Société

Yuka, un moyen de s’armer pour mieux consommer ?

Application de plus en plus reconnue, Yuka est devenue un indice de consommation de plus en plus utilisé. Pourquoi ?

Qu’est-ce que Yuka ? 

Yuka se présente comme « lapplication mobile qui scanne votre alimentation » proposant de « décrypter les étiquettes de vos produits alimentaires et cosmétiques et analyse leur impact sur la santé. ». 

L’usage du terme « décrypter », signifiant « transcrire en langage clair » est tout à fait révélateur, car il met en évidence l’environnement « trompeur » et « incertain » dans lequel le consommateur est aujourd’hui plongé. C’est pourquoi l’application met en évidence un idéal de la transparence en rappelant ses trois piliers : « aucune influence des marques », « pas de publicité » et « financement sain ». Parallèlement à l’idée de méfiance, s’ajoute la tendance du healthy avec la mention de l’impact sur la santé répondant à la question suivante : « Comment mieux consommer ? ». 

Créée en 2017, l’application Yuka recense aujourd’hui plus de 17 415 176 utilisateurs et compile un grand nombre d’avis très positifs. Alors dans quel contexte cette application a-t-elle vu le jour ?

Une défiance contemporaine 

La création de l’application Yuka peut en grande partie s’expliquer par la défiance qui règne aujourd’hui dans la société de consommation actuelle. 

Pourquoi peut-on parler de défiance du consommateur et d’ou vient-elle ?

La défiance, définie comme la crainte méfiante d’être dupé, est un sentiment familier du consommateur contemporain. C’est notamment la succession de scandales tels que celui de Findus qui a pu participer à l’installation d’un climat de suspicion dans notre société de consommation. En effet, en janvier 2013 au Royaume-Uni, on découvre que la viande des lasagnes Findus, le groupe alimentaire suédois, n’est pas du bœuf mais du cheval, contrairement à ce qui était inscrit sur l’emballage. À cette occasion, les consommateurs ont été dupés par des emballages trompeurs. 

Les consommateurs peuvent se sentir dupés par les emballages, mais également par les publicités. Aujourd’hui, sur Youtube, il est fréquent de consulter des vidéos proposant de comparer d’un côté un produit tel qu’il est montré dans sa publicité et d’un autre côté le véritable produit mis en vente. Prenons comme exemple la grande chaîne de restauration rapide américaine McDonald, réputée pour maquiller ses burgers comme de véritables mannequins défilant à la Fashion Week. Cette opération permet à McDonald de donner meilleure mine à des produits de médiocre qualité. On peut assister à cette séance de maquillage en visionnant la vidéo Youtube « Go Behind the Scenes at a McDonald’s Photo Shoot | McDonald’s » publiée par le compte McDonald’s Canada.

La tendance du healthy 

En parallèle à la défiance actuelle, le healthy devient le nouveau maître-mot des consommateurs. Le mot « healthy », qui est devenu un véritable mode de vie, signifie littéralement « good for your health », c’est-à-dire « ce qui est bon pour la santé » et donc sain. 

Cette tendance s’observe dans les médias ainsi que sur les réseaux sociaux, qui sont des miroirs de la société de consommation actuelle. Par conséquent, on peut noter un grand nombre de comptes Instagram tels que loveandlemons (Veggie Food Blog) proposant un nouveau modèle de consommation par le biais de recettes de cuisine saines. Les médias surfent également sur cette tendance du healthy comme c’est le cas de BRUT dans sa rubrique « Nature » avec sa vidéo tutorielle « Comment faire son propre shampoing solide ».

Plus qu’une tendance, le healthy deviendrait une véritable obsession nommée « l’orthorexie », que Camille Adamiec, dans sa thèse « Devenir sain : morales alimentaires, pratiques de santé et écologie de soi. », définit comme « une obsession ou une fixation sur la nourriture saine ». 

Cette obsession du healthy est encouragée par Yuka, tellement l’usage de l’application est simple et ludique.

Son fonctionnement en cinq étapes 

Étape 1: Télécharger gratuitement l’application sur IOS ou Android.

Photo 2 avec pourquoi pas en légende « L’application arrive en tête de liste, bénéficiant d’un excellent feedback »

Étape 2 : Se rendre dans une épicerie, petit supermarché ou grande surface pour faire des courses. 

Étape 3 : Se saisir de son smartphone, ouvrir l’application Yuka et scanner le code barre d’un produit alimentaire ou cosmétique.

Étape 4 : Consulter le résultat proposé par Yuka. 

Ci-dessus on peut observer les quatre résultats possibles, accentués de leur code couleur correspondant : « excellent » (pastille de couleur vert foncé), « bon » (pastille de couleur vert clair), « médiocre » (pastille de couleur orange) et « mauvais » (pastille de couleur rouge vif). Yuka propose d’analyser la composition des produits sous forme de fiche détaillée.

Étape 5 : Consulter les recommandations faites par Yuka pour trouver une alternative plus saine au produit scanné.

Ici, à la consommation d’un Ice Tea, il faut préférer la boisson Herbalist Bio.

En somme, Yuka est simple, rapide et intuitif, en plus d’être gratuit. L’utilisateur ne peut être qu’incité à l’utiliser dans son quotidien pour mieux consommer. 

L’effet de Yuka sur ses utilisateurs 

L’application sensibilise ses utilisateurs en modifiant leurs pratiques de consommation et en ce sens vise à leur redonner du pouvoir.

Yuka dispose d’un aspect ludique « fun » qui pousse les consommateurs à scanner frénétiquement tous les produits de leur panier ou de leurs placards. 

On peut observer deux tendances contraires avec l’utilisation de Yuka. D’une part, l’application peut prolonger le temps dédié aux courses, car les consommateurs prêtent plus attention à ce qu’ils achètent et d’autre part, elle peut faire gagner du temps aux consommateurs habitués à lire longuement les étiquettes des produits.

Yuka : un outil de confiance devenu objet de méfiance ? 

Véritable compagnon de courses pour certains, l’application est sujette à des critiques. Ses limites ont notamment été mises en évidence lors d’un procès en 2017, suite aux accusations faites à Yuka par la Fédération françaises des aliments conservés. En effet, les données fournies par Yuka ne seraient pas exactes, mais en réalité pleines d’approximations et d’erreurs. On mentionne également l’idée d’un favoritisme de l’application pour certaines marques lors des recommandations. L’accusation principale faite est : les résultats du scan seraient uniquement basés sur l’opinion d’une seule nutritionniste et ne serait en cela absolument pas exhaustifs. La Fiac parle d’une « généralisation massive et abusive », « de base factuelle insuffisante basée sur une source unique ». 

La naissance de Yuka s’explique par la conjonction d’un climat de suspicion caractérisant la société de consommation et par la tendance actuelle au healthy way of life

Yuka propose un mode d’utilisation ludique et simple, qui explique en grande partie son succès. L’application sensibilise et peut durablement modifier les pratiques de consommation de ses utilisateurs. 

Toutefois, dans une société caractérisée par la défiance, cet outil de confiance est aussi devenu un objet de méfiance. 

Camille OUBRADOUS

Sources 

20 Minutes « Yuka : L’application condamnée pour « dénigrement » après un article dénonçant les emballages alimentaires ». 11/03/20

ADAMIEC, Camille. Devenir sain. Des morales alimentaires aux écologies de soi. 2016.

https://www.loveandlemons.com

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