.

Rappelons que Khashoggi appartenait à une famille très proche de la monarchie saoudienne et il était lui-même très proche des services de renseignements saoudiens, de la famille royale, et avait ainsi occupé des postes de conseiller à Riyad.

Il connaissait très bien le système en place et s’apprêtait -avant sa mort- selon une source qui lui est proche, à réaliser un documentaire dans lequel il voulait dévoiler l’usage d’armes chimiques au Yémen.

 

 

 

Jasmine

Sources :

  • Vidéo. Saudi Arabia’s Missing Princes, BBC uk website, 15 Août 2017
  • Le Journaliste Saoudien a été Assassiné, d’après la Police Turque, Médiapart, par Thomas CANTALOUBE, 07 Octobre 2018
  • Disparition de Jamal Khashoggi : l’Hypothèse d’une « équipe d’assassinat » saoudienne, Le Figaro, par Yohan BLAVIGNAT, 10 Octobre 2018
  • Affaire Khashoggi : Quatre Questions sur la Disparition du Journaliste Saoudien et ses Conséquences, Europe 1, par Margot LANNUZEL, 19 Octobre 2018
  • Will EU Stop Arms Sales to Saudi in Wake of Khashoggi Killing ? Aljazeera, par Yarno RITZEN, 30 Octobre 2018
  • Meurtre de Jamal Khashoggi : Affaire Khashoggi : Un Journal Turc Affirme que le Corps du Journaliste a été Dissous dans l’Acide puis Jeté dans les Canalisations, Franceinfo, 10 Novembre 2018
  • Affaire Khashoggi : La nouvelle Stratégie Saoudienne de la Faute Avouée à Moitié Pardonnée, Médiapart, 16 Octobre 2018 par Thomas CANTALOUBE
  • Vidéo. Crime d’Etat au Consulat ? Franceinfo, par Yvan MARTINET, Virginie VILAR et Romain BOUTILLY, diffusé dans« Envoyé spécial » , 25 Octobre 2018
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