Publicité et marketing

La meilleure blague de Carambar ?

 

Qui que soit votre interlocuteur, si vous lui demandez ce qu’évoque pour lui Carambar, il vous répondra probablement les fameuses blagues inscrites sur l’emballage de la sucrerie. Elles constituent en effet un profond marqueur identitaire, d’autant plus qu’elles renvoient à l’enfance de l’utilisateur. Cet imaginaire collectif de Carambar est du pain béni pour la communication de la marque qui depuis toujours joue sur son image ludique, « fun » et conviviale (avec le fameux slogan « Carambar, tous barrés »), bien que, il faut se l’avouer : peu importe la tendresse qui nous lie aux fameuses friandises, les blagues ne soient ni toujours drôles, ni d’un bon goût affirmé.

Or, le 21 mars 2013, après quelques effets de teasings (« le changement c’est bientôt »), Carambar fait une annonce qui va raviver les passions des cibles de la marque ; fini le temps des bonnes vieilles blagues, fini le temps où on lisait ses blagues à tour de rôle, la bouche pleine de Carambar goût caramel, place à l’éducation ! Carambar proclame le temps des questions éducatives ouvert, en donnant quelques exemples de ce que deviendra l’emballage. La teneur des questions, ainsi que les propositions de réponses, mettaient cependant déjà la puce à l’oreille. Entre les épellations douteuses et dignes d’un académicien, on trouvait également des questions telles que « Qu’est-ce qu’un goulag ? »

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On pouvait à la limite toujours se dire qu’à défaut de conserver l’aspect blague, Carambar gardait celui de mauvais goût. Mais tout de même, suggérer à nos chères petites têtes blondes qu’un goulag pourrait être une viennoiserie ou un sport nordique, cela avait quelque chose d’étrange voire de dérangeant. Jusqu’aux couleurs de Carambar qui se pare, plutôt que d’un jaune vif, d’un gris ardoise plutôt déprimant agrémentant le nouveau slogan : « Carambar, c’est du sérieux ».

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La communication de Carambar a sur ce coup-là très bien joué : tout, hormis le contenu même des questions/réponses proposées, rendait crédible cette annonce. La page Facebook, qui en a été le principal berceau, nous montre bien que ce poisson d’avril était préparé depuis longtemps, notamment au travers de rappels constants d’un changement à venir et de faux spots publicitaires qui ont même circulé. L’annonce décevait, surprenait, choquait, mais on y croyait quand même un peu tous, simplement parce que la communication autour de la fausse annonce semblait sérieuse et complète (et pour cause, elle l’était) : pourquoi se donner tant de peine pour un fake ? Les outils utilisés par Carambar sonnaient redoutablement juste, à grands coups de dossiers de presse, d’annonces publicitaires,…

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À ce moment-là, l’annonce Carambar est à la fois une réussite et un flop : la marque fait parler d’elle en brassant les imaginaires du public, en le dérangeant dans ses habitudes, mais justement à cause de cela, le changement n’est pas bien reçu (ce qui était sans aucun doute prévu par les communicants de Carambar). On ne peut s’empêcher de penser que ces derniers ont dû bien s’amuser en observant les réactions des fans, massives sur les réseaux sociaux, et si l’on n’est pas trop pétri de fierté et qu’on est beaux joueurs, on ne peut que leur donner raison. Les plus orgueilleux d’entre nous vous affirmeront qu’ils avaient vu la chose venir, qu’ils n’avaient jamais pris l’annonce au sérieux, mais ne nous voilons pas la face : avant l’annonce, plus personne ne s’intéressait à ce que pouvait faire Carambar, en conséquence, surpris par ce revirement, nous sommes tous tombés dans le panneau, la presse au même titre que les autres.

Et pour cause beaucoup de journalistes enragent, car ils ont été volontairement dupés par la marque, en témoigne un article dans Le Parisien, qui pose la question du mensonge marketing. On aura beau dire, pourtant, la marque a réussi son coup. L’afflux de commentaires et de réactions, le respect de la tradition, car après tout il s’agit d’une blague, peut-être la meilleure de Carambar, représentative de la ligne de conduite de la marque, tout cela permet une réussite, mais une réussite que beaucoup ont du mal à admettre. La communication était soignée, bien vue, mais elle n’en était pas moins mensongère. Et surtout, avouons-le, le discours de Carambar sonnait beaucoup trop bien dans l’ère du temps, ce qui en soi est déjà inquiétant lorsqu’on entend des phrases du genre : « conscient que les enjeux de la transmission du savoir vont bien au-delà de la mission de l’école, Carambar a décidé de participer à l’éducation des plus jeunes » ou « aujourd’hui de nombreuses études prouvent qu’associer la transmission des savoirs aux moments de plaisir et de détente favorise la mémorisation et l’apprentissage », discours consensuels et bien pensants, qui, bien que particulièrement irritants, sont actuellement à la mode.

Mais que l’on se rassure ! Quatre jours après cette annonce qui a bouleversé les habitués du Carambar, la marque nous invite avec son slogan « la fin des blagues #cetaituneblague » à revoir nos récriminations, il ne s’agissait bien là que d’un poisson d’avril avant l’heure. Et la communication du dévoilement, autant que celle de l’annonce, est tout aussi solide et travaillée : vidéos youtube, making of de la supercherie, nouveaux spots en négatif de ceux de la blague, site internet consacré. On est cependant en droit de se demander si cette blague un peu trop préparée (six mois de travail selon le service communication), n’est pas comme les bons mots auxquels on songe pendant quelques minutes avant de les dire dans une conversation : bien pensés, certes, mais pas si drôles que ça…


 
Noémie Sanquer
Sources :
Letelegramme.fr
Le Parisien
Carambar.fr
Le Figaro
La page Facebook de Carambar

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