Campagne RATP et Publicis Conseil - Le buffle
Société

Jacques a dit « Bonjour… j'ai dit bonjour ! »

Maudire un voyageur qui refuse de se lever, bien que vous soyez à moitié assis sur ses genoux. Rêver de pouvoir couper le crachotement de ces hauts parleurs ou les cris de cet usager d’un simple claquement de doigts. Rattraper celui qui a lâché le lourd portillon du métro pile sur votre nez pour l’informer de votre douleur, et par la même occasion de votre existence. Oui, vous aussi avez vécu tout cela, car vous aussi prenez les transports en commun chaque jour.

Pour tenter d’améliorer la situation quotidienne de plus de dix millions de voyageurs, la RATP a lancé en Septembre 2011 une grande campagne « Contre les incivilités des transports ». De multiples slogans frappants inspirés de La Fontaine, comme « 2 bonjours font 1 bon jour » – réutilisant les couleurs des lignes de métro pour les chiffres – ont envahi quais et wagons des métros, RER, bus et tramways parisiens. Les affiches-miroirs de la campagne, représentant exactement ce qui nous entoure au moment où on les voit, nous mettent physiquement face au problème par des représentations animales de ces perturbateurs de tranquillité. Quelques spots télévisés ainsi que des actions dans des gares aussi diverses que Saint-Lazare, Torcy ou Nanterre sont venus parfaire cette campagne, qui avait tout pour frapper les esprits et nous faire prendre conscience des 9 999 999 voyageurs qui nous entourent.

Pourtant, environ deux portillons sur trois claquent aux nez tous les jours en sortant des quais, les portables sonnent plus fort que jamais et adolescents comme quinquagénaires continuent de s’avachir sur les strapontins dans une foule courroucée et épuisée. Non, on ne peut pas dire que cette campagne ait réellement changé les choses, bien que la RATP ait pleinement rempli son rôle (comme le pensent 90% des Franciliens¹). Les grèves et pannes quotidiennes (qui n’aident pas la diffusion de la bonne humeur et de la politesse dans les rames) n’étant pas une nouveauté, il semble bien que les parisiens d’aujourd’hui soient de nature tout aussi « incivile » qu’au début de cette campagne.

Il faut cependant noter les millions de personnes qui chaque jour ne se laissent pas décontenancer par ces râleurs – moins nombreux mais plus marquants. Laisser sortir avant d’entrer soi-même dans la rame, se lever de son siège quelques minutes avant de sortir pour éviter de trop gêner les autres ou encore céder sa place aux cheveux blancs ou aux ventres ronds sont des actes récurrents, mais peu observés et encore moins imités par les dissidents. Si l’on devait chercher une explication, on pourrait évoquer la psychologie classique propre à chaque être humain de voir en face de lui un « autre », qui gêne par son regard inquisiteur, observateur… Humain. Mais justement, c’est bien pour cela que recevoir un sourire plutôt qu’un regard glacial en sortant péniblement du train est une fonction communicative indispensable de la société, une lutte permanente contre la solitude impossible à mener dans la ferraille glacée de la voiture individuelle.

La campagne de la RATP prouve que cette fonction essentielle des transports en commun côtoie cependant bien des aspects pénibles, et qu’un peu de gentillesse, un simple sourire peuvent éclairer la journée de quelqu’un. Si le nombre (pas si minoritaire que ça) de voyageurs « civils » augmentait, le quotidien n’en serait que moins sombre en ces heures de crise, mais vu les faibles résultats observables de cette campagne on peut malheureusement penser que les perturbateurs de notre sérénité ont encore de beaux jours devant eux.

 
Héloïse Hamard
¹ d’après le Cabinet d’études TNS Sofres
Crédits Photos : ©Publicis Conseil/RATP

Tags:

7 thoughts

  • Cet article est impressionnant et je vais d'ailleurs le signaler à une copine qui est sur la même longueur d'onde que vous et je suis certaine qu'elle m'en sera reconnaissante. Soyez remerciez pour ce billet et votre implication pour mettre en commun ces réflexions. Je serais reconnaissante d'avoir la possibilité de lire vos billets à ce propos dans les prochains mois. Ca m'est très très utile ! Merci encore !

  • On avait étudié cette pub en cours et on avait vu à quelle point elle était plutôt scandaleuse : la RATP joue sur le mécontentement des gens pour faire leur campagne, c'est de la pure démagogie. Brosser les utilisateurs du métro dans le sens du poil, pour que tout le monde puisse évidemment à un moment s'y retrouver. Pour moi, c'est de la mauvaise communication qui joue sur nos "méchantes pulsions".

  • Merci beaucoup pour les compliments, ça me fait très plaisir!
    Oui ça peut paraître un peu démagogique c'est vrai, mais ça soulève malgré tout un problème essentiel des transports en commun je pense, même si ça n'aurait surement pas dû être utilisé ainsi pour l'image de l'entreprise… La preuve, l'effet a été quasi inexistant!

  • Moi la pub que je ne supporte pas en ce moment (mais c ptet de la SNCF plutot ke la RATP), c'est dans les trains de banlieue et les rer. sur laffiche il y a ecrit 'MERCI de ne pas avoir bloque la porte pour essayer de monter. Vous avez contribue a ce que les trains restent a leur' ou 'MERCI de ne pas avoir laisse de colis suspects dans les trains ou la gare. Grace a vous, nous pourrons fonctionner normalement sans retards.'
    Bref, quelquechose comme ca. C'est enervant car ils rejettent subtilement la faute de tous leurs retards ou annulations sur le voyageur, n le remerciant davoir contribue a qqch de positif cela insinue quil est aussi la cause de ce qui est negatif. Avec le controleur ou conducteur qui sourie a cote du texte sur la pub, jai envie de larracher du mur quand je le vois!!!
    En tout cas, article tres sympa et interessant 😉

    • Hahahaha mais tellement horrible !!! Ils font plein de pubs comme ça sur des petits formats. Je me demande si c'est vraiment fait par une agence ou si c'est fait en interne par deux mecs qui se sont pris pour des créatifs :p

    • Oui c'est vrai que leur communication va toujours dans ce sens, même si on peut difficilement leur reprocher de ne pas reporter la faute sur leur propre personnel même si c'est le cas! Mais une ou deux nouvelles personnes dans leur service ne seraient pas de trop niveau communication je pense…

Laisser un commentaire