Médias, Publicité

Les mèmes : un outil de communication en vogue pour les marques

Qui n’a jamais partagé avec ses amis un GIF animé de félins facétieux ? Qui n’a pas encore vu une image humoristique sur le confinement et le coronavirus en naviguant sur les réseaux sociaux ces dernières semaines ? Toutes ces productions culturelles circulantes sont des mèmes. Ces derniers font partie intégrante de la culture internet et inondent la toile. Dans une logique commerciale, les marques s’emparent désormais du phénomène et l’utilisent comme un outil de marketing. 

Petit rappel : qu’est-ce qu’un mème ?

La notion de mème a été énoncée pour la première fois dans les années 70 par le biologiste britannique Richard Dawkins. Le terme est le résultat de la combinaison entre « gène » en français et « mimesis » qui signifie imitation en grec. Littéralement, un mème est un « élément de culture » qui se transmet par l’imitation. On va imiter une mimique, une histoire, un comportement vestimentaire… Comme le gène dans le domaine biologique, le mème a un rôle de réplicateur dans le domaine culturel.

 

Sur internet, le mème est un élément ou un phénomène repris et partagé de manière collective et massive. Il s’agit généralement d’un extrait d’un film, d’un reportage, d’une interview, d’un GIF ou d’une photographie qui va être réapproprié et retravaillé de manière personnelle. Drôle, décalé ou satirique, un mème peut se décliner sous différentes formes. Il allie alors texte, image et son. 

Ces productions reposent sur une connivence entre les internautes faisant partie d’un même champ culturel et leur durée de vie va dépendre de leur capacité de propagation. En effet, le récepteur doit posséder la référence initiale pour comprendre le mème et être susceptible de le partager à son tour. Permettant une diffusion simple et rapide des idées, internet va encourager ce phénomène.

Les mèmes comme nouvelle stratégie publicitaire

Ces productions culturelles circulantes ont été repérées par les chercheurs mais également par les acteurs économiques qui vont s’en emparer. Elles constituent en effet un outil marketing intéressant pour les marques qui cherchent désormais à se démarquer des discours publicitaires traditionnels en exploitant de nouvelles formes sémiotiques et en s’adaptant aux nouvelles médiations. 

Pour sa campagne printemps-été 2020, la marque de vêtements Maje a ainsi voulu jouer avec les codes du mème en faisant appel au compte Instagram Vogue Turfu, célèbre pour ses détournements d’images de mode. Cette collaboration intitulée #MajeDoesMemes a donné naissance à une campagne de mode décalée et empreinte d’humour qui présente une série de clichés remaniés en mèmes. 

 

Campagne #MajeDoesMemes

Le compte Instagram Vogue Turfu compte plus de 120 000 abonnés et tourne en dérision l’univers de la mode et de la haute-couture à travers la publication quotidienne de mèmes. En s’y associant et en acceptant de parodier ses propres clichés de campagne publicitaire, Maje fait preuve d’autodérision et montre que la mode ne doit pas toujours être prise au sérieux. 

Par ailleurs, Maje n’est pas la seule enseigne à avoir collaboré avec le compte Instagram Vogue Turfu. A l’occasion de la Saint-Valentin 2020, le Printemps s’est aussi associé à lui pour créer une collection capsule d’objets inédits. Certaines punchlines iconiques du compte comme « Les larmes de mon ex » ou « Y’a pas moyen » sont reprises et apposées sur des gourdes, des masques de nuit, des mugs et divers objets du quotidien. 

 

Collection capsule VogueTurfu X Printemps

Le mème n’investit pas seulement les campagnes publicitaires mais également les comptes Instagram des marques. En effet, étant simplement constitué de visuels, le feed Instagram se prête parfaitement à la diffusion de ces productions culturelles. Cette pratique s’est donc largement diffusée notamment aux Etats-Unis. Par exemple, la marque BarkBox qui propose un abonnement à des box mensuelles pour chiens publie essentiellement des clichés de chiens détournés en mèmes sur son compte Instagram. En France, Oasis fait partie des marques qui manient le mème depuis plusieurs années. Des phrases percutantes accompagnent des visuels mettant en scène les célèbres fruits dans des situations loufoques. 

 

@oasisbefruit

Pourquoi les mèmes ont-il autant de succès ?

Pour comprendre l’intérêt de cette stratégie marketing, il faut garder à l’esprit la relation qui existe entre la publicité, sa visée perlocutoire et la société dans laquelle elle s’insère. L’usage du tutoiement et l’exploitation de sociolectes comme le français « branché » sont des traits typiques du discours publicitaire moderne. Ces éléments vont jouer un rôle de signe de reconnaissance et créer une connivence entre la marque et les individus auxquels elle s’adresse. L’appropriation de mèmes s’inscrit dans la même logique de rapprochement avec les publics. La marque va mettre en avant la relation amicale plutôt que mercantile. 

Le mème est d’autant plus intéressant qu’il est peu coûteux à produire, viral et récupérable à l’infini. Le discours publicitaire et la marque vont chercher à séduire le consommateur en le divertissant et en suscitant chez lui des émotions. Les mèmes répondent parfaitement à cet objectif car ils sont drôles et traitent de situations dans lesquelles tout le monde peut se reconnaître. De plus, une fois qu’un lien de complicité est établi et que l’opération de séduction est réussie, l’internaute va lui-même participer à accroître la notoriété de la marque en partageant l’objet de son amusement avec son entourage. Le message publicitaire circule alors rapidement de manière virale et la marque gagne en visibilité sans engager de frais supplémentaires. En capitalisant sur la diffusion rapide et massive du mème, la marque tente de se construire une image drôle, « branchée » et accessible.

Cette pratique présente ainsi des caractéristiques propres à la production de contenus dits dépublicitarisés. La notion de dépublicitarisation développée par Caroline Marti de Montety, enseignant-chercheur au CELSA, désigne la tactique adoptée par les annonceurs pour se démarquer des formes de publicité classique en adoptant des formes de communication plus discrètes. En manipulant les mèmes, les marques vont chercher à gommer leur dimension publicitaire et commerciale. Cependant, ils doivent être utilisés adroitement afin qu’ils soient percutants et qu’ils ne portent pas préjudice à l’image de l’entreprise. Cela explique pourquoi certains annonceurs n’ont pas encore pris le risque de les inclure dans leur stratégie. 

Enora JAOUËN


Sources : 

TED. Youtube. Susan Blackmore parle des mèmes et des « tèmes ». 04/06/2008.

BiTS. Youtube. Le meme : une nouvelle forme de langage. 25/05/2016.

TROCHU Eugénie, BOUGRO Augustin. Vogue « Vogue rencontre Vogue Turfu : l’interview mode et décalée avec la reine du meme ». 17/01/2020.

SANTROT Florence. Grazia « VogueTurfu X Printemps : une collection capsule pour célébrer la Saint-Valentin du Turfu ». 13/02/2020.

ROBIN-VELUT Christelle. Stratégies « L’humour de connivence fait la différence ». 20/05/2019.

Crédits photos :

Campagne de publicité #MajeDoesMemes

Printemps

Compte Instagram @oasisbefruit

 

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