Politique

"Un président ne devrait pas dire ça": quand la langue présidentielle se lit et se délie

12 octobre 2016. L’Obs publie un entretien avec le Président de la République. Il y délivre une parole formelle, sérieuse, qui lance (peut-être ?) sa campagne pour 2017 avec sa déclaration « Je suis prêt ». Mais, coup de théâtre : le même jour, la parution du livre Un président ne devrait pas dire ça, Les secrets d’un quinquennat de Fabrice Lhomme et Gérard Davet produit l’effet d’une bombe. Ce livre est d’un tout autre registre que l’entretien dans L’Obs, celui de la confession. Tout ce que l’entretien construisait, ce livre le déconstruit, voire l’anéantit. Alors, coup de grâce ou coup de maître communicationnel ? Tout le monde s’interroge. Un véritable coup d’éclat médiatique, ça c’est sûr.
Un président qui n’a pas sa langue dans sa poche
La parution de Un président ne devrait pas dire ça questionne l’essence même de la parole présidentielle. À la maîtrise verbale normalement attendue d’un président, François Hollande y oppose une logorrhée qui interroge. Le président a en effet un devoir de contrôle de sa parole, car celle-ci représente la parole de l’Etat. Sa fonction de président impose une maitrise absolue de ses propos pour une communication efficace, qui incarne notre pays. Or, dans ce livre, il se prononce sur tous les sujets, parle sans filtre et longuement, puisque l’ouvrage fait 600 pages environ ; autrement dit, c’est un livre fleuve. Mais gare à la crue : quand le président parle trop, on ne l’écoute plus, et sa parole est discréditée. En communication politique, le silence est d’or.
Sur Radio Notre-Dame, l’avocat Louis Soris déclare « On a l’impression que c’est un candidat de télé réalité qui va dans le confessionnal et se livre sur son aventure présidentielle ». Sa parole n’est alors plus considérée comme la parole officielle, celle qui prend les grandes décisions et dirige la France. La confession ne fait pas partie des fonctions de la parole présidentielle, et le devoir de silence pour mieux communiquer s’impose. Il avoue ainsi avoir organisé des assassinats ciblés, ce qui relève pourtant d’une opération top secrète ! C’est un véritable strip-tease médiatique où le chef de l’Etat se met à nu, et permet à tous d’observer ses failles et de les fragiliser. Car au niveau de la réception du livre, il n’y a pas non plus de maîtrise de la situation. Les citoyens sont dans l’incompréhension d’une telle démarche, les personnalités politiques récupèrent l’événement pour achever politiquement François Hollande et prendre l’aval sur lui. Son blabla incessant devient un brouhaha de réactions, de polémiques. Débandade de mots, débandade de réactions, décidément tout lui échappe. Les auteurs du livre expliquent à ce sujet : « Il était inquiet, il ne maîtrisait pas le processus. C’est exactement ce qu’on voulait, qu’il ne maitrise pas le processus, il ne nous a pas choisis, c’est nous qui l’avons choisi ». Le problème majeur est que l’on attend justement du président qu’il maitrise son action, ce qui passe avant tout par une maitrise accrue de sa parole.
« Petit traité du parfait suicide politique » ?

Se confesser à des journalistes, de nombreux présidents l’avaient fait avant lui. Valéry Giscard d’Estaing, par exemple, était coutumier de cette pratique. Dans le cas actuel, la dissonance entre ses révélations dans le livre et ses propos officiels en tant que président est problématique. Ses confessions télescopent son travail politique, et c’est là que le bât blesse. Ses propos politiques sont alors discrédités et son action en tant que président de la République perd de sa crédibilité. Par exemple, ses dires sur l’immigration «Je pense qu’il y a trop d’arrivées, d’immigration qui ne devrait pas être là », sont en décalage avec sa politique à ce sujet.
Et dans sa forme même, l’ouvrage est un ovni politique. Le président choisit une expression indirecte, qui passe par la plume des journalistes, alors qu’on attendrait du premier représentant de l’Etat une expression directe avec les citoyens français. Les règles de l’oralité avec lesquelles s’exprime François Hollande sont sujettes à la déformation. La compréhension des propos passe par plusieurs prismes : celui des journalistes, puis celui des lecteurs. À la fin de ce processus, les paroles initiales sont faussées. De la même manière, ses révélations sont sujettes à la dérive quand elles sont sorties de leur contexte, certains journaux publiant même les « bonnes feuilles ». La phrase « La femme voilée d’aujourd’hui sera la Marianne de demain » a par exemple suscité une grande polémique du fait de son ambigüité. Tout un imaginaire est créé au sujet de ses propos supposément tenus, et le résultat est désastreux.
Parler c’est bien, faire c’est mieux. Le président parle beaucoup, mais agit-il vraiment ? Peut- être veut-il, à travers la chronique de son quinquennat, donner l’illusion d’avoir accompli beaucoup ? Le dessein d’ensemble n’est pas clair et les critiques sont plutôt sombres.
Un franc parler pour parler de la France

Mais cet exemple n’est-il pas la preuve d’une nouvelle communication en politique, d’un nouveau mode d’expression ? Le dessein des deux auteurs était de lutter contre la langue de bois politique. Pari réussi. Le temps d’un parler vrai des politiques a sonné, et François Hollande en est peut-être le pionnier. Ce livre donne à voir une nouvelle parole politique, portée par la recherche de la vérité.
Le chef de l’Etat se livre avec une franchise troublante. Cet ouvrage issu de longues discussions sur une durée de cinq ans permet à François Hollande de s’exprimer plus librement, et surtout plus profusément que dans une interview classique. Le discours n’est pas formaté, le président s’exprime sans filtre, sans contrainte, sans préparation antérieure. La longueur du livre permet de resituer l’action du président dans une chronologie, et dès lors de voir la cohérence – ou l’incohérence – de son action politique.
Alors, suicide politique ou avènement d’une nouvelle ère de communication politique ? La côte de popularité en baisse du chef de l’Etat a peut-être déjà tranché.
Diane Nivoley
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Sources:
« Pour la première fois, c’est sur sa personnalité que François Hollande désespère même ses proches », Le Huffington Post, 14/10/2016, Romain Herreros
«Un président ne devrait pas dire ça» : ce livre empêchera-t-il François Hollande de se pré- senter ? », RT, 14/10/2016
« « Un président ne devrait pas dire ça » : « la veille de la publication, François Hollande était inquiet » », Non stop politique, 13/10/2016, Ambre Lefeivre
« L’opération mea culpa de François Hollande (et ses limites) », Le Huffington Post, 12/10/2016, Geoffroy Clavel
« Les confessions de Hollande navrent ses amis », Le Monde, 14/10/2016, Cédric Pietralunga et Bastien Bonnefous
« Hollande se permet encore de carboniser les lambeaux de popularité qui lui restent », Le Monde, 15/10/2016
Crédits photos:
Europe Israël News
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Dessin de Cambon pour Urtikan.net

Politique

Stig: la démocratie 3.0 ?

La lassitude croissante des citoyens et le désintérêt massif pour la politique créent de nouvelles problématiques autour de la notion de démocratie qui est aujourd’hui questionnée. Mais comment répondre aux attentes des citoyens en matière de participation sans, pour autant, bouleverser l’ordre établi ? Les technologies digitales telle que l’application « Stig » pourraient-elles représenter une alternative envisageable ?

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Politique

La chocolatine à 10 ou 15 cents, that is the question

Toute cette polémique autour de la gaffe à la « Marie-Antoinette » de Jean-François Copé ne fait que rappeler un leitmotiv politique vu et revu : la question piège des médias posée aux hommes et femmes politiques sur le quotidien de leurs citoyens. Jean-François Copé peut être rassuré, il est loin d’être le seul !
Que ce soit Nathalie Kosciusko-Morizet et son ticket de métro, Bush père et son litre de lait ou encore Cameron et sa miche de pain, les citoyens, eux, ont les pieds sur terre et savent très bien que les hommes et femmes politiques ont une idée de leur quotidien bien éloignée de la réalité.
La relation verticale entre politiques et citoyens fait partie de l’histoire française. De Gaulle disait lui-même que les hommes politiques devaient maintenir une certaine majesté vis-à-vis de leurs électeurs. Le paradoxe, aujourd’hui, est cette volonté des hommes politiques d’assurer à leurs électeurs une horizontalité véritable et sans artifice tout en maintenant un quotidien au-dessus de celui de leurs citoyens.
Les nouveaux moyens de communication ont été une aubaine pour nos politiciens. A travers cela, ils brisent les codes d’une verticalité qu’ils veulent ancienne et démodée. Aujourd’hui, les politiciens se présentent comme étant égaux de leurs électeurs. Véritable vérité ?

Limo – Boulot – Resto
Il est évident que les politiciens sont loin de mener le même train-train quotidien que celui de leurs citoyens. La plupart des hommes et femmes politiques vivent dans une autre réalité, ne connaissent pas la peur du lendemain – du fait de leurs revenus élevés – et bénéficient de gardes du corps et de voitures de fonction à vie, de billets de transports gratuits. Pourquoi s’enquiquiner à aller faire ses courses quand tout peut être servi sur un plateau d’argent ?
Mais dans ce cas-là, chers politiciens, pourquoi faire croire à tout prix que vous vivez une vie tout à fait normale ? Il est donc là ce paradoxe ; analysons le discours de Nicolas Sarkozy entre 2007 et aujourd’hui. En 2007, Nicolas Sarkozy revendiquait qu’il n’avait pas été élu pour aller faire ses courses lui-même au supermarché, soit. Lors de son grand meeting au Zénith le 9 octobre 2016, ce dernier se range au côté de la « majorité silencieuse » et surtout se dresse contre les élites. Et par élite, il entend bien sûr celle « qui n’est guère présente dans le métro, dans les trains de banlieues » et donc pas du tout celle que les hommes d’Etat représentent…
Le discours des hommes politiques est truffé de maladresses et de contradictions. À trop vouloir se montrer proche du peuple et prétendre être comme lui, les hommes politiques se décrédibilisent.
Leur discours devrait s’accorder sur leur quotidien réel. Tout comme celui de la chancelière allemande. Il est vrai qu’Angela Merkel est l’une des rares femmes d’Etat à vivre encore comme un citoyen lambda. Son discours et son quotidien se relayent ; discrète devant la scène tout comme à l’arrière, Angela Merkel ne vit pas dans l’appartement de fonction proposé mais dans son appartement habituel, fait ses courses au supermarché et part en weekend non pas aux Maldives mais dans sa maison de campagne.
Leur problème n’est pas tant de vivre dans un palace ou non, mais d’aborder un discours
mensonger laissant croire aux électeurs que leur quotidien est similaire au leur.
Démocratie verticale ou démocratie horizontale
Entre les deux, il faut choisir. Il est vrai qu’avec le développement des moyens de communication, les hommes d’Etat sont bien plus près de nous autres citoyens et cela réchauffe le cœur (même si souvent leur technique de communication échoue…). Ces nouveaux moyens de communication sont bien efficaces ; Obama n’aurait-il pas été élu grâce à Facebook ? Les citoyens se sentent moins délaissés, mieux compris et les hommes d’Etat l’ont bien intégré.
En effet, comme le montre le sondage annuel du journal La Croix, la confiance que les citoyens ont dans les médias ne cesse de baisser. Les nouveaux outils de communication sont donc apparus comme une aubaine pour nos hommes d’Etat qui ont enfin pu se montrer à égalité par rapport à leurs électeurs et surtout se présenter sous un nouveau jour.
Nous avons Mélenchon se présentant loin des baratins mensongers médiatiques grâce à sa nouvelle émission lisse et transparente « Pas vu à la télé » ou encore François Hollande montrant qu’il sait user des moyens de communication les plus simples via son compte Snapchat.
Alors oui, dans ce cas là, nous pouvons dire que le système politique s’ « horizontalise » vis- à-vis des citoyens. Si De Gaulle voyait cela il se retournerait dans sa tombe, lui qui incarnait la démocratie dite verticale où l’homme n’est pas au cœur du quinquennat mais la nation elle et elle seule !

Mais il ne suffit pas de se prétendre plus proche du peuple uniquement à travers les réseaux sociaux. Dans ce cas, il faut que le discours aille de pair dans la vie réelle…
Et il semble qu’un changement est en train de s’opérer doucement mais sûrement : François Hollande fait partie des chefs d’Etat à vouloir limiter les privilèges de ces derniers (même s’il en a bien profité après avoir annoncé suite à son élection en 2012 qu’il resterait vivre dans son humble appartement). En effet, cinq ans après leur quinquennat, nos ex et futurs ex chefs d’Etat se verront peut-être réduire leurs privilèges : plus de voitures de fonction avec deux chauffeurs attitrés, les tickets de transports ne leur seront gratuits que dans le cadre de leur fonction.
Peut-être le début d’une politique digne et quotidienne telle que Nuit Debout voulait et veut construire…
Maëlys Le Vaguerèse

@lvgmaelys
 
Sources :
– Le Monde, « Hollande rabote les privilèges des anciens présidents », Hélène Bekmezian, 5 octobre 2016
– Quotidien, « Le meeting low-cost de Nicolas Sarkozy », Valentine Oberti, 10 octobre 2016
– La Croix, « Angela Merkel, une présidente normale et puissante », Marianne Meunier, 26 octobre 2016
– Mediapart, « Le pain au chocolat de Copé est-il un réel problème ? », Ficanas, 26 octobre 2016
– Challenges, « La bourde de Copé fait le tour du monde », 25 octobre 2016
Crédits photo :
– lesfeignasses, « Chocolatine ou pain au chocolat ? Fin du débat ici ! », Dataz, 5 février 2015
– 20minutes, « Dîner dans un 3 étoiles de la place des Vosges pour Hollande et Obama », N. Bg avec AFP, 1er décembre 2015
– Le Monde, « Merkel emmène le premier ministre chinois à son supermarché », Frédéric Lemaître, 11 octobre 2014

Politique

La droite en débat, premier round

Après plusieurs bandes annonces attrayantes diffusées quotidiennement sur les chaînes TF1 et LCI, le premier débat de la primaire de la droite s’ouvrait enfin devant 5,638 millions de téléspectateurs le jeudi 13 octobre dernier à 20h45, pour plus de deux heures d’antenne. L’un des évènements majeurs de la vie politique française en cette fin d’année 2016 est ici imagé pour la première fois : ce premier débat rassemble les sept candidats à la primaire qui a pour but d’élire le représentant de la droite et du centre à l’élection présidentielle de l’année 2017. Seul objectif, donc : conquérir un électorat.
Plusieurs voix, une seule voie
Après une brève présentation digne d’un show télévisé prononcée par Gilles Bouleau, un générique dynamique et ambitieux sur fond de musique entraînante laisse apparaître un par un les visages des candidats à la primaire des 20 et 27 novembre prochains. Comme si l’on assistait à l’ouverture d’une émission de télé-réalité ou de jeu télévisé, les candidats sont présentés succinctement : alors que les couleurs patriotiques que sont le bleu, le blanc et le rouge jaillissent aux yeux des téléspectateurs, chacun voit son identité dans la campagne présidentielle résumée peu ou prou par la diffusion d’une phrase choc, prononcée auparavant lors de meetings politiques.
Le débat ne pourra commencer qu’après l’énonciation des règles à suivre durant celui-ci : le show est réglé au millimètre, presque de manière scolaire. Chaque candidat dispose du même temps de parole : une minute pour chaque réponse, trente secondes pour rebondir sur l’intervention d’un adversaire.
Après avoir précisé que l’emplacement des candidats ainsi que l’ordre de prise de parole avaient été tirés au sort, Gilles Bouleau introduit auprès du public ses deux voisins pour la soirée : Elizabeth Martichoux de RTL et Alexis Brézet du Figaro. Selon eux, les objectifs sont, pour les candidats, de « clarifier leurs propositions pour la France ». Ainsi, Isabelle Martichoux ouvre le bal avec cette question : « Pourquoi voulez-vous devenir Président ou Présidente de la République ? ».
Le classique et le moderne connectés
Parmi les sujets abordés lors de ce premier débat, l’originalité n’est pas au rendez-vous ; l’économie et le régalien, eux, si. Pour chaque candidat, il s’agit moins d’affaiblir ses rivaux que de gagner des points en exposant ses propositions : aucune annonce n’est réellement novatrice, l’objectif principal étant de faire connaître ses idées. Selon Alexandre Lemarié, journaliste au Monde, en charge du suivi de la droite et du centre, on parle plus de « round d’observation » que de débat.
Toutefois, le format du débat, lui, est novateur et se distingue par sa modernité. Là aussi, le modèle social de la pratique des médias s’impose : participation, interactivité et commentaires sont les bienvenus et l’importance des réseaux sociaux est ici soulignée. En effet, durant toute la durée du débat, les téléspectateurs ont pu réagir et adresser leurs questions grâce au hashtag #primaireledébat, ainsi que sur les pages Facebook TF1, RTL et LeFigaro. En outre, le plateau lui-même prend une forme inédite : rappelant plus celui du Maillon Faible que celui des précédents débats politiques, celui-ci donne à ce débat de la primaire un caractère moderne et innovant. La stratégie est claire : on attend des questions simples, émanant de tous et accessibles à tous, pour des réponses simples, claires et concises, également audibles par tous.
Quand l’habit fait le moine
Stratégie médiatique, certes, mais aussi stratégie de l’image. En effet, l’image est un élément fondamental de la communication : au-delà du discours, elle véhicule un message, qui diffère de candidat en candidat. Sept candidats, six couleurs : chacun de nos prétendants s’est choisi une apparence bien à lui, dans un effort de différenciation par la tenue vestimentaire, et plus particulièrement par la couleur de celle-ci.

Nicolas Sarkozy choisit de rester classique : cravate de couleur bleue marine, celle d’un ancien Président de la République, mais aussi celle de sa campagne de 2012. Couleur de la sagesse, écho d’un certain passé.
François Fillon porte une cravate violette, couleur de la vérité, de l’honnêteté, valeurs qu’il défendait déjà en 2007 avec L’Etat en faillite.
Alain Juppé opte pour le noir, une couleur qui rassemble par sa neutralité et sa sobriété.
Jean-François Copé, lui, fait le choix d’une cravate bleu ciel : il s’agit d’attirer le regard, de
rappeler sa présence et sa légitimité.
Tout comme la cravate de Jean-Frédéric Poisson, Nathalie Kosciusko-Morizet arbore une couleur non moins attirante : le rouge du pouvoir et de la conquête, s’éloignant des six costumes masculins.
Enfin, Bruno Le Maire, candidat du renouveau, choisit de se démarquer par l’absence de cravate, mettant ainsi en valeur le blanc immaculé de sa chemise et soulignant l’atout qu’il brandit le plus souvent : sa jeunesse. Alors, à chacun sa stratégie : se démarquer ou s’affirmer, se faire connaître ou se faire reconnaître, par l’image ou par la gestuelle chez un Juppé calme et serein ou un Sarkozy tendu et agité

 
Si ce débat a pu prendre les aspects d’un évènement de télé-réalité ou de show télévisé, les couleurs politiques ont su rester au garde à vous. Entre continuités et nouveautés, celui-là a su annoncer la forme inédite que prend la campagne présidentielle à venir. Certains en sortent renforcés, comme Jean-Frédéric Poisson qui a su apparaître aux yeux des Français comme un candidat légitime, d’autres moins, mais rien n’est joué : la suite aux prochains rounds, les 3 et 17 novembre prochains.
Diane Milelli
LinkedIn Diane Milelli
 
Sources :
– LeMonde.fr : «Bilan du débat de la primaire à droite, C’était un peu le round d’observation » par Alexandre Lemarié
–  LeMonde.fr : « Sept candidats, deux droites »
– Le Nouvel Obs : «Primaire de droite : les coulisses du premier débat sur TF1»
– Europe 1 : « Débat : l’analyse politique d’Antonin André »
Crédits photo :
– LCI, Primaire de la droite et du centre, revivre le débat en 2 minutes
–    L’express, Primaire à droite: le premier débat télévisé était-il raté?

Politique

Le cas Colin Kaepernick : intrusion du politique sur le terrain du divertissement

Le 26 août 2016, le nom de Colin Kaepernick, jusqu’alors connu des fans de football américain en sa qualité de joueur de l’équipe des San Francisco 49’ers, défraie la chronique lors de la diffusion dans le stade de San Diego de l’hymne national américain, The Star Spangled Banner. Selon l’usage, il est attendu des joueurs qu’ils soient debout, la main sur le cœur, durant ce moment solennel de recueillement et d’hommage à la patrie américaine, « the greatest nation on Earth » (la plus grande nation au monde). Seulement, Colin Kaepernick décide ce jour-là d’aller à l’encontre des attentes en mettant un genou à terre, et en baissant la tête.
L’image de ce joueur afro-américain agenouillé entouré de ses coéquipiers se tenant fièrement debout a tout de suite fait sensation auprès de l’opinion. Ce geste a engendré un mouvement parmi les sportifs américains, à commencer par l’équipe des 49’ers.  Plusieurs joueurs afro-américains ont rejoint Colin Kaepernick, posant désormais un genou à terre dès que l’hymne national retentit dans le stade.
Un geste frappant, mais loin d’être nouveau
“I am not going to stand up to show pride in a flag for a country that oppresses black people and people of color” (Je n’ai pas l’intention de me lever pour rendre hommage au drapeau d’un pays qui oppresse les Noirs et les personnes de couleur) Colin Kaepernick a-t-il déclaré. Le geste symbolique de Kaepernick s’inscrit dans un mouvement de lutte pour les droits civiques des Noirs américains, né ces dernières années, appelé #BlackLivesMatter (les vies noires comptent), né sur Twitter.
Le meurtre de Trayvon Martin en 2012, exemple parmi tant d’autres, témoigne de la tension qui règne entre Noirs américains et forces de l’ordre. Agé de 17 ans, Trayvon a été tué par George Zimmerman, responsable de la sécurité du quartier. Le seul crime du jeune homme aura été d’être noir, et de porter une capuche. Zimmerman, comme la majorité des policiers dans ce cas, a été acquitté.
#BlackLivesMatter prend le relais, dans une moindre mesure, du mythique mouvement pour les droits civiques des années 1960, 1970, qui avaient vu, de la même manière, des athlètes afro-américains montrer leur soutien à la cause noire aux Etats-Unis. En effet de Tommie Smith et John Carlos qui, en 1968, debout sur le podium aux Jeux Olympiques de Mexico, ont levé leurs poings couverts d’un gant noir vers le ciel. Colin Kaepernick se veut clairement l’héritier de telles figures du monde sportif qui ont osé lever le poing pour exprimer leur frustration et faire entendre les questions d’égalité dans le débat public.
L’incompatible rendu compatible : un touchdown politique ?
La lutte de l’athlète de haut niveau s’inscrit dans un contexte particulier, celui du milieu de l’ « entertainment » sportif, et sème plus précisément le chaos au sein de la Ligue Nationale de Football (NFL), une institution omnipotente aux Etats-Unis qui gère le domaine du football professionnel. La ligue sportive la plus puissante et influente du monde se voit secouée par ce qui est devenu le scandale du « Knee down » (genou à terre), ou encore du « Kneegate », en référence au scandale du Watergate, qui prête son suffixe à tous les scandales médiatiques depuis sa révélation au grand public en 1974.
L’environnement de Colin Kaepernick est entièrement dédié au divertissement. Tous les dimanches de mai à décembre, un match de football est diffusé, généralement sur NFL Network, la chaîne propre à l’institution. Les nombreux matchs diffusés sont évidemment entrecoupés de publicités, créneaux achetés à prix d’or par les annonceurs ; les joueurs ont également des sponsors qui leur donnent des millions de dollars en échange de la promotion qu’ils font de leurs produits.
La NFL organise également le Super Bowl, la finale de la saison, événement culturel le plus médiatisé aux Etats-Unis, qui a par exemple réuni en février dernier Beyoncé, Bruno Mars et Coldplay sur scène durant la mi-temps, et qui a été visionné par pas moins de 167 millions d’Américains.
La NFL devient alors le théâtre d’un combat civique pour l’égalité, du mouvement #BlackLivesMatter, à son insu. Colin Kaepernick a bouleversé les codes des médias américains.
Une stratégie efficace
Il est intéressant de noter que Colin Kaepernick, en menant une lutte d’ordre politique au sein d’un paysage médiatique dont le seul et unique objectif est de divertir, a donné une toute autre dimension à sa cause. Selon les normes établies dans notre société, l’acte politique se joue dans la rue, porté par des manifestations qui attirent les médias. L’acte politique se joue par exemple, pour dresser un parallèle avec un autre événement politique de cette année, sur la place de la République, lieu hautement symbolique, tant par son nom que par son emplacement, particulièrement depuis les attentats de 2015.
Pour aller plus loin, la parole politique est entendue sur un plateau de télévision, par le biais de l’intervention de responsables, de personnes engagées. Colin Kaepernick n’est pas un acteur politique, il fait partie du monde du divertissement, qui plus est du divertissement sportif. Il a pourtant fait pénétrer une question politico-sociale dans l’univers du football américain, et par extension dans un champ habituellement apolitique, ce qui a donné une visibilité, une portée tout à fait particulière au mouvement #BlackLivesMatter. Il est apparu aux yeux du téléspectateur lambda, il est apparu aux yeux du magnat de la publicité, ou encore d’un enfant qui regarde un match le dimanche. Colin Kaepernick a réussi à mettre la lutte pour l’égalité au cœur de tous les débats.
Les réactions vives qu’a suscitées cette intrusion du politique dans le domaine du divertissement ont été abondantes, dans les diverses émissions diffusées à la télévision, qu’elles traitent de politique ou de sport, mais aussi bien sûr sur les réseaux sociaux. Négatives ou positives, là n’est pas vraiment la question. La stratégie de Kaepernick a fonctionné, ainsi que l’a formulé le président Obama : « If nothing else, he’s generated more conversation about issues that have to be talked about » (En tout cas, il a généré un débat à propos de problèmes qu’il est nécessaire de traiter).
Mina RAMOS
@Mina_Celsa
 
Sources :
WEST Lindy, « Colin Kaepernick’s anthem protest is right : blanket rah-rah patriotism means nothing », The Guardian, 13/09/16, consulté le 19/10/16
HAUSER Christine, « Why Colin Kaepernick Didn’t Stand for the National Anthem », The New York Times, 27/08/16, consulté le 19/10/16
LIPSYTE Robert, « A jock spring », Slate.com, 30/08/16, consulté le 21/10/16
LEVIN Josh, « Colin Kaepernick’s Protest Is Working », Slate.com, 12/09/16, consulté le 21/10/16.
« Le football américain, sport national, business international », Les Echos, 05/02/16, consulté le 22/10/16
Crédits images :
Instagram, @kaepernick7
@ajplus
AP/Sipa
Ezra Shaw/Getty Images
 

Politique

"La France prise en otage": 3 mois de déchaînement sémantique dans les médias

Depuis trois mois déjà, la France est au bord de la crise de nerf. Le temps médiatique s’ajuste au rythme des derniers rebondissements d’un mouvement social de grande ampleur, qui se base comme on le sait sur le refus d’une réforme du Code Civil concernant les règles qui régissent le travail.
Contrairement aux protestations passées, on peut dire que d’un point de vue communicationnel ce mouvement dénote par son originalité. Originalité de la manifestation avec l’organisation des Nuits Debout place de la République à Paris par exemple, mais aussi originalité des moyens et des supports de transmission avec Periscope et la multiplication des « radios Debout ».
Envahissant les colonnes des journaux et les grilles des radios et télévisions, ce mouvement global de contestation, de Nuit Debout aux récentes grèves, est plus que jamais l’objet d’interprétations et de mises en scènes médiatiques. Puisqu’il n’y a jamais de mot au hasard, il est intéressant d’observer les manifestations sémantiques qui découlent de ce brouhaha de revendication et d’altercations.  
La sémantique de la peur : 3 mois de couverture, entre bruit et fureur médiatique

Comme le rappelle un article d’Acrimed, faisant un état des lieux de la médiatisation de la contestation, la réforme du code du travail suscitait dès septembre 2015 l’affolement des médias et un déchaînement sémantique pro-réforme. Loin d’une pluralité des discours médiatiques, le Code du travail est décrié par des journaux de tous bords, et la réforme montrée comme libératrice. On observe ainsi la reprise de nombreuses formules prônant une libéralisation du travail, comme celles de « dynamiser » ou « d’assouplir » le marché. Quand L’Opinion préconise de « déverrouiller le code du travail », Le Monde plaide que « Le Code du travail n’est pas une vache sacrée ». Il y a là une logique de démystification de cet objet symbolique, considéré comme un poids mort et rétrograde.
Une vidéo enregistrée pour l’émission de radio « Là-bas si j’y suis » montre que les médias se sont par la suite concentrés sur les effets des grèves et non pas sur leurs causes. En insistant sur la pagaille et l’énervement suscités, les discours des journalistes offrent une vision d’une France sombrée dans le chaos. L’expression de la contestation adoptée par une grande partie des médias est alors celle du français qui, agacé des mouvements de grève, revendique son « droit à travailler ».
Et les ennemis du dialogue social sont tout trouvés : quand ce n’est pas la CGT, ce sont les fameux « casseurs ». On dénonce alors l’escalade de leur violence, motivée par une rage baptisée « haine anti-flic ». Et certains n’ont pas lésiné sur les comparaisons douteuses… Quand Pierre Gattaz accuse Philippe Martinez de « terrorisme », Franz-Olivier Giesbert ose la comparaison entre Daech et la CGT, qui retiendrait tout bonnement la France « en otage ». Bref, le pays semble s’effondrer, la confusion est totale, et la sémantique apocalyptico-médiatique surfe sur une vague de peur incontrôlable et incontrôlée.
Les mots ont un sens
 

 
Dans son ouvrage Des miroirs équivoques, Louis Quéré nous rappelle la fonction sociale qu’occupent les médias. Il insiste particulièrement sur la visée identitaire des médias « positionnés dans un univers d’intérêts et de rapports de forces » dans lequel ils occupent un « rôle de fondation », « supports pratiques d’un mode historique d’objectivation de la médiation symbolique constitutif d’un système socio-culturel ». Par leur mode de narration, les médias se font « le théâtre des pratiques sociales ; ils donnent une assise à l’identité et à l’action individuelle et collective ». On ne peut donc que déplorer la quasi absence de pluralité des angles donnés aux contenus médiatiques sensés commenter les évènements.
Cet affolement médiatique et de cette confusion sémantique généralisée nous rappelle à quel point les mots ont un sens. Pierre Bourdieu dans Ce que parler veut dire entame une réflexion sociale sur le langage. Il y voit la société comme un marché, où le pouvoir s’exerce à travers une violence symbolique, bien plus intense que la violence physique, et dans lequel le langage est un échange de signes plus ou moins valorisants. Lorsqu’ils reprennent en masse des expressions similaires pour décrire les évènements relatifs à un mouvement social, les médias participent à cette violence, et assoient leur discours symbolique.
Au troisième mois du mouvement social, les médias, qui orchestrent le débat, semblent en majorité se focaliser sur des faits peu démonstratifs du mouvement dans sa globalité. En préférant la sûreté de la redondance des termes, ceux-ci prennent le risque de noyer l’analyse et de faire le jeu des préjugés sur un mouvement social dont on oublierait presque les fondements.
Mathilde Dupeyron
Linkedin 
Sources :
Acrimed, Julien Salingue, « Trois mois de couverture médiatique des mobilisations contre la « Loi Travail » », 6 Juin 2016
France Inter, Guillaume Meurice, « Terrorisme syndical », 3 juin 2016
Louis Quéré, Des miroirs équivoques, aux origines de la communication moderne, Aubier, 1992
Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire : L’économie des échanges linguistiques, Fayard, 1982
Crédits images: 
Le Monde
Huffington Post
Le Parisien 

Politique

Harcèlement sexuel: ne nous taisons plus

Elles sont de tous bords politiques et incarnent toutes les générations, dix-sept femmes, ministres ou anciennes ministres, ont décidé, dimanche 15 mai, de dénoncer ensemble le harcèlement sexuel au sein de l’hémicycle dans les colonnes de l’hebdomadaire Le Journal du Dimanche. Cette réponse à l’affaire Denis Baupin n’est certainement pas du goût de tous, chez les hommes… comme chez les femmes.
L’élément déclencheur : l’affaire Baupin

C’est au lendemain de l’affaire Baupin que dix-sept voix se sont élevées ensemble. Denis Baupin, vice- président de l’Assemblée nationale et député écologiste est la cible de plusieurs de ses consœurs, qui l’accusent de gestes déplacés, voire de harcèlement sexuel. Les témoignages ont été recueillis par Mediapart et France Inter. Pour certaines, les faits remontent à plusieurs années, pourquoi alors une soudaine sortie du silence ?
Baupin lui-même aurait entraîné sa chute en publiant, à l’occasion de la journée internationale des droits des Femmes, une photo sur Twitter le mettant en scène avec plusieurs autres députés, arborant du rouge à lèvres pour « dénoncer les violences faites aux femmes » écrit-il en légende.
Le député fait là une criante erreur de communication, puisque les principales victimes de ses agissements ont vécu la photo comme une authentique preuve d’hypocrisie. « Cela a provoqué chez moi une vraie nausée » raconte Elen Debost, adjointe au maire du Mans, « On ne pouvait pas continuer à se taire ». Quelques mois plus tard, plusieurs femmes font éclater la vérité au grand jour et mettent des mots sur des actes parfois violents que le vice-président de l’Assemblée nationale leur aurait fait subir.
Le piège se referme sur Baupin, contraint, sur ordre de Claude Bartolone lui-même, de quitter sa fonction au sein de l’Hémicycle. Il conservera néanmoins sa place de député de Paris et, s’il le peut, sa dignité. En effet, l’intéressé, par le biais de son avocat, nie les faits et envisage même de porter plainte pour diffamation contre ses anciennes collègues du parti écologiste.
Sa compagne, l’actuelle ministre du logement Emmanuelle Cosse, avait préféré jouer « à la reine » du silence en coupant court à un débat sur le harcèlement sexuel qui avait été entamé à l’Assemblée.
Grave erreur car, malheureusement, ce refus de communiquer contribue à donner à son mari un air coupable.
Le changement, c’est maintenant
C’est une autre tournure que l’affaire Baupin prit dimanche dernier, elle s’étendit à toute la classe politique dès lors que dix-sept ex-ministres s’emparèrent du sujet. Le harcèlement sexuel fait figure de monnaie courante dans l’Hémicycle, expliquent-elles. Gestes déplacés, railleries, comportements inappropriés, actes sexistes, les femmes politiques se battent au quotidien pour une place que certains pensent non méritée. « La classe politique doit donner l’exemple » explique Nathalie Kosciusko Morizet à Laurent Delahousse sur le plateau du journal télévisé de France 2. Le but de cet appel est d’encourager les femmes issues de tous les milieux professionnels à se faire entendre et à dénoncer ceux qui se donnent le droit de les harceler. Le choix du support, Le Journal du Dimanche, n’est pas anodin, puisqu’il est le premier à être distribué aux PDG, lesquels ayant le devoir de se tenir informés et le pouvoir de lutter contre ces abus au sein de leur propre entreprise. Aujourd’hui, une femme sur cinq déclare avoir déjà été harcelée sexuellement sur son lieu de travail.
Les 17 signatures ne portent pas les couleurs d’une famille politique mais les représentent toutes, sans distinction. De gauche comme de droite, toutes ces femmes se sont unies, une manière de montrer que chacune peut mener la lutte contre le harcèlement sexuel au travail, peu importe son corps de métier ou la place qu’elle occupe dans l’institution qui l’embauche. Il faut pourtant croire que certaines ne rejoindront pas le mouvement. Pour preuve, Christine Boutin n’était pas de la partie et, pire encore, a affirmé via un tweet avoir « honte de ces femmes qui laissent entendre que les hommes sont des obsédés ». Ambiance.
Certaines autres femmes politiques reprochent aux dix-sept ex-ministres d’élever leurs voix trop tard, après des années de silence, alors même qu’elles avaient « les moyens de s’exprimer et de se défendre ». Bref, l’appel n’a clairement pas été entendu de tous, lui qui pourtant semblait incarner l’unité au-delà mêmes des familles politiques.
 

Tout reste encore à faire
Pourquoi alors la tribune peine à faire l’unanimité ? On peut évoquer deux raisons possibles à cela. Tout d’abord, l’absence d’hommes. En effet, aucun homme politique n’a signé la tribune. Et pourtant, eux aussi peuvent être témoins de harcèlement sexuel vis-à-vis de leurs collègues féminines, et prendre le parti de le dénoncer. François Hollande n’a-t-il rien à répondre à ces femmes qui décident de lever l’omerta ? Silence radio. La prise de parole, la dénonciation du geste, le brisement du tabou du harcèlement sont autant du ressort des femmes que de celui des hommes.
Surtout si l’on prend en compte le fait qu’eux aussi peuvent se retrouver à la place de la victime. Ils sont 7% à affirmer avoir déjà été victimes de harcèlement. Malheureusement, la prise de parole masculine sur le sujet reste très délicate, en témoignent les noms des associations d’aide aux victimes de harcèlement, comme Femmes solidaires ou encore Fédération nationale solidarité femmes… N’en déplaise à Patrick Juvet, on aurait envie de crier : où sont les hommes ?
Enfin, il est difficile de faire sortir les victimes de leur silence puisque pour la plupart d’entre elles, la dénonciation s’accompagne d’un licenciement en bonne et due forme. Pour en finir avec cette double peine, il faut agir au niveau de la loi. Or, si bien évidemment des propositions sont faites dans la tribune, telles que l’allongement des délais de prescription en matière d’agression sexuelle, la possibilité pour les associations compétentes de porter plainte en lieu et place des victimes, la création d’un référent ‘agression ou harcèlement sexuel’ dans les commissariats et gendarmeries, une meilleure indemnisation des victimes de harcèlement sexuel, à la fois par les auteurs condamnés et par leurs anciens employeurs quand elles ont été contraintes de quitter l’entreprise entre autres, il n’en reste pas moins que le chemin de l’acceptation et de la mise en application sur le terrain dans les années à venir risque d’être long et tumultueux.
On peut néanmoins considérer, avec cette tribune publiée le 15 mai dernier, que la prise de conscience a eu lieu et que les prises de position s’affirment au sein de la classe politique. Cette classe qui est précisément en charge des lois et qui a donc le pouvoir de faire bouger les choses.
Manon Depuiset
LinkedIn 
@manon_dep
Sources:
Libération, Harcèlement sexuel: «Nous ne nous tairons plus», disent 17 anciennes ministres, 15/05/2016
Le Point, Harcèlement sexuel : Christine Boutin a « honte » pour ses consœurs, 16/05/2016
Libération, Harcèlement sexuel : les hommes ne doivent pas se taire non plus, 15/05/2016, Johan Hufnagel
Crédits photo:
Le JDD
Twitter @Denis_Baupin
Twitter @christineboutin
 

Politique

Le tabou, on en viendra tous à bout

Le tabou est un outil indispensable pour les annonceurs. Il est presque un truisme de dire que les publicitaires choquent et dérangent pour communiquer. Mais ce même tabou peut aussi être un poison. En ethnologie, le terme désigne une prohibition sacrée dont la transgression peut entraîner un châtiment surnaturel. Par définition, il est donc préférable d’éviter le tabou. Suivant ce conseil, l’esprit cherche automatiquement à l’occulter : le tabou finit par tomber dans les méandres de la non-pensée. Il appartient si l’on puit dire à l’ordre de l’immonde qui menace le nôtre par son impureté ou sa dangerosité. Son évocation ne suscite alors qu’une réaction de rejet rendant toute pensée impuissante. Communiquer à travers le prisme du tabou ne revient-il donc pas à limiter le dialogue aux sentiments ? Quelles sont les limites d’une telle communication ?
Le tabou : un garde-boue sociétal
Dans son acception commune, le terme « tabou » désigne un sujet qu’il est préférable de ne pas évoquer au risque de transgresser les codes de la bienséance. Sa forme varie en fonction du temps et de l’espace. On parlera moins de son salaire en France qu’aux États-Unis, on parlera moins de sexe en Arabie Saoudite qu’en Islande … Ainsi, l’être social obéit à des règles plus ou moins tacites qui pèsent sur son comportement et sur son langage.
Le tabou auquel Freud a consacré une œuvre entière structure nos pulsions en prohibant l’inceste et conditionne l’existence de la morale et l’émergence de la culture. Freud s’appuie sur l’hypothèse d’une société primitive -la horde sauvage- dominée par un père tout puissant disposant du seul droit d’accès aux femmes. Il explique la naissance de la société par le meurtre du père qui est paradoxalement devenu objet de vénération. En voulant libérer leur désir du pouvoir paternel, la rébellion a conduit à le contenir. La proscription de l’inceste et l’interdit du meurtre ainsi que du parricide assurent les liens familiaux et sociaux. Cette explication mythique structurerait notre inconscient.
Dans l’esprit polynésien, le tabou est lié au sacré et ne peut se concevoir qu’en relation au mana, équivalent très approximatif de l’esprit qui anime les êtres et les choses que l’on ne peut toucher ou dont on se protège car les forces peuvent être négatives. Ces notions participent d’un ordre que l’on doit absolument respecter. Mais dans l’usage courant, en dehors de l’univers magique et religieux, il renvoie à ce que l’on ne peut pas dire ou faire. Sur quoi dès lors repose cette interdiction ? Quelle justification peut-elle avoir ? Quels que soient nos univers d’appartenance, sommes-nous si loin de cet univers magique, nous qui appartenons à une culture privilégiant la raison ?
Les forces surnaturelles nous menacent sans cesse si nous transgressons le tabou en l’amenant à la communication. La croyance fait sa force dans le domaine mythique et religieux. Que peut-on craindre quand on appartient à un univers laïque et désacralisé ? Si on transgresse l’interdit, on suscitera la gêne ou l’on subira le rejet car on remettra en cause les valeurs fondamentales qui régissent la société. La crainte du tabou semble inscrite dans notre esprit. Au lieu d’avoir affaire à une puissance surnaturelle, c’est la société elle-même, tel un dieu, qui nous imposera tacitement le respect de limites à ne pas franchir. Le tabou est maintenu par un système dont nous sommes nous-mêmes les garants.

Les sociétés archaïques et les sociétés modernes ont-elles un but si différent ? Derrière l’interdit, il s’agit de préserver un monde constitué de valeurs communes au périmètre plus ou moins grand. Nos sociétés se distinguent en effet par l’importance qu’elles reconnaissent à l’individu et à sa liberté. Les sociétés anciennes privilégient la communauté par rapport à l’individu qui lui appartient complètement à l’inverse des sociétés modernes. A travers le tabou, la société nous rappelle aux valeurs communes qui la fondent. C’est une limite infranchissable par laquelle elle se défend comme un corps contre des agressions extérieures qui menacent sa cohésion. Ainsi, les menaces d’exclusion qu’elle nous impose perpétuent le tabou. L’individu peut se croire totalement libre – de communiquer – mais la pression sociale lui rappelle qu’il fait parti d’un monde qui lui reconnaît dans le meilleur des cas une liberté relative.
Y a-t-il encore des tabous dans la publicité ?
La publicité semble échapper à l’interdit. Elle n’hésite pas à le braver. Elle joue fréquemment avec lui. Dans un monde saturé de messages, les communicants n’hésitent pas à provoquer, à extraire le potentiel polémique du tabou pour mieux marquer. En fait, l’utilisation du tabou s’inscrit parfaitement dans une communication dite  » transgressive ».
 

 
Comme le tabou parle à l’émotionnel, il est difficile d’avoir une vision claire de la réaction suscitée par une pub exploitant un tabou. Toutefois, le bon communicant pourra anticiper les conséquences de son énonciation.
Il y a des règles à respecter. D’abord, il paraît évident qu’il faut prendre en compte le contexte socio-culturel dans lequel on souhaite développer une campagne. Ensuite, il ne faut pas confondre communication et provocation gratuite : il faut éviter que le choc du tabou phagocyte le message. Ce phénomène correspond à ce que les communicants les plus aguerris appellent sentencieusement « le risque de monopolisation mémorielle par le tabou ».
En 2009, une publicité distribuée au nom de Carrefour Discount était publiée sur le web avec comme titre : « J’aime pas Mamie ». Carrefour démentit aussitôt son affiliation à cette pub. La pub met en scène une famille qui mange tranquillement. Le téléspectateur s’aperçoit rapidement qu’il mange “Mamie”. Le tout est brillant puisque l’humour noir dédramatise le lien grossier fait entre précarité et cannibalisme. La pub amène à penser que Carrefour Discount est assez bon marché pour éviter de tomber dans le cannibalisme. Le message est clair !

La transgression, l’énonciation du tabou doit avoir un but. Les campagnes contre les MST sont à prendre en exemple : elles tentent de lever les tabous pour libérer la parole, oublier « la honte » pour mieux se soigner. Ici, le tabou est énoncé pour mieux dénoncer. Au contraire, la campagne « Unhate » (2011) de Benetton mettait en scène des visuels sans grand rapport avec les vêtements : on y voyait des chefs d’États ou des responsables religieux s’embrasser. Cet exemple montre comment la shockvertising relève de la pure vacuité. Le tabou doit être manipulé avec pertinence.

Le propre du tabou est de gêner, de repousser et même d’horrifier. Cependant, tout comme il existe une “licence poétique”, la publicité est un lieu où le tabou peut s’énoncer sans être suivi de châtiment. Il prend un autre sens sous la bannière publicitaire. L’absence d’un sujet déterminé de l’énonciation favorise la liberté que l’on peut prendre vis-à-vis de lui. Cela ne veut pas dire que la publicité peut tout se permettre : il faut éviter les interdits archaïques tels que le tabou de l’inceste fondé à la fois sur des lois ancestrales, morales, religieuses et scientifiques. Et au-delà de ce simple constat, il faut trouver le ton qui permette d’oublier le tabou pour mieux cerner le message.
En énonçant l’imprononçable, la publicité soulève des questions et modifient les mentalités. Elle habitue à l’inhabituel et dédramatise l’inconvenant. Malgré de nombreux jeux sur les clichés, la pub ouvre parfois le débat sur des sujets tels que la sexualité ou la sécurité routière. En provoquant, en jouant sur le sentiment, la publicité éveille celui qui la regarde. C’est le bon côté de ce genre de communication : elle pousse à la polémique et donc à la réflexion.
De l’utilité du silence dans la communication : une hypocrisie nécessaire
Le tabou provoque. C’est cette vertu que le communicant exploite. Quel intérêt y a-t-il à le braver si cet acte soulève l’indignation et empêche la communication ? Au contraire, le silence fracassant propre au tabou ne serait-il pas un bienfait pour la communication ?
L’interdit de l’inceste par exemple repose sur des explications et des justifications sociologiques voire scientifiques. Statistiquement, il est prouvé que l’endogamie entraîne des conséquences génétiques graves. Lévi-Strauss, un anthropologue contemporain, voit dans la prohibition de l’inceste – une loi fondée sur la nature et la culture – une condition nécessaire pour assurer l’existence sociale en élargissant les relations matrimoniales. Le tabou préserve ainsi la société des conséquences néfastes de l’endogamie. Le respect de la loi ne fait donc pas directement appel à la raison cependant il se justifie rationnellement. Certains comportements pour le dire autrement ne sont pas prohibés pour les bonnes raisons : on ne fait pas telle ou telle chose par sagesse mais par peur, par superstition comme si les dieux allaient se retourner contre nous.
Dans notre société certaines questions sont aujourd’hui taboues. La répartition ethnique en est un exemple. Quand on parle de tabou dans ce cas, il ne faut cependant pas voir seulement le fait qu’on écarte la question, il y va aussi d’un choix de valeurs et de principes. Le risque serait de résumer les individus à des appartenances et des explications biologiques.
Que cela ne soit pas un tabou aux États-Unis relève de raisons historiques. L’absence de ce tabou peut conduire à conforter les séparations entre les hommes. À ce niveau, le tabou est une façon de parler. Il y va en même temps d’une certaine dimension du sacré qui correspond au respect de principes fondamentaux. L’histoire du XXème a vu de surcroît le développement de l’idéologie eugéniste -théorie pseudo-scientifique d’hygiène raciale – qui a entraîné les pires monstruosités politiques.
Le tabou dans l’exemple précédent donnait un sens sacré vis-à-vis de ce qu’il représentait. On pouvait y voir conséquemment la marque d’un attachement à des valeurs. Peut-on conclure de ces observations à quelque possible vertu du tabou ?
Voltaire semble allègrement franchir ce pas lorsqu’il écrit dans ses Dialogues : « Je veux que mon procureur, mon tailleur, mes valets, ma femme même croient en Dieu ; et je m’imagine que j’en serais moins volé et moins cocu. » La croyance devient garante de la morale. C’est un moyen en sacralisant ses règles de conduire les hommes. Cette formule plutôt pessimiste sur la nature des hommes relève d’un acte de prudence sauvegardant nos intérêts. En devenant intouchables, les règles garantissent un ordre impossible de discuter soumis que nous sommes à la suprême autorité qui nous prive en passant de toute autonomie. On reste dans une société d’autorité, celle des anciens opposés aux modernes pour reprendre une distinction établie par Benjamin Constant. Est-ce une entrave à la communication que d’avoir des tabous dans une société ? Supprimer le tabou pour en parler librement suppose qu’il faudrait passer du superstitieux au rationnel. Cela suppose de laisser, peut-être naïvement, les tabous aux griffes de l’intelligence individuelle. S’il n’y a plus de règles de communication, le reste dépend de l’homme. Le risque évident est que l’interdit lié au tabou ne soit plus aussi fort s’il perd sa sacralité arbitraire et que l’homme transgresse sans réfléchir.
La modernité signe-t-elle la fin progressive des tabous ? Le tabou semble appartenir à un univers théologique. En entrant dans l’univers positif ou scientifique perd-il alors son sens ? Dans la mesure où le tabou fait partie du domaine du sacré, le fait de vivre dans une société et une culture caractérisées par la raison n’en fait-il pas pour le dire autrement une relique du passé ? Sans base rationnelle, le tabou demeure un interdit fondé sur des croyances surnaturelles. Il n’est pas le fruit de l’intelligence mais de la crainte superstitieuse. C’est notre peur qui fait sans doute sa force, l’absence de pensée. C’est l’analyse que développe Spinoza en particulier dans la préface au Traité théologico-politique. Rien n’est interdit à la libre pensée. C’est la condition essentielle de notre libération. Le tabou est une limite à penser pour en comprendre la nécessité et accéder au salut pour parler comme le philosophe.
De nombreuses choses restent taboues. « Le phénomène du tabou n’a pas cessé d’exister. Il existe toujours, aussi dans les sociétés modernes, comme il existait dans les sociétés primitives. Ce qui a changé, c’est seulement son caractère, les prémisses sur lesquelles il se base, les causes pour lesquelles il existe. » écrit Stanislas Widlak. Êtes-vous homosexuel ? Combien tu gagnes ? Êtes-vous dérangé par la présence d’une personne séropositive? Êtes-vous malade ? Ces questions gênantes traduisent nos peurs et notre besoin d’ordre, d’appartenir au monde commun. C’est l’expression archaïque de notre être dont nous avons gardé la mémoire ou bien le produit de notre culture.
Existe-il des moyens de communiquer sur un tabou sans heurter ? Pour chaque tabou, il y a un vocabulaire « politiquement correct » spécifique. Le tabou et l’euphémisme sont frères. Toutefois, les mots sont tellement aseptisés qu’ils ne semblent plus renvoyer à des réalités humaines. De plus, Il y a un réel paradoxe, si ce n’est une contradiction, à utiliser ce langage à l’heure où l’on parle de « minorités visibles », de « discriminations positives » ou bien d’ « égalité des chances ». On cache en même temps que l’on essaye de lever certains tabous. On peut peut-être y voir une volonté maladroite de manipuler les sujets tabous pour les exorciser sans dévoiler totalement leur arbitraire nécessaire. En effet, le silence que le tabou suppose empêche certaines minorités d’exister normalement, c’est-à-dire à l’intérieur de la norme, et entraîne parfois des contestations politiques légitimes.
Il y a donc des sujets dont « on peut » parler et d’autres non : la communication est donc encadrée par une « normalité », des normes qui se veulent assurément civilisatrices. Toutefois, il reste une volonté de savoir comme dirait Foucault. Remplacer cette norme par une autre changerait-il quelque chose ou bien la norme actuelle est-elle particulière, organisée et réfléchie, c’est-à-dire basée sur des critères civilisateurs et visant le bien commun ? À y regarder de plus près, les constructions sociales semblent arbitraire. Le philosophe explique entre autres que les normes sexuelles se seraient développées sous l’influence des États du 17ème siècle en partant du simple constat qu’il fallait encourager la natalité. Ainsi, ils auraient soutenu la sexualisation du corps féminin en marginalisant les autres sexualités.
Ameziane Bouzid
Linkedin
Sources :
« « J’aime pas mamie »: mais qui a fait cette fausse pub Carrefour ? », Le Poste Archives, 14/12/2009
 » Comment communiquer sur un sujet tabou en publicité ? « , Études & analyses, 30/03/2008 
« Les briseurs de tabou. Intellectuels et journalistes « anticonformistes » au service de l’ordre dominant », Sébastien Fontenelle, Paris, Éd. La Découverte, coll. Cahiers libres, Paris, 2012, 180 p.2016 
 » « Unhate » : la nouvelle campagne choc de Benetton « , Pure Médias, 16-11-11 
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BNP
AIDES
Reuters/Stefano Rellandini
 

Politique

S'éclairer au nucléaire

Pétitions, polémiques, peurs. Trois P associés au nucléaire dans sa représentation médiatique. Mais plus on creuse sa réalité, plus on constate que cette méconnaissance craintive est particulièrement la conséquence d’une mauvaise communication. A défaut d’un décryptage par l’aval, expliquons par l’amont : lumières sur le nucléaire.
Fukushima : l’espace du risque plaide coupable
Une centrale nucléaire produit de l’électricité à partir de vapeur d’eau qui entraîne des turbines et un alternateur. La production de vapeur est assurée par la réaction en chaîne de fission nucléaire, que l’on peut modérer par adjonction d’acide borique à l’eau du circuit primaire ou par abaissement de barres de contrôle dans la cuve.

 
Ces barres de contrôle ont été automatiquement abaissées lors du séisme survenu à Fukushima, en 2011. Les réacteurs à l’arrêt devaient cependant être refroidis mais le tsunami a détruit les moteurs en contre bas qui assuraient ce refroidissement grâce à de l’eau puisée et rejetée – eau non-contaminée – dans la Mer grâce à un passage dans un échangeur thermique. Le problème : sans refroidissement, l’eau du circuit primaire se vaporise dans la cuve. Par conséquent, les crayons combustibles contenant les pastilles d’uranium radioactif qui doivent être immergées dans l’eau afin de contenir la réaction en chaîne ne le sont plus. Les crayons, constitués d’un alliage de zirconium, réagissent alors avec cette vapeur d’eau en formant de l’hydrogène, gaz explosif. La température anormalement élevée suffit à enflammer le mélange gazeux, entraînant la destruction de la cuve et de son enceinte de confinement en béton, libérant ainsi dans l’atmosphère un panache de radioéléments. Les crayons fondent ensuite en un magma – corium – qui s’accumule et perce le fond de la cuve.
On constate l’inefficience de l’espace du risque des moteurs d’urgence car on a mal anticipé le risque de tsunami qui les immergerait : la catastrophe est bien d’origine structurelle. Pour une prévention en aval, malgré les qualités indéniables du zirconium, la recherche travaille pour concevoir une matière plus infaillible. De plus, en récupérant l’eau radioactive du circuit primaire en attente de décontamination on fait face à l’absence de station de traitement d’eau radioactive. Des centaines de barils d’eau contaminée s’entassent : l’état liquide contient la radioactivité à l’inverse de l’état gazeux qui permettrait à la radioactivité de s’échapper au gré du vent. Pour éviter l’infiltration de l’eau radioactive, le sol est gelé en attente de solution. Areva avait pour projet une station de décontamination, mais trop coûteuse, celui-ci a été avorté.
Trois piliers essentiels
Une grille de lecture face aux articles qui circulent.

Distinguer EXPOSITION et CONTAMINATION

L’exposition : la source radioactive est externe au corps qui subit ces rayons ionisants (gamma, X, UV). D’où l’importance du dosimètre pour les salariés : cela permet de mesurer, contrôler et ainsi limiter l’exposition.
La contamination peut être externe, plus aisément remédiable (particules radioactives en contact avec le corps) qu’une contamination interne (ingestion des particules). 
Le problème étant que lors d’une dense exposition et surtout lors d’une contamination,  les éléments radioactifs modifient la formule sanguine et le corps produit ainsi des anticorps contre lui-même,  ce qui peut-être mortel (exemple de Marie Curie).
Solution en aval lors d’une contamination ? Face au rejet massif d’iode radioactif lors d’un accident nucléaire, la thyroïde peut s’en imbiber. Or, une prise d’iode stable en amont sature la thyroïde permettant d’éviter cela. Cependant, les autres organes n’en sont pas plus épargnés. Radioprotection en amont est donc maître mot.

La DUREE DE VIE d’une centrale

C’est la durée de vie de la cuve où se situe le combustible nucléaire qui impose celle du réacteur car  la paroi s’abîme sous le coup de l’ionisation permanente et elle est irremplaçable. En 2014, l’Autorité de Sûreté Nucléaire a mené 381 inspections dans les centrales, dont 28 % de façon inopinée. Contrairement à ce qu’on peut lire, la transparence des contrôles est constatable à travers ses rapports disponibles en ligne. Tous les dix ans a lieu une visite décennale qui permet ou non d’accorder l’exploitation du réacteur une décennie supplémentaire.
Solution ? Les nouveaux réacteurs de type EPR ont une durée de vie théorique de 70 ans et, bien que coûteux sur le court terme, restent avantageux sur le long terme. De plus, les EPR, contrairement aux réacteurs français actuels, peuvent fonctionner avec 100% de MOX (déchets radioactifs recyclés en pastilles de combustible nucléaire) et sont conçus afin que le corium ne puisse pas, en cas d’accident, percer  la cuve.

La gestion des DECHETS radioactifs 

Véritable source d’inquiétude : si  96% des déchets nucléaires sont recyclables (MOX), 4% ne le sont pas et sont parmi les plus dangereux. Chaque année, une partie du combustible nucléaire des réacteurs est renouvelée. Le combustible usé est plongé dans l’eau 15 ans en moyenne (La Hague site d’Areva) durant lesquels il va se refroidir puisque la réaction en chaîne se perpétue. Ils sont ensuite conditionnés puis enterrés (confinement de Bure) jusqu’à ce qu’ils deviennent stables, soit n’émettent plus de rayonnements radioactifs, et pour certains cela durera des milliers d’années.
Le problème étant les fuites à cause de la déficience des matières choisies permettant le confinement. C’est un objet de recherche aujourd’hui.
Médecine nucléaire : un mariage qui vous veut du bien

Sans la radioactivité, la médecine perdrait un grand pouvoir d’action. De la radiologie au traceur radioactif, ou encore de la radiothérapie à la radio-immunologie elle est essentielle. La curithérapie par exemple (branche de la radiothérapie) est représentative puisqu’elle permet de soigner le cancer du col de l’utérus, de la prostate, ou du sein grâce à un positionnement précis du rayonnement qui permet de réduire le champ d’exposition en épargnant les tissus sains alentours.
Et si vous avez la banane, il est bon de savoir que la radioactivité n’est pas un danger en elle-même mais un processus de transformation : la banane contient du potassium radioactif qui, en se désintégrant dans notre corps, devient de l’argon (gaz) ou du calcium !
Et vous, pensez-vous que c’est le doxique qui est toxique dans tout ça ?
Allison LEROUX
 
Sources : 
Site de la Sfen – Durée de vie d’une centrale : http://www.sfen.org/fr/le-blog-des-energies/40-ans-et-au-dela-cest-possible
Site de la Sfen – Les autres utilisations du nucléaire : http://www.sfen.org/fr/lenergie-nucleaire/les-autres-applications-du-nucleaire
Site de l’ASN – Effets des rayonnements ionisants : http://www.asn.fr/Informer/Dossiers/Les-effets-des-rayonnements-ionisants
Site de l’ASN – Gestion des déchets radioactifs : http://www.asn.fr/Informer/Dossiers/La-gestion-des-dechets-radioactifs
Fiche de l’ASN PDF – Les principes de la radioprotection : http://www.asn.fr/Informer/Publications/Fiches-d-information-du-public/Les-principes-de-radioprotection
Fiche de l’ASN PDF – Les situations d’urgence nucléaire :  http://www.asn.fr/Informer/Publications/Fiches-d-information-du-public/Les-situations-d-urgence-nucleaire
Fiche de l’ASN PDF – 6 réflexes pour bien réagir : http://www.asn.fr/Informer/Publications/Fiches-d-information-du-public/Brochure-d-information-Les-6-reflexes-pour-bien-reagir
Site de l’IRSN – Qu’est-ce que la radiothérapie ? http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/applications-medicales/radiotherapie/radiotherapie-generalites/Pages/sommaire.aspx
Site de l’IRSN – Prise d’iode stable – Mettre fin aux idées reçues : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/radioprotection/situation-urgence/Pages/idees-recues-iode-stable.aspx
Site de l’IRSN – Les leçons tirées par la France de l’accident nucléaire à Fukushima : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-fukushima-2011/fukushima-2016/Pages/7_lecon-France-fukushima-2016.aspx?dId=a4c10d10-3eb2-4f22-abe4-f2e1390f8278&dwId=e54a8fba-14b7-402c-b39c-a81eec4df160
Site de l’IRSN – Information sur le nucléaire, entre secret et transparence : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/3-nucleaire-secret-transparence.aspx
Site de l’IRSN – Faut-il encourager les chercheurs à vulgariser ? http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/20-vulgarisation-scientifique.aspx
Site de  l’IRSN – Regards croisés : société civile et expert : http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/7-debat-societe-civile.aspx?dId=b2ac4afe-ab25-4376-a1ec-e633d8cee49f&dwId=e1445010-b6d4-4b73-91ad-122400d00e3c
Site de l’IRSN – Comment répondre aux français face au risque nucléaire ? http://www.irsn.fr/FR/connaissances/Nucleaire_et_societe/expertise-pluraliste/debats/Pages/14-preoccupations-Francais-risque-nucleaire.aspx
Site de l’ASN – Des dossiers pour s’informer et aller plus loin : http://www.asn.fr/Informer/Dossiers
Site de la Sfen – Le combustible nucléaire : http://www.sfen.org/fr/lenergie-nucleaire/le-combustible-nucleaire
Rapport de sûreté nucléaire : Rapport de l’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2014, p. 148
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De Panafieu et Revenu, Nucléaire, pour quoi faire ? Gulf stream éditeur, et toc !
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Politique

La récupération politique

S’il y a un domaine où le recyclage n’a pas la côte, c’est bien en politique. Pour preuve le tollé médiatique, à la suite des attentats de Bruxelles, des tweets de Robert Ménard ou encore Bruno Le Roux. Ce dernier s’est empressé de poster un tweet fustigeant l’attitude de la droite sénatoriale dans le débat sur la déchéance de la nationalité, et ont vu l’ensemble de la twittosphère lui tomber dessus malgré des tentatives détournées de faire oublier son tweet.
Mais en quoi consiste vraiment la récupération politique ? Il s’agit d’un procédé qui consiste à se servir d’un événement survenu dans l’actualité pour servir son parti, sa campagne ou ses idées politiques, tout en se parant du voile des bonnes intentions, et en se mettant dans une posture moralisatrice presque prophétique sur le mode du « je vous avais prévenu ».!

Déplacer un événement de la sphère publique pour l’arrimer à la sphère politique ?
La première question qui se pose face aux régulières vagues d’indignation que suscitent les interventions de tel ou tel personnage politique est de distinguer, dans une perspective presque harendtienne, ce qui relève du politique de ce qui n’en relève pas. Cela nous renvoie à la notion d’espace public développée par Habermas. Si l’espace public relève de la souveraineté populaire, en bannit-il pour autant le politique ? Philippe Chanial, dans son analyse L’éthique de la communication : une politique des droits démocratiques ? résume la pensée d’Habermas par le fait que « si la réalisation de la démocratie exige une extension toujours inachevée et toujours menacée de la discussion publique à un réseau sans cesse plus large de relations sociales, ce projet, parce qu’il doit faire face à la réalité des rapports de pouvoir, à la dynamique de répressions systématiques des intérêts universalistes, doit bénéficier de garanties institutionnelles ».
Réguler l’intervention du politique dans l’espace public
Mais qu’est-il reproché au politique ? Intervenir en tant que citoyen pour exprimer ses émotions, ou utiliser l’événement pour soutenir son propos ? La faute serait-elle de faire de la politique du fait divers, de se servir d’un événement particulier pour en faire une généralité ? Alors que dans le même temps les médias incitent les citoyens à interpeller personnalités politiques (bien que ces interpellations soient parfois refusées, à la manière de Christiane Taubira, qui dans l’émission « Des paroles et des actes » dit faire silence face aux victimes (DPDA, jeudi 5 septembre 2013). Pourquoi alors les politiques font-ils part de leurs états d’âme quand ils savent pertinemment que cela va se retourner contre eux ? Les mêmes politiques qui, entre eux, « récupèrent la récupération », la considérant comme une arme facile pour décrédibiliser un adversaire.
La phénoménologie du politique
Louis Queré voit l’espace public comme un espace tampon entre état et société civile. Il essaie d’aller au-delà des analyses d’Habermas en faisant appel à la perspective phénoménologique d’Harendt. Il insiste en effet sur la scénarité de l’espace public et du jugement que peuvent en porter les individus.
Vollrath, qui analyse la pensée harendtienne, en déduit que « le mode de pensée politique de Hannah Harendt considère les thèmes du champ politique non pas comme des objets mais comme des phénomènes et des apparitions. Ils sont ce qui se manifeste soi-même, ce qui apparaît aux yeux et aux sens. Les phénomènes incluent ceux à qui ils apparaissent, de même que l’espace dans lequel ils adviennent, qui détermine la relation qu’il y a entre les phénomènes et ceux qui les perçoivent ». « l’espace dans lequel surviennent les phénomènes politiques est créé par les phénomènes eux-mêmes » Ou, pour le dire plus précisément, il est créé par les personnes dont les actes constituent les événements politiques.
Ainsi, la récupération politique ne serait donc qu’une sorte d’invention journalistique pour justifier les interventions de telle ou telle personnalité sur un événement qui n’a pas forcément de lien direct avec elle(comme Jacques Chirac et la coupe du monde de football 1998). Il semble cependant que le phénomène de récupération soit encore plus malvenu lorsqu’il concerne des situations dramatiques.
Serions nous-arrivés dans ce que Pierre Le Coz appelle « le gouvernement de l’émotion » ?
L’émotivité de l’espace public
Les politiques doivent faire face à un espace médiatique schizophrène qui, d’un côté les dissuade d’intervenir, et de l’autre organise à la télévision ou encore à la radio, des lieux propices à l’échange où se mêle intérêt particulier et général. C’est ainsi que dans les matinales de radio les questions des auditeurs ont pour but d’apporter à un cas personnel une réponse globale. De même à la télévision, lorsqu’un citoyen interpelle un politique, il y a bien confusion entre ce qui est privé et ce qui ne l’est pas. Faire entrer le privé dans la sphère publique n’est en fait permis que lorsque cela est fait par la personne concernée, une sorte de « récupération citoyenne » en somme. Les médias sont en quête de sensationnel, et ont bien compris le caractère hyper-sensible de la société lorsque le politique s’en mêle.
Jérémy Figlia
Sources : 
http://www.francetvinfo.fr/sports/foot/coupe-du-monde/les-politiques-francais-champions-de-la-1 recuperation-du-foot_463304.html 
https://www.youtube.com/watch?v=_Q1_VcxweHE2
http://www.scienceshumaines.com/le-gouvernement-des-emotions_fr_33546.html3
http://www.persee.fr/doc/quad_0987-1381_1992_num_18_1_972
https://basepub.dauphine.fr/bitstream/handle/123456789/8767/Ethique%20de%20la%20communication.PDF?sequence=1