Politique

Nervosité et maladresses en Mer de Chine

 
Vendredi, un nouvel événement est venu tendre les relations diplomatiques des géants d’Asie. Yoshitaka Shindo, ministre des affaires intérieures et de la communication japonais s’est rendu vendredi au sanctuaire de Yaksumi, mémorial dédié aux victimes japonaises de la guerre. Une visite des plus normales peut on penser, pourtant, dans un contexte de tensions diplomatiques entre le Japon, la Corée et la Chine, ce geste a été mal perçu. La revendication des îles Senkaku, l’installation de missiles longues portées en Corée du Nord constituent la toile de fond d’une Asie sous tension. Honorer ses morts, plus qu’un droit, un devoir, devient alors un affront diplomatique. En effet, l’ajout en 1978 de généraux reconnus comme coupables de crime des guerres par les Alliées, au sanctuaire de Yaksumi irrite considérablement les plaies laissées par le japon impérial en Chine et en Corée. La réputation sulfureuse du premier ministre Shinzo Abe, ne fait qu’amplifier ce type d’événement.  Le Japon s’est enfermé dans une communication agressive au point de ne plus pouvoir agir sans paraître suspect. Bien que Yoshitaka Shindo ait répété son désir d’apaisement, il semble que le devoir de mémoire empêche toute forme d’oubli. Après 70 ans, tout rappel du passé ne devient qu’erreur communicationnelle. Entre intransigeance et maladresse, le chemin du pardon semble encore long et semé d’embuches en mer de Chine.
 
Arnaud Faure

marine le pen heureuse
Politique

La France blues Marine ?

 
 
Elle exulte Marine Le Pen ! Et elle peut : mercredi 9 octobre dernier, un sondage IFOP commandé par le Nouvel Observateur lançait un pavé dans la mare en annonçant que 24% des citoyens français donneraient leur voix au Front National pour les élections municipales à venir ce printemps. Quelques jours plus tard, la victoire de Laurent Lopez (FN) à Brignole (Var) fait écho à ce sondage. Comment expliquer, au vu du discours politique ambiant, ces 24%, symbole de la montée lancinante de l’extrême droite ?
Un chiffre symbolique
Avec les 24% d’intention de vote, le FN gagne trois points par rapport à mai 2013. L’UMP passe de 21% à 22%. Le PS est le grand perdant, passant de 21% à 19%. Une part des électeurs de François Hollande, déçus, se tournent vers le FN qui réussit aussi à glaner les votes des retraités et à attirer dans ses rangs une part croissante de la classe moyenne. La réponse du FN ne s’est pas faite attendre, le parti d’extrême droite se targue de devenir désormais le « premier parti de France », adoptant une position conquérante très facilement lisible dans le communiqué de presse de Steeve Briois. Le secrétaire général du FN qualifie ces résultats de « séisme sans précédent » traduisant un « élan d’enthousiasme manifeste », exprimant le raz-le-bol des français face aux deux grands partis, le PS et l’UMP. Le FN ne doute de rien donc, et affirme sa détermination dans sa marche vers le pouvoir. Le discours outré des journalistes et personnages politiques ne cache pas la vacuité de leur action. Un tel discours a pour seul effet de victimiser le FN, de le mettre au centre du débat sans parvenir à le neutraliser. Dans une position de maître, le parti de Marine Le Pen peut se contenter de rester muet.* Le reste de la sphère politique lui assure sa communication, ou pire encore, légitime ses positions : qui ne dit mot consent. Qui n’agit pas non plus ?
La mue déculpabilisatrice opérée par Marine Le Pen…
Le Front National propose des réponses simples, voire simplistes, aux problèmes compliqués de notre société, parvenant en conséquence à toucher un large panel d’électeurs potentiels. Marine Le Pen se présente comme figure providentielle, détenant une vérité simple et efficace. Or, il est beaucoup plus aisé d’adhérer aux thèses du FN que l’on comprend, plutôt qu’à des discours complexes qui tentent d’apporter une réponse complète aux problèmes de notre société. Le FN pratique de ce fait une stratégie de vulgarisation se fondant sur un imaginaire national, voire nationaliste. En jouant sur le mythe d’une France à la grandeur passée, le parti adopte une position rétrograde bien plus rassurante que l’avenir sombre dont on nous brosse le portrait quotidiennement. En somme, le discours du FN, simple et rassurant amène ceux qui y adhèrent à se tourner vers le connu et le repli sur soi.
Ce discours séduisant a longtemps possédé une faille en la figure de Jean-Marie Le Pen. Mais on assiste, depuis l’arrivée de sa fille, à une déculpabilisation du vote FN. Femme « popotte », divorcée, mère de trois enfants, aux propos (en apparence) moins stigmatisants, Marine Le Pen a tout pour atteindre son but : faire oublier les idées qu’elle véhicule. Le site qu’elle a mis sur pied (www.marinelepen.com) la présente comme une femme respectable, loin des propos racistes de son père. Elle gomme l’image « extrême » de son parti afin de convaincre les électeurs encore timides. Sa dernière lubie, amener au tribunal quiconque aurait l’audace de qualifier son parti d’extrémiste le prouve bien : elle brouille les cartes afin de mieux pouvoir les distribuer. La rhétorique de la présidente du FN semble donc bien tendre vers une normalisation et une banalisation de son parti.
En conséquence, le vote FN tend à ne plus être tabou. La bataille sémantique qu’a lancé Mme Le Pen amène le FN au centre de l’actualité politique. Mais pour une fois, on oublie son côté polémique pour se concentrer sur le coup médiatique. Le fait qu’elle se batte contre l’appellation « extrémiste » montre bien qu’elle cherche à faire du FN un parti politiquement correct. Pour ce faire, elle s’appuie sur la faiblesse actuelle du PS et de l’UMP.

…Conséquence du désamour politique ?
Face à l’impopularité du gouvernement et à la « guerre des chefs » qui règne à l’UMP, le FN propose un discours clair et simple, apparemment sans faille ni langue de bois, faisant bloc autour de la figure de Marine Le Pen.
Mais n’oublions pas que le grand gagnant des élections de ces dernières années reste l’abstention. Le problème n’est-il pas le rejet de la politique telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui ? L’Union Européenne paraît bien loin des préoccupations quotidiennes des européens qui se méfient de Bruxelles. Que nous avons tord cependant ! L’Europe est, malgré toutes ses imperfections, un projet stimulant. Pour contrer le repli sur soi qu’incarne Marine Le Pen, les Français auraient peut-être besoin de plus de chantiers communs. Tout va mal ? Réjouissons-nous : une société meilleure n’attend que nous pour être construite !
Mathilde Vassor
Sources :
http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20130823.OBS4202/18h-le-front-national-obsession-politique-numero-un.html
http://www.frontnational.com/author/steevebriois/
http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2013/10/11/montee-du-fn-comment-en-est-on-arrive-la
 

Politique

Que retenir du "shutdown" ?

 
Que retenir du « Shutdown » ?
Farce tragique pour les républicains ? Simple coup de com d’Obama ? Ou bien véritable farce nationale aux yeux de l’étranger ?

Le shutdown est enfin fini. Finis la paralysie budgétaire et le risque d’une déflagration mondiale ! Finies les confrontations entre démocrates et républicains pour le vote du budget !
C’est en ce jeudi 17 octobre qu’un compromis a enfin été trouvé. Celui ci met fin au fameux « shutdown », expression omniprésente dans les médias ces deux dernières semaines. Cette crise est le résultat d’une confrontation entre les démocrates et les républicains, majoritaires à la Chambre. Ces derniers, farouchement opposés à la loi Obamacare décidèrent de ne pas voter le budget le 1er octobre (jour de l’application de la loi) ce qui a contraint le gouvernement à déclarer l’arrêt de son activité et ce qui a de surcroît mis au chômage technique près de 800 000 fonctionnaires.
La crise, d’une ampleur inédite, a été gérée avec succès par l’équipe de communication présidentielle. En l’utilisant comme un opportunité politique, le shutdown a permis d’asseoir l’autorité du président et de discréditer celle des républicains. La stratégie de communication a d’abord consisté à dramatiser les effets destructeurs possibles de la crise sur le pays et sur sur l’ensemble du globe. On a donc vu s’esquisser de l’autre côté du continent une croisade idéologique entre les démocrates, se battant pour l’instauration de la sécurité sociale, et les républicains, apparaissant alors comme les « méchants » de l’histoire, les insensibles, les responsables de tous les maux. Le shutdown qui aura duré deux semaines au total, s’est ainsi soldé par l’échec cuisant des républicains, qui ne sont parvenus ni à obtenir un accord sur une réduction drastique des dépenses sociales, ni au report de la loi Obamacare.

Cette crise montre surtout les bienfaits des pouvoirs de la communication qui ont une fois de plus permis de remporter la bataille. À l’échelle nationale tout d’abord, avec une omniprésence sur les réseaux sociaux. En postant une dizaine de tweets par jours, l’équipe de communication présidentielle a diffusé une vision manichéenne en accusant directement les républicains des maux subis par les EU. Ainsi, les followers, au nombre de 37 500 000 environ, ont du tweeter le tweet suivant : « Retweet if you want this #shutdown to end ».
Mais Obama ne s’est pas arrêté là. Son plan médiatique a également été mondial. En effet, ses discours emprunts de peur ont contribué à l’essor de l’ampleur de la crise. Ainsi, lorsqu’un journaliste a demandé à Obama : « Monsieur le président, les marchés sont pour l’instant assez calmes, ils pensent que c’est une énième querelle politique à Washington, ont-ils raison ? », et que le président des États-Unis s’est empressé de répondre : « Non cette fois, c’est différent. Ils devraient s’inquiéter », et qu’il a par la suite rajouté qu’il ne cèderait en aucun cas à la demande de « rançons » des républicains, on a bien une dramatisation de la situation.
De plus, le président a illustré sa proximité, son assistance et sa compassion envers le peuple en faisant par exemple une brève apparition dans les locaux de l’association Martha’s table. Cette association caritative qui vient en aide aux sans abris et aux travailleurs aux faibles revenus a accepté son aide. En les aidant à faire des sandwichs, Obama a montré qu’il était capable, à la différence des républicains ancrés dans leurs positions, de mettre « la main à la patte » et de partager la souffrance du peuple. Ce coup de communication médiatique a été un réel succès pour Obama qui est sorti de la crise plus fort que jamais. Intangible, défenseur d’une loi sociale historique, il apparaît alors comme un président fort nécessaire au bien de l’intérêt national.

Néanmoins, le shutdown n’a t il pas surtout permis de montrer l’esprit enfantin qui règne au Congrès ? Comment un gouvernement peut il décider de faire grève alors que l’intérêt national et l’ordre économique mondial sont en jeu  ? Dans une période où les citoyens ont de moins en moins confiance en leurs institutions, cette crise a discrédité encore plus les responsables politiques.
Elle a été perçue à l’étranger comme une farce tragique subite à la fois par les républicains mais également par les démocrates car même si les sondages montrent que 74% des Américains rendent les républicains responsables de la crise, ils montrent aussi leur dédain envers les institutions et envers l’ensemble des élus et du système parlementaire. Cette crise a donc été l’occasion de donner de vraies raisons de se moquer des Etats Unis : première puissance économique mondiale et hyperpuissance, certes, mais tout cela sans gouvernement en état de marche – et ce par choix.
 
Laura de Carné

Politique

Tous les chemins mènent aux Roms

 
Les Roms et leur intégration : c’est le sujet qui a occupé l’espace public et la scène politique ces derniers temps. La presse ne parlait que de ça, et pourtant le sujet n’est pas nouveau. Déjà Nicolas Sarkozy en avait fait son cheval de bataille pendant son mandat, ce qui peut paraître plutôt convenu pour un Président de droite. C’est pourtant sous un gouvernement de gauche que le sujet a de nouveau cristallisé les tensions. C’est à gauche que l’on a pu observer une levée de boucliers : Manuel Valls, ministre de l’Intérieur en tête, mais aussi Claude Bartolone, président de l’Assemblée Nationale. Pourtant les autres formations politiques ne sont pas en reste : pour critiquer la parole gouvernementale (pour diverses raisons d’ailleurs, suivant que l’on soit plus à gauche ou plus à droite sur le cursus politique) élus et hommes politiques n’ont pas hésité à renchérir : cette thématique de l’immigration ethnique (strictement Rom) a ainsi pris la forme d’une ritournelle entêtante.
Ce sont les propos de Manuels Valls qui ont mis le feu aux poudres, ce dernier ayant déclaré que les « Roms n’avaient pas vocation à s’intégrer ». Pour un Ministre de l’Intérieur socialiste, cette prise de parole politique a fait l’effet d’un coup de poing médiatique comme idéologique. Le discours de Parti Socialiste est habituellement assez complaisant vis-à-vis est de l’immigration (nous ne prenons pas en compte ici la diversité des positions au sein du Parti Socialiste, qui est idéologiquement très divers) : la déclaration du Ministre de l’Intérieur pourrait donc apparaître comme un revirement idéologique opportuniste, à mettre en parallèle avec la popularité exponentielle du discours du Front National, qui le week-end dernier à Brignoles a de nouveau prouvé son efficacité sur un public originellement sensible au discours et aux valeurs de gauche (le maire sortant est communiste). En fait, il n’en est rien. Le mandat de Manuels Valls place Beauvau inaugure un nouveau type de communication et d’exercice de la fonction du « premier flic de France » : face aux dérives de la peur de l’étranger, loi immémorielle en politique, il oppose la force du discours républicain, qui a l’avantage de ne pas être teinté d’une coloration partisane. La République est encore ce qui fait lien chez les Français, eux qui désavouent tant les partis politiques enfermés dans leurs querelles politiciennes. Cette déclaration semble faire l’unanimité dans l’opinion publique : selon un sondage BVA-Le Parisien, 93% des Français jugent que les Roms « s’intègrent mal ». Et pourtant, François Hollande n’a de cesse de chuter dans les sondages, et surtout chez les électeurs de gauche, déjà désabusés par la politique économique libérale du Président socio-démocrate.
Cette déclaration a donc suscité la colère de plusieurs responsables de gauche, dont la Ministre du Logement Cécile Duflot, qui a accusé Manuels Valls de « mettre en danger le pacte républicain », évoquant entre les lignes la promiscuité du discours gouvernemental avec le discours frontiste. Là encore, selon un sondage BFM, 2/3 des Français soutiendraient les propos de Valls face à ceux de Duflot. Les responsables du Front de Gauche ont aussi fustigé les propos du ministre de l’Intérieur, répondant par le projet d’ouverture d’un village d’insertion pour Roms dans le très chic XVIème arrondissement. Si à gauche on essaie d’investir le débat sur le plan idéologique, pour exister dans l’espace public et faire valoir une certaine force de proposition, à droite et au centre, on dénonce l’opération de communication. C’est par exemple le cas de Christian Jacob, chef de file des députés UMP, qui suite au recadrage des ministres par Hollande (celui-ci invoquant le « principe de solidarité » qui doit prévaloir au gouvernement) a raillé l’intervention du Président qui, selon lui, n’a que vocation à mettre fin à la polémique sur les Roms qui a opposé ses deux ministres :
 « On est là pour y traiter les affaires de la France. On n’est pas là pour trouver la motion de synthèse entre les différentes sections du PS qui sont en train de s’affronter. »
Denis Broliquier, maire UDI du 2ème arrondissement de Lyon, a quant à lui, accueilli avec soulagement le soutien du maire socialiste Gérard Collomb à Manuels Valls, officialisé par sa participation à une tribune publiée dans le JDD dimanche 6 octobre. Cependant, selon lui, « la communication ne fait pas l’action. Il est grand temps de sortir des gesticulations médiatiques qui tentent de rassurer à l’approche des élections municipales ».
En effet, à l’approche des municipales, il est certain que nous n’avons pas fini d’entendre parler des Roms. Nous avons tous vu passer sur nos fils d’actualité des réseaux sociaux ces articles mettant en valeur la réussite de jeunes filles Roms (qui ont acquis la nationalité française ou ont pu faire de grandes études à la Sorbonne). Hommes politiques, élus, journalistes, parlementaires, intellectuels, opinion publique : tout le monde ne parle que des Roms. Les municipales, qui sont habituellement des élections qui mobilisent sur un programme, s’annoncent donc riches en contenu et en proposition…ou ne seront qu’une vaste campagne de communication, où chaque candidat se contentera de réagir aux propos des autres. On ne peut qu’espérer qu’il en aille autrement.
 
Laura Garnier
Sources :
RTL.fr ()
Mlyon.fr (http://www.mlyon.fr/108123-roms-a-lyon-la-communication-de-valls-et-collomb-ne-fait-pas-l-action-selon-broliquier.html)
Libération (http://www.liberation.fr/societe/2013/10/02/nous-avons-peur-non-pas-des-roms-mais-de-leur-ressembler_936559)

Politique

Agir, réagir, accomplir

Trois petits mots pour mettre en branle toute la machine électorale européenne. C’est en effet ce slogan qui a été retenu dans le cadre d’une campagne de communication du Parlement Européen ; l’objectif est de mobiliser sur un scrutin encore largement ignoré par une grande partie de l’électorat. Pour preuve, un taux d’abstention qui oscille entre 55 et 60 %.
C’est également une réponse apportée par l’institution européenne à la montée du populisme de droite comme de gauche en Europe et à la crainte de voir surgir les extrêmes au cours de ce scrutin. Une telle campagne ne doit pas laisser indifférent : il est en effet remarquable qu’une telle distance subsiste entre les Européens et « leurs » institutions.
La campagne prend notamment la forme d’une courte vidéo, qui s’étale tout de même sur près d’une minute trente ; ce qui, à l’heure d’Internet, est diablement long pour une publicité.
On peut y voir une succession de situations rythmée par une voix off, rauque, qui juxtapose images fortes et mots évocateurs. Extraits choisis :
« Commencer » (Images d’un nourrisson)
« Mettre fin » (Démantèlement du mur de Berlin)
« Penser globalement » (Une salle de marché en effervescence)
« Penser localement » (Une femme tient une poule à bout de bras)
« Rêver » (Ce qu’on suppose être des clandestins qui tentent de rejoindre l’Europe)
« Changer » (Une immense déchèterie)
« Ne jamais changer » (Un berger qui mène son troupeau)
Au-delà de certaines scènes qui sont un peu troublantes (que doit-on comprendre en ce qui concerne les clandestins ?) il est admirable de voir que l’incarnation d’une pensée globale est, aux yeux du Parlement, une salle de marché. Cela s’inscrit d’ailleurs parfaitement dans la politique libérale actuellement conduite par les institutions européennes.
Bien évidemment tout cela est noyé au milieu des clichés : penser local, c’est penser une poule ; ne jamais changer c’est être berger.
Sur cette tartine déjà bien chargée on ajoute tout de même une légère couche historico-idéologique avec le démantèlement du mur de Berlin, histoire de rappeler aux braves Européens un moment historique censé les unir tous.
Sauf que voilà, en dépit de toutes ces qualités, cette publicité ressemble à s’y méprendre à une publicité pour Total, Orange, EDF… Aucun format nouveau, des ficelles grosses comme le poing, rien de bien excitant, et probablement pas de quoi remédier à l’abstentionnisme qui rend si dérisoire les élections européennes.
Certains pourraient être tentés de faire remarquer que les citoyens sont libres d’exprimer leur désaccord vis-à-vis de la politique européenne justement en votant.
On objectera que les préoccupations des Européens paraissent parfois si éloignées des actions menées par les institutions européennes qu’on pourrait avoir du mal à savoir si c’est bien à nous de choisir plutôt qu’à eux.
Que l’on soit pro ou anti européen, il paraît évident qu’il sera difficile de faire croire à ceux dont on a volé un référendum qu’il leur reste du pouvoir.
Et voilà la vraie difficulté si l’on est opposé à la politique Européenne d’aujourd’hui : doit-on jouer son jeu et voter, ou l’ignorer et la subir ?

Oscar Dasseto

com montebourg
Politique

Montebourg 2.0

 
Mardi 2 juillet de 18h à 19h, Arnaud Montebourg, ministre du Redressement Productif, a tenu une conférence vidéo sur le thème « la localisation et la relocalisation d’activités industrielles en France » via Google Hangouts et retransmise sur Youtube. Avec cette communication politique d’un nouveau genre, initiée le 6 juin dernier par Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des Femmes et Porte-Parole du Gouvernement, Arnaud Montebourg entend donner aux citoyens les moyens d’ « interroger le pouvoir, ses choix, ses décisions ». Cette vidéo-conférence, organisée par le ministère mais réalisée dans les locaux de Cap Digital (grand pôle de compétitivité, pas un hasard donc) se veut donc comme le prolongement logique des compte-rendus de terrain que le ministre réalise régulièrement sur le terrain, comme cette semaine à Montpellier.
Un dispositif verrouillé
Ce que l’on retient de ce petit chat improvisé, c’est tout de même la prise de risque zéro du ministre. Les huit internautes qui ont pu interroger Arnaud Montebourg par webcams interposées avaient été soigneusement sélectionnés à l’avance par le cabinet du ministre. En outre, il s’agissait pour la plupart de jeunes entrepreneurs de starts-ups qui au bout du compte ont les moyens et la volonté de privilégier la fabrication française. D’ailleurs, les questions au ministre ne sont ni très pertinentes ni très cinglantes : le ministre peut donc développer à l’envie les différents pans de sa politique, vantant au passage les bienfaits de son logiciel Colbert 2.0, qui est censé aider les chefs d’entreprises français à relocaliser leur production. Aucun des intervenants ne lui pose des questions dérangeantes ou réellement profondes. Une communication qui n’a donc rien de symétrique, et qui s’apparente davantage à un exercice de légitimation de la politique de redressement productif du ministre Montebourg, qui brasse en effet beaucoup de dossiers (parfois avec du résultat) mais se voit réduit, contre son gré, à faire le moulin. Il en va de même pour les questions posées par tweets, via le hastag #MRPnum, que l’équipe sélectionne et écrit sur le paperboard en face du ministre.
Auj à 18h, débat numérique avec @montebourg, en direct sur http://t.co/jcRs4ePUsk Posez déjà vos questions #MRPnum pic.twitter.com/odjjR8qIdO
— Ministère RP (@redressement) July 2, 2013
Le tweet de présentation de la vidéo-conférence, via le compte du Ministère

@montebourg @redressement #MRPnum trouvez-vous normal de protéger nos artistes (protectionnisme) et pas notre industrie ? — Taf Séb (@Subtaf) June 30, 2013

Un exemple de question : pas de quoi effrayer Montebourg, qui connaît bien ses dossiers.
On peut remarquer que les chiffres et certains éléments de réponse à des questions sont également préparés à l’avance et écrit sur le paperboard ; ainsi Montebourg n’a qu’à tourner légèrement la tête pour lire ce qui y est inscrit. Un premier exercice bien cadré donc, mais légitimité dans sa forme par la contrainte technique. Dans l’avenir, le cabinet assure que le ministre souhaite réitérer l’action mais dialoguer cette fois-ci avec des internautes non sélectionnés. Toutefois cela apparaît techniquement plus complexe, car il faudrait alors valider la connexion de chaque internaute tout en conservant une certaine fluidité malgré le direct.
Plus proche des citoyens
Après la forme, penchons-nous un peu sur le fond. D’après Montebourg, sa démarche s’inscrit dans ce qu’il appelle un « colbertisme participatif ». « Colbertisme » en référence à Colbert, contrôleur général des finances de Louis XIV : celui-ci a en effet participé à la construction de l’État français tel que nous le connaissons aujourd’hui mais a aussi impulsé son industrialisation. « Participatif » évidemment pour désigner la volonté d’établir un lien de proximité entre dirigeants et citoyens. Montebourg introduit son « chat vidéo » en exprimant son « besoin de discuter avec la société toute entière ». Il a le souci d’expliquer sa politique de manière directe, sans passer par les médias tels que le journal de 20h ou la presse écrite qui jouissent encore d’importantes audiences mais qui laissent de côté de nombreux citoyens. Par ailleurs, la nouvelle génération de citoyens connectée au web 2.0 s’informe, communique et échange directement sur Internet via les réseaux sociaux. « Il m’a paru nécessaire d’aller sur le lieu où se rassemble le plus grand nombre de citoyens » explique-t-il. Un discours rassurant, une initiative participative qui marque l’intérêt de Montebourg pour la politique de proximité, lui qui fait chaque année sa traditionnelle ascension du Mont Beuvray dans son fief de Bourgogne. Cette année, Le Petit Journal s’était rendu sur les lieux pour railler le « ministre des Champs » et sa politique enracinée, qui joue du patois local et ironise gentiment sur l’attitude « parisienne » des journalistes présents. Sans remettre en cause la bonne foi d’Arnaud Montebourg ni même sa vocation à pérenniser la démocratie participative, on enfoncera des portes ouvertes en avançant que cet événement s’inscrit surtout dans une stratégie de construction d’une identité politique forte. Je vois davantage ici le futur candidat Montebourg en 2017, qui élabore soigneusement et patiemment une image d’homme politique enraciné et à l’écoute de tous les Français, dans la diversité de leurs conditions. Sans critiquer le volontarisme et les compétences du ministre Montebourg, force est de constater son habilité à échafauder soigneusement son écrin de « représentation » (que d’autres appelleraient un peu banalement « storytelling ») tout en jouant l’équilibriste avec le gouvernement (on connaît ses mauvais rapports avec le Premier Ministre) et sa politique (qu’il a critiquée plus ou moins ouvertement et qu’il digère sûrement difficilement).
Et Dailymotion ?
Finalement, ce qui a peut-être le plus retenu l’attention, c’est le choix de Youtube pour héberger la vidéo conférence. C’est qu’en avril dernier, le ministre du Redressement Productif avait déclenché la controverse en posant son veto au rachat de la plateforme française par le géant américain Yahoo. Selon le service presse, ce choix se justifie par des raisons purement techniques : « Depuis janvier, le ministre effectue des compte-rendus de mandat ministériel lors de déplacements en province. Il a voulu élargir l’audience au-delà des 300-400 personnes habituellement présentes à ces réunions, d’où l’idée du chat vidéo. (…) Il n’y avait pas de solution numérique en France équivalente à Google Hangouts, c’est pour ça que nous avons retenu Youtube. » Avant de quitter les lieux, Arnaud Montebourg n’hésite pas à lancer à l’équipe de Google : « Hé les gars ! Quand est-ce que vous payez vos impôts ? » Dommage que ce ne soit que pour la beauté du geste.
 
Laura Garnier

Politique

Revendications

 
Depuis la mi-juin le Brésil s’enflamme et s’insurge de ses conditions de vie et de son pouvoir de ne pas acheter. La consommation en déroute attise les revendications des habitants du monde et les manifestations sont monnaie courante, les Indignés et les Femen sont dans les rues des capitales.
Ces énonciations polémiques, ces requêtes, permettent d’aborder tous les sujets de société et nous sommes habitués à les voir employées.
La revendication n’est alors pas seulement le fait des régimes stricts, despotiques ou totalitaires, où la crainte et la terreur répriment déjà la volonté même de demander justice.
Mais les revendications, au pluriel, peuvent être finalement considérées comme le propre des régimes démocratiques, où les citoyens peuvent se permettre à chaque instant d’en appeler à leurs droits et à la perfectibilité de leur condition. Alors, le principe même qu’il y ait des revendications reflète à la fois la santé politique de la sphère publique mais aussi la nécessité d’améliorations. C’est la notion de progrès qui s’initie dans le terme même de « revendication » : on souhaite, on crie, on marque en graffitis le désir d’un progrès technique mais aussi économique et social.
Et en effet, la conjoncture économique n’est pas sans jouer un rôle majeur dans ce mode de communication, plus que moins, démocratique. Le peuple demande justice face aux inégalités : face à la précarité, les Brésiliens la clame et la réclame dans la rue, à l’image des Espagnols, des Portugais, des Grecs, des Chypriotes, etc.
Des revendications qui dès lors qu’elles sont prononcées entament la côte de popularité du régime au pouvoir. Dilma Roussef en prend pour son grade, et les articles du Monde titrent : Dilma Roussef, le désamour, ou encore Le Brésil gagne, la cote de Dilma Rousseff s’effondre. Les autres gouvernements, sans frontière mais de tous les bords, ne sont pas épargnés.. Les revendications s’établissent alors dans la remise en question d’un pouvoir en place qui ne répond plus aux besoins et ne semble plus satisfaire les droits.
La revendication est ainsi une forme de communication polémique car elle amène des sujets sur la table des débats sociétaux ; et aussi politique car elle entend performer ses droits en demandant leur ajustement. Une communication qui est le plus souvent émise de la masse vers le pouvoir et où les voix polyphoniques s’unissent en une énonciation contestataire, en un discours d’appel ; des voix qui demandent plus de justice, présupposant d’ailleurs qu’elle existe.
 
Maxence Tauril
Source :
Le Monde, Brésil : une déferlante de revendications

bilan communucatione du gouvernement
Politique

L’an I du gouvernement : quel bilan communicationnel ?

Ca s’est passé jeudi dernier : l’agence Vae Solis, cabinet de conseil en stratégie de communication et gestion de crise, a publié la quatrième édition de son étude sur la communication des hommes politiques, intitulée « 1 an d’action, 1 an de communication : qui sont les meilleurs communicants ? ». Un rapport remarqué, qui met à l’honneur trois personnalités du gouvernement ainsi que les têtes montantes de l’UMP : Manuels Valls, ministre de l’Intérieur, caracole en tête du classement tandis que le suivent de près Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense, et Christiane Taubira, ministre de la Justice et Garde des Sceaux. La quatrième et cinquième place sont respectivement occupées par Bruno Le Maire et Nathalie Kosciusko-Morizet, symboles de la « nouvelle génération des quadras de l’UMP ». Selon les mots mêmes du président de Vae Solis Corporate, Arnaud Dupui-Castérès, le rapport souligne que « contrairement aux années passées où la forme et les « coups » médiatiques semblaient l’emporter dans l’appréciation générale, l’avantage ait été ici donné au sérieux et à une communication centrée sur le fond, l’argumentation, la maîtrise des dossiers, la défense des idées…» L’étude se base sur les avis de quarante journalistes de la presse, de la radio et de l’audiovisuel français, et se décline en cinq étapes précises : le top 5 et le flop 5 de la communication des personnalités politiques, les pronostics quant à la prochaine nomination à Matignon et la candidature UMP pour 2017, la personnalité montante, le bilan de l’an I de François Hollande et enfin le best-of des avis sur les personnalités étudiées. Dans cette optique, quelles conclusions tirer d’une telle étude ?
Tout d’abord, le top 5 fait apparaître un besoin de sérieux et d’une communication de fond, qui s’accompagne d’action et de volontarisme politique.
C’est ainsi qu’on retrouve en tête du classement un Manuel Valls qui est vu comme le favori, avec Michel Sapin et l’outsider Martine Aubry, pour la succession de Jean-Marc Ayrault à Matignon. A noter aussi que celui-ci échappe de justesse au flop 5, avec une note de seulement 4,62 sur 10. Manuels Valls, grand gagnant de ce classement, peut se targuer d’une communication en osmose avec son action place Beauvau : il incarne l’autorité républicaine à laquelle aspirent les Français, réussissant la symbiose parfaite entre les idéologies de droite et de gauche. En ce sens, il répond très bien aux aspirations d’un électorat indécis, qu’il soit déçu par la politique sociale-démocrate d’un Président plus frileux (sans surprise cependant) que prévu sur les questions économiques et sociales, ou qu’il craigne la trop grande tolérance de la gauche gouvernementale sur des questions de sécurité, qui restent une préoccupation essentielle des français. Selon l’étude, le storytelling de Manuels Valls est à la fois ferme, clivant mais efficace. Il maîtrise la forme et donc la communication de crise, faisant entendre une parole forte et claire, et donc rassurante. Mais il marque aussi des points sur le fond, en apparaissant comme un homme de convictions, avec une ligne politique solide. Cependant, l’enquête a été réalisée avant les événements du Trocadéro qui ont suivi la victoire du PSG : or ces incidents ont entamé la cote de popularité de Manuels Valls, fustigé par la droite pour son inertie et son incompétence face aux casseurs.
La grande surprise de ce classement reste néanmoins la seconde place accordée à Jean-Yves Le Drian, discret ministre de la Défense, qui a tiré son épingle du jeu de la guerre au Mali. « C’est la vraie surprise. Il n’a pas une exposition médiatique et je ne suis pas sûr qu’il ait une notoriété. Mais les experts interrogés ont identifié chez lui une maîtrise de sa communication politique et des sujets de fond », analyse Arnaud Dupui-Castérès. La rupture avec l’ère Sarkozy est ici pleinement consommée : après un interventionnisme forcené et une présence hypermédiatique favorisant souvent le discours et les mots forts, la nouvelle majorité gouvernementale a joué le jeu d’un volontarisme somme toute assez consensuel, dans la lignée d’une présidence voulue « normale ». Un positionnement communicationnel qui n’est pas surprenant de la part d’un gouvernement bien souvent perçu, dans ses décisions et prises de positions, comme plus technocratique que politicien.
La troisième place attribuée à Christiane Taubira ne surprendra, cette fois-ci, personne. La ministre de la Justice a pleinement profité du boulevard médiatique qui s’est offert à elle avec le projet de loi du mariage pour tous, grand fer de lance du gouvernement en cette première année de mandat. Ses discours fleuris et enflammés à l’Assemblée Nationale et au Sénat ont fait d’elle l’idole des pros mariage pour tous, et elle a pu démontrer autant sa compétence et sa connaissance de ses dossiers que sa volonté de se positionner comme un élément fort du gouvernement.
L’enquête fait la part belle à Nathalie Kosciusko-Morizet. En plus d’être désignée comme la personnalité montante de manière assez unanime (ce qui, à l’aube des municipales de 2014, n’est pas vraiment une nouvelle surprenante), les journalistes interrogés la voient bien se présenter à l’investiture présidentielle pour l’UMP en 2017. De manière assez conventionnelle et presque caricaturale, les journalistes perçoivent en elle l’incarnation d’un renouveau de la droite. A la fois ferme et naturelle, elle a l’avantage d’un style original et d’une solidité intellectuelle. « Dans un monde politique d’hommes », (on avait vu les mêmes arguments à l’époque de Ségolène Royal), elle sait user de détermination, de courage, de modernité. En cela, elle saurait presque « séduire » une partie de l’électorat de gauche, notamment la classe énigmatique des « bobos parisiens ». Son acolyte Bruno Le Maire est lui aussi décrit comme un quadra rafraîchissant, qui prend des risques au sein de sa famille politique par ses positionnements et qui à la politique idéologique substitue la politique pragmatique. La place des choix personnels face aux positionnements partisans est un véritable plus qui les positionnent en tête de classement, quand Jean-François Copé ou Christian Jacob trottent en fin de cortège.
Enfin, l’enquête se propose de faire un bilan de la première année du quinquennat Hollande. Qu’en retient-on ? Dans ses rapports avec la presse, François Hollande bénéficie de la mauvaise image de son prédécesseur. Quand Sarkozy privilégiait la séduction ou la confrontation avec les médias, Hollande oppose une proximité placide, une distance contrôlée et bienveillante. Pour autant, les journalistes n’hésitent pas à pointer le manque de cohérence de son discours et l’absence notable d’un cap clair à sa politique, qui noient bien souvent son discours. La « présidence du consensus » reste un fait : le leadership présidentiel, la parole assumée, claire et haute, ce n’est pas pour maintenant. Il privilégie le temps long à la réaction politique immédiate, ce qui peut être parfois mal perçu par l’opinion publique, qui est en quête de réponse et de volontarisme politique notable surtout en période de crise sociale, économique, politique et institutionnelle. La « présidence normale » était une stratégie communicationnelle gagnante en temps de campagne car elle avait un contrepoint : la présidence hyperactive d’un Sarkozy dont le bilan plus que moyen permettait de proposer de vraies alternatives constructives et construites. Mais aujourd’hui, la France de la Vème République, sans réelle surprise, attend un Président dont la communication soit forte et symbolique, elle attend un homme exceptionnel dans sa normalité, car telle est la fonction qui lui est assignée. Comme le souligne l’étude, la normalité devient alors « l’alibi de l’impuissance » et ce n’est plus sa personnalité mais sa stratégie et son action politique qui sont sévèrement critiquées.
Argumentée et bien construite, cette enquête cède néanmoins aux sirènes de la communication alors qu’elle essaie paradoxalement d’en montrer les ficelles. Parce que le panel des journalistes est réduit (une quarantaine), que la diversité de la presse n’est pas représentée et surtout parce que l’enquête cible seulement les journalistes, l’étude vire plus au décryptage qu’à l’enquête scientifique précise. La présence d’un verbatim rassemblant les meilleures « catch phrases » à propos de certaines personnalités (« Quand il parle, on décroche…et plus il parle, plus on décroche ! » – à propos de Jean-Marc Ayrault) montre que ce travail, qui se propose d’analyser des discours et des stratégies communicationnelles, se base en fait sur des propos déjà chargés de valeur ajoutée, des propos stylisés et marqués par l’analyse journalistique.
En période de crise sévère, qui ne peut plus être simplement réduite au volet économique, il aurait été plus intéressant, si ce n’est plus décent, d’analyser l’impact de la communication des personnalités politiques auprès de l’opinion publique. Car si ce n’est envers les citoyens électeurs, à qui se destine la communication des personnalités de l’espace publique, dont les journalistes ne sont que le relais ?
Laura Garnier
Sources :
Le rapport de Vae Solis
Libération
Le JDD 

Politique

Jacques a dit : Morale pour tout le monde !

 
Le 24 avril, François Hollande a présenté son projet de loi sur la moralisation de la vie publique. Au programme : transparence, contrôle du patrimoine des élus et lutte contre la fraude fiscale. Quelques semaines auparavant, c’était Vincent Peillon qui agitait la sphère médiatico-politique avec sa morale laïque. A l’heure où les scandales s’enchainent, cette notion semble être sur toutes les lèvres et employée à toutes les sauces. Mais pourquoi utiliser ce terme plutôt qu’un autre ? Pourquoi parler de morale plutôt que de déontologie ou d’éthique par exemple ? Une communication efficace passant avant tout par le poids des mots, on comprendra que celui-ci n’est certainement pas anodin.
Un choix de vocabulaire plus symptomatique qu’anecdotique
Il semblerait que le gouvernement ait ici choisi délibérément un mot à forte portée symbolique, chargé d’un impact émotionnel important. Le Petit Robert définit la morale comme la science du bien et du mal. On comprend dès lors l’importance du terme pour un président en mal d’autorité face à un électorat qui réclame des sanctions exemplaires à l’égard du pouvoir corrompu. Réaffirmer une morale, c’est implicitement reconnaître qu’il existe des valeurs fondamentalement positives, auxquelles s’opposent des actions négatives. On balaye ainsi toute ambiguïté : en politique comme ailleurs, il existe de « Bons » comportements et de « Mauvais » comportements, et ces derniers doivent être punis. Et c’est justement cet aspect catégorique qui divise : on applaudit l’initiative ou on dénonce une régression simpliste (certains vont jusqu’à déplorer des relents pétainistes). Cependant, dans l’ensemble, l’initiative reste très majoritairement approuvée (un sondage IFOP pour Dimanche Ouest-France révélait la semaine suivante que 91 % des Français étaient favorables à l’initiative, dont 48 % « très favorables »). Etonnant, pour un peuple si prompt à monter au créneau à chaque nouvelle proposition gouvernementale ? Pas tant que ça.
Retour aux sources ?
Pour l’intellectuelle Julia Kristeva[1], la civilisation européenne est la seule qui a rompu avec la tradition religieuse, et qui a, dans le même temps, négligé le besoin de croire. En somme, la laïcisation des sociétés a laissé un vide difficile à combler. L’idéalisme n’étant plus encadré par des valeurs religieuses, il serait devenu nihilisme, d’où un climat de désillusions et de pessimisme quasi-permanent, exacerbé ces dernières années par la crise. En ce sens, l’approbation générale de ce retour à une nouvelle morale n’est pas étonnant. Au-delà d’un simple ras-le-bol face aux excès de quelques hommes de pouvoir, cet engouement exprime peut-être dans une certaine mesure une forme de soulagement face à ce retour aux certitudes. Ce qui profite bien entendu au gouvernement qui peut se draper d’une autorité nouvelle et noble, qui se veut au service non seulement d’un bien commun (orienté vers une classe dirigeante idéale du fait de la moralisation de la vie politique) mais également de chaque individu (via une incitation à devenir meilleur grâce à la morale laïque).
Moralité : entre coup de com’ et véritable changement, la frontière est parfois plus mince qu’on ne le croit.
 
Marine Siguier
[1] Conférence «Europe ou chaos » du 28/01/13

Politique

Entre échanges cordiaux et dure réalité…

 
Même à l’autre bout du monde, une souffrance reste une souffrance… Et au-delà des cultures, les êtres humains semblent pouvoir la comprendre. La mondialisation aurait-elle du bon finalement ?
Car les informations circulent, et circulent vite. C’est pourquoi, au lendemain de l’attentat du Marathon de Boston du 15 avril 2013, nous pouvions trouver sur la toile une photographie aussi frappante que polémique.
Sincères condoléances…
En effet, à l’heure des réseaux sociaux et du « village global » de MacLuhan, une information n’a jamais eu le pouvoir d’être aussi puissante à deux endroits complètement différents. C’est donc sur Twitter que les révolutionnaires syriens ont envoyé un message d’une efficacité redoutable aux Américains, encore sous le choc des bombes de Boston. Cette photo incarne dès lors cette suprématie d’Internet dans l’immédiateté de la communication.
Vendredi 19 avril, les habitants de Kafr Nabl, une ville située au nord-ouest de la Syrie à environ trois cents kilomètres au nord de Damas, ont profité des manifestations hebdomadaires pour présenter leurs condoléances aux États-Unis. La photo est prise devant des ruines, et la banderole tenue par ces Syriens parle d’elle-même :
« Les bombes de Boston représentent une triste illustration de ce qui se passe quotidiennement en Syrie. Acceptez nos condoléances.
La révolution syrienne KNRC Kafr Nabl, 19.4.13. »

Repéré par le journaliste américain de « Foreign Policy », David Kenner, qui l’a relayé sur son blog, ce tweet s’est ensuite abondamment dispersé sur le réseau social, notamment par les comptes d’opposants au régime de Bachar al-Assad.
Les habitants de Boston ont alors, dès le lendemain, décidé de répondre par la même méthode. La photo fut aussi postée sur Twitter : une vingtaine de personnes posent autour d’un message écrit en arabe et en anglais qui peut se traduire par :
« Amis en Syrie, nous souhaitons également la sécurité pour vos familles et espérons la paix. Avec amour, Boston, 20.4.13 »
Pas si sincères que ça…
Cependant, au-delà de l’échange cordial entre les deux peuples, qui est tout à fait louable, les mots sont là, puissants et pleins de sens, mais surtout remplis de vérité. La pensée des Syriens résonne, traverse l’écran de l’ordinateur pour venir titiller nos petites vies tranquilles. Sans minimiser d’aucune façon la gravité de l’attentat de Boston, il faut tout de même souligner la réelle ambiguïté du message. À moins que ce dernier ne soit justement double, et assumé comme tel. Car oui, entre peuples endeuillés, on se soutient, mais pas trop.
Il ne faut effectivement pas oublier que des tragédies telles que celle de Boston sont devenues le triste quotidien des Syriens, et de bien d’autres peuples. L’électrochoc est donc efficace : lorsque l’on regarde la communication massive et l’omniprésence des images sur les bombes du Marathon face à la souffrance des Syriens qui continue d’être ignorée, il semble bien que cette image prend une dimension extrêmement symbolique.
Mais les habitants de Kafr Nabl n’en sont pas à leur premier message, et c’est sur un ton humoristique, voire cynique, que ces Syriens s’adressent à nous par des banderoles riches de sens. De « The Godfather, Le Parrain » avec Bachar el-Assad en passant par l’analogie des relations entre les États-Unis et la Syrie avec le Petit Chaperon Rouge et le Grand Méchant Loup, ces images ne manquent pas d’originalité pour décrire une situation dramatique et des enjeux cruciaux. C’est sur le site Occupied Kafranbel que l’on peut découvrir ces chefs-d’œuvre communicationnels qui font sérieusement réfléchir… Ils font appel à nos imaginaires collectifs, à nos mèmes, à nos cultures : ce sont Hulk, Oncle Sam, Popeye, Gollum, Titanic ou encore le jeu Angry Birds (ici, « Angry Syrians » !) qui revêtent des rôles d’émetteurs redoutables.

Ainsi, au-delà du débat de la véracité des informations où de la simplification (ou non) des relations internationales, il s’agit ici de tirer sa révérence devant un impact et une efficacité communicationnels en temps de guerre. Les messages circulent, et circulent vite : il faut ici faire fonctionner la mondialisation et tenter d’accorder aux Syriens de Kafr Nabl le droit d’expression qu’ils revendiquent à travers la mise en ligne de ces photographies.
Le message se dessine alors comme une interpellation de la communauté internationale afin d’éveiller les consciences. S’agit-il de rappeler au monde des priorités de plus en plus ignorées, voire oubliées ?
 
Laura Lalvée
Sources :
Rue 89
Bag news
Le Monde (blog)