The Chinese dream
Une campagne de lutte anti-corruption
La campagne de lutte anti-corruption bat son plein en Chine. En excluant la semaine dernière Liu Tienan, l’un des principaux conseillers économiques du parti, le président de la Chine populaire Xio Jiping affirme à nouveau sa volonté de mettre fin aux « énormes pots-de-vin » que reçoit la bureaucratie afin de prôner une vie plus saine, étrangère à toutes les décadences passées. Grâce aux révélations de sa maîtresse, les médias officiels avaient en effet publiés les trésors de cet homme qui possédait près de 25 diamants, 4,5 kg d’or et d’autres nombreux cadeaux. Cette lutte anti-corruption fut lancée par Xio Jiping à son arrivée au pouvoir, lorsqu’il a déclaré qu’il serait intransigeant sur le fait qu’il fallait désormais « frapper les petites mouches comme les grands tigres en matière de corruption ».
Mais loin de ne s’en prendre qu’à la bureaucratie, le président s’attaque également aux marques de luxe. Frappées de plein fouet par cette stigmatisation, celles-ci ont vu à l’approche des fêtes de Noël leurs chiffres d’affaires dégringoler à cause de cette nouvelle adéquation entre le luxe et la décadence réprimée par le pouvoir en place.
Une nouvelle stratégie de marque
La campagne anti-gaspillage incite ainsi les marques de luxe à envisager et à adopter une nouvelle stratégie de communication. Après le fameux « American Dream », voici « The Chinese Dream ». Ce rêve est synonyme de réussite, d’accomplissement, de gloire surtout, et tout cela par la simple force du poignet. Afin de véhiculer une image positive de leurs produits, les marques innovent en présentant dans leurs publicités non plus des égéries mais des « self made men ». Il est loin le temps des campagnes publicitaires clinquantes, où la célébrité du moment portait le dernier sac Vuitton. Désormais, le choix des célébrités repose principalement sur leur réussite professionnelle plus que sur un facteur luxe.
Mercedes-Benz a par exemple organisé une campagne de « Dream Makers » sur Sina Weibo, connue pour favoriser les professionnels de la création aux dépends des stars de cinéma. Cette campagne met ainsi en vedette un personnage adulé par les consommateurs, en cela qu’elle explique comment elle en est parvenu à un tel succès et qu’elle redonne espoir dans un marché économique mondial aujourd’hui en difficulté. Le dur labeur et la vision créative sont récompensés à la place des paillettes et du glamour. On admire alors leur philosophie de vie. Pour plus de succès, Mercedes-Benz demande même à ses utilisateurs de participer en racontant leurs rêves avec la possibilité ensuite de gagner une voiture.
Cette même stratégie a été utilisée par la marque Johnnie Walker, une célèbre marque de whisky, dans sa campagne intitulée « Game Changer » qui met en scène entre autre Ma Yonsong le fondateur de MAD architects, et le lauréat du prix du scénario de Cannes et réalisateur Jia Zhangke. Ces publicités sont innovantes puisqu’elles ne présentent plus simplement des produits mais proposent également des conseils pour bien réussir dans la vie.En plus des créatifs, ce sont également des athlètes professionnels qui sont utilisés. On peut citer le célèbre champion olympique d’escrime Lei Sheng, le couturier Guo Pei, le photographe Xiao Quan et le painiste Zhao Yinyin. La campagne « Pinnacle moment » contait ainsi le moment de couronnement de leur vie ainsi que le chemin emprunté pour y parvenir.
The Chinese Dream
Derrière l’emprunt de ces « self made men » se cache bien sur l’espoir des marques de s’éloigner de l’adéquation luxe / corruption martelée par Xio Jiping. L’effet recherché est de dissocier le luxe du délabrement moral, de la décadence et du vice pour le requalifier et l’associer à la beauté et à l’artisanat. Une image positive est alors véhiculée par leurs produits de qualité en faisant l’éloge du travail acharné et de la créativité. Ces publicités permettent alors de doter le produit d’une singularité propre : en effet, le consommateur peut plus facilement s’identifier à lui et se l’approprier. La richesse matérielle est donc sublimée par une satisfaction personnelle et par un sentiment d’accomplissement qui viennent se greffer à l’achat.
En utilisant les espoirs des consommateurs, cette nouvelle stratégie marketing érige en valeur suprême le travail. Elle polie également l’image des marques de luxe en donnant un revers positif à leur simple représentation de richesse, celle de réussite et de bonheur. On est donc bien en plein « Chinese Dream ».
Laura de Carné
Sources:
– Le Figaro magazine
– Le Monde magazine
– L’agence marketing chine
Photo Carlos Barria, reuters