marine le pen heureuse
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La France blues Marine ?

 

 

Elle exulte Marine Le Pen ! Et elle peut : mercredi 9 octobre dernier, un sondage IFOP commandé par le Nouvel Observateur lançait un pavé dans la mare en annonçant que 24% des citoyens français donneraient leur voix au Front National pour les élections municipales à venir ce printemps. Quelques jours plus tard, la victoire de Laurent Lopez (FN) à Brignole (Var) fait écho à ce sondage. Comment expliquer, au vu du discours politique ambiant, ces 24%, symbole de la montée lancinante de l’extrême droite ?

Un chiffre symbolique

Avec les 24% d’intention de vote, le FN gagne trois points par rapport à mai 2013. L’UMP passe de 21% à 22%. Le PS est le grand perdant, passant de 21% à 19%. Une part des électeurs de François Hollande, déçus, se tournent vers le FN qui réussit aussi à glaner les votes des retraités et à attirer dans ses rangs une part croissante de la classe moyenne. La réponse du FN ne s’est pas faite attendre, le parti d’extrême droite se targue de devenir désormais le « premier parti de France », adoptant une position conquérante très facilement lisible dans le communiqué de presse de Steeve Briois. Le secrétaire général du FN qualifie ces résultats de « séisme sans précédent » traduisant un « élan d’enthousiasme manifeste », exprimant le raz-le-bol des français face aux deux grands partis, le PS et l’UMP. Le FN ne doute de rien donc, et affirme sa détermination dans sa marche vers le pouvoir. Le discours outré des journalistes et personnages politiques ne cache pas la vacuité de leur action. Un tel discours a pour seul effet de victimiser le FN, de le mettre au centre du débat sans parvenir à le neutraliser. Dans une position de maître, le parti de Marine Le Pen peut se contenter de rester muet.* Le reste de la sphère politique lui assure sa communication, ou pire encore, légitime ses positions : qui ne dit mot consent. Qui n’agit pas non plus ?

La mue déculpabilisatrice opérée par Marine Le Pen…

Le Front National propose des réponses simples, voire simplistes, aux problèmes compliqués de notre société, parvenant en conséquence à toucher un large panel d’électeurs potentiels. Marine Le Pen se présente comme figure providentielle, détenant une vérité simple et efficace. Or, il est beaucoup plus aisé d’adhérer aux thèses du FN que l’on comprend, plutôt qu’à des discours complexes qui tentent d’apporter une réponse complète aux problèmes de notre société. Le FN pratique de ce fait une stratégie de vulgarisation se fondant sur un imaginaire national, voire nationaliste. En jouant sur le mythe d’une France à la grandeur passée, le parti adopte une position rétrograde bien plus rassurante que l’avenir sombre dont on nous brosse le portrait quotidiennement. En somme, le discours du FN, simple et rassurant amène ceux qui y adhèrent à se tourner vers le connu et le repli sur soi.

Ce discours séduisant a longtemps possédé une faille en la figure de Jean-Marie Le Pen. Mais on assiste, depuis l’arrivée de sa fille, à une déculpabilisation du vote FN. Femme « popotte », divorcée, mère de trois enfants, aux propos (en apparence) moins stigmatisants, Marine Le Pen a tout pour atteindre son but : faire oublier les idées qu’elle véhicule. Le site qu’elle a mis sur pied (www.marinelepen.com) la présente comme une femme respectable, loin des propos racistes de son père. Elle gomme l’image « extrême » de son parti afin de convaincre les électeurs encore timides. Sa dernière lubie, amener au tribunal quiconque aurait l’audace de qualifier son parti d’extrémiste le prouve bien : elle brouille les cartes afin de mieux pouvoir les distribuer. La rhétorique de la présidente du FN semble donc bien tendre vers une normalisation et une banalisation de son parti.

En conséquence, le vote FN tend à ne plus être tabou. La bataille sémantique qu’a lancé Mme Le Pen amène le FN au centre de l’actualité politique. Mais pour une fois, on oublie son côté polémique pour se concentrer sur le coup médiatique. Le fait qu’elle se batte contre l’appellation « extrémiste » montre bien qu’elle cherche à faire du FN un parti politiquement correct. Pour ce faire, elle s’appuie sur la faiblesse actuelle du PS et de l’UMP.

marine le pen avec son chat

…Conséquence du désamour politique ?

Face à l’impopularité du gouvernement et à la « guerre des chefs » qui règne à l’UMP, le FN propose un discours clair et simple, apparemment sans faille ni langue de bois, faisant bloc autour de la figure de Marine Le Pen.

Mais n’oublions pas que le grand gagnant des élections de ces dernières années reste l’abstention. Le problème n’est-il pas le rejet de la politique telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui ? L’Union Européenne paraît bien loin des préoccupations quotidiennes des européens qui se méfient de Bruxelles. Que nous avons tord cependant ! L’Europe est, malgré toutes ses imperfections, un projet stimulant. Pour contrer le repli sur soi qu’incarne Marine Le Pen, les Français auraient peut-être besoin de plus de chantiers communs. Tout va mal ? Réjouissons-nous : une société meilleure n’attend que nous pour être construite !

Mathilde Vassor

Sources :
http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20130823.OBS4202/18h-le-front-national-obsession-politique-numero-un.html
http://www.frontnational.com/author/steevebriois/
http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2013/10/11/montee-du-fn-comment-en-est-on-arrive-la

 

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