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Eye See You

 
Tremblez, pudiques, voici venir l’EyeSee !
Internet va peut-être perdre sa place de meilleur fournisseur d’informations aux marques sur leurs clients, face à ces mannequins dont un œil abrite une caméra et un logiciel de reconnaissance faciale. Cette technologie, initialement conçue pour intercepter des criminels en vadrouille dans les aéroports, a été reprise par l’Italien Almax. Elle a été ajoutée à sa gamme de luxueux présentoirs dans un tout récent modèle à 4000 euros (5130 dollars).
Les rapports varient, mais l’on parle de quelques douzaines d’EyeSee déjà commandés par une clientèle dont Almax préserve jalousement l’anonymat. Elle engloberait cinq marques de luxe, une américaine et quatre européennes.
Le constructeur précise à travers son PDG Max Catanese que les capacités de l’EyeSee se limitent à la collecte de données sur la tranche d’âge, le sexe et l’ethnie des clients qui passeront à sa portée. La vidéo elle-même, et avec elle l’identité des visiteurs, n’est pas conservée – ce qu’assurent des mesures de sécurité inclues à la fois dans le hardware et le software de la caméra. L’objectif serait précisément de protéger la vie privée des clients, tout en obtenant leurs profils pour des adaptations rapides des stratégies marketing, et plus directement de l’aménagement des boutiques. Rappelons que l’industrie du luxe n’a aucune raison de refuser un moyen de relancer sa croissance, divisée par deux depuis l’année dernière (selon des prédictions à 5% en 2012 par Bain & Co.). Almax cite ainsi l’exemple d’un gérant ayant remarqué grâce à l’EyeSee que l’une des entrées de son magasin voyait passer une clientèle pour un tiers asiatique après 16h. Il y a donc posté un vendeur sinophone pour mieux l’accueillir.
Enfin, il est prévu de donner une dimension auditive à la capacité d’observation du mannequin. Il pourra ainsi reconnaître des mots dans les commentaires faits sur sa tenue, et en faire un rapport exploitable.
Il est bien sûr beaucoup trop tôt pour parler d’un Flop avéré, malgré la tiédeur des premières réactions. Les commentaires de professionnels sont pour le moment à l’équilibre entre l’admiration devant les perspectives qu’Almax ouvre en matière de marketing – Uché Okonkwo de Luxe Corp. a par exemple encensé le procédé – et l’évidente inquiétude qui les accompagne. Luca Solca, chef de recherche sur les produits de luxe à Exane BNP Paribas Londres, a eu cette simple formule : « It’s spooky »(1).
Il n’est pas anodin que le groupe Benetton ait initialement nié avoir commandé des EyeSee chez Almax, prétendant s’être limité aux modèles plus conventionnels, pour ensuite reconnaître l’achat. Leur service de communication a probablement craint de provoquer le dégoût chez les consommateurs, comme c’est déjà majoritairement le cas sur Twitter.
Pourtant, la collecte d’informations est monnaie courante sur Internet. Mais chacun a le choix d’utiliser les réseaux sociaux et de renseigner ses informations personnelles, comme le souligne Christopher Mesnooh du cabinet parisien Field Fisher Warehouse, ajoutant que ce n’est pas le cas lorsque l’on se contente de déambuler dans une boutique.
Certes, les caméras de sécurité de la moindre épicerie sont bien plus à même de divulguer des identités que l’EyeSee. D’ailleurs, ce type de technologie a déjà été utilisé pour des caméras de plafonds sans causer d’émotion particulière. Mais reste le fait simple que ce mannequin regarde le visiteur en plein visage, relevant des données qu’il est absolument impossible de vérifier pour un particulier. Au reste, rappelons que ces nouvelles pratiques rencontreront plus d’obstacles dans l’Hexagone. En France, l’installation d’un dispositif de surveillance requiert une autorisation préfectorale, et un motif qui ne soit rien d’autre que l’amélioration de la sécurité du lieu. Cela étant, cette technologie peut très bien être justifiée comme un moyen de prévenir le vol à l’étalage.
Le plus marquant est simplement que dorénavant, les mannequins-espions existent, presque dans la même veine que l’androïde interactif du Dr. Hiroshi Ishiguro. Certes, Almax rassure sur sa capacité à éviter les abus de sa technologie. Mais rien ne dit que d’autres entreprises ne montreront pas de plus maigres scrupules. La fonctionnalité de mémorisation des visages par l’EyeSee est par exemple déjà opérationnelle – notamment pour identifier les employés et ne pas les confondre avec la clientèle. Elle requiert cependant l’autorisation des sujets.
Si abus il y a, ou si l’EyeSee génère effectivement un renouvellement du marketing sur le terrain, FastNCurious sera au rendez-vous pour examiner ce sujet avec plus de recul.
 
Léo Fauvel
(1) « c’est sinistre »
Sources :
Bloomberg
Twitter
Le Monde – Big Browser
La plaquette du EyeSee sur le site d’Almax
Crédits photo : © Almax

Never Say No To Panda Ad
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Panda is the new cat

 
Entre les chats et les pandas, mon cœur balance… Quoi que ! Fini le succès des « funny cats » sur la toile, voici venu le temps « des rires et des chants », ou plutôt des… pandas ! Grosse peluche inoffensive au regard attendrissant, cet animal est devenu la star des réseaux sociaux et des nouvelles passions animalières. Oui oui, il y a bien des pandas partout sur Internet, mais ils font aussi l’objet de nombreux produits dérivés comme des bonnets ou encore des sacs à dos (la nouvelle folie des cadeaux d’anniversaire) : alors parlons-en !
Mais la vision du gentil petit panda ne semble pas faire l’unanimité partout dans le monde. Et c’est la campagne publicitaire pour un fromage égyptien de 2010  qui va nous l’illustrer avec ses très fameuses vidéos « Never say no to panda » que vous n’avez pas pu rater tellement le buzz fut énorme. Ces petites scénettes de la vie quotidienne montrent un panda plus que susceptible mais surtout violent et flirtant avec le politiquement correct lorsque l’on refuse de goûter son « Panda Cheese ». Le panda-mignon se transforme en enfant capricieux qui n’a sûrement pas été suffisamment frustré. Et c’est un véritable succès. La marque de fromage Panda voulait frapper fort… C’est réussi ! Et Internet a largement suffit à cette campagne de publicité à la foi hilarante et choquante, mais surtout à voir absolument. Petite précision pour les curieux : cette campagne a tout de même remporté le lion d’argent aux Lions de Cannes 2010 !
Vous allez donc peut-être arrêter (enfin !) de regarder des photos de pandas sur Internet et de les partager à tout va sur Facebook (autre cover et cie) après avoir vu cette vidéo qui va briser votre passion pour ces animaux.
Juste pour le plaisir, Never say no to panda, juste là…

Mais comme nous le savons, un panda a, certes, des tâches noires (sur son parcours notamment) mais il est aussi blanc, d’un blanc attendrissant et tout aussi innocent que les discours qui cachent ce que l’on appelle le « marketing de la rareté ». Mais ici, pas besoin de favoriser l’image de marque du panda et sa rareté réelle (c’est bien connu, ils sont en voie d’extinction), ni même de générer un buzz (yes, panda is already the new cat) : il s’agit bien de lancer une action communicationnelle pour leur défense. Et l’originalité du projet doit être soulignée : finies les campagnes choc WWF, qui avait déjà saisi le potentiel de l’animal avec son « Would you care more if I was a panda ? ». L’heure est au concours pour devenir Pambassadeurs !

Un petit point explicatif pour poser le contexte du propos : la « Chengdu Panda Base » (le Centre de recherche et de reproduction de pandas géants de Chengdu en Chine), en partenariat avec l’ONG WildAid, a lancé le 10 septembre dernier son programme mondial « Pambassadeurs 2012 » dont le but est de recruter trois représentants à la fois amoureux des pandas et passionnés par la protection des espèces menacées. Ces « Pambassadeurs de Chengdu » participeront au « Global Panda Protection Tour » en 2013, un tour du monde de cinq mois pour sensibiliser le public à la protection des pandas.
Cette campagne communicationnelle est le fruit de l’agence Ogilvy Public Relations, présente à la fois en France mais aussi à l’international, et se construit autour d’un territorial branding pour Chengdu plutôt réussi :
–          Le concours fut lancé uniquement sur Facebook avec le Panda Quest et une page plus qu’active, relayée par de nombreux tweets  (bref, vive les réseaux sociaux).
–          Le clip de Psy Gangnam Style, aujourd’hui mondialement connu, fut détourné pour un Gangnam Style Panda croustillant réalisé à Londres

–          Les rues de plusieurs capitales comme Bruxelles, Londres, Singapour ou Washington furent envahies par des pandas de peluche à la recherche de candidats pour le concours.

Les pandas sont partout et pourtant peu nombreux dans le monde : un paradoxe intéressant mais surtout un enjeu bien réutilisé par l’agence Ogilvy Public Relations à travers une campagne communicationnelle exclusivement réalisée sur Internet, jouant ainsi sur l’effet buzz des pandas sur la toile. Tout est donc passé par les réseaux sociaux et les vidéos promotionnelles – comme la vidéo officielle ci-dessous que nous pouvons rajouter à la liste  – s’insérant ainsi de manière efficace et discrète, dans la logique déjà existante de la « Panda-folie ». Les minous ont bien été détrônés.

Laura Lalvée
Sources :
Ledevdurable.com
KnowYourMeme
Lavenir.net

Campagne Illettrisme DDB Paris
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L'hôpital et la charité

 
C’est une histoire qui pourrait commencer comme une fable. Le rôle de l’hôpital serait tenu par une agence qu’on appellerait DDB Paris, et la charité, la bonne cause, ce serait l’illettrisme. Imaginez à présent des affiches, une femme sur une plage superbe, un tour de poitrine avantageux, un sourire espiègle, les ficelles de toujours pour nous vendre de la crème solaire, ce maillot de bain dont rêvent les dames, ou je ne sais quoi encore. Là, c’est un maillot de bain, ici c’est un club de vacances, un peu plus loin du mascara, une voiture, un film. Les suspects habituels donc.
D’un autre côté, la charité. C’est l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme, les « trois millions de français » qui ne savent pas lire ou très mal, et qui ne comprendront pas ce qui se joue sur ces affiches.
Le ressort est simple. Il y a des lieux communs de la publicité : comprendre, les femmes à poil, les cils ultra recourbés, la voiture façon packshot. Ces publicités sont partout : dans vos magazines, au coin de la rue ou à travers les fenêtres du métro. Quand on ne sait pas lire, ce qu’on voit c’est l’image du texte. La seule énonciation qu’on est à même de comprendre, c’est l’image. Cette même image d’Epinal qui sert de moule à la plupart des productions publicitaires. DDB (l’hôpital) s’amuse du moule (son gagne-pain) pour défendre sa bonne cause (l’illettrisme). Le regard réflexif est de bon aloi en ces temps de publiphobie, et en prime une belle morale : pauvres illettrés, si facilement trompés, et voilà la population française sensibilisée à ce problème.
Mais une fable n’est jamais simple. Car la mise en situation est intéressante : imaginer l’écart de sens perçu par ceux qui savent lire et ceux qui ne savent pas, entre celui qui comprend et celui qui ne comprend pas, entre celui qui est dupé et celui qui ne l’est pas. Pour achever sa démonstration, l’hôpital (DDB) a assigné à son affiche publicitaire une fonction singulière, et pour le moins étrange : berner (même un instant) celui qui la regarde. Une publicité pourrait-elle donc mentir ? Mais passons, puisqu’ici cela sert le propos.
Autre fiction. Imaginons à présent qu’au lieu du texte contre l’illettrisme on ait un autre genre de faux texte : « plus de 3 millions de françaises croient sincèrement que leurs cils ressembleront à ceux de la dame sur la photo avec notre produit » ou « plus de 3 millions de français croient sincèrement que ce smartphone est vraiment différent de celui qu’on a sorti il y a 1 an ». La ligne de démarcation se fait toujours entre ceux qui comprennent et ceux qui ne comprennent pas. Il n’est plus question de lecture mais d’intelligibilité. DDB (l’hôpital) avec ses affiches amorce une mise en situation à même d’introduire un soupçon de lucidité dans nos cerveaux.
Si la publicité a pu nous tromper pour faire passer son message sur l’illettrisme, que pour cela elle se sert des ressorts coutumiers dont elle a le secret, le reste du temps que fait-elle ? Pourrait-on donc nous tromper si facilement ?
L’hôpital se serait-il foutu de la charité ?
 
Rui Ferreira

Guerilla Marketing, Scholz and Friends, Jobsintown, Street Marketing, Jay Conrad Levinson,
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Du Guérilla marketing dans nos distributeurs

Quel est le topo ? Jobsintown, agence d’emploi allemande, a lancé l’an dernier une campagne publicitaire au slogan fatidique « Life’s too short for the wrong job », autrement dit, enfin autrement traduit : « La vie est trop courte pour se tromper de métier ». S’il est intéressant ici de revenir sur une campagne pourtant vieille d’un an, c’est qu’elle introduit une problématique ou plutôt un art de faire pub de plus en plus prisé chez les publicitaires du 21ème siècle, le guerilla marketing. Mais avant de revenir sur ce concept quelque peu flou et ténébreux, détaillons un peu plus les images. Zoomons.
Ce sont des affiches créées par l’agence Scholz and Friends (dont le siège social est basé à Berlin), faites pour tenir sur le côté de certaines machines de service (machine à café, juke box, machine à fabriquer les glaces et autres folies robotisées). Elles en révèlent l’intérieur fictif, où une personne logée à l’étroit œuvre sans relâche pour faire fonctionner l’appareil. La représentation de l’esclavagisme moderne, en somme. Les affiches ne manquent bien sûr pas de mentionner l’URL de jobsintown.de, site web où les visiteurs peuvent consulter des centaines d’offres d’emploi dans des secteurs divers et variés afin de trouver Le métier, the One, celui de ses rêves les plus fous. Le slogan prend alors tout son sens, la cohérence interne du message fonctionne, c’est bien, mais il n’est pas question de s’arrêter là pour notre analyse.
En effet, ces affichages colorés soulèvent la problématique tant actuelle de la publicité, qui se voudrait invisible dans une atmosphère de publiphobie ambiante : de nos jours, on n’aura jamais assez dit que la pub est capitaliste, image d’une consommation à gogo et de l’ère du « tout-tout de suite » etc. A l’image des « Reposeurs » masqués qui sévissent dans les métros de paris, la foule en a marre : trop de pub tue la pub.
D’où la naissance du concept ô combien guilleret du guerilla marketing (remarquez l’allitération en « gue »). Comment la publicité peut elle continuer à nous publiciser sans qu’on ne le remarque, comment peut elle agir tout en masquant ses rouages, comment la fin peut elle être possible sans les moyens ?
Le guerilla marketing semble être la solution à ce chiasme « fins visibles/moyens invisibles ». De plus en plus en vogue, le Guerilla marketing, c’est avant tout un concept lancé par le livre de Jay Conrad Levinson, qui y décrit un marketing créatif non conventionnel, aux méthodes peu conformistes, qui fait appel à des stratégies innovantes et peu onéreuses. Tout est dit. Ici, il prend son expression à travers le street-marketing afin de sortir des sentiers battus de la communication mais surtout, nous sortir de notre quotidienneté publicitaire. « Tout nouveau tout beau », la maxime est bien connue : les récepteurs n’y voient pas tant de la pub qu’un divertissement, tout en ingérant, avec les mêmes délices, la stratégie communicationnelle de l’annonceur. La pub se banalise, grâce au street marketing, elle opère dans la rue, au travail, au supermarché … vous l’aurez compris en un mot : dans nos environnements quotidiens. Ce melting-pot entre la publicité et la réalité urbaine, qui fonctionne assez bien si l’on en croit l’ascension croissante de ce mouvement tout neuf, est donc l‘avenir de la pub dépublicitarisée* de demain.
Enfin, tout ça est bien joli mais venons en au point clé de l’interprétation, celui là même qui permet de relier guerilla marketing et insertion voire carrément intrusion de la pub au creux de notre « intimité urbaine », oxymore si il en est. En effet, ici, double enchâssement qui renforce cette dissolution sémiotique de la publicité dans la réalité jusqu’à un effacement parfait des frontières entre ces deux domaines.
Primo, premier enchâssement dont j‘ai déjà parlé et reparlé, celui de la publicité au cœur de notre quotidien via le guérilla marketing.
Mais secundo, (et c’est là que ça devient intéressant), une mise en abîme du premier enchâssement dans un deuxième enchâssement : le quotidien doit dorénavant composer avec des particules de publicité ça et là qui se veulent « cachées », afin de ne pas brusquer le spectateur dans sa clôture communicationnelle. Ici donc, la vie quotidienne est capturée via le cadre de l’affiche qui se trouve inséré dans la machine : telle une radiographie, la pub nous révèle l’intérieur de la machine par effet de fausse transparence, elle capture notre quotidien au sein d’un cadre qui n’est autre que les délimitations de l’affiche pour mieux le faire fondre avec la réalité. Tel un effet caméléon qui s’ignore, l’affiche s’affiche dans un déni d’anachronisme urbain.
La guérilla marketing se trouve alors étagée à deux niveaux pour deux fois plus de transparence. Ou du moins illusion de transparence. La publicité n’est plus pub mais acte de notre quotidien. Le guérilla marketing est opérationnel.
Avec Scholz and Friends, vous ne regarderez plus vos distributeurs préférés de la même façon …
 
Claire Lacombe
* Concept inventé par Valérie Patrin-Leclere

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Jacques a dit : le client est Empereur

 
Ou So Ouest, l’anti-centre commercial.
« So Ouest, le centre commercial urbain chic qu’attendait l’Ouest parisien »
Ainsi se définit le nouveau complexe commercial qui a émergé du sol levalloisien cette année, affichant la motivation de servir le confort et le bien-être du Consommateur. Il ne s’agit plus ici d’un client lambda, mais bien d’un portefeuille-sur-pattes ayant reçu ses lettres de noblesse. Le client est Roi n’est-ce pas, eh bien So Ouest le reconnaît Empereur. L’Ouest parisien que vise le centre constitue en effet un vivier d’habitants aux revenus aisés, des quartiers de nantis qu’on ne présente plus. Les mots d’ordre, « confort » et « bien-être », sont exactement  ceux que rechercherait tout  hôtel de luxe. Cette analogie ressort d’autant plus avec le scintillement des quatre étoiles en dessous du nom So Ouest, et se veut constitutive de l’identité du centre… d’une contre-identité.
Le centre commercial non seulement s’adapte au terrain qui l’accueille, répondant à une attente, mais se démarque également en innovant. Eldorado d’hier,  sa raison d’être serait facilement caduque aujourd’hui quand il suffit de quelques clics au e-consommateur pour accéder à la caverne d’Ali Baba. Il devient alors impératif de justifier le déplacement de ce pantouflard : transposition de l’intérieur cosy qu’on lui fait quitter (cf la galerie de portraits au détour d’une allée et les puits de lumière naturelle), exotisme et rareté (marques phares étrangères comme Hollister ou Marks & Spencer), design et matériaux nobles (le guichet information devient un comptoir en marbre style Louis XV) et surtout, surtout, offre d’une qualité de services incomparable. Outre les i-pads en libre consultation, un personnel en veston rouge se tient également à sa disposition, lui indique aimablement telle enseigne, voire fait le pied de grue au service voiturier/scooturier. Un bus aux couleurs de So Ouest le ramène même jusqu’à la place de l’Etoile…à condition qu’il soit détenteur du sésame de fidélité. Faut pas (trop) rêver non plus.
C’est ainsi tout ce que promet le label « **** », sur les affiches de publicité tapissant les murs du métro…à l’opposé de l’imaginaire rattaché au centre commercial, glauque et commun, jalon du quotidien, telle une corvée devenue superflue grâce au e-commerce. Plus qu’un regroupement de magasins, le centre se constitue comme une destination à part entière, classée dans la catégorie des loisirs. Il prend la tangente de l’acte banal et presque animal de consommation, en affirmant un caractère exceptionnel, caractère dont la revendication appartient au monde du luxe, de ce qui est hors du commun. Sa nouvelle identité est bel et bien créée et consolidée par toute la stratégie de communication qui vise la personnalisation du centre, sa démarcation : le consommateur représenté par une jeune femme dans la campagne publicitaire se repose sur le sigle du centre. Celui-ci sert de soutien, on y prend appui, ce qui justifie la promesse de confort et de bien-être. Cette identité se décline aussi dans l’application So Ouest pour Smartphones et I-pads, surfant sur la vague de l’air du temps technologique. Elle devient même emphatique, créatrice de buzz par exemple à propos de l’ouverture du centre. Cette naissance officielle s’institue comme rendez-vous incontournable, prenant les allures d’un spectacle dont le concert de Yuksek marque justement le clou, et que les vidéos en ligne invitent à revivre.
So Ouest se renouvelle par la contre-identité, instituant une nouvelle ère d’hybridation des structures commerciales.
 
Sibylle Rousselot
Source :
 

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Deux anglais à Levallois Perret

 
Avec E. Leclerc, Marks and Spencer partagent la tête d’affiche de l’ouverture du nouveau centre commercial de l’ouest parisien : So Ouest, l’occasion de revenir sur l’histoire française du groupe anglais.
 
2001, quand Marks & Spencer filent à l’anglaise
 
Après 25 ans de présence sur le territoire français, la marque avait brutalement fermé ses 18 magasins, laissant un souvenir médiocre dans l’hexagone. 1700 salariés avaient alors été licenciés par l’envoi d’un simple e-mail de la direction. Une méthode peu glorieuse qui a nécessairement entaché l’image de la marque. Le retour de M&S en France, n’est pas tant l’occasion de se remémorer la déception des salariés de l’époque. Les nouveaux dirigeants préfèrent s’étendre sur le manque éprouvé durant toutes ces années par leurs pauvres consommateurs, amateurs de l’English way of life. Malgré ce triste départ au goût de chômage et de lutte salariale, la marque serait restée ancrée dans l’esprit des français.
 
The English touch
 
Si la majeure partie de l’activité de Mark and Spencers  se réalise dans son berceau, la marque a conscience de l’importance de s’ouvrir à l’étranger. S’exporter rend le groupe moins dépendant du marché d’un seul pays. De plus, qui dit exportation, dit exportation de la culture anglaise comme argument de vente auprès des étrangers. La marque a tout intérêt à jouer de son English style dans les 42 pays qu’elle a investis.
Marks and Spencers, pour beaucoup de consommateurs, c’est un peu d’Angleterre à la maison. Il est vrai que l’île n’est pas réputée pour sa gastronomie et est souvent moquée pour sa Jelly (dessert translucide non identifié). Pourtant, la marque a su tirer partie de son origine et profite encore des amateurs de scones, thés et marques emblématiques telle que Mc Vitie’s. Elle attire également par ses vêtements réputés classiques mais bien coupés, et de bon rapport qualité-prix. L’efficacité anglo-saxonne en somme!

 
Une image de Marks & Spencer bien soignée
 
Marks and Spencer, c’est d’abord le nom d’une société qu’on devine riche en histoire. On imagine la montée de ces deux immigrés en Angleterre, qui en 1884, ont bâti les bases solides de la firme qui n’a cessé de se développer ensuite. Mais c’est aussi un acronyme : M&S, de plus en plus utilisé par la firme elle même. Une signature qui s’impose parmi d’autres marques de grande notoriété (H&M, J&B, D&G). L’utilisation d’un camaïeu de vert pour le logo parait judicieuse, surtout lorsqu’on propose un large choix en alimentation (McDonald’s l’a bien compris il y a quelques années). Bref, l’image de M&S est moderne, simple, épurée, donc efficace.
Rayon vêtements, Marks and Spencer proposent, ce qu’ils appellent eux-mêmes différentes “marques” aux ciblages différenciés. Autograph est, par exemple, la marque plus jeune qui s’exporte le mieux à l’étranger, tandis que Classic est ostensiblement orientée seniors. Créer ses propres marques permet à M&S de mettre en valeur la variété et la cohérence de son offre. La firme semble être présente sur tous les fronts et se suffire à elle même. Pourquoi aller dans d’autres magasins puisqu’on peut tous manger M&S, s’habiller M&S et décorer sa maison M&S ?
 
Le Come Back
 
Il y a un an, la marque faisait son retour remarqué sur, ce qu’on n’a cessé de rappeler alors,  “la plus belle avenue du monde”. La soirée d’ouverture du magasin conviait de nombreux journalistes chez leurs voisins de pallier, le Fouquet’s, au 99 avenue des Champs Elysées. On peut dès lors se permettre d’établir un rapprochement entre cette invitation et l’enthousiasme des médias pour le retour de la marque en France. Le jour de son ouverture, une file d’attente de presque mille personnes s’étalait devant le nouveau magasin. C’est peu comparé aux disciples Apple, mais il n’y a pas de quoi rougir tout de même. L’objectif des dirigeants était alors d’atteindre une forte visibilité, plus que de réels résultats commerciaux (sur lesquels ils sont assez discrets, sauf quand il s’agit de rappeler leurs ventes exceptionnelles de sandwichs). Ce magasin a parfois déçu les consommateurs car il était incomplet. Et pour cause, il a surtout servi de vitrine, de teaser, avant l’ouverture de ses grands frères. Il annonçait également l’ouverture du site de vente par internet en français. La société aime rappeler qu’elle table sur une stratégie “Brick and mortar”.
 
M&S à l’Ouest
 
Fort de ses 7000 mètres carrés, le Marks and Spencer, qui a ouvert dans le nouveau centre commercial de Levallois Perret, est le plus grand du groupe en Europe continentale. So Ouest est sans doute un bon écrin pour la marque avec un emplacement avantageux, peu éloigné de la capitale. La marque bénéficie également de la communication importante du centre commercial (aux 54 314 “j’aime” sur facebook à l’heure actuelle).
Aux nombreuses publicités annonçant l’arrivée d’un nouveau centre commercial “4 étoiles” dans les couloirs du métro, se sont donc ajoutées celles de Marks and Spencer. La marque britannique communique sur ses deux activités principales : le prêt à porter féminin et l’alimentaire. Les affiches 4 par 3 mettent en scène des mannequins féminins aux physiques très variés, rhabillées pour l’hiver. D’autres jouent sur un genre de photos très en vogue en ce moment : de gros plans sur des plats ou des muffins alléchants. Le style et simple, moderne, en cohérence avec l’image de la société britannique. Ajoutez à cela des recettes de “cuisine British” sur le site internet de la marque, l’Angleterre passerait presque pour le pays de la gastronomie !
Marks & Spencers souhaite continuer son expansion en île de France avec l’ouverture prochaine de magasins dans le 15ème arrondissement et dans les Hauts-de-Seine. On est encore loin des 18 magasins d’avant 2001, mais un retour par étapes est conseillé pour éviter d’autres traumatismes.
 
Agathe Laurent
Sources :
MarkandSpencer.fr, ici et là
Le Monde
Courrier International
Stratégies
L’Express
Wikipedia
Le Nouvel Obs
Les Echos
Bondy Blog
LSA
Crédits photo : © Marks & Spencer
 

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Le goût du vin

 
Nous avons tous (ou du moins la plupart d’entre nous) cinq sens bien distincts… L’ouïe, la vue, le toucher, l’odorat, et le goût. Ces deux derniers sont ici ceux qui nous intéressent puisque nous parlons de vin, et le vin, ça se sent et ça se boit !
La « fabrication » du vin, est un travail qui demande du temps et de l’assiduité. Pour qu’un vin soit bon, deux facteurs majeurs entrent en jeu : la qualité du terroir et du raisin, mais aussi, le travail de l’homme, travail de vinification. Il est alors possible de juger de la qualité intrinsèque du vin, et depuis plusieurs siècles maintenant des dégustateurs les notent et les classent afin que l’on puisse savoir lesquels sont les meilleurs. Qui n’a jamais vu sur une bouteille la mention « 1er Cru », « Grand Cru », ou même « Appellation d’origine contrôlée » ? Chacune de ces mentions participe de la hiérarchisation qualitative du vin qui a pour but de donner au consommateur des repères, et également, d’une certaine manière, justifier les prix.
Seulement, ne peut-on pas également dans une certaine mesure analyser l’effet inverse, prendre les choses dans l’autre sens ? Et ainsi ne pas simplement analyser ce rapport comme univoque mais réciproque ?
Une forme de cercle vertueux (vicieux ?) se dessine alors progressivement, car si la qualité même du vin influence sa place dans une hiérarchie, le classement et l’image qui pourvoient un certain gage de qualité, ne peuvent-ils pas altérer de manière concrète notre perception du vin ? Un vin de très bonne qualité pourrait acquérir une renommée et une place dans les classements qui donnent au goût du vin une dimension supplémentaire. L’importance de cette dimension dans le vin ne peut pas être négligée.
Au fil du temps, par ce cercle vertueux, certains vins acquièrent une aura quasi-légendaire, je pense notamment aux grands châteaux du Médoc, tels que Lafite ou Latour, dont les prix dépassent l’entendement. Ces vins sont certes intrinsèquement d’une qualité exceptionnelle, mais proportionnellement de nombreux châteaux du Médoc font des offres plus intéressantes. Il est aisé de voir ici que ce n’est pas cette qualité intrinsèque qui est exclusivement prise en compte. Un verre de vin peut offrir des goûts et arômes par milliers, et son histoire s’étend sur des milliers d’années.
C’est l’histoire ici qui nous intéresse, ce n’est pas simplement le raisin qu’il faut cultiver, mais l’histoire. La légende de nombreux vins ne se construit pas uniquement sur la qualité qu’ils produisent, mais aussi sur l’imaginaire qu’ils ont réussi à construire autour de la bouteille.
Le siège du goût est dans notre système cérébral, or la culture et l’imaginaire y ont eux aussi fait leurs quartiers.  Le goût est un phénomène culturel, or le vin qui procure du goût, offre à étudier une culture qu’aucun autre aliment ou boisson ne saurait offrir. L’histoire, les terroirs, les cépages, la couleur, les paysages… Le vin se prête de par sa nature même à l’évocation d’imaginaires, de légendes et d’histoires. Lorsque l’on connaît l’histoire d’un vin dont on tient un verre entre les doigts, lorsque l’on prend conscience de son histoire, sa réputation et même son prix, on ne boit pas la même chose que si c’est le même sans la connaissance artificielle, certes, que l’on peut en avoir. Cet artifice apporte beaucoup au vin. Vous ne ressentirez pas la même chose en buvant une flûte de Krug en sachant que c’en est que sans le savoir. Vous le savourerez beaucoup plus. Il est possible de jouer là-dessus.
C’est à ce moment que la communication et le marketing entrent en jeu. La mise en valeur, voire même la construction d’un patrimoine historique s’avère importante dans la production d’un vin.
Il s’agit de développer la marque, l’image et le nom de par une association forte à l’histoire et au patrimoine d’un producteur.
Il s’agit d’en faire un art, une fabrication humaine complexe à la fois technique et créative. A la fois sensible et intellectuelle.
Ce n’est plus simplement boire pour s’abreuver, mais bien goûter pour pénétrer un monde offrant de multiples paysages, cultures, et source d’émerveillements sous-estimés.
Ceci n’est qu’une simple introduction qui ne se veut d’aucune manière d’une quelconque forme de prosélytisme, je souhaite simplement rendre compte d’un domaine d’analyse de la communication très intéressant qu’est le vin. Il est notoire que le goût est culturel, mais il est toujours bon de le rappeler, et de souligner que le vin plus que tout autre chose se prête à une telle assertion.
Gardez bien en tête, cette idée qui justifie et résume tout ce que je viens de dire. On ne boit pas pour oublier, on goûte pour se souvenir.
 
Pour ce faire, il est aussi proposé aux étudiants du CELSA d’être initiés à la dégustation et à la découverte du vin, que l’on soit déjà érudit ou bien que l’on présente la curiosité et l’intérêt nécessaires à l’apprentissage. C’est en tout cas la mission que s’est donné Wine Not ?, un groupe formé d’étudiants du CELSA avides de découverte pour certains, et enthousiastes à l’idée de partager et faire partager leur passion pour d’autres, qui tâche de se réunir régulièrement afin de déguster des vins.
Ce club de dégustation est ouvert à tous ceux qui témoignent l’envie de découverte et d’apprentissage, dans le respect du vin et du patrimoine culturel qu’il constitue.
La prochaine dégustation aura lieu le mercredi 28 Novembre dans la salle de dégustation de l’agence SOWINE. Les places étant limitées, l’événement est déjà complet, mais tous les intéressés peuvent contacter Wine Not ? pour être sur liste d’attente ou/et pour plus d’informations au sujet de futures dégustations.
N’hésitez pas à vous joindre à nous !
 
François Philipponnat
 
Crédits photo : 

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Red Bull : la marque qui a fait le saut

 
Le 20 juillet 1969, 500 millions de personnes se réunissaient pour regarder les premiers pas d’un homme sur la Lune. Quarante trois années plus tard, c’est un saut qui cette fois rassemble à nouveau les individus, celui de Felix Baumgartner. Entre temps, les conditions ont bien changé. La mission Apollo 11, premier grand événement médiatique, fut organisé et relayé par le gouvernement américain ; le saut de l’autrichien par Red Bull. L’objectif était cependant le même : orchestrer une opération de communication impressionnante, et l’on peut dire qu’il a été rempli.
Ce n’est pas la première fois que Red Bull organise un événement sportif, au contraire, cela fait désormais partie de leur image : la marque autrichienne en organise 500 par an, ce qui représenterait 30% de leur chiffre d’affaire. Mais si ceux-ci sont suivis par les plus passionnés, c’est réellement le « live jump » qui a sorti Red Bull de sa niche.
Les retombées médiatiques furent en effet sans précédent. Dès le lendemain, le sujet a été traité au moins 2300 fois en France. Le jour même, ce sont 40 chaînes qui ont diffusé l’événement, dans 50 pays, dont BFM en France qui avait l’exclusivité et a battu son record à cet horaire, avec 1,7m de téléspectateurs (6,4% de part d’audience).
Mais Red Bull est allé plus loin encore dans sa logique de communication. L’entreprise s’est en effet transformée en média, se donnant le pouvoir de véhiculer de l’information mieux que les traditionnelles chaînes elles-mêmes. Elle transmettait en direct le saut sur un site dédié : www.redbullstratos.com. Cette page contenait la vidéo, diffusée en direct sur YouTube, mais s’agrémentait d’autres outils qui enrichissaient l’expérience : des informations sur la pression, la vitesse, la météo – météo qui servait d’ailleurs de prétexte pour poster de nombreuses photos sur Instagram comme « teasers » avant le jour J. A elle seule, la vidéo a attiré 8 millions de téléspectateurs en direct soit 16 fois le dernier record détenu par Google pendant les JO, et 52 millions en tout.

Les réseaux sociaux  étaient évidemment en effervescence : sur Twitter, le hashtag #RedBullStratos figurait premier dans les trending topics (les sujets les plus évoqués par les utilisateurs) toute la journée, avec un pic de 2000 tweets par seconde lors du saut, et sur Facebook, la photo du saut a été partagée 29 000 fois en moins de 40 minutes, likée 216 000 fois et commentée 10 000 fois. Mais le point fort de Red Bull a  été de ne pas provoquer un buzz qui se fonderait exclusivement sur le saut, sans que les téléspectateurs ne prêtent véritablement attention à la marque. Au contraire,  l’omniprésence de son nom sur tous les supports a engendré de nombreuses réactions de la part des internautes, qui ont rivalisé de jeux de mots déclinants le mot Red Bull, en jouant sur le côté un peu « couillu » de la marque, ainsi que le slogan.
red bull gives you balls #felixbaumgartner
— Andrew Wooldridge (@triptych) Octobre 14, 2012
Bien sur, des mèmes ont tout de suite émergé sur Internet, inscrivant les images dans la webculture.

Red Bull a assuré son ubiquité en plaçant son produit dès que possible, de la simple mention de la marque au logo sur tous les accessoires (dont un énorme sur le parachute). Des produits déclinés ont été même mis en vente : la musique diffusé lors du saut, des vestes de pilote avec le logo Red Bull Stratos, et les instruments qui ont permis le saut vont être brevetés « Red Bull ».

La visibilité de Red Bull a donc été propulsée de façon phénoménale. Le succès de cette opération tient à ce que la marque a su aller plus loin que montrer une simple image. Elle s’est présentée comme l’entité qui crée un lien entre les individus en leur donnant l’impression de vivre un moment unique, historique, auxquels ils participent non seulement en le regardant et le commentant, mais aussi car ils se sentent comme responsables : c’est en achetant du Red Bull qu’ils ont permis cet exploit, ils l’ont presque financé. Sur le long terme, il y a fort à parier que cette opération de communication sera une réussite : on parle déjà d’une retombée d’un milliard de dollars, pour un investissement de 50 millions. De plus, l’évènement n’a pas fini de faire parler, puisqu’un documentaire de 90 minutes est en cours de réalisation par la BBC et National Geographics. Mais la grande victoire est celle de la fidélisation : Red Bull a multiplié sa communauté de fans par 17 en passant de 45 000 à 760 000 sur la seule page Red Bull Stratos, et sa chaîne YouTube compte plus de 787 000 abonnés. Victoire donc, car les utilisateurs « unlikent » ou se désabonnent rarement, et puisque Red Bull continue à proposer d’autres évènements sportifs (du BMX au Grand Palais par exemple), cela semble peu probable.
Red Bull a réussi à s’imposer comme la marque qui repousse les limites, qui « donne des ailes », propulse énergiquement ses sportifs. Plutôt que d’appuyer son argument de vente sur son goût comme son concurrent Coca Cola par exemple, elle véhicule des valeurs, ce qui, comme le rappelle Simon Sinek dans sa conférence « How great leaders inspire actions » en prenant l’exemple d’Apple, est la clef du succès : « people don’t buy what you do; they buy why you do it ».
 
Virginie Béjot
Sources :
Red Bull Stratos, nouveau modèle d’impact – Havas Média
Red Bull Stratos Case Study – Social Bakers

Bic for her - Pub
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Women's Write

 
En 2011, Faith Popcorn prédit la « Fin du Genre » (« End of Gender » ou « En-Gen »). Les grandes tendances marketing seraient celles de la personnalisation, au-delà des structures établies autour de notre sexe. Cette prévision ne semble pas avoir été entendue par tous. Le « marketing genré » continue de se répandre autour de nous, provoquant surprise et indignation quand il touche des objets aussi triviaux que la brosse à dent, l’alimentaire ou bien le stylo. Dernier en date, la marque Bic développe au sein de sa gamme de « stylos à valeur ajoutée » un produit essentiellement destiné aux femmes, « Cristal for Her ». La description fait grincer : « corps coloré (rose et violet en présentation) plus fin pour une meilleure prise en main des femmes,  avec niveau d’encre visible et embout à la couleur de l’encre » (décidemment, on pourrait se tromper). De plus, quelques avantages environnementaux : « léger, conçu et fabriqué avec juste ce qu’il faut de matière première » (les études marketing prouvent la forte sensibilité des femmes à l’écologie). Selon le directeur marketing de BIC Europe, Alexis Vaganay, ce produit a été conçu dans l’idée d’éviter les stéréotypes constitutifs du marketing genré. Il précise ainsi : «Nous en sommes conscients (des préjugés véhiculés par les produits sexués) mais travaillons pour ne pas tomber dans cet « écueil ». C’est pour cela que nous basons nos développements produits sur des études et non sur l’idée que nous nous faisons de ce qui plairait aux femmes».
S’il s’agit bien d’une réponse à une demande féminine, comment expliquer la naissance d’une polémique endémique sur le site d’Amazon où les commentaires sarcastiques abondent dans chaque fiche produit des stylos Bic for Her ? Jezebel (blog féminin new-yorkais) le remarque déjà en 2011, mais l’affaire s’amplifie depuis quelques mois à peine. Ellen DeGeneres, contactée par Bic pour promouvoir cette nouvelle gamme, en tire une vidéo parodique et s’indigne ouvertement de la connotation sexiste du produit : « C’est pas trop tôt ! Toutes ces années passées à utiliser des stylos pour hommes ! (…) Ces vingt dernières années, les entreprises ont dépensé des millions pour fabriquer des pilules qui font pousser les cheveux et boostent la vie sexuelle des hommes…et maintenant, les femmes ont un stylo ! »
Cette réaction a été majoritairement partagée par les internautes sur Amazon.com, plusieurs tumblrs réunissant les meilleurs commentaires sont nés. Face à cette vague de critiques, l’attitude de Bic reste néanmoins caractéristique des difficultés que traversent les entreprises dans la gestion de crise sur internet. Silence complet de la part de la marque qui fait face à une polémique tardive et déployée sur un site marchand et non un réseau social. La fragilité de Bic face à la cohésion d’une communauté d’internautes semble remettre en question la vocation de la marque à répondre à une demande féminine.
Pourtant, il convient de s’interroger sur notre attitude de consommateur vis-à-vis du marketing genré. Comme le note Maura Judkis dans le Washington Post, le débat aurait-il eu lieu si Bic avait choisi de nommer autrement leur produit ? En le définissant rigoureusement comme un objet sexué, la marque s’est attirée les foudres d’une communauté de consommateurs modernes qui refusent de se voir segmentés dans leurs pratiques d’achat les plus communes. On ne peut qu’approuver l’ironie des critiques et se féliciter de la perception lucide d’une majorité d’acheteurs qui parvient à imposer une distance entre les méthodes de marketing et son propre jugement. Cependant, une certaine hypocrisie se dégage du procès dont Bic est la victime : qu’en est-il des produits qui exploitent de manière plus discrète les codes du marketing genré sans pour autant s’affirmer comme tels ? Peut on s’insurger contre un produit « dédié aux femmes » tout en continuant à consommer (et donc à approuver) tous ceux qui nous assignent à notre identité sexuelle (par leur code couleur bleu vs. rose ; leur discours force et rapidité vs. douceur et élégance) ? Bic aurait ainsi franchi une limite, créant une visibilité trop directe sur les pratiques communicationnelles adoptées pour promouvoir leur nouveau produit. La logique de vente apparaît trop bien au consommateur qui la refuse par principe, par souci d’éthique. L’image que Bic nous renvoie de la consommatrice est faussée et vieillie. Elle nie les tendances actuelles au renversement des clivages de genre qui dynamisent les dernières tendances marketing. La cible que Bic vise existe-t-elle encore ?
L’erreur de Bic, son attitude maladroite, mais aussi son silence radio depuis l’émergence de la polémique ne font que révéler les contradictions propre au caractère volatile du consommateur, tout autant que son pouvoir (critique et fédérateur) trop souvent sous estimé. Le bénéfice à tirer de cette affaire aura été de révéler cette force au grand jour.
 
Clémentine Malgras
Sources :
Bic for Her, publicité officielle
Bic Pen for Women, The Ellen Show
Article Slate
Article Forbes
Article Jezebel

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Chanel n°5 : fragrance exclusivement féminine ?

 
Keira Knightley, Carole Bouquet, Nicole Kidman, Audrey Tautou, Catherine Deneuve… et Brad Pitt. Tous acteurs mais également égéries Chanel, certains mythiques et d’autres plus récents et matière à controverse. En effet, Chanel a récemment bouleversé les codes en choisissant un homme comme nouvelle image du parfum Chanel n°5, un produit s’adressant aux femmes.
Si certain(e)s se souviennent de la pub de l’acteur pour Levi’s dans les années 1990, qu’ils se préparent à être déçu(e)s. L’acteur Hollywoodien, cette fois, ne joue (presque) pas de son charme. Un look hobo, une barbe de plus de trois jours, une simple chemise et un air décontracté. L’acteur, les mains dans les poches, ne joue pas de son sex-appeal. Chanel ne fait pas vraiment dans l’élégance, ni dans le glamour parisien, cette fois-ci et préfère miser sur la sobriété dans un spot intitulé « There you are », d’une durée de 30 secondes et signé Joe Wright, réalisateur d’Orgueil et Préjugés. Tourné en noir et blanc et sans musique, Brad Pitt s’y lance dans une tirade s’adressant à la fragrance, le fameux Chanel n°5. « Ce n’est pas un voyage. Tous les voyages ont une fin et nous allons sans cesse. Le monde change et nous changeons avec lui. Les ambitions s’évanouissent, les rêves demeurent. Mais où que je sois. Tu es là. Ma chance, ma destinée. Un talisman (apparaît le parfum). Inévitable. » C’est le regard vide qu’il débite son texte, ou plutôt récite des vers sans avoir l’air d’y croire. Et vous, vous y croyez ?
On y croit s’il nous est impossible de rester insensible au charme de l’acteur qui, lorsqu’il récite son texte, pourrait nous faire croire qu’il s’adresse à une femme, ce qui nous ferait nous sentir d’autant plus concernées. On y croit moins si on se souvient des anciens films publicitaires de la marque, avec d’autres égéries telles Nicole Kidman ou Audrey Tautou, qui duraient en général deux minutes et qui rappelaient souvent des classiques du cinéma comme Moulin-Rouge. Dans ces publicités qui mettaient en scène la femme dans toute sa splendeur, on voyait généralement l’actrice adulée par un homme car elle portait le très célèbre parfum de la marque.
Aujourd’hui, même si la cible reste la femme, Chanel marque une rupture nette dans sa communication avec cette nouvelle campagne. Ainsi, la fragrance n’est plus représentée par la femme qui va le porter mais plutôt par l’homme que la femme veut séduire en portant le fameux parfum. C’est un coup médiatique énorme et risqué pour la marque d’avoir choisi un homme pour incarner un parfum pour femmes. Chanel ne cesse d’étonner par ses innovations même si elles ne plaisent pas à tous.
Très attendue depuis l’annonce en mai du choix de la marque, la publicité a déjà été visionnée presque 5 000 000 fois sur internet et environ 10 000 internautes aiment la nouvelle direction que prend Chanel contre presque 5 000 qui semblent contre le bouleversement des codes. Sont nombreux ceux qui n’aiment pas cette nouvelle simplicité, les amenant souvent à penser que Chanel a dû manquer de budget après avoir signé un (très) gros chèque à l’acteur américain : 10 millions de dollars de budget dont 7 millions pour le cachet de l’acteur.
Le spot a été rapidement parodié dans le Petit Journal de Canal +, par Yann Barthès et ses acolytes qui se sont demandés s’il était possible de faire une publicité Chanel en moins d’une minute. Ils ont relevé le défi en piochant des mots au hasard griffonnés sur des papiers pour ensuite les assembler et les réciter face caméra. Le résultat est ridicule mais fait rire, un peu comme la pub officielle. Les parodies, notamment celles de Conan O’Brien dans The Talk et celles d’humoristes dans l’émission Saturday Night Live, continuent de se multiplier malgré l’effort de la marque, qui a proposé très rapidement une alternative à la première publicité pour répondre aux critiques. Dans la deuxième partie, intitulée Wherever I go, on retrouve l’acteur, avec des femmes cette fois, dans un univers opposé, luxueux, aux tons dorés, qui nous rappelle étrangement les publicités de son principal rival, Dior, pour le parfum J’adore.
Mais même si les critiques sont nombreuses, la marque grâce à sa campagne innovante et sa révolution des codes semble être à l’origine d’un nouveau mouvement puisque le chanteur Jon Bon Jovi vient d’être choisi par Avon, une marque de cosmétiques, pour être le prochain visage du parfum Unplugged pour femmes : Unplugged for her. Et si Brad Pitt et Jon Bon Jovi n’étaient que les premiers parmi tant d’autres dans le futur ?
 
Sabrina Azouz
Sources :
20 minutes
Chanel.com
Ozap.com