MAINSTREAM
Culture

Petite apologie du mainstream

Combien de fois avez-vous croisé une personne habillée de façon tellement excentrique, qu’il était impossible de définir si elle était à la pointe de la mode ou complètement ringarde? Combien de fois vous êtes-vous sentis coupables en écoutant du Maître Gims? Depuis quelques années, notre société est prise dans une course effrénée à l’audace et à l’individualité. Mais une brise mainstream vient peu à peu rafraîchir les participants à bout de souffle. Et si l’originalité avait atteint son climax? Allez, on retourne à la normale.
Les hipsters c’est trop mainstream
A l’origine, le terme de hipster désigne, dans les 40’s, de jeunes américains fans de jazz et de bebop qui en reprennent les codes vestimentaires. A l’aube du second millénaire, il fait référence à un individu qui cherche à se démarquer des modes de consommation de son époque. En 2001, le hipster est presque un révolutionnaire : ses pratiques de consommation se veulent transgressives, tantôt nostalgiques, tantôt futuristes. Ainsi, il se moque du citadin cliché – à la limite du métrosexuel (bronzé, musclé – mais pas trop –, chemise parfaitement cintrée). Le cheveu aussi hirsute que la barbe, il lui fait des pieds de nez en chemise bûcheron et tennis, remet au goût du jour des quartiers mal réputés (à l’instar de Brooklyn ou Barbès) et se délecte de son individualité. Le journaliste Matt Granfield écrit dans son essai HipsterMattic : «Surtout, ils voulaient être reconnus comme étant différents — qu’on n’aille pas les confondre avec la masse, eux qui cherchaient à se forger une petite niche culturelle singulière.»
La suite, vous la connaissez. Alors qu’ils n’étaient que quelques centaines, la tendance se répand et explose, pour devenir aux alentours des années 2010 d’une banalité sans nom. Alors qu’ils cherchaient à vivre selon leurs goûts personnels, et non selon des diktats sociaux ou de consommation, les hispters en étaient finalement arrivés à créer leurs propres codes et leurs propres règles. C’est une belle ironie : le mouton qui voulait quitter le troupeau avait fini par devenir berger.
 

Le mainstream, c’est chic (et démocratique)
Il existe une sorte d’idée implicite mais bien ancrée dans notre société actuelle selon laquelle qualitatif et quantitatif sont antinomiques. Ainsi, dans le monde de l’art et de la culture, les œuvres-produits qui connaissent un très fort succès commercial sont souvent très peu valorisées. Si l’on vous demande quel est le dernier album que vous avez acheté, il vaut mieux répondre qu’il s’agit d’un vinyle de flûtistes péruviens (ça détend après les pilâtes) plutôt que celui de Kendji Girac.
Pourtant, un succès commercial, c’est toujours un succès. Cela signifie que les consommateurs y ont trouvé une certaine valeur (peut-être autre que celle du concept, de la valeur intellectuelle). En matière de goûts, surtout culturels, l’émotion est un argument d’achat très important : on raisonne en terme de «j’aime» ou «je n’aime pas». Alors qu’importe si vous êtes fan du dernier blockbuster au scénario pauvre, à la réalisation clichée et aux dialogues dignes de deux élèves de CP.
Et c’est sûrement ça, être transgressif aujourd’hui : assumer ses goûts, qu’ils soient encensés par la critique ou démontés par les Inrocks. Le mainstream, finalement, c’est la voix du peuple qui s’exprime.
 

Le cas Stan Smith et la normcore
Il y a deux cas possibles dans cette affaire : soit vous en portez actuellement une paire, soit vous avez juré de ne jamais en acheter parce que tout le monde en a. Les Stan Smith connaissent un succès fou parce qu’elles sont pratiques, jolies, et possèdent une histoire. Tellement jolies et pratiques qu’elles ont été adoptées par tout le monde. Leurs qualités n’ont pas changé, c’est la vision qu’en a la société qui est modifiée. Elles étaient au début considérées comme une opportunité de remettre au goût du jour un produit mythique de façon moderne, mais ne sont plus désormais qu’un symbole de conformisme aux tendances.
Pourtant, la Stan Smith fait de la résistance. Malgré un article de Slate qui se demande s’il faut interdire les Stan Smith, elles continuent de fouler les pavés.
Le mainstream ne serait donc plus un tabou, et nous sommes même passés à une nouvelle ère, celle du normcore (normal + hardcore). Le bureau de tendance K-Hole affirme dans un rapport de 2013 qu’adopter un style des plus banals était paradoxalement très à la mode. Jean, t-shirt blanc et baskets : être lambda est devenu carrément hype.

Nous nous quittons en musique (OutKast, c’est connu mais tout de même très bien), en espérant que la vague du mainstream vous emporte vers une contrée merveilleuse, où « Venez comme vous êtes » n’est pas qu’un argument pour vendre des frites.

Sana Atmane
Sources : 
« Faut-il interdire les Stan Smith », Slate 
« Youth mode: a report on freedom », K-Hole
« Normcore: Fashion for Those Whor Realize They’re One in 7 Billion », The Cut (NYMag)
Crédits images : 
K-Hole
wearenormcore
Désencyclopédie
zanachin.blogspot.fr

CINEMA DES FAUVETTES
Culture

Le cinéma des Fauvettes : un renouveau de l'expérience visuelle

6 novembre 2015, 18h, une file d’attente se bouscule au 58 avenue des Gobelins, bracelets VIP aux poignets avant de pénétrer dans le cinéma des Fauvettes flambant neuf après plus de vingt mois de travaux. L’inauguration se fait dans les règles de l’art, hôtesses et serveurs, vin et champagne, conversations sur la magnificence du lieu. Car oui ce n’est pas un simple Gaumont-Pathé, mais un véritable bijou architectural. Le lancement du nouvel investissement de la Fondation Pathé-Seydoux est un magnifique coup de com. Chaque invité, après s’être mêlé à la petite famille du cinéma, se voit attribuer à sa sortie une enveloppe renfermant une carte magnétique vous offrant trois places de cinéma gratuites (le chiffre impair signant la logique marketing de fidélisation). Cinéphiles et initiés, soyez les bienvenus. Mais justement, ne vous trompez pas de numéro dans l’avenue des Gobelins, ici ce n’est pas l’UGC, on ne passe que des films restaurés. Le projet ? Rendre accessible une culture de l’image et honorer notre patrimoine. Mais à quel prix ?
Aziz, Lumière !

Le Cinéma des Fauvettes n’est pas un cinéma comme les autres. Un bâtiment sombre aux décors semblables aux files d’attente de Disney ? Niet. L’architecte Françoise Raynaud a voulu en faire un puits de lumière. Le cinéma est donc doté d’une cour intérieure qui laisse paradoxalement entrer les rayons du soleil. Le concept : en faire un lieu de sociabilité, où l’on s’attarde après ou avant la séance en prenant un verre dans l’espace lounge. On peut y croiser du beau monde, comme par exemple le réalisateur des Blues Brothers, John Landis (true story). Le design intérieur est signé Jacques Grange. Dommage que le tissu des fauteuils et canapés fasse un peu tache, mais après tout, c’est la signature Pathé qui le veut.

Les boiseries magnifiques du lieu mettent à l’honneur l’architecture japonaise et l’artisanat. On se croirait dans un sauna suédois, avec un petit jardin sous verrières au centre du cinéma. Les dizaines de poutres en bois font écho aux écrans pixellisés qui illuminent l’avenue des Gobelins et la rue Abel Hovelacque. Bref, Shanghai et Time Square s’invitent à Paris. Il s’agit là d’une œuvre de l’artiste Miguel Chevalier. Ces façades extérieures diffusent des extraits de films, qui changent selon les cycles proposés par les Fauvettes. C’est un écran publicitaire unique qui vient signifier le passage dans une autre dimension. D’ailleurs le couloir de l’entrée provoque cet effet tunnel et déroutant grâce à la chaleur naturelle du bois, contrastée par des écrans et machines ultra modernes.

Mais les salles de visionnage ne sont pas immédiatement visibles. Les cinq salles sont situées au sous-sol, pour un total de 646 places contre 1000 dans l’ancien cinéma. C’est le confort qui est privilégié. Autrement dit, c’est toute l’expérience du cinéma que la fondation Pathé-Seydoux entend renouveler.
(Est) Fauve qui peut
« Films restaurés, émotions intactes ». C’est le slogan du cinéma dans lequel la fondation a investi plus de 6,5 millions d’euros pour les travaux. C’est l’expérience cinématographique qui est valorisée au travers de leur communication. Un choix éditorial d’ailleurs sursignifié par le passage d’un petit court-métrage avant la diffusion de votre film qui remplace les habituelles bandes annonces et publicités. Le court métrage est à la limite du mini documentaire qui explique via un storytelling bien ficelé, sur une musique dramatique, l’art de restaurer un film. Pathé a ainsi lancé en 2012 un grand plan de restauration d’une centaine de films.
L’expérience mise en avant est celle d’un cinéma de luxe. 12€ la place, c’est aussi le prix d’un spectacle à l’Opéra en catégorie 5. Entre le bar-salon et la possibilité de choisir son siège comme au théâtre – rang, numéro, solo ou duo. Les Fauvettes vous offrent même le privilège d’une séance sans publicité remplacée par une promotion en interne puisqu’en plus de vanter l’artisanat des techniciens, sont annoncés sous la forme de bandes annonces des films que l’on connaît déjà, que l’on aime et aimera revoir, histoire de commencer la séance le sourire aux lèvres et les souvenirs plein la tête.
C’est une promotion sans bavure et sans fioritures. La question se porte donc sur le financement de cette communication. La cible : les CSP+, des retraités et des cinéphiles connaisseurs. Pathé espère créer un concept qui sera copié par ses concurrents. Mais est-ce réellement un nouveau concept ?
« Il y a des films inoubliables, il y a maintenant des cinémas pour les rendre éternels »
Cet autre slogan a failli faire s’étrangler les concurrents de Pathé. Nombreux cinéma français font honneur au patrimoine cinématographique. MK2 fonctionne déjà sur l’alternance blockbusters/rétrospectives. Les MK2 communiquent autour des expositions culturelles partenaires et diffusent aussi des films restaurés. Mais leur vision de l’accessibilité est différente de celle des Fauvettes. Différente aussi du Champo, à deux pas de la Sorbonne qui ne diffuse que des films anciens.
L’offre des Fauvettes se tourne vers les films qui ont plu au public, de grands classiques comme Le Corniaud qui a inauguré le cinéma, mais aussi les dessins animés Pixar, les James Bond ou la saga Harry Potter. Les Fauvettes fonctionnent ainsi par thématiques, cycles de films qui s’adressent à des initiés, à des cinéphiles qui veulent voir sur grand écran en haute définition les images qui ont marqué leur époque. La fondation Pathé-Seydoux, d’ailleurs située au 73 de l’avenue des Gobelins, se cale ainsi sur des projections Arte ou sur des festivals comme le Festival « Il Cinema Ritrovato » de Bologne qui a inspiré Jérôme Seydoux pour la création des Fauvettes.
En somme, le passereau réussit à faire son nid avenue des Gobelins et l’expérience vaut le détour.
Judith Gasnault
Sources :
Cinéma les Fauvettes – http://www.cinemalesfauvettes.com
Besse Caroline, « Les Fauvettes : de « Top Gun » à « Casino », un cinéma dédié aux grands films restaurés » in TELERAMA, mis en ligne le 13/11/15. Disponible sur : http://www.telerama.fr/cinema/top-gun-retour-vers-le-futur-casino-cinema-les-fauvettes-petit-a-petit-l-oiseau-refait-son-nid,134099.php
Fabre Clarisse, « Les cinémas parisiens au bord de la crise de nerfs » in LE MONDE, mis en ligne le 09/11/15. Disponible sur : http://abonnes.lemonde.fr/culture/article/2015/11/09/les-cinemas-parisiens-au-bord-de-la-crise-de-nerf_4805719_3246.html
Larrochelle Jean-Jacques, « Bain de lumière et de pixels pour le cinéma Les Fauvettes, à Paris  » in LE MONDE, mis en ligne le 09/11/15. Disponible sur : http://abonnes.lemonde.fr/cinema/article/2015/11/09/bain-de-lumiere-et-de-pixels-pour-le-cinema-les-fauvettes-a-paris_4805721_3476.html
Crédits images : 
http://culturebox.francetvinfo.fr/cinema/evenements/les-fauvettes-un-cinema-ultra-moderne-dedie-aux-films-classiques-ouvre-a-paris-230341 
Judith Gasnault
http://www.telerama.fr/cinema/top-gun-retour-vers-le-futur-casino-cinema-les-fauvettes-petit-a-petit-l-oiseau-refait-son-nid,134099.php

GRAFFITI
Culture

Le graffiti est-il l'esthétique d'une communication rebelle ?

Graff’, graffiti, tag… Ces termes connaissent encore un amalgame. D’un côté il y aurait les rebelles de la ville, ceux qui taguent à la va-vite le nom de leur âme-sœur ou bien leur haine du système. Et de l’autre il y aurait les vrais artistes, ceux qui passent du temps à peaufiner leur œuvre. Mais au fond, n’y-a-t-il pas la même volonté sourde d’être entendu, de communiquer sur ce que l’on est et ce que l’on pense ? Ce cri du cœur ne se serait-il pas au bout du compte transformé en simple objet d’art ?
Un antique moyen de communication
Parce que oui, les premiers graffitis remontent bel et bien… à l’Antiquité ! 2000 ans plus tard, des archéologues ont découvert des pans entiers de la ville de Pompéi recouverts de « graffitis », à savoir des petits mots qui louaient ou blâmaient une personnalité ou qui dénonçaient l’esclavage. Mais il s’agissait de simples phrases, là où un véritable art du graffiti s’est développé aux Etats-Unis dans les années 60, issu de la culture hip-hop. Au départ il s’agissait de tags plutôt sauvages, puis petit à petit la technique a évolué et les graffitis sont devenus plus esthétiques. Le tag, simple mot écrit à la hâte qui permet à l’auteur « vandale » de laisser sa signature, s’oppose de plus en plus au graffiti. Il s’agit pour l’artiste de mettre en forme ses idées de manière esthétique. Néanmoins le graffiti en France est légalement puni : liberté d’expression oui, mais pas n’importe comment ni n’importe où. De manière générale, on le considère comme une « destruction, dégradation ou détérioration volontaire d’un bien appartenant à autrui ». Vous pouvez donc faire des graffitis mais ce en toute discrétion, ou bien il doit faire l’objet d’une commande officielle.
 

Le graffiti fait de la résistance
Le graffiti urbain a donc connu une déferlante à partir des années 1970 et ce malgré les interdits. Il connaît un franc succès dans des villes qui ne cessent de s’étendre et où les habitants ont du mal à trouver leur place. Le graffiti est donc le moyen d’affirmer une identité dans une ville qui ne semble rien voir, rien savoir de ses artères humaines. Pour beaucoup il est également le moyen d’afficher ses revendications et de s’opposer publiquement au gouvernement en place. Il y a quelques semaines, Le Petit Journal avait réalisé un reportage sur la Birmanie où l’arrivée au pouvoir du parti d’Aung San Suu Kyi annonçait un souffle de liberté, notamment dans le domaine de la musique et de l’art. Un jeune graffeur explique devant un de ses graffitis représentant la quête pour la paix, que les artistes étaient censurés s’ils utilisaient la couleur rouge dans leurs œuvres –couleur de la Ligue nationale pour la démocratie-, et que ces élections étaient prometteuses quant au statut et à la liberté des artistes.
S’ils traduisent la colère ou l’aspiration à une société meilleure, les graffitis permettent aussi de fédérer des populations entières autour de valeurs communes. C’est dans un contexte malheureusement bien triste que cela s’est confirmé avec les attentats en France des 7 janvier et 13 novembre 2015. Des artistes sont alors descendus dans les rues pour rendre hommage aux trop nombreuses victimes, pour exprimer leur chagrin à travers leur talent et ainsi redonner de la vie, des couleurs, tout ce qu’aimaient les victimes, et qu’artistes et citoyens souhaitent aujourd’hui perpétuer malgré la douleur.

Chaque artiste apporte sa touche personnelle mais c’est bien un message commun auquel tout le monde s’identifie, à travers les hashtags « Jesuischarlie », « Prayforparis » ou la devise de Paris « Fluctuat nec mergitur ».
La love story compliquée du graffiti et de l’art
Malgré l’émotion que dégagent ces graffitis, force est de constater qu’ils peinent encore à se faire reconnaître. C’est d’ailleurs dans cette traque à la reconnaissance que s’est constitué le mouvement du « street art » où l’on retrouve la notion d’art : il ne s’agit pas d’esquisser deux traits de couleurs sur un mur, mais de passer du temps à la réalisation d’une œuvre, ce qui demande de la technique et de la minutie. Paradoxalement, le graffiti se trouve aujourd’hui devant un autre dilemme : s’il est parfois tacitement accepté dans les villes et exposé dans des galeries, on peut s’interroger sur le type de communication qu’il engendre désormais. Certains maires commandent même des œuvres pour « habiller l’espace urbain » et raviver des bâtiments ternes : où est donc passé le côté spontané du graffiti qui même ouvragé correspond à l’identité d’un artiste, à sa signature ? On peut alors douter de l’authenticité de l’œuvre lorsque celle-ci doit répondre à certaines attentes de la part du mécène. L’œuvre retombe dès alors dans les mêmes problématiques qui se posent dans l’art concernant sa part de liberté et d’influence extérieure.
Mais ne jetons pas la pierre aux graffeurs car dans toute communication, il y a bien un émetteur et un récepteur. Et si le graffiti tend à devenir plus artistique que revendicateur, peut-être est-ce la faute à notre regard critique face à ces inscriptions urbaines. Soyons honnêtes, il est plus agréable de regarder un graffiti esthétiquement attirant, même si le sujet est poignant, plutôt que de s’arrêter devant un graffiti qui se sera plutôt concentré sur le message que sur la forme. Lors des attentats, nous avons tous été touchés par la multiplication de ces graffitis qui reprenaient des expressions connues et par leur portée symbolique. Mais n’y a-t-il pas, au fond, une certaine hypocrisie à accepter et même à inciter les graffitis lors de moments de crise, là où en temps normal ceux-ci sont interdits et même hués par beaucoup ? A-t-on été plus ému par le fait que chacun prenne ses bombes de couleurs et laisse un hommage, ou par l’image en elle-même d’une France meurtrie ? Cela signifierait que la communication de l’artiste serait plus forte en temps de crise qu’en temps normal, alors même que celui-ci dessine tous les jours ce qu’il est, ce qu’il espère et ce dont il souffre parfois. Mais comme dans tout art, un graffiti ne peut être apprécié de tous car cela relève du subjectif, et l’on peut trouver dommage d’y être confronté dans des lieux publics sans avoir eu le choix de le voir ou non. Pour être apprécié à sa juste valeur, le graffiti a encore des batailles à gagner, du côté des graffeurs comme du public.
Ludivine XATART
Sources :
« Graffitis, art et communication dans la ville », EYSSARTIER Mélissa, FERRON Mélanie, GIACOBBO Josepha, GRUNENWALD William, GUYADER Olivier, Université Michel de Montaigne,Bordeaux3, ISIC, L3, 2010.
« Du graffiti romain au graff moderne » in HugoL’escargot. Disponible sur  http://www.hugolescargot.com/article-des-origines-du-graffiti-au-street-art-ou-art-urbain.htm
« Graffiti, historique du mouvement ». Disponible sur  http://www.jean-michel-basquiat.net/mouvement-graffiti.html
« Après les attentats de Paris, le street-art pour afficher sa résistance », in FranceInter, mis en ligne le 20/11/15. Disponible sur http://www.franceinter.fr/depeche-apres-les-attentats-de-paris-le-street-art-pour-afficher-sa-resistance
Crédits photos :
lapresse.ca
http://www.hugolescargot.com/article-des-origines-du-graffiti-au-street-art-ou-art-urbain.htm
streetartandgraffiti.blogspot.com
positivr.fr

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SEPP BLATTER
Culture

Le football est-il ballonné ?

Nous avons tous plus ou moins entendu parler du scandale qui depuis mai, règne sur le monde du football. En effet, depuis l’arrestation pour corruption de sept de ses dirigeants par la justice américaine, la FIFA fait face à un sacré tourbillon. Mais de QUOI est-il vraiment question ?
Le mythe face à la réalité
Oui, le foot, ce sport qui transcende les Hommes au delà des frontières, qui rassemble autant qu’il divise. Principale cause de prise de poids grâce au trio traditionnel “bière-canapé-match à la tv”, mais également principale cause de divorce au XXIe siècle. Oui, le foot passionne, à tel point que cela en est devenu un acteur économique majeur participant à sa propre mythification. Simple nom de joueur ou Coupe du Monde, une conclusion s’impose : le football est un mythe.
De prime abord, on pourrait imaginer que le retentissement du scandale de la FIFA engendrerait la mise en péril de ce mythe et de ses représentations. La dénonciation (ou plutôt le rappel) de l’existence de la corruption et des mensonges frappe l’imaginaire commun et défie le mythe.
Mais peut-on vraiment parler de crise ? Il est vrai que ce mot devient aujourd’hui « un mot valise », utilisé à torts et à travers. Didier Heiderich, directeur de l’Observatoire International des Crises, explique que pour qu’une crise soit totale, il faut que le mythe s’effondre. Cependant, malgré le scandale de la FIFA, le monde du football connaît encore aujourd’hui une popularité sans limite.
Cette non-réaction de la part des supporters démontre les pouvoirs du mythe. En effet, ce dernier a la capacité de se protéger lui-même : on ne peut pas toucher au sacré. Par le fait même que le foot soit érigé en mythe, il ne peut être en crise totale.
Ce n’est donc pas une crise du foot mais davantage une crise institutionnelle. Or, il en ressort que la FIFA en tant qu’institution n’est pas réellement en crise. En effet, ce qui est véritablement touché, c’est le gouvernement de la FIFA. Le nom médiatique du « scandale de la FIFA » semble alors être un leurre. Le « mal de la corruption » mis en exergue dans les médias, fait écho aux personnes qui sont en charge, les décideurs. Le principal concerné au centre du scandale est Joseph Blatter (aka Sepp Blatter).
Il est nécessaire de faire un double constat :

Le foot n’est pas la FIFA.
La FIFA n’est pas ses dirigeants

La communication de crise : preuve d’un détachement de l’institution par rapport à ses dirigeants
Une communication de crise qui, dès le départ, s’est avérée confuse. Même si la réaction a été immédiate, l’ambiguïté de Blatter concernant sa responsabilité lors de sa première conférence de presse le 30 mai 2015 intrigue. Il reconnaît dans un premier temps qu’il y a une crise, mais il ne reconnaît pas sa responsabilité juridique et morale. Dès sa réélection, S. Blatter mise sur une « stratégie du complot », aussi connue sous le nom de la stratégie du projet latéral. Il contre-attaque lors de son interview à RTS (chaîne suisse) et se place en victime. Il s’en prend à la fois à l’UEFA en visant M. Platini, et aussi aux États-Unis. On voit déjà ici qu’il n’est plus réellement question de la FIFA mais surtout de lui.

On observe deux tournants dans sa communication de crise :
D’abord, sa démission. « Démissionner, ça voudrait dire que je suis fautif, or je lutte depuis 4 ans contre toute corruption » avait-il dit au moment de sa conférence de presse. Cela va être, pour l’opinion publique, un aveu de culpabilité implicite. A partir de ce moment là, il y a clairement la volonté d’une distinction entre l’homme et l’institution.
Par ailleurs, le nom médiatique se modifie subtilement, du « scandale de la FIFA » au « scandale à la FIFA ». On sous entend ici que le scandale ne concerne pas véritablement l’institution en elle même, mais encore une fois les hommes à sa tête.
Vient ensuite, sa suspension avec M. Platini.
Joseph Blatter continue de nier sa responsabilité, autant morale que juridique : « That’s the president, Blatter, he is responsible!” But I object. How can I be responsible morally for all the people? » demande t-il lors d’une interview avec le média TASS (Russian News Agency), le 28 octobre.
Sans pour autant changer de la stratégie du complot, il change de cible : les médias. Dans le même temps, il s’insurge contre M. Platini, encore et toujours.
Anecdotique en apparence, la pluie de billets qui s’est abattue sur Blatter lors de la conférence de presse du 20 juillet est lourde de sens. C’est l’apogée de l’humiliation pour l’ex-président de la FIFA. Cet incident traduit de nouveau le mépris d’un public envers le personnage de Joseph Blatter et de ce qu’il incarne : la corruption et non le foot.
Enfin, envisageons le fait qu’au lieu de vouloir inverser les rôles et de se positionner en victime, Blatter use de la stratégie de la reconnaissance. Autrement dit, admettre sa responsabilité, se remettre en cause et demander pardon. Selon Thierry Libaert, professeur en sciences de l’information et de la communication, cette stratégie de l’aveu pourrait engendrer la possibilité d’acquérir des circonstances atténuantes, voire même d’accroître son capital image.
Blatter demeure l’épicentre du scandale, néanmoins d’autres acteurs internes à la Fifa (Platini, Valcke…) viennent apporter des renversements qui élèvent ce scandale au rang de fiction médiatico-judiciaire.
Et les médias dans tout ça ?
Le rôle des médias est primordial. Dans le cas d’une crise liée au sport, son rôle prend déjà tout son sens en amont, car ce sont les médias qui participent à la mythification d’un sport et de son institution.
Joseph Blatter et ses confrères ont bien compris leur importance et le rôle qu’ils jouent dans une crise. C’est d’ailleurs un argument principal dans leur stratégie de victimisation.
En ce qui concerne l’ex-président de la Fédération, il s’en sert pour les dénoncer : « I think it was the pressure of the media. It was the pressure to get rid of the FIFA president » dans TASS, le 28 octobre.
Cette manipulation médiatique par Joseph Blatter est couronnée par une interview de sa fille, Corinne Blatter-Andenmatten dans le journal Blick. Elle insiste pour clamer son innocence et blâmer les médias qui auraient ruiné la réputation de son père : « Pourquoi s’en prennent-ils à lui? Que leur a-t-il fait? Ce n’est pas seulement de la jalousie. C’est de la haine ».
Cet échange résume particulièrement bien la stratégie de victimisation, que Thierry Libaert définit par le fait de « réduire l’intensité de la crise en recourant au registre de l’émotion et en se positionnant autour de la souffrance engendrée par l’ensemble des critiques ».
Enfin, toujours sous l’angle médiatique, lorsque l’on analyse certaines Unes de journaux sorties à la suite du scandale, on remarque encore une fois une distinction entre la FIFA et Joseph Blatter.

 
 
Tout d’abord, visuellement, par les photos qui le représentent avant de représenter la FIFA. Ensuite par les titres qui mettent en avant ce personnage et non l’institution. Ils sont crus et percutants : ils représentent le spectacle de la chute, un spectacle qui fait particulièrement vendre.
Pour le mot de la fin, on peut également dire qu’un mythe c’est aussi un personnage, un masque, un costume. Comme disait Gainsbourg : « le masque tombe, l’homme reste et le héros s’évanouit », c’est tout le souci de ce scandale : que reste-t-il de l’homme ?
Clémence Midière
Sources : 
La communication de crise – Thierry Libaert
« La crise dans le sport » – Magazine de la Communication de crise et sensible (Vol.22)
« Blatter: FIFA scandal provoked by Michel Platini » – TASS (28 Octobre 2015)
« FIFA : Blatter dénonce une campagne de haine de la part de l’UEFA » – Le Monde (30 mai 2015)
«  FIFA : Blatter noyé sous les dollars pendant sa conférence de presse » – Le Monde (20 juillet 2015)
« Fifa-Krimi: Tochter Corinne verteidigt Blatter » – Blick (5 octobre 2015)
Crédits images : 
Le Figaro.fr
The Guardian
The Times
Bild
L’Express

FranceTV Sport
Culture

Quel sport pour la télévision publique ?

Enjeu pour France Télévisions depuis toujours, la retransmission du sport est devenue un casse-tête insoluble entre déséquilibre du marché et devoirs moraux. Mais France Télévisions adopte-t-il la meilleure stratégie possible ?
Le 19 octobre dernier, l’Assemblée Nationale a voté une augmentation de taxes au bénéfice de l’audiovisuel public. Mais cette hausse vient compenser la baisse des subventions directes de l’Etat à France Télévisions instaurée plus tôt. Pas suffisant pour concurrencer les gros acteurs de l’achat de droits TV sportifs. BeIn Sports a étendu son offre pour devenir une référence, quitte à délaisser des sports. Canal+ et TF1 ont concentré leurs offres sur le football (Ligue 1, Ligue des Champions pour l’un, Equipe de France pour l’autre) et les grands événements. La dernière Coupe du monde de Rugby en est un, France Télévisions n’y a pas pris part. Le groupe pourtant premier diffuseur de rugby (VI Nations, Equipe de France masculine et féminine, Coupe d’Europe) n’a pas surenchéri face à ses concurrents.
Est-ce un problème de budget ? En partie oui, il est difficile de dire le contraire. Mais le portefeuille sportif de France Télévisions est large, on peut donc s’interroger sur l’utilisation de ce budget. Les performances nationales dans des sports jusque-là peu médiatisés permettent une multitude de positionnements. Les victoires successives de l’Equipe de France de Handball ont toujours entraîné une hausse du nombre de licenciés, il en sera logiquement de même avec le Volley-Ball et la récente victoire de la « Team Yavbou » en Ligue Mondiale puis aux Championnats d’Europe.
Un autre gâteau plutôt que des miettes
Alors quel est le problème si des publics se créent par les résultats ? Le problème est qu’ils n’entraînent pas automatiquement un besoin. Il est difficile de nier qu’un sport, à partir du moment où il répond à un besoin, est source d’audiences hors-normes. Pour une rencontre de Ligue des Champions entre le Paris-Saint-Germain et un cador européen, Canal+ franchit régulièrement la barre des 2 Millions de téléspectateurs, soit plus de 10% de parts de marché et 30% de son audimat interne. Sur son offre historique (Roland-Garros, Tour de France), France Télévisions est encore capable de dynamiser ses audiences : 3,5 millions de téléspectateurs de moyenne pour le Tour de France 2015 sur des cases ne dépassant que rarement les 2 millions.
Mais les investissements récents dans les compétitions espoirs et féminines peinent à rentabiliser leur prix. Une partie du problème se trouve dans l’attitude de France Télévisions à l’égard des sports qu’il diffuse. Reprenons l’exemple du volley-ball : la « Team Yavbou » a remporté au printemps la Ligue Mondiale, premier titre majeur de son histoire. La presse écrite s’est vite emparée de cette performance pour capitaliser dessus, comme avec les « Barjots » en Handball 15 ans plus tôt. Les championnats d’Europe (à savoir que les meilleures équipes sont européennes) étaient donc un investissement plus que judicieux pour « France Télé » qui n’a pourtant diffusé que la finale sur France 4. Aucune possibilité de teasing et donc audience mitigée : 756 000 téléspectateurs et 2,7% de PdA. En face sur TF1, le quart de finale Australie – Ecosse a bien performé pour une rencontre sans le XV de France. Le face à face entre rugby et volley-ball était prévisible, les parcours des deux équipes françaises également. France 2 pouvait se mettre en concurrence frontale avec TF1 dès les demi-finales et ainsi créer un contre besoin, celui de résultats positifs face au naufrage du XV de France.
A chaque chaîne son positionnement
Dans cette course à l’audimat et à la rentabilité, France Télévisions possède un avantage indéniable mais parfois dangereux sur ses concurrents excepté Canal+ : la variété de ses chaînes. Les groupes TF1 et M6 utilisent leurs autres chaines comme une seconde main, BeIn Sports et Eurosport sont eux contraints d’augmenter leur volume de diffusion pour satisfaire le besoin primordial de direct pour ne pas devoir interrompre la diffusion d’une compétition. France Télévisions possède 5 chaines différenciées mais à trop avoir le choix, peut se tirer une balle dans le pied. Actuellement, le sport est réparti entre les grands événements sur France 2, les événements « mineurs » sur France 4, le sport « régional » sur France 3 et quelques compétitions d’athlétisme, sur France Ô.
Ces positionnements sont faillibles, notamment les rôles donnés à France 2 et France 4. La hiérarchisation évidente entre les deux chaines tire France 4 vers le bas. Tous les groupes médias utilisent cette méthode mais sur des chaînes à cible similaire. France 4 vise les jeunes, le public le plus exigeant. Quand ils diffusent du rugby féminin ou le Challenge Européen (la « petite » coupe d’Europe), le public n’est pas celui visé habituellement ce qui empêche la chaîne de réaliser de grosses audiences. 3,4M sur TMC pour du handball, 4,1M sur W9 pour du football féminin tandis que France 4 n’a jamais dépassé les 2,3M (Ski lors des JO de Sotchi). Problématique quand on sait que la quasi-totalité des meilleures audiences de la TNT est faite par le sport.
On ne pouvait pas traiter ce sujet sans évoquer le football, sport qui trust les meilleures audiences de l’histoire. France Télévisions a beaucoup réduit son offre à cause de l’explosion des droits mais certaines compétitions restent accessibles, encore faut-il qu’elles en valent la peine. France 2 et surtout France 3 sont seuls diffuseurs de la Coupe de la Ligue. La chaîne régionale diffuse donc la compétition française la moins authentique, et les audiences s’en suivent. Le système « à chaque région son match » n’a pas empêché France 3 de se retrouver quatrième chaine le 29/10 avec seulement 7% de PdA, face à une forte concurrence il faut l’avouer. Mais que « France Télé » se console, les beaux jours vont revenir et avec eux des audiences dopées par Roland-Garros, le Tour de France et les Jeux Olympiques.

FOOTBALL
Thibaut CAILLET
@Caillet_Thb
Sources : 
– Ozap http://www.ozap.com/actu/audiences-les-profs-devance-asterix-bon-score-pour-arte-et-le-volley-ball/480313
– Le Figaro/TV Mag http://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/article/television/87574/record-d-audience-historique-de-la-tnt-pour-w9-avec-le-foot-feminin.html
– Télé Loisirs http://www.programme-tv.net/news/tv/64295-france-4-comment-ligne-editoriale-chaine-evolue-10/
Crédits images : 
– N. Doychinov, AFP
– C. Gauberti, France Télévisions

Culture

L'art de se réfugier dans les clichés

Une nouvelle polémique est venue irriguer, mardi 6 octobre 2015, le chapitre déjà controversé de l’accueil des réfugiés en Europe. Le hongrois Norbert Baksa, qui se définit lui-même comme « un photographe professionnel indépendant avec vingt ans d’expérience à son actif », est à l’origine de « Der migrant », clichés de mode sur le thème des réfugiés.
 

La réaction des internautes fût virulente et sans appel. Devant l’ardeur des condamnations de son travail, Norbert Baksa retira finalement les images de sa page internet et de son compte Twitter deux jours après leur publication.
De l’objet des médias à l’objet d’art
Depuis quelques mois, et a fortiori depuis le 24 août dernier, lorsqu’Angela Merkel a annoncé une souplesse sur l’ouverture des frontières de l’Allemagne concernant le cas des demandeurs d’asile syriens, les articles et reportages médiatiques au sujet des réfugiés prolifèrent.
Aussi le thème de l’immigration est-il omniprésent dans les médias, qu’on lise la presse, qu’on écoute la radio, qu’on regarde la télévision, et par conséquent il s’inscrit dans nos quotidiens.
Entendu en tant qu’objet investi par les médias, le thème des migrants soulève un paradoxe. S’il est légitime que les travaux de Norbert Baksa dérangent et offusquent les internautes, il reste compréhensible que la thématique des migrants soit source d’inspiration pour l’art, puisqu’au cœur des préoccupations actuelles (en admettant que les clichés en question soient de l’art). Comment comprendre cette tension ?
Art et politique, les amants maudits
En partant du postulat que le projet « Der migrant » appartienne bien au domaine de l’art, il est possible d’entendre les justifications que le photographe s’est donné la peine de publier sur son compte Twitter.

Norbert Baksa soutient que son travail met l’accent sur « la complexité de la situation et adopte un point de vue différent ».
Dans l’exemple de la photographie ci-dessous, on peut remarquer un décalage évident dans le choix des personnages. Le contraste est évident entre une délicate et fragile jeune femme, représentant une migrante, et un individu violent, symbole du l’ordre étatique.
La série de photos dérange surtout par ses contrastes manichéens entre le beau et le laid, le bien et le mal. Et ce sont précisément ces oxymores visuels qui permettraient de mettre en évidence « la complexité de la situation ».
 
 

« Ingrid, est-ce que tu buzz ? »
Le problème n’est pas le choix du thème des réfugiés, mais la manière discutable, et plutôt frivole, dont il est traité. La mise en scène d’une jeune femme, respirant la fraîcheur, en train de faire un selfie aguicheur, chemisier ouvert, devant une barrière barbelée à l’aide d’un téléphone portable qui porte le logo Chanel, n’a pu naître que d’un esprit conscient du tollé que cela engendrerait. Les situations sont si grotesques qu’elles transpirent la recherche du « buzz médiatique ».

Cinquante-deux millions d’immigrés*, et moi, et moi, et moi
On connaît la position radicale de la Hongrie à propos de l’accueil des réfugiés en Europe. Après qu’il ait construit un mur « anti-migrants » à sa frontière avec la Serbie, le premier ministre hongrois Viktor Orban a fait voter une loi autorisant les militaires à faire usage d’armes non létales sur les migrants.
Certes, les jolies ambitions que Norbert Baksa a affiché sur son compte Twitter, telles que « exposer la dualité des reportages des médias », « faire se rencontrer différentes opinions pour nous ouvrir l’esprit » semblent prôner un noble objectif de compréhension de la situation dans sa globalité. Mais dans ses clichés, on retrouve en fait le leitmotiv de la décadence et du repli national.
 

Il nous assure en effet que ses « photos sont la traduction des reportages qu’on peut voir dans les médias hongrois. Certains montrent bien des réfugiés qui s’enfuient pour une question de survie, tandis que d’autres exposent des migrants agressifs ou terroristes ».
La théorie du complot revisitée ?
Peut-être Norbert Baksa entend-il en fait dénoncer les abus de tous ces migrants calculateurs, qui se cachent sournoisement sous l’appellation « réfugiés », et s’infiltrent en Europe, uniquement dans le but de profiter de la prospérité économique européenne. Cette intention de dénonciation serait sous-jacente dans l’intitulé même de son projet. Alors qu’il prétendrait nous ouvrir les yeux sur une situation complexe, puisque les médias traditionnels n’auraient pas correctement rempli leur mission d’information à ce sujet, l’accusateur nomme naturellement son travail « Der Migrant ».
Mais l’emploi de l’article défini ne sous-entend-il pas précisément une généralisation, celle-là même qu’il ambitionne de combattre ?
 

Trancher entre hypocrisie ou recherche de buzz, voilà la « dualité » que semble suggérer Norbert Baksa à travers ses clichés, à prendre dans tous les sens du terme.
Aline Nippert
Linkedin
Sources :
* chiffre tiré d’un projet-événement d’Arte reportage, où « migrants » est pris dans son sens large de « nombre d’êtres humains qui sont contraints à vivre sur une terre qui n’est pas la leur » http://info.arte.tv/fr/refugies

https://twitter.com/NorbertBaksa?ref_src=twsrc%5Etfw
http://www.rtl.fr/actu/international/en-hongrie-les-militaires-sont-autorises-a-tirer-sur-les-migrants-7779808514

Crédit photos :
http://www.konbini.com/fr/tendances-2/en-images-shooting-mode-refugies-fait-polemique/

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sébastien thiery fastncurious molières
Culture

Cachez ce sexe que je ne saurais voir !

Qu’on se le dise, Fleur Pellerin en a pris pour son grade ce 27 avril 2015 lors de la 27ème Cérémonie des Molières. Et pour cause, rappelons nous du sujet qui fait débat, qui enrage le milieu culturel et dérange la sphère politique : la question du statut des intermittents du spectacle. Pour faire simple, le chômage des intermittents du spectacle, qui leur garantit une rémunération (précaire) pendant les périodes d’accalmie, est menacé de suppression. Rien de tel pour remettre les points sur les « i » que de profiter des Molières pour passer un savon à la digne représentante étatique de la culture.
Le nu : le nouveau pouvoir contestataire et la coqueluche des médias ?
L’apparition sur scène de l’auteur dramatique et comédien Sébastien Thiery dans le plus simple appareil a fait son effet. L’impudique monsieur s’est littéralement trimballé fesses et roubignolles à l’air dans le but d’interpeller du haut de son podium le pouvoir politique et lui demander des comptes. Sébastien Thiery fait un putsch, certes préparé, mais un putsch quand même dans la mesure où il met le public et la ministre face à une nudité qui n’était ni prévisible, ni souhaitée par l’auditoire. Le comédien prend la parole « au nom de la « fédération CGT du spectacle ».

Tous les médias ont parlé de cette fameuse séquence dans les heures et les jours qui ont suivi l’événement, provoquant ainsi un véritable buzz médiatique. La séquence a d’ailleurs été immédiatement commentée et relayée sur les réseaux sociaux divisant la twittosphère.

 
 
 
 

On s’attendait à un discours quelconque, ponctué de petites blagues, et on se retrouve soudain, involontairement, témoin d’un véritable règlement de compte. On assiste à une leçon de morale. Bon et après ? Ça reste une paire de fesses, et des paires de fesses, on en voit bien souvent au théâtre. C’est pratiquement monnaie courante. Pour clamer leur mécontentement (justifié !), des intermittents du spectacle avaient déjà joué la carte de la nudité devant Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la Culture.

Le corps, un instrument contestataire comme un autre ?
Le fait est que le corps, une fois débarrassé de ses oripeaux, devient un instrument contestataire au service de l’action politique. Le corps nu est en soi une petite révolution en ce qu’il casse les codes sociaux. Rien de plus percutent que de se dénuder pendant une cérémonie officielle et institutionnelle où les codes ne demandent qu’à être distordus. On peut ainsi penser aux Femen qui, pendant le discours de Marine Le Pen le 1er mai, brandissaient leurs deux banderoles « Heil Le Pen ! », le tout seins nus.

Pourquoi utiliser le nu pour communiquer son désaccord et comment le nu réussit-il à défier le pouvoir politique au point de provoquer gêne et même violence ? La théâtralité du corps nu, en cela qu’il est clairement mis en scène, dé-range le politique. Et pour cause, des corps nus, libres, en mouvement, s’opposent aux corps inertes, embourbés dans leurs tissus, regroupés en masse passive. Le corps théâtralisé, une fois nu, conteste de lui même. Il dit non à l’ordre imposé et représenté par le pouvoir politique, à savoir un ordre lissé, institutionnel et législateur. D’où la confusion que sèment les Femen, d’où la gêne que provoque Sébastien Thiery. La gêne et le rire. Mais le rire est parfois le plus sûr moyen d’expier sa gêne.
Le théâtre comme tribune
Lors de la soirée des Molières, il y a eu affrontement entre le théâtre et le politique. Le théâtre est cette déclaration de guerre que Brecht s’évertuait à organiser encore et encore et que, peut-être, Sébastien Thiery a perpétué. Théâtre et politique ont toujours eu quelques affaires ensemble. Le théâtre est cet art qui sait si bien mettre en jeu la question du commun et de la communauté ; question largement discutée et réfléchie par le politique.
Le théâtre est cet art qui fait avouer au politique sa défaillance, sa contradiction et son mutisme. Et pour preuve, une Fleur Pellerin gênée, qui ne sait ni où poser ses yeux, ni comment réagir face à ce qui s’impose la nudité crue du réel, autrement dit la paire de fesses de Sébastien Thiery. Et pourtant, dieu sait que nous en avons tous une de paire de fesses.
Jeanne Canus-Lacoste
Crédits photos :
Youtube
Twitter
Le Courrier Picard
Sources :
Le Figaro
Libération
francetvinfo.fr

téléréalité crimes fastncurious
Culture

Un crime parfait pour la télé

Ce soir, découvrez l’histoire de la petite Marguerite, enterrée par ses parents dans un bloc de béton, celle de la veuve noire de Floride qui tue ses maris en mettant des sangsues dans leur bain ou bien celle de l’employé de fast-food fou empoisonnant ses clients avec leurs hamburgers. Programme alléchant : 100% vraies, 100% glauques, les émissions d’enquêtes et de crime ont la côte !
Si “Faites entrer l’accusé” – avec ses 15 ans d’existence – fait partie des vieux meubles télévisuels du crime, l’émission a depuis été massivement déclinée : “Enquêtes criminelles” sur W9, “Crimes” sur NRJ12 ou encore “Les enquêtes impossibles” sur NT1.
Et appelons un chat, un chat. Malgré quelques variations, de la plus métaphorique – “Faites entrer à l’accusé” – à la plus littérale – “Crimes”, les titres restent évocateurs : de l’hémoglobine, des empreintes digitales compromettantes, des alibis douteux et des rebondissements judiciaires, voilà ce qui nous attend, on le sait et c’est pour cela que l’on regarde.

Du point de vue de la construction du programme, rien de bien extraordinaire : il s’agit de retracer une enquête du début à la fin, soit du crime à sa résolution. Un peu comme un épisode des Experts en somme : qui a tué et pourquoi ? Le récit de l’enquête policière et de l’instruction judiciaire est généralement étayé par des archives télévisuelles ou photographiques, des entretiens avec des experts-psychiatres, des journalistes, des enquêteurs, des avocats ou des témoins mais aussi par des prises de paroles des proches de la ou des victime(s) et, parfois même, par les suspects et les coupables de l’affaire en question.
A mi-chemin entre la série policière américaine (ou française d’ailleurs) et l’émission d’information judiciaire et policière, ces émissions attirent indéniablement les publics. Enquête express sur ce mystère non-résolu.
Tutoriel pour une enquête réussie ou délectation morbide ?
Si les séries télévisées policières foisonnent sur toutes les chaines télé, elles ne sont pas parvenues à endiguer l’apparition de ces programmes hybrides que sont les émissions d’enquêtes criminelles : quelle est la clé de ce succès ?
La réponse semble évidente : la réalité. De vrais meurtres, de vraies victimes, de vrais tueurs, de vrais lieux, de vrais policiers, de vraies enquêtes, un florilège de réalité-vraie-qui-a-réellement-eu-lieu.

Dans un contexte de généralisation de la défiance du public où le soupçon du “fake” est une menace, ces programmes télé détournent une potentielle polémique en garantissant la “réalité” de leur contenu. Exit les “ce n’est pas crédible”, “c’est tiré par les cheveux”, “c’est tellement tordu que ça ne pourrait jamais arriver en vrai” : puisque cela s’est veritablement passé, le jugement du public quant à la validité et la vraisemblance des faits exposés n’a pas lieu d’être. Cette véracité des faits ouvre la porte à une plus forte compassion du public et au frisson de savoir que cela peut arriver. Les interventions de la famille et des proches qui parlent de la victime et de son passé ou la localisation précise du drame dans une zone géographique particulière (une ville, une région, une maison…) sont autant d’éléments qui ancrent les faits dans cette réalité inquiètante dont se délecte le téléspectateur.
Ces émissions s’inscrivent dans une tendance générale de l’amenuisement progressif de la frontière entre fiction et réalité, dont témoigne la multiplication de programmes hybrides dans le paysage télévisuel contemporain. Le néologisme “téléralité” illustre à lui seul cette extraordinaire ambiguité des contenus : comment faire cohabiter la télé – soit la fiction, le créé et le construit à destination d’un public – et la réalité – soit le fortuit, l’aléatoire et l’imprévisible ?
Et de cette grande question découle le problème posé par ces émissions d’enquètes criminelles : celui de parvenir à les qualifier. Si elles semblent chercher à nous faire découvrir les dessous du système judiciaire et policier, peut-on pour autant les rapprocher de programmes documentaires ? Certaines émissions qui insistent davantage sur les méthodes d’investigation et de résolution d’enquètes, à l’instar des “Enquêtes impossibles”, pourraient y trouver la justification de leur existence mais, dans la majorité des cas, le caractère instructif des programmes paraît largement surpassé par le sensationnel. Entre instruction et divertissement pervers, quelle finalité trouver à ces contenus médiatiques ?
De l’art de brouiller les pistes
Au terme d’une micro-investigation sur le fond et la forme des ces émissions d’enquètes criminelles, il apparait rapidement que la “réalité” ne joue que comme argument dans la construction d’un contenu médiatique aux fins davantage divertissantes qu’instructives.
Si le modèle fonctionne indéniablement du point de vue de l’audimat, c’est également un modèle efficace du point de vue économique. De la réalité donc peu de frais ! On oublie les acteurs et les scénaristes : l’enquète est servie sur un plateau avec tous les protagonistes et les rebondissements qu’il faut, pour peu qu’on la choississe avec soin. Compte tenu du nombre de faits divers des dernières décennies, la matière télévisuelle potentielle est considérable. La quantité d’histoires incroyablement sordides et originales est importante au point d’autoriser le luxe du choix. Car si le public veut de la réalité, il veut la crème de la réalité. De même qu’une maison de téléréalité se doit de fournir son lot de coucheries et de disputes pour échapper à la fadeur la plus totale, une enquète criminelle se doit de s’en tenir à certains critères. De l’inhumanité, de la trahison, des mobiles atroces…pourvu que ce ne soit pas banal. Il va sans dire qu’un simple homicide involontaire, un désaccord basique qui aurait mal tourné ou un réglement de comptes de voisinage ne sauraient trouver grâce aux yeux des téléspectateurs. L’”histoire” qui fonctionne est celle qui brise les règles établies et acceptées tacitement par la majorité du corps social, celle qui déplace les limites de l’humanité, celle qui pousse à essayer de comprendre l’incompréhensible : les cas d’infanticides, d’incestes ou de meurtres en série sont ainsi des perles télégéniques, par la charge émotionelle, terrifiante et révoltante qu’ils portent en eux.

Au delà de ce choix editorial du “meilleur crime” à raconter, le tiraillement entre fiction et réalité auquel sont confrontées les émissions d’enquètes criminelles se manifeste dans les choix, imposés par le média qu’est la télévision, de mise en scène, de cadrage et de narration.
Les titres des enquètes présentées – “Meurtre sur ordonnance”, “L’assassin habite au numéro 1”, “Cauchemar au fast-food” ou “Massacre en chambre froide” – donnent le ton et renvoient immédiatement à  l’imaginaire du polar de gare un peu “cheap”. Les mélodies à suspens sont de mise, les coupures publicitaires sont travaillées de manière à maintenir en éveil l’attention du téléspectateur, une musique bouleversante accompagne les temoignages larmoyants des proches éffondrés, les fondus au noir accentuent le caractère mystérieux de l’enquète tandis qu’une voix off semble nous narrer un roman d’Agatha Christie – entre reprises de souffle et silences angoissants. Autant d’éléments qui achèvent de faire basculer ces “histoires vraies” dans une pure logique narrative.
Ce recours massif à des mécanismes intimement liés au contenu de divertissement témoigne bel et bien de l’inscription de ce type de programmes dans la “romance télévisuelle” et en aucun cas dans le genre du “documentaire”. L’émission est travaillée afin d’être vendable aux chaines auxquelles elle se destine et consommable par son public. NRJ12, W9 ou encore NT1, chaines de la TNT, ont fait du divertissement leur crédo et des hybrides à mi-chemin entre la fiction et la réalité, leurs spécialités : il n’est donc pas étonnant que ces émissions d’enquètes criminelles s’inscrivent dans cette ligne éditoriale.
Proposé sous une forme proche de celle d’émissions comme “Tellement vrai” ou “Confessions intimes”, le fond du contenu médiatique reste cependant tragique : dans quelle mesure est-il convenable de proposer une expérience de divertissement autour de faits réels si dramatiques ?
C’est grave docteur ?
Si ces émissions fonctionnent, c’est qu’elles ont su trouver leur public : comment situer le téléspectateur au sein de ce phénomène ?

Au delà du risque encouru (et mérité) de passer pour le fana de morbide de la bande, se pose véritablement la question de la distinction entre la production médiatique consommée et la réalité à laquelle elle renvoit. Regarder, à l’aune du divertissement, les témoignages de familles en deuil et les images de vraies scènes de crimes témoigne d’une insensibilité croissante du téléspectateur. L’étalonnage de tous les programmes télévisuels autour d’une considération indifférenciée – “c’est de la télé” – n’est pas sans risques. En effet, l’exposition répétée à des images violentes peut engendrer un phénomène d’acculturation – soit d’accoutumance du regard – mais aussi un potentiel manque de retour critique sur les contenus donnés à voir. Un autre effet néfaste à prendre en considération est que la surconsommmation télévisuelle d’émissions d’enquètes criminelles participerait d’une vaste tendance à la surrévalutation de la dangerosité du monde. Par leur contenu violent et anxiogène, ces programmes tendent à altérer la perception de l’environnement dans lequel on évolue, à surestimer sensiblement les risques réels et à accroitre la paranoia. Le fameux théoricien de la télévision et ses effets, Georges Gerbner, le montrait déjà il y a plusieurs d’années : la consommation d’images violentes et la crainte d’être victime de cette même violence dans la réalité sont corrélées. Une expérience menée avec des volontaires a ainsi permis de constater que les téléspectateurs les plus assidus surestimaient très largement la dangerosité de leur environnement, à partir de l’image faussée que leur en donne la télévision.
Alors, pour échapper aux insomnies chroniques, s’éviter des pics de stress en rentrant chez soi le soir et ne pas entretenir ce penchant naturel pour le morbide, le meilleur remède consiste encore à zapper sur un épisode des Chtits dans la brousse ou sur les confessions d’un drag-queen effrayé par les paillettes : autant de réalité, moins de lugubre.
Tiphaine Baubinnec
@: Tiphaine Baubinnec
Sources :
programme-tv.net
puretrend.com
Crédits photos :
blog.plaine-images.fr
“Enquêtes criminelles” – W9
“ Crimes” – NRJ12
“Les enquètes impossibles” – NT1

nicki minaj twerk fastncurious
Culture

Pour une sociopolitique du twerk

Nicki Minaj, Taylor Swift, Miley Cyrus. Le twerk n’appartient ni au rap, ni à la pop, ni à un quelconque genre artistique : il appartient aux twerkeur(se)s. Loin du spectre misogyne qui tourmente les références pop, et notamment l’industrie de la musique, le twerk peut également être considéré comme un outil de revendication identitaire pour les femmes et certains groupes sociaux comme les noir(e)s et les queers (les minorités de genre ou de sexe), ou simplement pour ceux qui se réapproprient leur corps. Le bootyshake peut ainsi être potentiellement considéré comme permettant à l’individu bootyshakant de rompre symboliquement avec toute appartenance, voire toute acceptation, du carcan hétéronormatif.
Geste féministe
Le twerk, l’expression vulgaire et indécente d’une sexualité débridée, d’une dépravation générale du siècle ? L’éclat d’une œuvre (ou sa médiocrité) ne réside que dans l’œil des spectateurs. Le twerk représente alors un symbole d’hypersexualisation seulement si on le considère à travers le prisme patriarcal, celui qui sexualise et culpabilise systématiquement le corps féminin.
A l’inverse, twerker pourrait être aussi une façon pour l’individu social de devenir l’agent actif de son propre corps en utilisant son postérieur selon ses envies propres et individuelles. Fannie Sosa, twerkeuse et étudiante en socio, affirme ainsi que : « le twerk est le kiff de (se) bouger le cul consciemment ». L’éthique du twerk a donc pour visée de considérer le twerk de l’agent actif dans le cadre de sa propre satisfaction. De par son revival récent dans les milieux queers, plus qu’un vecteur féministe, il deviendrait un outil de revendication identitaire de genre plus étendu, qui a pour absolu l’affranchissement du rapport hommes/femmes.

Depuis ses origines diasporiques africaines des populations émigrées dans les banlieues ghettoïsées, le jeu entre dominants et dominés est omniprésent. A partir de ce fait, les fesses deviennent alors un véritable medium pour les revendications.
Appropriation culturelle ?
Plus spécifiquement née au sein des groupes sociaux en marge de la société comme dans la culture hip hop et queer, l’appropriation culturelle par les pop stars blanches des années 2010 constitue une problématique culturelle actuellement débattue. Ces pop stars reprendraient des éléments de revendications identitaires de la culture afro-américaine à des fins d’entertainment. S’approprier l’esthétique d’un mouvement sans en considérer tout le poids idéologique et culturel, c’est l’histoire du glissement des subcultures vers le mainstream, à savoir le « courant dominant », la diversité standardisée.
Ainsi, les tweetclash fusent dans l’industrie de la musique, blancs contre noirs. Earl Sweatshirt, membre noir du collectif subversif Odd Future, accuse Taylor Swift de stigmatiser les noirs : elle cacherait ses préjugés en proclamant son amour de la culture afro-américaine. A côté, la rappeuse Azealia Banks critique Iggy Azalea pour son appropriation des codes culturels noirs (dont le bootyshake) et de son absence de prise de position suite aux événements de Ferguson : « La culture noire est cool, mais les problèmes des noirs le sont moins, hein ? […] »
Outre les tweetclash, le média américain féministe Jezebel a aussi déclaré que Miley pillait la culture afro-américaine sans revendiquer son combat pour l’égalité sociale : « Twerking, popping the ass, bending at the waist and shaking her rump in the air. Fun. But basically, she, as a rich white woman, is « playing » at being a minority specifically from a lower socio-economic level. » (Twerker […]. Amusant. Mais fondamentalement, elle, en tant que femme blanche et  riche, « joue » à être une minorité, spécialement issue de la classe socio-économique inférieure)

Faire du soi avec de l’autre
Cette entrée rampante dans le mainstream poserait donc problème. L’appropriation du twerk par les pop stars blanches est critiquée puisqu’elles utilisent des codes culturels comme sources artistiques et financières, mais n’en diffuseraient pas les racines, c’est-à-dire les discriminations sociales et économiques de ces communautés (raciales ou sexuelles) dominées.
De plus, paradoxalement, elles ne l’utiliseraient non plus comme geste féministe, mais comme outil d’érotisation de leurs corps (personne ne veut être Hannah Montana toute sa vie), créant ainsi dans l’inconscient collectif un lien entre la culture afro-américaine et l’hypersexualisation.
« Plus que jamais à l’époque contemporaine, marquée par une forte valorisation de l’hybridité, du métissage et du sampling, faire du soi avec de l’autre tient d’un principe créatif. Une culture n’est pas un isolat étanche et mobile mais un ensemble ouvert qui ne cesse de se construire par l’importation d’influences et d’éléments étrangers », affirme Monique Jeudy-Ballini, spécialiste des questions d’appropriation culturelle au CNRS. Le twerk connait alors un basculement : initialement objet de revendication identitaire de genre et de race, il s’ancre dans la culture mainstream et se trouverait ôté de son sens premier.
Thanh-Nhan Ly Cam
@ThanhLcm
Sources :
retard-magazine.com
slate.fr
www.lesinrocks.com
Crédits photos :
Terry Richardson
Matthew Kirby
Disney Channel

Culture

Deuxième sexe et 7ème art, l’équation cannoise

A presque un mois du festival de Cannes, la croisette se prépare d’ores et déjà à recevoir le temps de sa quinzaine annuelle, l’attention insatiable du monde médiatique concentrée sur ses 24 marches, et sa cinquantaine de films présentés chaque année. Les spéculations vont bon train sur le futur réalisateur qui se verra attribuer la prestigieuse palme. Oui, mais plutôt « le » ou « la » diriez vous ? Pourtant, en optant pour l’article masculin, la probabilité de faire fausse route reste faible. Quasi nulle en fait, elle a été invérifiée une seule fois en 1993, par la cinéaste néo-zélandaise Jane Campion (présidente du jury 2014) et sa magistrale Leçon de Piano qui lui vaudra une palme d’or.

Face aux accusations sexistes, un nouveau programme, « Woman in Motion »
Pour rectifier le tir, le Festival de Cannes et la holding Kering (Saint-Laurent, Balenciaga, Stella McCartney…) inaugurent cette année le programme « Women in Motion » qui se donne pour objectif la revalorisation de la contribution des femmes dans le 7ème art. Par cette nouvelle approche, le Festival s’évertue à éteindre la polémique récurrente autour du choix d’attribution des récompenses. En effet, souvent la manifestation azuréenne a été accusée de sexisme par de multiples organismes engagés. En 2012, le collectif féminin « la Barbe » avait, dans une tribune du Monde, dénoncé la sélection « exclusivement masculine des films en compétition » (cette année là, le hasard si l’on puit dire, avait voulu que les vingt-deux films de la sélection officielle soient réalisés respectivement par vingt-deux hommes). « A Cannes, les femmes montrent leurs bobines, les hommes leurs films » résumaient-elles, témoignant ainsi du sentiment d’injustice de la gente féminine. Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes avait alors rétorqué « ce n’est pas à Cannes, ni au mois de mai, qu’il faut poser le problème, c’est toute l’année ». Le constat semble univoque: la place de la femme dans le cinéma doit être accrue, voir reconsidérée.

68ème édition : création de deux prix féminins
C’est donc à l’occasion de ce 68ème festival que nous verrons pointer sur la croisette une éclaircie à la faveur du cinéma au féminin. Du 13 au 23 mai se tiendront des rencontres, « Talks Woman in Motion », guidant la réflexion sur le thème de la question du statut de la femme, à sa représentation et à sa place dans le monde du grand écran. Pour cette première, François-Henri Pinault (fondateur de Kering) et Thierry Frémaux remettront un prix d’honneur à une personnalité féminine d’influence.
Il faudra cependant attendre 2016 pour que deux nouveaux prix soient institués. L’un récompensant une personnalité pour sa contribution à la cause féministe dans le cinéma, tandis que l’autre saluera une jeune cinéaste de talent. Nous ne manquerons pas de remarquer que Thierry Frémaux, trois ans plus tard, se décide, finalement, à poser cette problématique à Cannes en déclarant: « partie intégrante du programme officiel du Festival de Cannes, “Women in Motion” donnera une place supplémentaire aux femmes talentueuses du 7ème art et à leur regard sur le cinéma ».

Kering : récupération ou philanthropie ?
Face à cette initiative, on peut, d’abord, s’interroger sur l’implication du groupe de luxe Kering qui se pare de bienveillance pour se faire mécène de la cause féminine au cinéma. Une première ? Il en résulte que non, la fondation d’entreprise Kering participe de longue date au financement et à la production de films engagés (Fleur du Désert de Sherry Hormann, 2009, Home de Yann-Arthus Bertrand, 2009…) mais aussi de festivals (Tribeca Film Institute, New York ; Britdoc, Londres ; Festival Lumière, Lyon), ainsi qu’à la restauration d’œuvres. Quant à la sensibilité au droit des femmes dont se targue Kering quand est-il? Là aussi depuis sa création en 2009 (anciennement
Pinault-Printemps-Redoute), la fondation a collaboré avec des ONG et des entrepreneurs sociaux dans la lutte contre les violences faites aux femmes et pour son autonomisation (Chime for Change).
L’initiative est donc sincère et l’objectif noble. Cependant, en réservant deux nouveaux prix exclusivement à la cause féminine ne bouleverse-t-on pas irrémédiablement, l’équilibre fragile, et certes imparfait entre les deux genres ? En récompensant, non plus seulement au mérite mais par volonté d’égalitarisme absolu, ne retire-t-on pas l’essence même de la parité ? Ces questions demeurent ouvertes, et il nous apparait pertinent de suivre avec attention les réflexions qui accompagneront ce renouvellement lors de cette cérémonie éblouissante, aux allures de rêve, éphémère et impalpable.
Thelma Cherpin
Sources :
http://lexpress.fr
http://kering.com
http://lesinrocks.com
http://rtl.fr http://lefigaro.fr
Crédit photo :

20minutes.fr
rtl.fr