L'anticonformisme selon France 3
La rentrée 2012 a été riche en campagnes médiatiques et aujourd’hui on s’intéresse à celle de France 3. Si vous êtes passés à côté, elle ressemble à ça.
Créée par l’agence « Australie », cette campagne d’affichage, qui s’accompagne de supports radio et vidéo, a fait sensation sur les réseaux sociaux. Et pourtant, les afficionados de Twitter et Facebook ne sont pas le cœur de cible d’une chaîne qui traîne derrière elle une image « vieillotte ». Mais en 2012, France 3 se rebelle et décide de faire entendre sa voix à travers une campagne osée.
Problème : comment parler, à une génération de trentenaires urbains, d’émissions pour la plupart regardées par nos grands-parents ? Et surtout, – même si l’agence ne le formule pas de cette manière dans son discours – comment faire passer l’idée que regarder France 3 est une activité socialement valorisante ? Tout simplement en jouant la carte de l’humour.
Avec des slogans faisant la part belle à l’ironie et au second degré la chaîne nous montre qu’elle n’oublie pas de prendre du recul par rapport à ses propres productions. Cependant, rajeunir l’image d’une marque est toujours une tentative périlleuse. Et dans le cas de France 3, le risque était grand de nier l’identité de la marque en cherchant à travestir ses valeurs. Or, l’intelligence d’ « Australie » a précisément été d’axer sa campagne sur six émissions phares de la chaîne parmi lesquelles 30 millions d’amis, Plus belle la vie ou Côté Jardin.
Faire preuve d’autodérision c’est bien, en profiter pour tacler la concurrence c’est mieux. Après D8, c’est donc au tour de France 3 de s’attaquer aux programmes de M6. Avec humour, un des visuels consacrés à Des Racines et des Ailes annonce « Quand on s’invite dans un lieu, ce n’est pas pour refaire la déco » — les intéressés apprécieront. De manière moins marquée, les autres chaînes du PAF en prennent pour leur grade avec des références à la télé-réalité ou aux émissions hyper-scénarisées.
Bref, à travers ces quelques affiches France 3 affirme son caractère décalé. Destiné aux jeunes urbains, leur message pourrait se simplifier en ces mots : regarder France 3 c’est bien car c’est anti-mainstream. La chaîne, plutôt que de se lancer dans une quête de reconnaissance, prend le contrepied des critiques. La 3 devient « tendance », précisément parce que ses programmes ne le sont pas.
Alors si vous souhaitez briller en soirée, n’oubliez pas, dites que vous regardez Thalassa.
Angélina Pineau
N.B : et pour tous ceux qui s’intéressent au graphisme, une très bonne analyse de cette campagne est disponible ici sur le site d’OWNI.
One thought
Il est clair que cette campagne avait pour but affiché de se positionner dans la provocation et l'ironie, ce qui tranche avec l'image très lisse que l'on associe à cette chaîne. Pourtant le premier visuel que j'avais vu faisait référence -c'est en tout cas à cela que je l'avais spontanément associé- aux diverses émissions diffusées sur W9 ou NRJ 12 en clamant "Toujours pas de Brenda, Kelly, Steven", affiche qui m'avait laissé une impression mitigée, marque d'un snobisme assumé,et d'une chaîne dédaigneuse.
Au final l'ensemble de cette campagne n'a pour moi pas eu l'effet escompté : pas de rajeunissement notable de l'image que je me faisais de cette chaîne mais plutôt celle d'une chaîne un peu à la ramasse, auto-centrée (cf la redondance du "nous") sur les vieilles valeurs de ses programmes historiques, totalement hermétique et je le prédis définitivement hors jeu.
Evidemment il n'est pas question d'adopter les codes de programmes racoleurs déplorables en de nombreux points, mais de se remettre durablement en question. Cette campagne prouve la dynamique totalement inverse, et me fait l'effet d'un vieux capitaine cramponné à la barre au moment de sombrer avec son navire…
En tout cas merci à l'auteur de l'article d'avoir mis en lumière cette campagne.