Annonce de la mort de Kim Jong II à la télévision par une présentatrice en pleurs
Politique

L'art des médias nord-coréens

Le dictateur Nord Coréen Kim Jong Il est mort le 17 décembre dernier à la suite d’une crise cardiaque à l’âge de 69 ans. Après 17 ans d’un règne sans partage, c’est son plus jeune fils Kim Jong-eun qui prendra sa place en tant que « Dirigeant Suprême de la République populaire démocratique de Corée».

L’annonce en direct de la disparition du « Cher Dirigeant » par la télévision d’état KRT a donné lieu à  une nouvelle démonstration du puissant appareil de propagande nord-coréen. A l’écran, la mort de Kim Jong Il est présentée comme un véritable drame national. La présentatrice,  mise en scène en tenue de deuil sur fond de montagnes et de forêt, peine, à grand renfort de pathos, à annoncer la nouvelle : le soleil de la nation est mort. D’un ton grave et solennel, elle déclame fastidieusement ses quelques lignes tout en ravalant ses larmes : « nous faisons cette annonce avec une grande tristesse ». On s’attend presque à la voir s’effondrer de désespoir. Au regard des conditions de vie catastrophiques des Nord-Coréens, il est difficile de ne pas se demander si la jeune femme pense réellement ce qu’elle clame. En tout cas, sa prestation médiatique ne doit rien laisser paraître.

Le choix de l’arrière-plan n’est non plus pas anodin puisqu’il s’agit du mont Paektu, décor de nombreuses légendes coréennes, notamment la légende officielle qui raconte la naissance du dirigeant nord-coréen. Ce jour-là, un grand glacier du mont Paektu aurait émis un son mystérieux, pour ensuite se briser et laisser échapper un double arc-en-ciel. Puis la plus haute étoile du ciel serait apparue. Tout un symbole donc : éternité et immortalité d’un dirigeant et d’une dynastie qui veille, qu’ils le veuillent ou non, sur tous les coréens. Le dirigeant est mort mais son pouvoir reste immuable tout comme les forces de la nature.

Un arrière-plan unique, immobile, standard comme sur beaucoup de chaînes d’Etats totalitaires. Il n’y aura rien de plus à voir que ce que l’on nous donnera à voir, c’est-à-dire rien. Rien du quotidien du peuple nord-coréen qui meurt de faim. Rien de la misère et rien de la répression. Malgré les images de coréens hystériques à l’annonce de la mort du dictateur qui ont circulé sur les médias étrangers, on peut imaginer une réalité bien différente de ce fond immobile et de cette présentatrice éplorée.

Cette mise en scène ne change en rien des thèmes habituellement abordés sur KRT qui, comme tout bon média de propagande, traite essentiellement et glorifie tous les faits et gestes du « Dirigeant Bien-Aimé ». Il n’est donc pas absurde de supposer une  annonce réglée comme du papier millimétré. On aurait pu espérer un relâchement dans l’appareillage médiatique de l’Etat mais cette mise en scène et l’ensemble des images que nous avons pu observer nous prouve que la mort de Kim Jong Il ne menace pas pour autant la stabilité de ce régime dictatorial. Ce qui est sûr c’est que même après son décès, l’ombre de Kim Jong Il plane toujours sur la Corée du Nord.

 

C.D.

 
Crédits photo : ©20 minutes

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One thought

  • Le peuple a très certainement, très malheureusement aussi, été contraint de toute façon de pleurer son dictateur mort, mais il faut aussi mentionner qu'une bonne partie de la population trouve certainement cela normal, voit effectivement le dictateur comme celui par qui tout passe et n'imagine plus le pays sans lui. Il y a bien sûr toute la répression cachée, les courageux résistants qui HEUREUSEMENT existent, et la propagande qui fait son oeuvre, mais justement elle l'a tellement fait depuis tant d'années qu'aujourd'hui je pense qu'une bonne part des coréens n'ont plus besoin qu'on le leur demande pour pleurer cette mort…
    Par contre je ne crois pas qu'ils seraient restés des heures tête et pieds nus dans la neige, immobiles en attendant de voir passer de corps de leur dictateur. Là, effectivement, c'est un comportement purement et entièrement forcé. Mais pour les pleurs je n'en suis malheureusement pas convaincue…
    Belle analyse du fond médiatique auquel on ne prête pas forcément attention!

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