L'underground, mainstream ?
Culture

Jacques a dit : « Que l’underground devienne mainstream »

 
Culture alternative, indé, expérimentale, élitiste dirait-on même, rebelle parfois… Ce qu’on a pu un jour désigner comme « underground » concentre une multiplicité de mouvements à contre-courant de la tendance culturelle et sociale principale ou traditionnelle. Ceux-ci se présentent ainsi eux-mêmes comme des déviants qui construisent leur propre identité culturelle en marge de la culture dite « mainstream », qui, elle, est associée aux médias de masse, diffusant des normes au plus grand nombre.
Parmi les mouvements underground les plus connus, on peut citer le punk, le mod, le gothique, le skinhead ou encore le techno, apparus successivement à partir des années 1950.
Si ces subcultures se sont toujours données des codes visuels bien particuliers afin de se distinguer de la « masse » (modifications corporelles, bijoux…), il n’est pas certain que ceux-ci soit encore perçus comme tels aujourd’hui.
Force est de constater que bon nombre de ces codes ont été repris et détournés au détriment de leur élitisme initial, pour se faire une place au sein de la culture « mainstream ». Observez donc votre entourage ou tout simplement les inconnus croisés dans la rue : combien de personnes tatouées, piercées, portant des vêtements déchirés ?
Si cette démocratisation d’éléments issus de mouvements indépendants est le résultat de plusieurs années de fermentation, il ne serait pas exagéré d’affirmer que l’on touche à son apogée et paradoxalement, à la banalisation de ce qui se voulait autrefois être rebelle.
En 2010, monsieur Lagerfeld introduit, dans son défilé pour la collection prêt-à-porter printemps/été de la prestigieuse maison Chanel, d’étranges bijoux qui se révèlent en réalité être des décalcomanies trompe-l’œil. Ce qu’il faut retenir de ce coup de maître, c’est la déviation d’un usage qui paraissait soit puéril (on se souvient des tatouages Malabar) soit non conforme, l’introduisant ainsi dans le monde du prêt-à-porter de luxe, géniteur des tendances qui vont se propager ensuite dans l’ensemble de la société.

Pour le printemps 2012, défilé haute couture cette fois, Riccardo Tisci fait porter des piercings nasaux d’une taille démesurée à ses mannequins pour la maison Givenchy. La machine est définitivement en route.
Les maisons de création ne sont sans doute qu’un des multiples agents influençant cette démocratisation de l’underground au sein d’une population massive. La normalisation des piercings et tatouages est presque aboutie aujourd’hui et ainsi l’argument du « Je ne trouverai jamais de travail » perd de son importance dans la mesure où le tatouage lui-même a gagné de plus en plus d’adeptes. L’image du salon de tatouage s’est, quant à elle, bien modifiée : à l’encontre du shop sombre et douteux de Bastille ou Châtelet se développent des lieux qui tiennent davantage du salon de beauté voire du cabinet de chirurgie esthétique et s’adressent à ce titre surtout à la population féminine (on peut citer Marty Tatoo, dans le 10ème arrondissement, plébiscité par des journaux tels que L’Express ou Elle).
Outre la mode, les événements culturels sont de très influents tremplins de tendances et se valorisent d’ouvrir à un public souvent peu initié les portes d’une subculture généralement vue à travers des clichés.
On peut ainsi citer l’exposition « Punk : Chaos to Couture » du Metropolitan Museum au printemps dernier ou encore « Europunk », actuellement à la Cité de la Musique. On ne peut s’empêcher de relever une certaine ironie à voir le punk, mouvement si contestataire et enragé, enfermé dans des cadres et vitrines de musée. Surtout lorsqu’on sait que des t-shirts déchirés ou cloutés, siglés Dolce & Gabbana, Rodarte ou encore Moschino, étaient vendus entre $150 et $750 à la boutique souvenirs du Met…
Cette exposition n’a, par ailleurs, sans doute pas été innocente au processus créatif du nouveau directeur artistique de la maison Saint Laurent Paris, Hedi Slimane, qui, pour sa collection automne/hiver 2013-2014, a concocté une silhouette que les journalistes mode se sont empressés de qualifier de « punk » ou encore de « grunge ». Non seulement l’analogie entre ces deux subcultures peut paraître incongrue dans une certaine mesure, mais on ne peut s’empêcher de se demander ce qu’en dirait Sid Vicious ou Kurt Cobain, pour ne citer qu’eux…

Que tirer de cette vague de pseudo-rébellion sur les pratiques vestimentaires et de manière générale sur l’esthétisme des silhouettes de cette fin 2013 ? Rangers cloutées, crête colorée, bas résilles et chemise à carreaux, le dit « grunge/punk » actuel semble dénuer de symbolisme ces visuels autrefois porteurs d’une odeur de soufre, au mieux pour les banaliser, au pire pour les offrir en pâté aux reproductions et réinterprétations diverses des chaînes vestimentaires, le géant Zara en tête. Forte des phénomènes de mode et de leur diffusion médiatique, la culture de masse aurait-elle tué la culture underground ?
 
Charlene Vinh
Crédits photos :
Vogue Paris octobre 2010
Wildarts.com
Toutelaculture.com

JK Rowling vs Romain Gary
Culture

J.K Rowling, ou le syndrome Romain Gary

 
Au printemps dernier, le livre The Cuckoo’s Calling, ou L’Appel du Coucou, du soi-disant Robert Galbraith paraissait en Grande-Bretagne et n’obtenait pas un grand retentissement. Bien que salué par quelques critiques, le roman n’engendre guère un enthousiasme intarissable, ne cumulant ainsi que 1500 ventes.
Or, quelle n’est pas la surprise générale des médias et lecteurs (potentiels) de découvrir, via un simple post Twitter, le pot aux roses : le dénommé Galbraith n’est tout autre que Maman Harry Potter. Ben ça alors ! Joli tour de magie ?
Pourquoi tous ces mystères ? R n’assumerait-elle plus son succès, ou cherchait-elle un moyen de communication pour le moins extra-ordinaire ? Et que nous dit ce phénomène, à une échelle bien plus large, de la littérature aujourd’hui ?

Beauté de l’écriture ou peur de l’étiquette ?
Rowling cherchait-elle un point de vue impartial sur son écriture afin de revenir aux débuts du lancement d’Harry Potter – pour lequel elle s’était longuement battu, ou bien dans le but de se relever du malheureux échec de son dernier livre, Une Place à Prendre ?
Changer de nom permettait à l’œuvre d’être appréciée pour ce qu’elle était, et de ne pas être propulsée en tête des ventes par le simple usage de sa signature. L’aura d’un écrivain – que l’on peut ici qualifier de star internationale, incontestablement, – influe considérablement sur son chiffre de vente. Sinon, quelle raison y’aurait-il à ce que les mêmes personnalités se retrouvent sans cesse dans les Hits de toutes les librairies ? Et ce bien malheureusement.
Mais, paradoxalement, peut-être est-ce également pour fuir les mauvais côtés de « l’étiquette » que Rowling a pris la peine d’arracher celle qu’elle arborait jusqu’alors. Car son passé Voldemorien, bien qu’ayant séduit une majorité du public mondial, ne l’a pas pour autant aidée à obtenir les faveurs des critiques. Bien au contraire. Aussi, le nom d’un auteur nous influence-t-il sur la perception même de son œuvre. Un immense héritage culturel pèse sans cesse sur notre lecture, et/ou l’élève.
Dans son livre Et si les œuvres changeaient d’auteur, Pierre Bayard démontre bien le changement de perspective de l’étude d’une œuvre selon l’auteur qui la réalise. Il prend notamment l’exemple de Dom Juan : si Corneille avait écrit la pièce, l’on pourrait relever dans cette dernière la présence fondamentale d’une multitude de dilemmes, d’importance chez le dramaturge mais peu pertinente dans un cadre moliérien.
Quoiqu’on en dise, un nom influe toujours sur une perception, et construit des a priori sur un sujet considéré.
Coup de Comm’ ou projet artistique ?
Il est évident que l’on pense d’emblée ici à une stratégie communicationnelle. En effet, c’est un tweet à l’origine suspecte qui a averti le Sunday Times du subterfuge, propulsant, sans surprise, le livre de la 5076e place à la 1e place des ventes d’Amazon en une journée.  Nous ne pouvons que saluer un énorme coup de pub qui n’a engendré aucun coût. Tous les médias parlent désormais du livre, gratuitement. Et comme le précise bien Julien Gracq dans La Littérature à l’estomac, une fois que la critique installe un auteur dans le doux cocon du succès, il est difficile de l’en déloger.
Pourtant, Rowling demeure multimillionnaire, et la recherche d’un profit financier de sa part semble peu probable. Peut-être pourrait-on penser, à la limite, au désir ardent d’une remontée en haut de l’affiche, maintenant que la fièvre Harry Potter paraît bel et bien révolue.

Ce phénomène ne peut que nous rappeler l’emprunt par Romain Gary du pseudonyme Emile Ajar, il y a de cela des dizaines d’années ; mystère révélé dans la lettre de suicide de l’auteur. Mais il s’agissait là de retrouver une liberté d’expression que la conservation de son identité, des plus populaires, ne permettait plus. Gary voulait, semble-t-il, adopter un regard nouveau, un style ne répondant pas nécessairement au précédent, et aborder des thématiques délicates et polémiques. La Vie devant soi, par exemple, dénonçait tout à la fois la ghettoïsation des immigrés en France, le rejet des prostituées, ou encore l’interdiction de l’euthanasie.
Or, JK Rowling conserve, dans The Cuckoo’s Calling, un univers assez similaire aux précédents. Elle reste très loin de la dénonciation politique, ou de la réflexion sociale et idéologique, comme l’effectua sublimement Gary. Ce qui nous montre, quelque part, l’immense distance entre l’emprunt d’un faux nom au regard d’un projet littéraire d’un côté – création d’une œuvre – et le faussement d’une identité ayant, très probablement, un rapport avec le monde de la communication – création d’un livre, dans le sens commercial du terme.
Cet évènement ne manque pas de nous dire quelque chose de grandement inquiétant sur la littérature aujourd’hui. La dictature du nom semble bel et bien installée, incitant à la réflexion communicationnelle plus qu’à la qualité de l’écriture.
« Je me suis bien amusé, au revoir et merci. »
Romain  Gary
 
Chloé Letourneur
Sources :
Firstpost.business
The Sunday Times
L’Express
Crédits photos :
Image de Une : JK Rowling et Romain Gary (t-as-vu-ma-plume.over-blog.com)
Image 2 : Hypable.com
Image 3 : OneMinuteNews

4
Culture

Banksy, ou l'art sur une frontière.

 

Banksy est certainement le street-artist contemporain le plus médiatisé de ces cinq dernières années. Bien que son identité soit entourée de mystère (il serait anglais et né en 1974 d’après Wikipedia), ses moindres faits et gestes artistiques disposent d’une couverture médiatique ahurissante, tel la Une du New-York Post la semaine passée. Bien peu d’artistes contemporains peuvent se targuer d’une si grande reconnaissance publique. Souvent adulé, parfois détesté, Banksy semble être le modèle de l’artiste d’aujourd’hui : people mais caché, underground mais pop, illégal mais moralisateur.
Cependant, ses derniers travaux new-yorkais n’ont-ils pas montré de façon définitive les limites du travail de cet homme évoluant toujours à la frontière de ce qu’il dénonce : le consumérisme et la bien-pensance ?
Depuis un mois, Banksy navigue dans New-York au gré de ses projets artistiques et dévoile quotidiennement une nouvelle « œuvre » sur un blog (http://www.banksy.co.uk/) ouvert à cette occasion. Le nom du projet ? « Better out than in », mettant ainsi en exergue de nouveaux travaux de rue. Un « happening » de cette résidence new-yorkaise m’a interpelé et a accaparé les médias la semaine dernière : près de Central Park, un homme d’un certain âge proposait sur son stand des toiles authentiques et signées de Banksy au prix dérisoire de 60 dollars. Le stand semblait tout à fait commun et aucune communication particulière n’était faite pour le promouvoir. Le consommateur ne savait plus si les œuvres vendues étaient vraies ou non, et s’en voyait décontenancé. L’artiste anglais publia sur son blog le lendemain de cette opération une vidéo dans laquelle il divulgua les dessous de cet évènement et reconnut être à l’origine des toiles.
Banksy a toujours souhaité dénoncer les affres du capitalisme, du communautarisme, de la guerre, de la marchandisation du monde. Il souhaite ici montrer du doigt toutes les stratégies de communication qui entoure les grands évènements artistiques récents et qui, selon lui, créent des buzz factices, détournant le public des véritables qualités artistiques des travaux qu’ils vont voir. Le peu d’œuvres vendues (malgré leur prix dérisoire) sur le stand de Central Park semble corroborer son analyse, montrant que l’absence de communication n’a pas permis une vente qui aurait pu être historique.
Il est vrai que le marché de l’art est un marché d’influence, de bulles spéculatives créées artificiellement par d’importantes galeries ou par d’importants acheteurs qui orientent et guident le marché au travers de grands évènements et de grandes campagnes de communication. Cependant, ce constat est vrai pour tout marché, et la nécessité de communiquer vaut pour tout produit, même culturel.
Banksy souhaite t-il alors dénoncer la marchandisation de l’art ? Il a lui-même profité de ce mouvement en vendant certains de ses travaux lors d’expositions au « buzz » parfait, dans lesquelles le « tout Los Angeles » s’est précipité. Officiellement, les fonds ainsi récoltés lui permettent de conserver sa liberté artistique. Banksy avance alors dans un flou certain, sur la ligne jaune entre dénonciation de la marchandisation et le « marchandising » du monde artistique dont il a profité. Les arts de rue sont désormais tombés dans la culture populaire, et dans un monde de marchandisation. Banksy a été l’un des chefs de file de ce mouvement, et a ouvert les portes des galeries d’art à toute une génération de street-artists.

Banksy déclare vouloir « Faire de l’art sans prix ». Il propose alors sur un stand new-yorkais ses œuvres à une somme misérable face à celle du marché, et ne communique pas dessus. Mais alors, pourquoi publier le lendemain une vidéo montrant le stratagème et faisant, de facto, augmenter le prix des œuvres ? Pourquoi ne pas taire cette information et laisser l’art pour l’art, lui qui souhaite sortir la culture du système marchand ? En le dénonçant, il l’encourage.
Banksy, vous ratez l’évident : l’art qui n’a pas de prix, c’est l’art de la rue, celui qui se trouve sur les murs des immeubles. Stoppez le travail que vous fournissez sur toiles. Ce sont vos tags qui ne disposent d’aucune valeur marchande. C’est ce travail qui rend unique vos pochoirs reproductibles puisqu’il se crée en situation, dans un lieu particulier, dans des conditions particulières. C’est cela l’art de rue : un art de l’éphémère mais de l’unique, qui parle sans stratégie de communication ni murs prestigieux de galeries ou d’institutions. Banksy, si vous souhaitez faire vivre l’art hors de la marchandisation, contentez-vous de faire de l’art sur les murs, et cessez d’utiliser votre talent sur des supports qui ne sont pas les vôtres.
Adrien Torres
Sources
Nouvelobs.com
Banksyny.com

boutique éphémère adopte un mec
Culture

La dure vie du romantisme français

 
« A l’âge où apparaît souvent le (la) prince(sse) charmant(e), l’important est-il encore de se marier et d’avoir beaucoup d’enfants ? », telle est la question que s’est posée France 2, il y a environ un mois, dans son enquête sur la « Génération Fleur-bleue » des 18-34 ans. Ainsi 52% des jeunes interrogés déclarent que les relations amoureuses sont « importantes ». Ceci démontre que l’imaginaire des relations amoureuses, ou dit autrement, de « l’amour », perdure. Et il serait même l’un des fondements du couple, puisque, toujours selon ces mêmes interrogés, la notion d’Amour serait au centre de la relation conjugale.
Cependant, ces déclarations se réfèrent bien plus à une nouvelle définition de la notion de couple qu’aux structures conjugales traditionnelles. Le couple d’aujourd’hui se fonde en effet davantage sur une promesse mutuelle qu’un contrat officiel tel que le mariage. Et c’est sur cette image du couple « sans contrainte » que semblent jouer les sites de rencontre pour célibataires avec leurs promesses de trouver l’homme ou la femme idéal(e). Pour preuve l’utilisation par Meetic, la référence à l’échelle européenne, de témoignages et expériences amoureuses réussies de ses (anciens) membres pour parfaire son identité. Cette image exclusivement positive et surtout libre du couple, portée notamment par ce type de site, s’inscrit dans les représentations individuelles et semble alimenter une vision du couple modernisée mais toujours rattachée à un fort romantisme et au Saint Graal social qu’est l’Amour.
Qu’en est-il alors de cette tendance paradoxale à l’infidélité ? Que signifie cette fleuraison sur les réseaux mondiaux de ces sites de rencontre extra-conjugale, structurant l’infidélité et encensant l’adultère ? Le précurseur, Ashley Madison, et son arrivée en fanfare en France il y a environ un an (on se souvient des publicités reprenant les quatre derniers Présidents de la République marqués d’un baiser de rouge à lèvre), le français Gleeden, fondée en 2009, qui se veut plus féminin et plus glamour, et les petits derniers, comme EntreInfidèles depuis 2012, fondent ainsi leurs profits sur ce « pêché » de manière assumée et libérée de toute accusation morale. « Fonder une relation sur un mensonge, on va vers l’échec, déclare le site français. Sur Gleeden on ne se ment pas, la transparence est de mise, l’hypocrisie n’a pas lieu d’être. La couleur est affichée dès le départ. ». Certes, Internet et les réseaux sociaux possèdent un pouvoir décomplexant et ont un « effet désinhibant » selon le docteur en psychologie Yann Leroux, mais ce que certains réduisent à un simple outil de marketing surpuissant se base en réalité sur de solides statistiques : parmi les inscrits sur Meetic, plus de 30% seraient en couple et donc à la recherche de simples aventures plutôt que de l’amour de leur vie (déjà prétendument trouvé).
Comment notre imaginaire romantique de la relation amoureuse peut-il alors se constituer parallèlement à cette vision moderne des relations interindividuelles ? Relations qui apparaissent par ailleurs de plus en plus pragmatiques : venus d’outre atlantique, des sites de « rencontre pour hommes riches et femme cherchant à se faire dorloter » voient aujourd’hui le jour comme SugarDaddy depuis 2011 ou SeekingArrangement, lancé en 2005 aux Etats-Unis, qui arbore la place de site numéro un dans le monde « pour les relations mutuellement avantageuses entre les hommes généreux et les Sugar Babies ». Le principe est simple : l’inscription y est la même que pour les sites de rencontre « classiques », sauf que Monsieur se doit de renseigner l’état de son compte en banque. Comme le soulignait l’hebdomadaire gratuit Stylist, dans son numéro du 3 Octobre, les « michetonneuses » sont « ces femmes intéressées et fières de l’être, disposées à accorder leurs faveurs à des hommes aux portefeuilles bien remplis. » Il s’agit alors de « se laisser gâter comme une princesse ». De l’autre côté, c’est la motivation, un fois encore, de l’absence de faux-semblants et d’hypocrisie qui semble pousser ces hommes riches, mais pas nécessairement sexy, avouons-le, à s’inscrire. La polémique est néanmoins évidente : bien qu’exigeant des abonnés « qu’ils expliquent sans détour ce qu’ils cherchent et ce qu’ils offrent », ces sites apparaissent très borderline, la frontière entre « arrangement » et prostitution étant mince, ou du moins fragile. Certes, la promesse sexuelle (évidente) n’apparaît nulle part de manière explicite, ce qui différencie d’ailleurs ces sites de ceux d’Escort Girl, et la contrepartie ne prend a priori que la forme de cadeaux divers et luxurieux.
Cependant, malgré l’absence de toute obligation et engagement d’ordre sexuel, il apparaît difficile, passé un certain stade de « relation » et de « cadeaux », de ne pas rencontrer ce genre de demande, et surtout délicat de ne pas y répondre, étant donné l’engrenage du « toujours plus » et le cercle vicieux que peut constituer cet échange de « bons procédés ». Dans une version plus crue et moins subtile, ce pragmatisme se retrouve au niveau de sites de rencontre aux allures de « supermarchés », où l’objectif des inscrits y est, si toujours pas textuellement explicité, connu et très clair. Et la version réelle a ainsi abouti, il y a un an à Paris, à la boutique physique, mais éphémère, du site AdopteUnMec, où des hommes posaient dans des boîtes transparentes tels des Ken dans leur emballage plastique.

En somme, l’individu lambda doit aujourd’hui construire sa propre représentation du couple au milieu d’injonctions et de tendances paradoxales coexistantes. Perdure d’un côté l’image mythique et romantique du couple fondé sur l’Amour, sentiment presque « indémodable », et ce tout en suivant les évolutions sociales qui tendent clairement à un affaiblissement des structures traditionnelles de la relation, avec un mariage moins automatique, à l’inverse du divorce. Mais parallèlement, cette destructuration du couple et de ses valeurs d’antan aboutit à un total renversement et semble prendre le contre-pied du couple de nos grands-parents, voire de nos parents. Face à une institutionnalisation du libertinage, à la limite parfois de la prostitution, sommes-nous en mesure de répondre à cette question qui nous brûle les lèvres : pourquoi ce choix ? Revendications libertines, féminisme exacerbé, véritable nécessité économique, rejet du modèle dominant, déception amoureuse ou encore désillusion romantique… La liste est longue et la réponse complexe.
 
Eugénie Mentré
Sources :
Stylist de la semaine du 3 au 10 Octobre 2013
Cosmopolitan.fr
Huffingtonpost.fr
Lemonde.fr
Francetv.fr
Rfi.fr

Culture

Burlesquoni

ou le jeu de mots subtil entre « stripteaseuse » et « performeuse burlesque »
 
Aujourd’hui, laissons la place à Marta Brodzinska, spécialiste du Burlesque, qui nous éclaire sur l’enjeu des différentes représentations médiatiques et sociales de ce mouvement artistique, dont on a pas fini d’entendre parler.
Avril 2012, Milan, Italie : Silvio Berlusconi est inculpé pour avoir payé une jeune femme mineure pour des services sexuels et abusé du pouvoir de sa fonction en exigeant de la police de la libérer, après avoir été accusée de vol. Durant le procès, l’opinion publique découvre que l’ex premier ministre organisait des soirées privées dans une de ses résidences, impliquant la présence de nombreuses stripteaseuses et possiblement de prostituées déguisées notamment en bonnes sœurs, ou encore portant des masques représentant des joueurs de football célèbres. Les médias appellent l’affaire « Bunga Bunga » et le scandale provoque l’indignation et le dégoût de l’opinion publique. Mais l’hédoniste numéro un de l’époque rejette toutes les accusations. Quand on l’interroge sur la présence de jeunes femmes déguisées lors de ses soirées privées, il admet qu’il organisait simplement des « jeux de burlesque ». Pourquoi a-t-il choisi cet argument parmi un tas d’autres pour défendre sa cause, comme s’il espérait qu’une représentation d’une forme d’érotisme légitime était socialement partagée et pouvait par extension lui « sauver la face » ? Et s’il avait raison, si celle-ci existait réellement, pourquoi la société considérerait-elle le « striptease pur » comme quelque chose de « bas », donc illicite, quelque chose que l’on cache des autres, et placer le burlesque de l’autre côté, comme quelque chose de « haut », permis, voir digne de montrer aux autres, et conforme à une norme, qui vaut le coup d’être définie. Enfin, comment une « effeuilleuse burlesque » se différencie-t-elle d’une stripteaseuse ?
Depuis le début des années 1990, on peut observer un retour phénoménal d’un ancien genre du show-business américain, adapté par l’Europe et très vite par les autres parties du monde, appelé burlesque. Après avoir défini un genre littéraire et cinématographique, le mot « burlesque » appartient désormais à une forme de spectacle qui naît à la fin du XIXème siècle et qui connaît un fort succès jusqu’aux années 1950. Aujourd’hui, le « nouveau burlesque » a su reprendre les codes de l’ « ancien » représentant une danse légère, sensuelle et glamour ou la danseuse finit par enlever son costume pour dévoiler son corps. Mais pour donner sa forme moderne, le burlesque a du s’imprégner aussi des idéologies post féministes qui lui donnent une toute nouvelle allure. Ainsi se créent deux formes actuelles du burlesque – distinction contestable car suggérée par certains « performeurs » alors qu’elle est considérée comme infondée pour d’autres : le burlesque classique, reprenant tous les codes de la forme ancienne et le « new burlesque », parfois appelé aussi le « neo burlesque » qui est sa version déjantée et souvent comique, où les codes de la sexualité comme de la sensualité sont fréquemment détournés. Aujourd’hui le phénomène « burlesque » touche tous les pays occidentaux et est devenu une véritable mode. En France, chaque grande ville compte au moins une association chargée d’organiser des cours et des spectacles de burlesque. Son public grandit très vite, souvent proportionnellement à l’intérêt que les médias y portent, intérêt qui est très important depuis le début des années 2000. Aujourd’hui, la plupart des métropoles occidentales comme New York, Toronto, Berlin et Paris, compte son festival international du burlesque. Jacki Willson explique le caractère et donne une définition à ce phénomène dans son livre The Happy Stripper (2010), où elle rappelle la naissance de la Jo King’s London School of Striptease, la première école de striptease en Europe, dédiée aux étudiantes âgées de 18 à 76 ans :
King (Jo) a fondé cette école parce qu’elle voulait que les femmes aient confiance en elles-mêmes et en leurs corps. Le phénomène du burlesque est connecté à cette mode du striptease et « pole/lap dance » par son affirmation de l’expression sexuelle des femmes. Mais contrairement au striptease pur, le burlesque a une pique. C’est un genre parodique et érotique fondé sur le second degré et le décalage. La  performeuse burlesque se retourne vers son public, elle sourit et à travers son sourire, elle interroge son audience, autant qu’elle interroge sa propre performance. Performance qui est comique, excentrique, coquine et provocatrice mélangée à une esthétique du vintage. Le burlesque c’est le « bas » envahissant le « haut ». Le burlesque intègre d’une manière provocante et insolite la culture de masse en  adoptant ses formes-le théâtre, le cabaret, le spectacle vivant, la comédie, le crique, la danse moderne, sans jamais en prendre l’une de ces formes trop au sérieux.
Si l’on revient aux accusations de Berlusconi, ses explications peuvent paraître spontanément ridicules, mais la construction de son argumentaire relève d’une tentative de légitimation plutôt réfléchie. Car si le burlesque n’est pas censé être pris trop au sérieux, les « jeux de burlesque » contrairement aux « orgies » imaginées par l’opinion publique ne devraient pas l’être non plus. Le Burlesque ne se donne pas à voir, ni l’est d’ailleurs par les médias,  comme le striptease « traditionnel », étiqueté comme un geste sexiste, immoral, voir impur. Le burlesque est en fait une forme d’art et se définit comme le prolongement des mouvements post féministes valorisants la femme et l’expression de sa sexualité. L’ex premier ministre italien peut donc librement considérer que rien n’est mal dans l’organisation des « jeux du burlesque », bien au contraire.  Il aurait pu organiser « La France a un incroyable talent » dans sa cave, la gravité des faits aurait été du même poids.
La comparaison avec un talent show n’est pas uniquement ironique. En réalité, la société italienne a brillamment intégré la mode de l’art du burlesque au sein de ses médias. L’Italie a été le premier pays du monde à créer une version burlesque des talent shows comme « The Voice », ou « American Idol » appellé « Lady Burlesque ». Il s’agit d’un programme ou un jury spécialement constitué pour l’occasion se déplace dans tout le pays pour trouver la meilleure performeuse de l’Italie. Silvio Berlusconi, si bien connu pour sa relation intime avec les médias aurait simplement su suivre la vogue, entre les murs de sa résidence privée. Mais comment le monde du burlesque lui-même réagit-il à cette confusion, cette frontière incertaine, entre le burlesque et le striptease ? Est-ce que les performeuses se décrivent toutes comme des « stripteaseuses heureuses » pour reprendre le terme utilisé par Willson ?
La réponse varie énormément selon quel performeur, quel média, ou encore quel public choisit-on d’interroger, mais surtout selon la culture du pays où ce nouvel-ancien genre de l’industrie du spectacle se développe depuis la « folie burlesque » que l’on peut identifier dès les années 2000. Jo Weldon, performeuse mondialement célèbre, directrice de la New York School of Burlesque et auteure du premier manuel du burlesque, affirme sans gène ces origines dans le striptease « traditionnel ». Jacki Willson de son côté assume fermement le terme « striptease burlesque ». Dita Von Tease, celle qui a sans doute le plus médiatisé le burlesque de nos jours à l’échelle mondiale, consacre une page de son livre Burlesque and the art of tease à toute une liste de synonymes plus adaptés que le mot « stripteaseuse », en même temps rappelant que Gypsy Rose Lee, l’icône du burlesque à l’ancienne a en fait préféré le mot « stripteaseuse ». Juliette Dragon, la directrice de l’Ecole des Filles de Joie, dit parfois à ses étudiantes, qu’elle ne devraient pas vouloir à tout prix fuir le mot « striptease », et montre par ses cours que leur striptease a elles est quelque chose de tout à fait digne et socialement désirable. Ce qui importe n’est pas le fait d’enlever ses vêtements ou pas, mais la manière dont on le fait et l’intention qu’on y donne. Ses propos, souvent rappelés durant les spectacles de l’école, donne à voir une approche post féministe du mouvement. Le nouveau burlesque a ses propres codes concernant l’effeuillage. Par exemple, on ne peut jamais montrer ses tétons sans les couvrir de « nippies ». Certaines performeuses refuseront de montrer leurs jambes sans collants résilles pour des raisons tantôt idéologiques, tantôt esthétiques. La « stripteaseuse burlesque » décide avant tout elle-même si elle veut s’effeuiller et si c’est le cas, ce qu’elle a envie de montrer à son public. Beaucoup de performeurs diront que dans le burlesque on a droit de ne pas le faire du tout ou bien d’enlever seulement un gant, si selon l’artiste cela est suffisant pour sa visée artistique du spectacle. Il existe également des normes assez universelles que l’on peut remarquer lors des spectacles du burlesque en France. J’ai pu voir des spectacles, ou, si un homme se met à crier « à poil » lors de l’effeuillage d’une des artistes, son numéro est interrompu immédiatement pour laisser la place à l’homme en question, qui sera demandé de s’effeuiller à son tour, sur scène, devant le même public, sinon il est invité à quitter la salle.
Certains médias diffusent des programmes qui se servent du mot « burlesque » en excluant entièrement de son contexte le geste d’effeuillage. J’ai récemment regardé un épisode de The best : le meilleur artiste, un nouveau talent show sur TF1 où l’on pouvait entendre l’animateur décrire comme « cabaret burlesque » le numéro de l’artiste de cirque Polina Volchek. Si elle a présenté un numéro bel et bien impressionnant de hoola-hop, elle n’a toutefois ôté aucun de ses vêtements. Ce qui a été présenté au public comme « cabaret burlesque » était en fait une expression de l’esthétique du numéro : l’artiste portait un corset et dansait sur la musique du film « Moulin Rouge ». Il a suffit d’inclure ces deux références qui font appel à l’imaginaire commun du burlesque pour que le numéro puisse être classifié comme tel. L’expression « burlesque », adjectif qui décrit une esthétique plutôt qu’il ne désigne une mise à nu, a été repris par l’industrie de la mode, où l’on a classifié comme « burlesque » le défilé de la créatrice Betsey Johnson pour sa collection printemps/été 2012. Mais l’exemple le plus frappant du burlesque « puritain » est le film Burlesque, réalisé par Steve Antin en 2010, où à aucun moment on ne fait intervenir de l’effeuillage. Le réalisateur a décrit visuellement, et donc donné à voir aux spectateurs du film le genre « burlesque » comme « cabaret burlesque », donc sans nudité, par opposition au « striptease burlesque » . De l’autre côté de l’océan, Mathieu Amalric propose la même année le film Tournée, qui met en scène une troupe de burlesque américain, le Cabaret New Burlesque. En engageant dans son film de vraies performeuses qui pendant le film jouent les mêmes numéros que dans la vraie vie, Amalric propose une vision beaucoup plus réaliste de ce qu’est le genre aux Etats-Unis, en y incluant naturellement la nudité avec tous ses aspects, artistiques, comme idéologiques. Pourtant les deux films, proposant une vision très différente du burlesque sont aujourd’hui souvent cités à la même échelle comme ceux qui ont participé à la médiatisation du burlesque moderne.
En France de nombreux articles, et formes télévisuelles présentent des femmes, bonnes mères de famille, femmes au foyer, ou travailleuses qui performent le burlesque dans leur temps libre dans le but d’accepter leur corps, de stimuler leur féminité ou simplement pour le « fun ». Le burlesque est mis alors en scène comme une thérapie. Mais en Pologne, en 2012, les médias révèlent un scandale : une école d’enseignement supérieur organise un concours de beauté lors duquel les candidates se promènent sur scène en lingerie avec une gestuelle à connotation sexuelle forte. L’école parle d’une « performance burlesque », mais l’opinion publique en décide autrement. Les médias décrivent l’événement comme un dérapage, mais impossible de savoir à quel moment la limite entre la vulgarité et le burlesque « noble », donc post féministe a été transcendée. La Pologne n’a pas su supporter l’hyper sexualisation de cette compétition, car une miss ne peut pas évoquer une « stripteaseuse » rappelant toute une symbolique de la domination masculine, dont la miss moderne, dotée elle aussi d’une lourde histoire, doit à tout prix se distinguer.
Le phénomène burlesque souligne la tension dans notre société entre le « bas » et le « haut » de la sexualité, et inspire de nombreuses questions sur la libération sexuelle des femmes. Les médias participent sans doute grandement au phénomène de « mainstreamisation » de la sexualité, mais quelle sexualité est en réalité socialement acceptable et légitime ? L’ « attitude burlesque » est mise en scène comme « assumer sa sexualité de femme », « aimer son corps », ou encore « être maitresse de soi-même». Mais le mot « striptease » est parfois dissimulé par les médias pour souligner le jeu de mots subtil entre « stripteaseuse », mot du stigmate, et « performeuse burlesque », mot d’artiste.
 
Marta Brodzinska
Sources :

Jacki Willson, “Tha Happy Stripper: Pleasures and Politics of the New Burlesque”(I.B Tauris, 2007)

Lady Burlesque: su Sky Uno il talent show… si svela!


Jo Weldon, “ The Burlesque Handbook” (It Books, 2010)
http://www.theatredurondpoint.fr/saison/fiche_spectacle.cfm/153557-cabaret-new-burlesque.html
« Tournée », Mathieu Amalric (2010)
Ditta Von tease, “Burlesque and the art of tease” (It books, 2006)
http://www.telleestmatele.com/article-video-the-best-le-meilleur-artiste-23-aout-2013—numero-de-hula-hoop-avec-polina-volchek-119676530.html
http://www.dailymotion.com/video/xl2s06_betsey-johnson-s-burlesque-show_news
http://plejada.onet.pl/mam-talent
http://warszawa.gazeta.pl/warszawa/1,34889,13806044,SGGW_przeprasza_za_polnagie_wybory__Naganne_zachowania.html
Crédits photos :
Photo 1: Performeuses du cabaret Burlesque Babylone lors du spectacle Babylone Circus http://www.burlesque-babylone.com; photo : © Hervé Photograff
Photo 2: Performeurs Seb Zulle et La Môme Patchouile, au Pretty Propaganda de Louise de Ville ; photo : © Gilles Rammant http://www.gillesrammant.com

Culture

Jacques a dit "La tour Paris 13, ou l'intégration bien pensée du digital et du collaboratif"

 
Depuis le 1er octobre, la tour Paris 13, un ancien immeuble d’habitations de 9 étages voué à la démolition, est accessible au public.
Il a été entièrement envahi par 100 street artistes du monde entier qui ont pu laisser libre cours à leur créativité, et nous sommes invités à aller visiter gratuitement le lieu pendant un mois avant que le bâtiment soit détruit. L’idée parait déjà intéressante, mais elle l’est d’autant plus qu’elle se double d’un dispositif digital et collaboratif pensé dans ses moindres détails.
En effet, un site Internet avec une version déclinée pour les tablettes permet une visite interactive de la tour dans ses moindres détails et d’obtenir des informations et témoignages inédits sur les artistes. Un hashtag #tourparis13 a été créé pour l’occasion, et un documentaire de 52 minutes est déjà prévu sur France Ô en 2014 pour témoigner de cette opération de grande ampleur.
Mais ça ne s’arrête pas là, puisque les internautes sont invités à participer de manière plus importante dans le projet.

Le collaboratif au cœur du dispositif
Le collaboratif est maintenant remixé à toutes les sauces, avec plus ou moins de succès, et cette opération n’a donc pas échappé à cet incontournable.
Il sera donc proposé aux internautes pendant dix jours après la fermeture du site de cliquer pixel par pixel sur les œuvres qui leur auront plu. Le bâtiment étant voué à la démolition, les œuvres sélectionnées garderont une existence digitale sur le site Internet de la Tour Paris 13. Alors que l’avenir des expositions est généralement un poster dans sa chambre ou un beau-livre à afficher dans sa bibliothèque, il s’agit cette fois d’un moyen astucieux de pérenniser l’expérience de la visite, en impliquant réellement les internautes. C’est d’autant plus intéressant qu’il s’agit ici de street art, un art particulièrement éphémère.
Toutefois on ne peut manquer de noter le côté légèrement hypocrite de cette opération, qui transparaît notamment à travers l’expression employée dans le communiqué : « venez sauver la Tour Paris 13 ». On joue ici sur l’ambiguïté avec le vrai sauvetage d’un monument voué à la destruction. Aller jusqu’au bout de l’opération aurait été permettre aux internautes de décider (ou non) de la sauvegarde de cet immeuble comme un nouveau lieu dédié au street art, mais celui-ci sera de toute manière détruit, pour construire quoi à la place ? On se garde bizarrement bien de nous le dire.
En définitive, une opération culturelle innovante et de grande ampleur pour ceux qui pourraient accuser la « ville-musée » d’être à la traîne. Paris affirme son inventivité dans le domaine artistique, et l’on espère que ce genre d’initiatives ne sera pas isolée !
 
Judicaëlle Moussier

Culture

GTA leur fait perdre la tête

 
Avec une sortie tumultueuse, le cinquième opus de la saga GTA aura fait couler beaucoup d’encre cette année. Depuis le premier épisode déjà, les discordes vont bon train entre les pros et les antis GTA, mais elles atteignent réellement leur paroxysme en cette rentrée 2013. En couverture du Parisien, comme sujet de Des Clics et Des Claques sur Europe 1, dans la chronique de Jean Zeid sur France Inter, sur RTL, dans Libération, Le Figaro, Le Monde etc. GTA 5 est partout ; imaginé, produit, vendu et débattu comme un vrai blockbuster. Nous éviterons d’entrer dans le débat réducteur consistant à prouver que GTA est un jeu violent où prostitution, meurtre et banditisme sont les maîtres mots. Et nous ne feront pas non plus l’apologie de cette violence fictivement réelle. Cependant il est important de revenir sur ce qui se cache tout de même derrière cette violence afin de comprendre les enjeux médiatiques et communicationnels du jeu vidéo, particulièrement de GTA 4 et 5.
Plus qu’un jeu vidéo où la violence, la prostitution, le meurtre et le vol ne seraient que des réponses aux pulsions humaines, GTA porterait un regard critique sur notre société contemporaine ; sur le rêve américain, les médias et la promesse du tout possible, un récit critique du self-made man (comme l’explique Olivier Mauco, auteur de GTA IV : l’envers du rêve américain). En ce sens on peut parler du jeu vidéo comme une œuvre culturelle. Le jeu renoue ainsi avec les grandes fresques sociales de la littérature et du cinéma en proposant de vivre les errances d’un jeune voyou, d’un père de famille ex-taulard ou d’un marginal alcoolique relativement instable. Le jeu vidéo, et en particulier GTA, devient un média à part entière capable de tenir des discours socio-critiques sur les grands mythes fondateurs contemporains des sociétés occidentales. Il devient un média à la fois en tant que support et que message. Il semble évident qu’enjeux commerciaux et satyres trouvent finalement bien leurs comptes et font plutôt bon ménage puisque GTA 5 qui aura coûté environ 200 millions d’euros est déjà prévu à la vente à plus de 75 millions d’exemplaires et 1 milliard de dollars en un mois. Le jeu le plus cher de tous les temps, plus qu’un blockbuster américain, presque aussi cher que Pirates de Caraïbes, et le plus contesté aussi. Ce qui ne fait qu’attiser la flamme. Tant de superlatifs que l’on retrouve dans tous les articles et émissions en ce moment au sujet de GTA 5.
GTA fascine, c’est la force de cet objet culturel moderne. C’est la promesse d’un monde libre où tout devient possible, où l’on peut tout faire et donc faire n’importe quoi ; dans le spectaculaire et la violence, dans des graphismes poussés et dans la satyre. Tellement réaliste que pour ce cinquième opus des policiers, sociologues, historiens et d’anciens membres de gangs ont apportés leur contribution à la construction de la carte de la ville du jeu (Los Santos, double fictif de Los Angeles et de ses environs). Le réalisme du jeu est également un point qui le différencie d’autres jeux de science-fiction ou de guerre (par exemple) qui n’en sont pas moins violents. En effet, il s’avère que ces jeux ne sont pas moins une reproduction du réel et de notre évolution, toujours dans des schémas et des algorithmes prédéfinis. Un peu comme le cinéma, les jeux vidéo retracent ou reproduisent nos angoisses, notre histoire et les idéaux qui les accompagnent. De l’idéal démocratique, républicain ou anarchique à la peur du communisme. GTA quant à lui a fait passer le jeu vidéo dans un nouveau rapport au jeu et à la réalité, paradoxal au premier abord, mais qui nous permet de vivre une vie parallèle avec tout ce qu’elle comporte d’immoral. « On ne devient pas plus psychopathe en jouant à GTA qu’en regardant un Tarantino » Vanessa Lalo, psychologue des médias numériques.
De plus, on peut tout à fait le comparer à un blockbuster américain, porteur d’un (plusieurs) véritable(s) scénario(s), mais aussi dans la communication qui accompagne l’objet culturel : affiches dans le métro, annonces dans la presse, articles dédiés, trailer diffusé sur le web et même dans les cinémas !
GTA 5 est un blockbuster tant sur le plan économique que scénaristique et communicationnel. On attend d’ailleurs beaucoup plus d’un jeu vidéo une bonne écriture scénaristique, que de la bagarre et du sexe. Elle est devenue un point essentiel du succès et de la qualité d’un jeu. GTA a contribué à accentuer ce positionnement avec GTA 4 et l’histoire de son héros, un immigré débarquant à Liberty City (comprenez New York) pour rejoindre son cousin qui trempe dans des affaires peu claires avec pour but de se faire une place au soleil des malfrats.
Mais avant de s’imaginer que le jeu vidéo pourrait devenir le nouvel Hollywood il ne faut pas oublier que le secteur reste encore considéré comme une sous culture ou du moins un culture parallèle, pas encore tout à fait assumée en tant que telle dans les médias, notamment dans la presse et les grands médias télévisuels et radiophoniques. Rares sont les chroniques ou émissions dédiées à la culture des jeux vidéo, pourtant riche de mythes et symboles de notre société actuelle (pour voir plus en détails ce qui se cache derrière l’écriture et l’impact des jeux vidéo : L’imaginaire des jeux vidéo par John Crowley). Jean Zeid, seul journaliste à tenir une chronique quotidienne consacrée aux jeux vidéo dans un média généraliste national (sur France info), en fait le constat :
  » Il y a un profond manque de compréhension du phénomène de la part de ceux qui sont à la tête des médias. Ils sont de la génération du cinéma qui est très largement traité chaque semaine dans chaque média. Mais beaucoup voient encore les jeux vidéo comme une activité pour ados introvertis, pas du tout un sujet sérieux qui mérite d’être traité journalistiquement… Et lorsqu’ils acceptent, du bout des lèvres, de traiter un peu la question, le jeu vidéo est presque systématiquement intégré aux rubriques « multimédia » ou « technos » et non pas culture, alors même qu’il s’agit du premier bien culturel . »
GTA 5 nous offre une nouvelle fois un fascinant récit fictif et médiatique empreint de violence, d’immoralité et de débats qui nous permettent de nous arrêter un instant sur ces objets culturels, leur évolution et leur place dans les médias.
 
Margot Franquet
Sources :
Libération
Le Monde
Le Monde, Serge Tisseron
RageMag
France Info
Europe 1
The New York Times

1
Culture

Une nouvelle saison de "festivalités"

 
C’est parti ! Les festivals de musique fleurissent un peu partout en France, et leurs succès ne faiblit pas. Chaque région veut son festival. Plus qu’une mode, c’est une véritable institution qui a de nombreuses raisons d’exister.
Les festivals représentent d’abord une grande opportunité pour l’industrie de la musique, toujours à la recherche d’un modèle économique viable. Si le marché du disque est en crise, les ventes de places de concerts se portent très bien. Les festivals d’été représentent un bénéfice important en terme de droits d’auteurs auprès de la SACEM. Ils sont aussi un outil très intéressant pour les régions. Leur mise en place participe au dynamisme touristique durant cette période et leur donne une image jeune et ouverte à la culture.
La foire aux artistes
On pourrait résumer la programmation des festivals de cette façon : il y a les artistes naissants qui viennent pour se faire connaître et les les têtes d’affiches, qui sont pour beaucoup dans le succès de la vente des billets du festival. Les scènes de tailles différentes permettent la programmation de plusieurs artistes à la fois, donc de toucher un public large. Chaque saison de festival a ses stars. Ainsi cette année, Asaf Avidan et Wax Tailor, vont chacun se produire dans 5 des 10 plus gros festivals français. Tryo gagne la première place en terme de quantité avec 25 dates cet été.

Une communication très graphique
Il ne s’agit pas seulement de musique mais aussi de participer à un événement, d’adhérer à une culture, et cette culture est aussi visuelle.
Les plus gros festivals de l’été (Les vieilles charrues, les Solidays, Hellfest, Rock en Seine et Eurockéennes…) bénéficient tous d’une communication très graphique. Chaque année, ils dévoilent une nouvelle identité visuelle qui leur donne de la valeur ajoutée. Les festivals deviennent alors de véritables marques. Les affiches et produits dérivés sont vendus sur place, on les rapporte comme des souvenirs de vacances.
Lier art graphique et musique, c’est le projet de Rock’art de Rock en Seine. Cette exposition rassemblera des affiches, réalisées par de grands illustrateurs, à l’effigie d’artistes programmés lors du festival. La RATP en diffuse en avant première à la station de métro DUROC rebaptisée DU ROCK pour l’occasion.

L’esprit Woodstock
Le temps estival est parfois incertain, mais l’été reste la période la plus appropriée pour festoyer en plein air. Quand on pense festival on pense aussi à un champ, et quoi de plus dépaysant pour des citadins qu’une grande étendue d’herbe à fouler en dansant ? Le plein air permet des concerts géants et leur donne un air de vacances. Les campings sont aussi une des grandes raisons du succès de ces immenses manifestations. La fête peut durer jusqu’au bout de la nuit et le festival devient un village éphémère. Dans ce village vit la communauté des festivaliers qui arborent les bracelets du festival à leurs poignets.
On entend souvent dire que nous vivons dans une société très individualiste. En réalité, les hommes sont sans cesse à la recherche de moyens de vivre ensemble. L’essence même du festival est le rassemblement autour d’une passion commune pour la musique. Dans ce genre de manifestation, chacun perd son statut social habituel pour devenir l’infime portion d’un public immense. Un concert est un moment qu’on passe entouré de milliers de personnes, serrés comme des sardines. La proximité avec les autres, le partage d’émotions et l’euphorie de la foule sont des valeurs très hippies qui n’ont pourtant pas pris une ride.

 
Agathe Laurent
Sources :
Les sites internet des festivals
Challenges
Mybandmarket.com
La Croix
Communes.com
Les Inrocks
Sourdoreille.net
Sacem.fr
Le Mouv’

clip stromae
Culture

Un Formidable coup ?

 
Existe-t-il une recette magique pour faire le buzz en 2013 ? De Nabilla à Daft Punk en passant par les pains au chocolats de Copé, pour faire entendre sa voix aujourd’hui faut-il faire le buzz ? Cette phrase a un goût amer d’une émission de « décryptage » de la télé, type Morandini. Buzz ou bruit médiatique, c’est ce que les artistes, politiques et entreprises recherchent, tant qu’elles ont le vent en poupe.
Pour Stromae, habitué aux techniques de communication et plus encore, qui nous a habitués à la surprise avec ses vidéos, il a s’agit de teaser. À moindre échelle que les Daft Punk certes, mais il s’agit là d’un teasing efficace pour un artiste qui revient après une période plutôt calme.
Il y a quelques jours, une vidéo tournée en caméra cachée montrait un Stromae titubant dans les rues de Bruxelles, déchaînant d’emblée les commentaires sur internet. « Stromae bourré ! » Quelques jours plus tard, le musicien diffusait le clip de son nouveau single, Formidable (ceci n’est pas une leçon) et l’internaute de comprendre que tout ça n’était que traquenard. Pourtant le débat continue, les commentaires se multiplient et le nombre de vues augmente de manière fulgurante : environ 7 000 000 en une semaine. Un débat alimenté aussi par son passage, à quelque jours de ce fameux clip, dans l’émission Ce Soir ou Jamais, pendant laquelle il a interprété son titre dans la même ambiance, en rentrant dans son rôle de « faux bourré », amenant les médias et le public à s’interroger sur son état d’alcoolémie et de santé.
 

Pourtant, dès les premières images de Formidable (ceci n’est pas une leçon), on le voit sortir du métro avec un plan impeccable en HD et en plongée, avec une caméra qui semblait vraisemblablement avoir senti sa venue : petite chemise jaune fluo qui ressort bien dans le cadre, clin d’oeil et saut de cabri à la fin du clip…
Tout ce bruit autour de cet événement n’est pas sans rappeler un autre fait médiatique récent : l’affaire Carambar. L’histoire se répète plus ou moins, il s’agit du même cycle : Stromae et Carambar ont créé la surprise en faisant grimper le suspens à leur manière. Lorsque le suspens atteint son paroxysme, c’est le choc et le moment où les commentaires fusent sans aucune retenue (de « Stromae bourré ! » à « Carambar arrête les blagues ! »). On révèle ensuite très vite le pot aux roses et le public est soulagé. Pour l’affaire Carambar les journalistes se sont sentis « baffoués », utilisés pour faire un beau coup de pub. Mais comme le montre le belge, la mayonnaise prend et les commentaires alimentent ce nuage de bruit médiatique qui se forme autour du chanteur et facilite la sortie de son dernier titre. Une stratégie bien menée pour lui ; et moins polémique que le teasing mégalo mené sur plusieurs semaines par Daft Punk. Il réussit à maîtriser les codes de la communication digitale et ainsi se passe de la nécessité de faire entendre sa voix par des mois de concerts dans des petites salles afin de se faire connaître. Stromae dompte si bien les techniques de l’internet qu’il fait partie de ceux qui bousculent les codes du monde artistique et musical. Aujourd’hui un artiste qui veut se faire connaître peut difficilement se passer d’internet, de Youtube ou des réseaux sociaux. Encore faut-il en maîtriser les techniques qui évoluent sans cesse et semblent presque insaisissables. On n’est peut être pas « Dans le port d’Amsterdam » mais à la sortie du métro de Bruxelles, si Jacques Brel sortait une chanson en 2013, il n’aurait peut-être pas fait preuve de la même maîtrise de ces outils de communication.

 
Margot Franquet
Sources :
Le Plus du Nouvel Obs
L’Echo
Le Monde 
http://www.stromae.net

1
mucem marseille
Culture

Inauguration du MuCEM : une communication en béton ?

Désormais, les voyageurs qui arrivent par les flots à Marseille ne seront plus emprunts de tristesse provoquée involontairement par le Fort Saint-Jean, dévasté il y a un demi-siècle par les bombardements. A tribord, ils peuvent admirer le Fort entièrement rénové, à côté duquel se dresse sur l’esplanade du J4 le Musée des Civilisations d’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), habillé d’une fine dentelle de béton. Ce cube minéral, admirable geste architectural de Rudy Riccioti, fait face à la mer ainsi qu’au mistral et côtoie le Vieux-Port qui ne perd pas de son charme face à la modernité apparente du MuCEM. Révélé à la presse mardi dernier avec comme invité d’honneur le président de la République, puis ouvert officiellement au public le vendredi, le MuCEM ouvre la seconde saison du programme des festivités proposées dans le cadre de Marseille-Provence 2013.
Quel rôle peut jouer l’inauguration très médiatisée du MuCEM dans la promotion des manifestations culturelles qu’accueille Marseille, Capitale Européenne de la Culture 2013 et sa région ? Comment ce nouvel espace culturel a-t-il été promu au sein du territoire régional et national ?
Le MuCEM en campagne
« Les Marseillais sont enchantés par ce lieu qui masque une sensibilité territoriale, (qui) exprime un autre horizon plus marin. C’est un lieu qui est poreux à l’imaginaire » déclare Rudy Riccioti à propos du MuCEM. Reste à savoir si les responsables chargés de la campagne de communication pour l’inauguration du MuCEM ont été aussi sensibles à cet imaginaire que ne le prédit l’architecte.
« Vous aussi, rejoignez la campagne du MuCEM ! »
Le MuCEM était entré en campagne dès Décembre 2012, sous l’égide de l’agence Dream On. A cette période, les Marseillais ont pu voir les rues de leur ville envahies par des affiches sur lesquelles figuraient des portraits de Marseillais accompagnés d’un slogan qui résumait ce que le MuCEM représente pour eux. Ainsi, Paul, photographe de La Plaine, déclarait « En Juin 2013, on arrête de mettre les grands musées à Paris » ou Fabrice, poissonnier-restaurateur, annonçait qu’« En juin 2013, la Méditerranée sera un vrai bouillon de culture ».

Dream on a souhaité impliquer les marseillais dans ce projet culturel en mettant en scène leur propre parole délivrée dans l’espace public. Cette campagne s’est faite à l’issu d’un concours qui proposait aux Marseillais de personnaliser leur photo au moyen d’une application Facebook dédiée, pour ensuite proposer un slogan individuel qui traduisait la façon dont ils percevaient le MuCEM. Les dix photos qui ont obtenues le plus de like sur le réseau social ont été sélectionnées pour participer à la campagne.
Ainsi, les Marseillais se sont fait les portes paroles de leur cité. Une parole souvent irrévérencieuse, humoristique et même polémique, avec un accent toujours marseillais. “Nous avons fait ce choix car nous souhaitons que les Marseillais s’approprient le MuCEM” explique Julie Basquin, responsable du département Communication et du Mécénat du musée.
En souhaitant privilégier le marketing participatif, cette campagne a au moins eu le mérite d’investir les habitants de Marseille et de la Provence dans ce chantier phare de MP 2013, duquel ils avaient pu se sentir exclus lors des débats concernant sa construction. On peut également parler de crowdsourcing, c’est-à-dire de la mobilisation d’un grand nombre de personnes pour favoriser une certaine forme de créativité dans l’argumentation publicitaire. L’intérêt de cette campagne est qu’elle ait stimulé une parole, consensuelle ou non, autour de ce lieu. Dans un premier temps, il était nécessaire que le MuCEM soit l’occasion de « faire parler » avant de « faire agir », d’autant plus que son inauguration en juin laissait le temps à cette campagne de pouvoir fonctionner. Bien évidemment, la campagne empreinte également quelques caractéristiques au story-telling, avec l’idée majeure que le MuCEM délivrerait un récit mythique, social, historique sur les civilisations européennes et méditerranéennes. Cette parole est toujours fortement encrée dans un cadre spatio-temporel, en étant sans cesse accompagnée du leitmotiv « en juin 2013 ».
« Toute la Méditerranée se raconte au MuCEM »

En ce moment même et depuis quelques semaines, une seconde vague d’affichage est destinée à exposer le positionnement de l’institution, en mettant en scène des figures qui incarnent les peuples du bassin méditerranéen. Etendue au territoire national, la campagne montre tantôt une femme d’un certain âge coiffée d’un hijab, tantôt un enfant habillé d’une tunique. En arrière plan se distingue des paysages méditerranéens, et les portraits sont accompagnés de slogans comme « Toute la Méditerranée s’émerveille au MuCEM », « Toute la Méditerranée se raconte au MuCEM », ou encore « Toute la Méditerranée s’expose au MuCEM ». L’usage de verbes pronominaux, qui permettent de faire des peuples méditerranéens les acteurs de ce musée avant l’institution elle-même, reste pertinent. En revanche, on ne peut qu’être déçu face à la pauvreté esthétique des visuels, qui reposent essentiellement sur un imaginaire populaire archétype et ne délivre rien du véritable « imaginaire » dont parlait Riccioti à propos du MuCEM.
On ne peut également que regretter le fait que la campagne ne réinvestisse pas l’incroyable effet visuel qu’offre l’architecture du MuCEM (et celle de ses collections), notamment la résille de béton aux formes sensuelles et poétiques. En France, il y a quelques jours encore, le MuCEM ne bénéficiait pas d’une grande visibilité. Cette campagne n’aura certainement pas encouragé la population ni à s’y intéresser ni à venir découvrir ce lieu si incroyable, cet événement à ce point majeur pour la ville de Marseille et MP 2013 qu’est l’inauguration de cet espace culturel.
Mais quoi qu’on puisse penser de la campagne, l’ouverture du Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, fortement relayée dans les médias, aura réactualisé les manifestations de Marseille-Provence 2013, et constitue à elle seule un levier médiatique et communicationnel incroyable pour Marseille et la Provence, qui n’ont pas fini de nous faire rêver.
Sources :
Site officiel du MuCEM
Site de la campagne de communication du MuCEM 
Site de l’Agence Dream on
Article sur le Monde.fr
Margaux le Joubioux
Annexe :
 
Le MuCEM en quelques chiffes :
167 millions d’euros pour construire ce monstre architectural
44000 m2 pour partager la Méditerranée
250000 œuvres exposées
300000 curieux et passionnés attendus pour l’année 2013
12 ans de discussions, débats, polémiques pour arriver à l’ouverture de cette incroyable bâtisse.
4 années de construction, travaux, études de terrain pour parvenir à ce cube minéral.
3 sites : le Fort Saint-Jean rénové, le Centre de Conservation et de Ressources dans le quartier La Belle de Mai et l’espace construit sur le J4, dessiné par Rudy Riccioti
1 ville : la Cité Phocéenne pour accueillir ce fabuleux espace culturel