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Banksy, ou l'art sur une frontière.

 

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Banksy est certainement le street-artist contemporain le plus médiatisé de ces cinq dernières années. Bien que son identité soit entourée de mystère (il serait anglais et né en 1974 d’après Wikipedia), ses moindres faits et gestes artistiques disposent d’une couverture médiatique ahurissante, tel la Une du New-York Post la semaine passée. Bien peu d’artistes contemporains peuvent se targuer d’une si grande reconnaissance publique. Souvent adulé, parfois détesté, Banksy semble être le modèle de l’artiste d’aujourd’hui : people mais caché, underground mais pop, illégal mais moralisateur.

Cependant, ses derniers travaux new-yorkais n’ont-ils pas montré de façon définitive les limites du travail de cet homme évoluant toujours à la frontière de ce qu’il dénonce : le consumérisme et la bien-pensance ?
Depuis un mois, Banksy navigue dans New-York au gré de ses projets artistiques et dévoile quotidiennement une nouvelle « œuvre » sur un blog (http://www.banksy.co.uk/) ouvert à cette occasion. Le nom du projet ? « Better out than in », mettant ainsi en exergue de nouveaux travaux de rue. Un « happening » de cette résidence new-yorkaise m’a interpelé et a accaparé les médias la semaine dernière : près de Central Park, un homme d’un certain âge proposait sur son stand des toiles authentiques et signées de Banksy au prix dérisoire de 60 dollars. Le stand semblait tout à fait commun et aucune communication particulière n’était faite pour le promouvoir. Le consommateur ne savait plus si les œuvres vendues étaient vraies ou non, et s’en voyait décontenancé. L’artiste anglais publia sur son blog le lendemain de cette opération une vidéo dans laquelle il divulgua les dessous de cet évènement et reconnut être à l’origine des toiles.

Banksy a toujours souhaité dénoncer les affres du capitalisme, du communautarisme, de la guerre, de la marchandisation du monde. Il souhaite ici montrer du doigt toutes les stratégies de communication qui entoure les grands évènements artistiques récents et qui, selon lui, créent des buzz factices, détournant le public des véritables qualités artistiques des travaux qu’ils vont voir. Le peu d’œuvres vendues (malgré leur prix dérisoire) sur le stand de Central Park semble corroborer son analyse, montrant que l’absence de communication n’a pas permis une vente qui aurait pu être historique.

Il est vrai que le marché de l’art est un marché d’influence, de bulles spéculatives créées artificiellement par d’importantes galeries ou par d’importants acheteurs qui orientent et guident le marché au travers de grands évènements et de grandes campagnes de communication. Cependant, ce constat est vrai pour tout marché, et la nécessité de communiquer vaut pour tout produit, même culturel.

Banksy souhaite t-il alors dénoncer la marchandisation de l’art ? Il a lui-même profité de ce mouvement en vendant certains de ses travaux lors d’expositions au « buzz » parfait, dans lesquelles le « tout Los Angeles » s’est précipité. Officiellement, les fonds ainsi récoltés lui permettent de conserver sa liberté artistique. Banksy avance alors dans un flou certain, sur la ligne jaune entre dénonciation de la marchandisation et le « marchandising » du monde artistique dont il a profité. Les arts de rue sont désormais tombés dans la culture populaire, et dans un monde de marchandisation. Banksy a été l’un des chefs de file de ce mouvement, et a ouvert les portes des galeries d’art à toute une génération de street-artists.

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Banksy déclare vouloir « Faire de l’art sans prix ». Il propose alors sur un stand new-yorkais ses œuvres à une somme misérable face à celle du marché, et ne communique pas dessus. Mais alors, pourquoi publier le lendemain une vidéo montrant le stratagème et faisant, de facto, augmenter le prix des œuvres ? Pourquoi ne pas taire cette information et laisser l’art pour l’art, lui qui souhaite sortir la culture du système marchand ? En le dénonçant, il l’encourage.

Banksy, vous ratez l’évident : l’art qui n’a pas de prix, c’est l’art de la rue, celui qui se trouve sur les murs des immeubles. Stoppez le travail que vous fournissez sur toiles. Ce sont vos tags qui ne disposent d’aucune valeur marchande. C’est ce travail qui rend unique vos pochoirs reproductibles puisqu’il se crée en situation, dans un lieu particulier, dans des conditions particulières. C’est cela l’art de rue : un art de l’éphémère mais de l’unique, qui parle sans stratégie de communication ni murs prestigieux de galeries ou d’institutions. Banksy, si vous souhaitez faire vivre l’art hors de la marchandisation, contentez-vous de faire de l’art sur les murs, et cessez d’utiliser votre talent sur des supports qui ne sont pas les vôtres.

Adrien Torres

Sources
Nouvelobs.com
Banksyny.com

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