Société

Netflix & Canal+ : Amis ennemis, quand la concurrence se fait amitié

C’est officiel : depuis le 15 octobre 2019, les abonnés à Canal+ peuvent bénéficier des services de Netflix. Avec une formule Ciné/Séries à 34,90€ par mois, les abonnés Canal+ auront, en plus de tous les programmes originaux, le loisir de regarder ce qu’ils veulent de la plateforme Netflix.

Un partenariat profitable

« Nous sommes très heureux de nous associer à Netflix pour proposer à nos abonnés l’offre de cinéma et de séries la plus riche du marché. Netflix est la référence mondiale dans son domaine avec des programmes reconnus internationalement. Cette offre vient compléter notre proposition généraliste de cinéma récent, de grands événements sportifs en direct, de séries de classe mondiale, dont nos Créations Originales, et conforter ainsi notre rôle d‘agrégateur de contenus et services. » déclare Maxime Saada, Président du Directoire du groupe CANAL+.

Ainsi, Canal+, souvent considéré comme dépassé depuis l’arrivée massive de Netflix, son compétiteur principal, choisit le partenariat.

Du côté de Netflix, Reed Hastings, Fondateur et PDG de Netflix, a déclaré : « Nous sommes très heureux de travailler avec CANAL+, l’une des toutes premières sociétés média en Europe. Nous partageons la même passion pour l’entertainment et ce partenariat facilitera aux abonnés CANAL+ l’accès à l’expérience Netflix — le tout dans un même abonnement. Les plus belles histoires n’ont pas de frontière et peuvent séduire partout dans le monde — et nous souhaitons donner accès à un public toujours plus large à une grande diversité de contenus provenant de créateurs du monde entier, à la fois sur Netflix et via notre partenariat avec CANAL+. »

Mais alors, c’est pour quel public ?

Ça veut dire quoi, être client Canal+ ou client Netflix ? Canal + est une entreprise bien implantée en France : première chaîne payante, elle se fait connaître avec ses films X du samedi soir et ses diffusions d’événements sportifs. Cependant, à l’heure de la TNT, des réseaux sociaux, des plateformes de diffusion de contenus gratuits (comme YouTube) ou payants (comme Netflix, AmazonPrime et bientôt en France Disney+), comment rester compétitif ?

On arrive facilement à imaginer les deux publics. Canal+ représente des consommateurs bien installés, soucieux de la qualité des séries originales françaises et qui suivent parfois ces feuilletons phares depuis plusieurs saisons. On pense notamment aux séries Le Bureau des Légendes, Baron Noir, Engrenages, Hippocrate… Ils sont souvent des abonnés de longue date et profitent des formules proposées par Canal+ : nombreux films, événements sportifs… 

Quant aux utilisateurs de Netflix, ils sont plus jeunes. Ils partagent l’abonnement avec leurs amis, leur famille. Ils essaient de multiples programmes, des genres différents et regardent sur tous leurs écrans : ordinateur, tablette, téléphone, télévision.

À qui s’adresse alors l’offre de Canal+ et de Netflix ? Aux jeunes qui ont délaissé Canal+ pour se tourner vers des plateformes plus actuelles, qui correspondent plus à leur façon de consommer l’information ? À des personnes au contraire ancrées dans leur habitude de consommation de médias télévisuels, qui sont peut-être réticentes à l’idée de payer uniquement pour découvrir les offres de Netflix ? Ou enfin aux frileux qui n’ont encore d’abonnement sur aucune des plateformes et recherchent justement une offre couplée ?

 

Entre binge-watching et FOMO

Cette nouvelle formule est donc une double formule à la demande car elle propose une variété et une pluralité de programmes difficile à appréhender. L’immensité de choix alors proposée au téléspectateur est intense. Vers quoi se diriger ? Un genre qu’on aime ? Un réalisateur qu’on connaît ? Une oeuvre originale Canal ou Netflix ? De plus en plus de réalisateurs et réalisatrices français.e.s se tournent vers Netflix tandis que des programmes originaux français Netflix fleurissent. Et Canal+ n’a plus cette primauté de créations originales françaises.

Cette offre de trop-plein mène au binge-watching, pratique désormais ancrée dans notre société qui consiste à regarder et consommer sur nos écrans des contenus de plus en plus rapidement. Une offre aussi plurielle que celle proposée par Canal encourage le binge-watching car il y a deux fois plus de contenus à consommer.

« Aborder un film ou une série comme un livre : on peut le lire quand on veut, où l’on veut et le dévorer si on le souhaite. » Ted Sarandos, Netflix

Le binge-watching s’accompagne du FOMO, acronyme signifiant « the fear of missing out » soit la peur de manquer quelque chose, de ne pas être au courant, de ne pas partager quelque chose en même temps que les autres. Pour les séries et les films, le FOMO s’explique le lendemain de diffusion de séries et épisodes attendus. À la machine à café, les discussions vont bon train séparant en deux clans ceux qui ont vu, qui ont aussitôt binge-watché et les autres laissés de côté parce qu’ils n’ont pas encore vu, ne s’intéressent pas à ce contenu-ci ou n’écoutent pas dans la crainte d’être spoilé. Ces logiques promeuvent aussi les nouvelles séries et peu les anciennes. En effet, il est plus difficile de rattraper quatre ou cinq saisons que de voir en une nuit une saison de huit épisodes sortie la veille.

Alors, la série a-t-elle vraiment supplanté les programmes TV habituels ?

Ce partenariat révèle des logiques sous-jacentes de délaissement de la télévision ainsi que des créations originales françaises. Après avoir perdu plus de 200 000 abonnés depuis début 2019, Canal+ tend à faire aujourd’hui de plus en plus de compromis afin de rester concurrentiel. 

Camille BRAUER


Sources : 

« Communiqué : le Groupe CANAL+ et Netflix s’associent pour offrir le meilleur du cinéma et des séries » , CANAL+ Assistance [en ligne], 16 septembre 2019. Disponible sur : https://assistance.canal.fr/questions/2090159-communique-groupe-canal-netflix-associent-offrir-meilleur-cinema-series

« Canal+ dégringole : le nombre d’abonnés est en chute libre au 3e trimestre »,  Papergeek [en ligne], 21 octobre 2019. Disponible sur : https://www.papergeek.fr/canal-degringole-nombre-abonnes-est-en-chute-libre-au-3e-trimestre-974543

Crédits photos :

Canal+

«The Stage of Binge Watching», Odyssey

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