TF1
Société

Les médias nous tiennent en liesse !

 
« Partageons des ondes positives », signe TF1, illustrant la tendance actuelle des médias à l’injonction au bonheur. C’est dans cette même veine positiviste que s’inscrit le premier site d’information optimiste, IVOH. Serions-nous entrés dans l’ère d’un journalisme thérapeutique ? Quel bonheur nous a-t-on réservé ?

IVOH : le site d’information qui vous rendra heureux !
Déprimés par les médias qui ne vous transmettent que les mauvaises nouvelles ? IVOH, ou « Images and Voices of Hope », se propose de valoriser pour vous des histoires plus encourageantes. Ce site d’information optimiste promeut une nouvelle approche du journalisme, sous les traits du « récit réparateur ». Il ne s’agit pas de passer sous silence les évènements tragiques, mais d’en tirer ce qui peut être encourageant. IVOH veut ainsi permettre à ses journalistes de rester plus longtemps sur la scène d’un drame pour voir se dessiner la reconstruction. Ce n’est pas la perte de dizaines d’hommes qui est mise en lumière mais la rééducation d’un rescapé, de son opération à ses premiers pas. Ce site d’information tend donc à souligner l’espoir pour le partager avec son lectorat. Avec son financement participatif −ses créateurs font une levée de fonds depuis le 1er décembre−, le site d’information vise à fédérer autour de lui une communauté optimiste. Face à la promesse de lendemains qui chantent, il ne reste plus qu’à se demander si la presse a véritablement un devoir thérapeutique auprès de ses lecteurs…

L’avènement d’un journalisme thérapeutique
IVOH s’inscrit clairement dans une tendance médiatique d’injonction au bonheur. Les médias ont une très forte influence sur notre moral. Ainsi, Mallaury Tenore, la directrice du projet, souligne qu’il a été scientifiquement prouvé que l’information optimiste crée une société optimiste. Dans le même esprit, des chercheurs d’Harvard ont montré qu’être exposé en permanence à des informations négatives « augmenterait considérablement notre degré de stress, et nous pousserait à être plus anxieux au quotidien ». Si vous vous sentez mal, c’est donc en partie à cause de ce que vous lisez dans la presse ! Dans l’Euphorie perpétuelle, Pascal Bruckner souligne que nous autres, peuples occidentaux, sommes devenus « allergiques à la souffrance ». Le bonheur présenté par les médias serait en fait la catharsis de ce qu’a produit la société par rapport au besoin impératif de bonheur. Les médias montreraient les malheurs produits par la société, certes, mais cette exposition, passant toujours par le prisme médiatique resterait éloignée du foyer à partir duquel on regarde ce malheur. Par ailleurs, celui-ci ne dure jamais bien longtemps puisqu’il est toujours remplacé par le bonheur.
Tu seras heureux, petit homme !
Le bonheur est partout, il envahit les ondes et nos écrans. Dans la société du spectacle dépeinte par Guy Debord où nous évoluons dans une perpétuelle représentation, le bonheur se dit et se montre, plus peut-être qu’il ne se vit. Le bonheur n’est plus un droit mais un devoir tyrannique, qui montre du doigt les inaptes. Au sein de cette « dictature du bonheur », les médias sont à la fois relais et émetteurs de la liesse générale. Parler de bonheur, d’une part, c’est s’assurer une audience confortable. On voit ainsi déferler d’innombrables émissions mettant en scène un bonheur mièvre, où, lorsqu’on est face à une situation critique (le petit Jason a mis ses pieds sur la table), la télévision s’impose en sauveuse (Super Nanny s’en va remettre le garnement sur le droit chemin à coup de froncements de sourcils !). Les émissions de télé-coaching comme Relooking de l’extrême, Un nouveau look pour une nouvelle vie, ou encore Pascal, le Grand Frère pour n’en citer que trois, permettent aux chaînes qui les diffusent de se montrer sous un jour positif, de faire preuve de leur pouvoir d’agir au sein de la société. Des chaînes telles que TF1 ou M6 ont ainsi basé leur identité sur leur capacité (discutable, cela va de soi) à « faire le bonheur » de leurs téléspectateurs sans cesse convoqués.

La campagne de publicité de TF1, « Partageons des ondes positives », lancée en avril 2014
D’autre part, les médias sont inséparables de la publicité, qui entoure les articles et les journaux télévisés, influençant ainsi notre réception de ceux-ci. Or on ne compte plus les allusions des publicités au bonheur. Entre « Ouvre un Coca Cola, ouvre du bonheur » et « Bien manger, c’est le début du bonheur », cette notion est aujourd’hui entièrement traversée par une logique capitaliste.

De l’idéal philosophique au Post-it mièvre : un bonheur en déliquescence ?
Loin de la philosophie antique, de l’idéal démocratique prôné par Saint-Just après la révolution française ou encore du bonheur entier pour lequel Antigone est prête à mourir, notre vision du bonheur n’a plus rien de stable ou de définitif. Il prend souvent la forme d’un bien périssable, ou il s’est dégradé en ce petit bonheur à atteindre en trois minutes, déclinable sous forme de Post-it à coller sur son frigo ou de recettes à appliquer au saut du lit. Issue des Etats-Unis, cette psychologie positive argue que le bonheur ne dépend que de nous. Aujourd’hui, le bonheur se travaille avec un coach d’épanouissement personnel ou avec une thérapie de groupe. Il suffit par ailleurs de pénétrer dans une librairie pour remarquer l’amoncellement aux couleurs pastel des guides de bonheurs aux titres évocateurs : 3 kifs par jour, Choisissez le bonheur, Le goût du bonheur, La thérapie du bonheur, Objectif bonheur, Dictionnaire du bonheur, La vie en rose, mode d’emploi, etc. Voilà, vous cherchiez le bonheur ? Pas la peine, il est dans votre tartine beurrée du matin !
C’est donc bien à l’heure d’une injonction généralisée à un petit bonheur malléable et marchand que le journalisme thérapeutique prend racine.
Louise Pfirsch
@: Louise Pfirsch
Sources :
Télérama, n° 3387, du 13 au 19 décembre 2014 : « Sois heureux et tais-toi ! »
lesinrocks.com
Virginie Spies, Télévision, presse people: Les marchands de bonheur
Pascal Bruckner, L’Euphorie perpétuelle, essai sur le devoir de bonheur
Crédits images :
tumblr.com
lesinrocks.com
forwallpaper.com
stephanhuanlla.wordpress.com

Société

Gamay more gamay gamay more

À l’étranger, le vin de Bordeaux, comme la haute couture française, est une institution prestigieuse et le nom de Bordeaux lui-même est mondialement connu. Et pour cause : la promotion à l’international est une spécialité bordelaise, assurée par le CIVB (le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux) et l’Union des grands crus de Bordeaux. Si en premier lieu elles contrôlent la qualité de la production, ces organisations visent également à promouvoir le Bordeaux et éduquer les consommateurs notamment à travers les quelques 80 manifestations annuelles mettant en relation producteurs et professionnels de la distribution et de la presse, une école du vin présente dans 11 pays ou encore les Fêtes bi-annuelles du vin à Bordeaux (dont le concept a été exporté à Hong-Kong, Québec, Bruxelles). Le Bordeaux a vocation à l’exportation. Par ailleurs la nouvelle campagne, « Vins de Bordeaux il y a tant à découvrir », sortie en octobre dernier sur 7 marchés, entend se démarquer d’une communication souvent plus traditionnelle. Qualifiée d’« ovni dans le monde du vin » (elle l’est moins dans le monde de la communication), la campagne a en tout cas eu un large impact sur la presse et les consommateurs.
La nécessité d’une communication plus esthétique et frappante a pu venir de l’état des ventes actuelles du Bordeaux, en baisse en termes de volume et de valeur sur tous les marchés. D’une part, la récolte de 2013 a été très faible, 30% en moins sur une année. D’autre part, la viticulture américaine progresse de plus en plus et concurrence les Bordeaux avec des vins de qualité semblable ou du moins s’en approchant et dans un style similaire, par exemple en Californie avec des Cabernet Sauvignon, des Merlot, etc. Quant au marché chinois, s’il est devenu le plus important acheteur de grands vins de Bordeaux grâce à sa richesse croissante et l’intérêt porté à la culture occidentale de luxe, les prix ont constamment augmenté depuis les millésimes exceptionnels de 2009 et 2010, à tel point que les Chinois semblent s’en détourner depuis deux ou trois années. Mais c’est aussi l’image même du Bordeaux que cette campagne de communication tente de transformer, souvent considéré comme uniquement un produit de luxe peu accessible, complexe par ses notions de terroirs et d’appellations (alors que les Américains et les Asiatiques ont davantage une culture du cépage et raisonnent en Gamay, Pinot, Chardonnay). La campagne ambitionne alors d’attirer l’amateur occasionnel et de nouveaux consommateurs sensibilisés à la variété des vins de Bordeaux, en particulier sur le segment des produits de moins de 55$.

La précédente campagne de Vins de Bordeaux, construite autour de photographies véhiculant les notions de partage et de convivialité, s’était heurtée à la loi Evin du 10 janvier 1991 qui encadre fortement la publicité des boissons alcoolisées et est un véritable frein à la créativité. Cette fois adaptée à la législation, la campagne repense la bouteille de Bordeaux en héroïne d’une série de visuels à l’esthétique 1920-1930. Diffusées sous forme d’affiches dans les métros parisiens, londoniens et new-yorkais, dans la presse, et uniquement online en Chine et au Japon, les illustrations suivent le fil conducteur fédérateur de la découverte (la diversité des vins de Bordeaux, des terroirs, des climats, des accords mets et vins) à travers des valeurs de savoir-faire, de tradition et de modernité. Elles traduisent ainsi l’émergence d’une nouvelle génération de producteurs innovants et respectueux de l’environnement. En tout, la campagne touche 7 marchés clés : la France, la Belgique, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les États-Unis, la Chine et le Japon et sera augmentée de nouveaux visuels en 2015 dans le but de créer une véritable saga autour de la forme si reconnaissable de la bouteille de Bordeaux.
Toutefois plusieurs caractéristiques de la campagne « Vins de Bordeaux il y a tant à découvrir » peuvent nuire à son efficacité, notamment en Chine et au Japon. Comme sa déclinaison qui reste invariablement identique sur les différents marchés. Même la signature « Vins de Bordeaux » est en français, peu importe le pays. Choix étonnant lorsque chaque pays possède ses propres codes de communication, fait appel à des imaginaires et des couleurs différents. Enfin ces infographies semblent être destinées à un public plutôt jeune et sensible à l’esthétique rétro, pourtant les 20-30 ans ne sont jamais vraiment la cible de telles campagnes. Une publicité pour du vin vise généralement un homme de plus de 40 ans. En effet, peu importe le marché, le vin est considéré comme un produit destiné à une clientèle aisée et connaisseuse. C’est précisément là que l’innovation dans la communication du vin bloque : cette cible moyenne empêche de pousser la créativité, et l’originalité de la campagne des Vins de Bordeaux n’est finalement que relative dans un milieu très traditionnel. Et pourtant le jeune consommateur, celui écarté des campagnes de communication, devrait être sensibilisé à ces vins de Bordeaux de moins de 55$, plus abordables et qui, point parfois rebutant dans un grand cru, peuvent être consommés dès leur sortie.
Marc Blanchi
Sources:
Bordeaux.com
Terredevins.com
Lepoint.fr
Crédits images:
isobel.com

Bannière egosurfing FNC
Société

L’ego-surfing, tendance 2014

 
Le net serait-il devenu un miroir 2.0 ? Comme Narcisse devant son reflet, il semble que les internautes aiment à contempler le reflet que leur renvoient les moteurs de recherche.Cette pratique porte même un nom : l’ego-surfing, ou self-googling. Il s’agit de se rechercher soi-même sur les moteurs de recherche. Une enquête Bing/Ipsos révèle par ailleurs que cette pratique, érigée en tendance de l’année 2014, concerne 71% des Français utilisateurs d’Internet. Mais au-delà des chiffres, que faut-il voir dans cette tendance ? Simple narcissisme révélateur d’une époque de plus en plus individualiste, ou stratégie d’optimisation de son image sur le net, à des fins professionnelles par exemple? Il semble que l’ego-surfing renvoie finalement à des logiques assez différentes.
L’ego-surfing : affaire de curiosité et de stratégie
Chercher son propre nom sur les moteurs de recherche répondrait avant tout à une logiquede curiosité. Si Internet est une mine d’informations, pourquoi n’en trouverais-je pas sur moi ? Ainsi, pour 51% des adeptes, l’ego-surfing s’inscrit dans cette logique. Cette pratique est une démarche qui répond à la curiosité. L’internaute est bien souvent curieux de savoir ce que la Toile va conserver de lui : photos, anciens posts, mots associés… Bien souvent, les résultats de cet ego-surfing étonnent. C’est là le premier paradoxe de cette pratique : face au miroir d’Internet, l’ego-surfer espère trouver son reflet virtuel, mais il est toujours surpris par celui-ci.Toutefois, si la curiosité demeure le moteur principal de l’ego-surfing, celui-ci est également motivé par l’inquiétude. Bien loin du narcissisme à outrance, l’ego-surfing peut aussi apparaître comme une véritable stratégie professionnelle, à l’heure où la réputation virtuelle compte au moins autant que la réputation réelle. « Le phénomène « selfie » sur les moteurs de recherche n’est pas un effet de mode. Il traduit au contraire une tendance à la professionnalisation des internautes, qui se comportent comme des entreprises,comme des marques. Jusqu’à présent réservé aux célébrités, le personal branding arrive chez les anonymes » écrit ainsi Anne-Sophie Dubus, Directrice marketing Europe de Bing. Ce qui préoccupe ces internautes, c’est d’abord la mise à jour des informations les concernant, la peur de ne pas être visible à cause d’un homonyme, ou pire, d’être confondu avec un homonyme… Selon Brice Teinturier, directeur général délégué d’IFOP France, cela est d’autant plus vrai pour les personnes en recherche d’emploi : « un bon référencement sur les résultats des moteurs de recherche est un véritable enjeu ». Une mauvaise e-reputation (réputationvirtuelle) peut être fatale…
Ego-surfing et personal branding
Les conclusions de l’enquête menée par Bing et Ipsos font même émerger un nouveau type d’internaute, nommé le « wannaBing ». Le WannaBing est un ego-surfer un peu particulier, car il se cherche au minimum une fois par mois sur les moteurs de recherche. Sociologiquement, il a entre 26 et 34 ans, c’est un jeune actif et il vit en milieu urbain. Concrètement, comment le wannaBing agit-il sur sa e-reputation ? « Ces « WannaBing »élaborent ainsi des stratégies de visibilité en ligne, voire d’optimisation de leur référencement naturel : ils démultiplient leur présence sur les réseaux sociaux influents,soignent, contrôlent et mettent à jour leurs informations mais aussi leurs photos etvidéos, et sont ainsi en mesure de lutter contre leurs homonymes dans cette course à lapremière place des résultats de recherche » écrit encore Anne-Sophie Dubus.

La marchandisation de l’ego
Les Wannabing ne sont donc certes pas dans une perspective narcissique. Mais c’est peut être plus grave : en se comportant comme des marques, ils entérinent le fait que l’homme est un produit. Pire encore, c’est ici l’homme qui se met lui-même, et consciemment, dans cette situation où il n’est plus qu’une marque. Le Wannabing, à grands renforts de personal branding, en vient par oublier qu’il est autre que ce reflet qu’il travaille constamment. Peut-être finit-il d’ailleurs par ne plus être que le reflet de cette image de lui qu’il construit. Narcisse ignorait que le beau jeune homme qu’il contemplait à la surface de lui n’était autre que son reflet. Le Wannabing ignore qu’il est lui-même le reflet d’un reflet. Il convient toutefois de rappeler que les Wannabing ne représentent qu’une petite partie des ego-surfers. Par exemple, seuls 2% des Français se cherchent une à plusieurs fois par jours sur les moteurs de recherche. Au-delà des chiffres, le fait qu’une telle pratique ait été érigée en tendance de l’année 2014 montre bien la réelle prise de conscience de la problématique de l’identité numérique chez les internautes. Toutefois, il est dommage qu’une telle prise de conscience ne débouche, chez la majorité des internautes, que sur très peu d’initiatives préventives ou proactives. Comme le déplore Brice Teinturier, le contrôle des informations demeure encore très limité.
Alexis Chol
Sources
journaldugeek.com
Microsoft.com
Nextinpact.com
Generation-nt.com
Labnol.org
Thegeekwhisperer.com
Delightfullyamiss.blogspot.fr

la santé n'est pas un luxe
Société

Quand Médecins du Monde rencontre IAM

En cette fin d’année 2014, l’heure est au bilan : entre épidémies, catastrophes naturelles, conflits, pauvreté ou encore précarité, les nombreuses ONG se sont mobilisées afin d’aider au mieux les populations touchées. Du virus Ebola en Afrique de l’Ouest aux camps de réfugiés syriens, en passant par les populations des pays sous-développés, ces organismes ont pour but d’apporter l’aide nécessaire et d’améliorer les conditions de vie des populations dans le besoin à court et long termes. Pourtant, malgré leur présence, encore 1 personne sur 5 n’a pas accès aux soins. Et c’est encore trop.
La force des mots
C’est ce que dénonce justement la dernière campagne de Médecins du Monde, conçue par BETC : dans deux spots TV, entre autres, elle met en scène Luka, petit garçon à la rue et Myriam, jeune haïtienne, enceinte de sept mois vivant dans un bidonville. Face caméra, plan serré, le champ s’élargit : leur regard planté dans le nôtre et les mots prennent tout leur sens. Cette campagne rend aux paroles des classiques de la chanson française toute leur profondeur en les ancrant dans un contexte réel, celui de l’injustice.
Parce que « Médecins du Monde soigne aussi l’injustice », elle cherche à nous sensibiliser aux difficultés d’accès aux soins dans certains pays notamment en France. Ce qui nous paraît pourtant être le b.a.-ba n’est parfois pas une évidence pour certains. D’après le rapport de l’Observatoire de Médecins du Monde, la pauvreté touche plus de 3 millions de personnes en France et la précarité ne cesse d’augmenter.

Des chiffres alarmants en France
L’année dernière, 29 960 personnes dont 3 760 mineurs se sont déplacées dans les centres d’accueil et d’orientation de MdM dont 97% vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Pour ces personnes, l’accès aux soins est rendu difficile par les démarches administratives et les pratiques abusives. D’autre part, une grande partie des patients de l’ONG sont des étrangers : de fait, ils sont écartés du système de soins de par leur situation irrégulière et à cause de la politique migratoire très répressive. Les jeunes ne sont pas, non plus, épargnés et le nombre de mineurs qui fréquentent les centres de l’organisation est en constante augmentation.
Ces personnes en difficulté rencontrent aussi des problèmes de logement. Face à l’augmentation des expulsions sans solutions de relogement, la plupart d’entre elles deviennent sans-abris, n’ont pas ou plus de couverture médicale et dans cette situation, se soigner n’est plus une priorité. Et c’est la raison pour laquelle Médecins du Monde veut sensibiliser les publics au problème de la précarité sur lequel nous sommes nombreux à fermer les yeux et aussi inciter aux dons en cette période de fêtes de fin d’année.
Un problème international
Si la France connaît actuellement une période de forte précarité, à l’international le problème est plus grave encore : risques sanitaires, épidémies et catastrophes naturelles. MdM est présente dans 44 pays allant de l’Amérique Centrale, à l’Europe de l’Est en passant par l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie. Dans la plupart des pays concernés, la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, où l’accès aux soins est tout aussi problématique que l’accès à une alimentation saine, à une eau salubre et à l’éducation. Par exemple, le risque pour un enfant de mourir avant l’âge de cinq ans est huit fois plus élevé en Afrique qu’en Europe. De plus, la proportion de personnel médical pour le nombre d’habitants est largement inférieure à celle d’autres pays: on trouve plus de 400 médecins pour 100 000 habitants en Norvège contre 5 au Burkina Faso. Cette inégalité face à la médecine ne fait que creuser le fossé de l’injustice que l’ONG tente de réduire à travers quatre grandes priorités d’actions : les soins aux migrants et déplacés, la promotion de la santé sexuelle et de la reproduction (SSR), la lutte contre le VIH, la réduction des risques et enfin, les crises et conflits.

Des campagnes toujours plus percutantes
MdM nous a toujours habitué à des campagnes chocs et touchantes dans lesquelles on retrouve toujours cette notion d’injustice. En effet, l’ONG nous pousse à nous poser des questions sur notre condition en tant qu’être humain mais surtout sur celle de nos voisins, celle des populations obligées de fuir leur pays en guerre ou encore celle des victimes de pandémies. Toujours empreint de sarcasme subtil, le message véhiculé par Médecins du Monde a pour but de faire réagir face aux problématiques démographiques et sanitaires d’aujourd’hui.

Cette campagne s’inscrit donc dans la continuité et se veut toujours aussi touchante. Ici, la force des mots alliée aux imaginaires liés aux classiques français lui confère profondeur et intensité. Une campagne qui se démarque par son originalité et sa mise en perspective. Un réel électrochoc en cette période de fêtes de fin d’année, haute-saison de prise de parole des ONG : avec Reporter sans Frontières et sa campagne « Great People » mettant en scène Vladimir Poutine, Amnesty International en décembre 2013 avec sa campagne de sensibilisation sur le sort des sans-abris ou encore Les Enfoirés qui se produisent sur scène (émission télévisée et tournée dans toute la France), la période des fêtes de fin d’année reste un véritable terrain d’expression pour ces organisations, qui misent sur notre générosité et sur notre propension à être plus sensible aux tourments de nos semblables.
Stratégie marketing ou simple altruisme ?
Enfin, pour ceux qui souhaitent faire un don, c’est par ici !
Alizé Grasset
Sources :
medecinsdumonde.org
who.int
Crédits photos :
meanings.fr
capitainecourageux.files.wordpress.com
cbnews.fr
z-factory.blogspot.fr

favela
Société

Le Favela Tour : un Neverland pour touristes en quête de sensations

 
Stranger in Brazil?
Sur le belvédère où se tiennent les échoppes des artisans de la favela carioque Santa Marta, des Européens hagards, des Américains, des minibus quasi cuirassés, d’anciens trafiquants de drogue en chasuble et casquette qui s’improvisent guides touristiques et, en arrière-plan, une misère lissée et savamment mise en scène. La favela Santa Marta qui avait accueilli le roi de la pop Michael Jackson pour son clip « They don’t care about us » dans lequel ce dernier arbore un peace sign tricolore, logotype de OLODUM, un groupe afro-brésilien fondé en 1979 dont l’objectif est d’offrir à la jeunesse des favelas des alternatives culturelles comme le théâtre et la musique, rassemble aujourd’hui trois boulangeries et près de deux mille maisons en briques. Le processus d’urbanisation amorcé suite à la forte médiatisation de la favela dont on ne voyait que les toits des bocas de fumo est une prouesse, mais à qui profite cet apparent développement ?

They don’t really care about us, do they?
Si l’on se fie à notre tête de hibou fétiche, il y a bien une pratique touristique que nous ne pouvons ignorer et qui mérite ses quatre étoiles vertes et son certificat d’excellence 2014 : le favela tour ou encore Slum Tourism, popularisé en 2010 mais lancé en 1990 à Rio de Janeiro par Marcelo Armstrong. Les favelas, zones d’exclusion, de pauvreté et de non droit se sont progressivement transformées en parcours touristiques guidés et commentés dont le marché est partagé entre une dizaine de tour opérateurs.

Ces nouvelles pratiques suscitent sans étonnement des détracteurs comme des défenseurs. Certains vacanciers fatigués des voyages et des destinations trop classiques affirment trouver un intérêt à la visite d’une toute autre réalité du Brésil, convaincus que celle-ci génère des revenus pour la population et qu’elle pousse au développement de l’artisanat et des spécificités locales. La sinsscérité de cette démarche ferait presque oublier que les modalités des formules proposées par les tour opérateurs s’apparentent davantage à un safari humain qu’à un tourisme éthique et responsable. D’autres, (qui ne se privent pas de faire connaitre leur déception sur TripAdvisor, notamment) s’insurgent contre les organisateurs, reprochant la théâtralité mensongère du parcours.

Arrivée en Jeep 4×4 dans la favela de Rocinha, la plus grande favela de Rio de Janeiro. Première escale sur le marché où les touristes déambulent à la recherche de sensations fortes. Premier avertissement du guide : il est interdit de photographier parce que ce sont des points de vente de drogue. L’intrigue se poursuit plus loin, à l’angle d’une rue, où quelques jeunes derrière des stands portant l’écriteau « WELCOME IN FAVELA » tentent d’appâter le touriste avec des petites peintures et des objets qu’ils confectionnent. Un arrêt rapide à la buvette de la favela pour donner au touriste l’impression qu’il a rencontré un habitant et prenne avec celui-ci un selfie. Second avertissement du guide : il est interdit de photographier l’intérieur des habitats, vie privée oblige. Finalement, dernière halte, les écoles de la favela devant lesquelles posent les élèves, financées en grande partie par les favela tours. Confirmation qu’il s’agit bien d’un tourisme équitable. Beaucoup de ces formules sont dénoncées par les internautes qui n’hésitent pas à y consacrer des blog photos pour montrer la réalité d’une situation de misère inextirpable transformée en distraction touristique par la complicité des tour opérateurs et des pouvoirs locaux.

Who heals the world?
Qui seraient les grands gagnants de cette nouvelle pratique touristique ? Comment interpréter le fait que d’un coté, les favelas ne cessent de croitre et qu’elles sont, de l’autre, censées générer des revenus du slum tourism ?
La permanence des difficultés sociales des habitants de ces quartiers et les évolutions circonstancielles des modes d’action en matière de sécurité publique et urbaine s’apparentent à des stratégies de marketing territorial qui profitent aux grands promoteurs du projet et non pas à ses acteurs. Ce théâtre imparfait révèle un traitement injuste des espaces pauvres de la ville, une fausse redistribution des richesses ainsi que l’instrumentalisation et la distorsion de l’image de pauvreté sous l’effet d’un sensationnalisme toujours richement pensé. Le touriste auquel on accorde gracieusement des pouvoirs héroïques n’est en réalité pas moins passif et consommateur qu’il ne l’est dans les villages de vacances.
Pourquoi préférer les taudis misérables de Santa ou Rocinha qui a tout récemment inauguré, en son coeur, un centre d’accueil touristique, aux belles plages de Leblon ou d’Ipanema pour passer les vacances ? Depuis la Copa, ce nouveau tourisme prospère énormément. La réponse figurerait-elle dans le refrain du morceau de Bambi ?
Faire des quartiers insalubres un nouveau Neverland pour touristes en quête de sensations, l’aboutissement ayant déjà été prophétisé par Michael en 1995 :
« Everybody gone bad
Situation, aggravation
Everybody allegation »

Johana Bolender
@johbolen
Sources :
tripadvisor.fr
picturetank.com
lepetitjournal.com
Crédits photos :
tripadvisor.fr
theguardian.com
picturetank.com
viatorcom.fr
Video :
« They don’t care about us » Michael Jackson

Société

Vers une réalité augmentée ?

 
Oculus Rift, quésaco ?
Sous ce nom barbare se cache le gadget qui deviendrait le possible enjeu d’une petite révolution numérique, permettant notamment de créer de nouvelles expériences télévisuelles, cinématographiques, publicitaires et même… sportives !
Créé en 2012 et racheté en 2014 par la société Facebook, ce petit bijou, qui se présente comme un masque recouvrant le regard, permet à son utilisateur de se plonger à 360° dans une réalité virtuelle.
Cette technologie, très en vogue chez les gamers, commence doucement à trouver d’autres preneurs. Le cinéma s’en est en effet déjà emparé, Zéro Point, le premier film en 3D et à 360°, étant sorti en octobre 2014.

Même si l’on peut dire de façon certaine que ce film d’une vingtaine de minutes n’est pas un chef d’œuvre cinématographique – ce dernier se présentant plutôt comme une publicité pour les lunettes que comme un film potentiellement primable à Cannes – cette sortie témoigne tout de même d’une tendance qui tend à se déployer dans le monde du cinéma.

En marche vers une nouvelle expérience cinématographique
La preuve en est, quelques semaines plus tard la chaîne Arte programmait le premier documentaire utilisant ce nouveau gadget. La chaîne a diffusé un documentaire se déployant sur différentes plateformes. Un premier format de 90 minutes pouvait être visualisé sur la chaîne puis en Replay. Dans celui-ci, les téléspectateurs voyageaient dans les paysages de l’Arctique, en ayant l’impression d’être acteurs de la scène : le réalisateur avait opté pour un point de vue subjectif.
Mais le plus intéressant reste le deuxième format proposé par Arte : plusieurs minutes de documentaire étaient mises à disposition des téléspectateurs sur internet, et les possesseurs des lunettes Oculus Rift pouvaient les utiliser et ainsi se plonger dans les paysages en immersion totale. En effet, les lunettes captent les mouvements de tête et donnent l’illusion de se déplacer à son gré sur les lieux du tournage.

Le téléspectateur n’est ainsi plus guidé par le regard biaisé de celui qui tient la caméra. Chaque visionnage devient unique, et totalement personnel. Le film s’échappe de plus en plus des mains du réalisateur et glisse vers celles du spectateur qui devient une triple figure de spectateur-acteur-réalisateur portant l’image où bon lui semble.
Arte, par le biais de ce documentaire, souhaitait sensibiliser les spectateurs aux problèmes climatiques et à ce qu’ils infligent aux magnifiques paysages de l’Arctique. Ce n’est donc pas anodin qu’ils aient opté pour l’utilisation des lunettes car celles-ci, en donnant l’illusion au spectateur qu’il se trouve sur les lieux, permettent une identification plus forte encore que celle à laquelle on pourrait être sujet dans un film traditionnel. Et, c’est bien connu, l’identification du spectateur est une des recettes clé pour le chambouler.

Oculus Rift : un coup de pouce pour les coups de pub ?
La publicité a bien compris les enjeux de cette technologie et s’en est aussitôt emparée. En effet, Volvo, par l’utilisation de ces lunettes, propose aux futurs acheteurs de vivre quelques virtuels instants au volant de leur dernière voiture, et leur donne ainsi le sentiment d’être déjà possesseurs de celle-ci. Volvo semble donc croire que la réalité virtuelle peut avoir un impact sur la réalité sensible. Le potentiel acheteur transfigurerait, par l’achat de la voiture, son expérience factice en une expérience concrète. La marque d’automobiles, plus encore que d’insuffler l’envie d’acheter la voiture, donne l’illusion au consommateur qu’il se l’est déjà appropriée.

Bien d’autres domaines ont également mis la main sur cette technique de la réalité virtuelle : une application sportive permettra bientôt à ses utilisateurs d’avoir l’impression de courir durant le marathon de New- ork. Paul McCartney, lui, propose à son public une application permettant d’assister à la performance de la chanson « Live & Let Die ». Pour en citer d’autre encore, même l’industrie de la pornographie s’y est mise, proposant à ses consommateurs de contrôler les images et ainsi de participer à la scène sans pour autant y être réellement…

Une révolution critiquable ?
Mais des critiques émergent déjà : les utilisateurs témoignent d’une douleur aux sinus, à la tête et aux yeux lors de l’utilisation de l’Oculus Rift, rendant impossible une durée de visionnage trop longue. Ils déclarent également que le format en 600*400 est difficilement perceptible pour l’œil humain, incapable de s’y fixer.
Des progrès restent donc à faire, c’est certain, mais l’on peut tout de même déclarer que cette nouvelle technologie est en phase de provoquer une révolution dans divers milieux qui touchent au numérique. Mais cette révolution est-elle positive ? Cette question mérite d’être posée car cette fois ci, ce n’est plus l’Homme que l’on souhaite augmenter, on passe à un niveau supérieur qu’est la réalité elle-même ! Mais à force de chercher l’augmentation, ne finirait-on pas par aboutir à une réduction, le danger étant que cette réalité augmentée finisse par rimer avec substitution de la réalité ?
Valentine Cuzin
Sources :
konbini.com
siliconvalley.blog.lemonde.fr
Crédits photo :
digitaltrends.com

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Grand Journal
Société

Le Grand Déclin

 
Alors que Canal+ fête ses trente ans, un de ses programmes, le bien-nommé Grand Journal (LGJ) diffusé en access prime time*, perd de plus en plus de téléspectateurs. Depuis 10 ans, elle était l’une des émissions phares du PAF, combinant la sphère artistique et politique, devenant ainsi un des premiers talk-show français.
La semaine du 24 au 29 novembre, son audience oscillait entre 1,1 à 1,3 millions de téléspectateurs alors que l’an dernier il se situait aux alentours de 1,7 et 1,8 millions. Représentant, selon Le Parisien, 5,3% des parts de marché contre 7 à 8% l’année dernière.
Une redoutable concurrence
LGJ perd du terrain face à ses concurrents. Depuis le changement de poste du programmateur François Jougneau, les invités les plus prestigieux commencent à déserter le plateau et se retrouvent chez ses rivaux dont C à vous (France 5). Emission qui pourrait se vanter d’avoir reçu la ministre de l’éducation nationale lors de la rentrée des classes ou encore la spectaculaire star internationale Lady Gaga. Comme l’explique Konbini, la présence des stars est devenue l’une de ses armes majeures pour attirer les téléspectateurs.
Et puis évidemment, il ne faudrait pas oublier Touche pas à mon poste (TPMP) de la chaîne D8 qui, ironie du sort, avait été rachetée par Canal+ et se retrouve à grignoter les parts d’audience de son grand frère. D’ailleurs le 15 octobre dernier, le présentateur Cyril Hanouna n’avait pas manqué de relever des résultats supérieurs à celui de son rival sur Canal+.

Un genre devenu vieux jeu ?
Le Grand Journal, dont le principal cœur de cible est la CSP+, a essuyé de nombreuses critiques notamment qui la qualifiaient d’émission « bobo » arrogante, ou encore dénonçant une dérision et un humour impertinent qui empêchent toute construction du débat.
Il faut également se rappeler du bad buzz dont avaient payé les frais, au point d’être amenés à s’excuser, De Caunes et sa chroniqueuse Mathilde Serrell qui, lors de l’une de ses interventions, avait tenu des propos dénigrants concernant les joueurs et les spectateurs de jeux vidéo.
Concernant la structure de l’émission en elle-même, les séquences sont très saccadées, ne permettant pas aux invités de s’étendre en-dehors de l’exercice du jeu promotionnel. D’ailleurs, ils sont moins amenés à se confronter lors de débat alors que ces moments constituaient une partie de l’identité même du talk-show. D’après Konbini, ajouté au déficit de contenu inédit, cela conduit en partie au fait que l’émission n’est plus adaptée aux attentes du public.
Tandis que du côté de D8, avec TPMP, l’émission est indéniablement un véritable succès. Les sujets abordés surfent sur le programme télé combinant des happenings** et des jeux de telle sorte qu’elle touche un public très large. Autre point fort de TPMP : son animateur.

Un Antoine de Caunes étriqué
L’émission très structurée ne permet pas à la personnalité de De Caunes, un créatif comme aiment à le rappeler ses proches, de s’exprimer. Et selon Konbini, contrairement à son prédécesseur Michel Denisot, il souhaite éviter les conflits et les questions qui dérangent, préférant ainsi se ranger derrière des sujets plus conventionnels et moins polémiques.
Dans cette course à l’audience acharnée, difficile donc de prendre la relève après un Denisot qui incarnait parfaitement l’esprit du Grand Journal. Toutefois Antoine de Caunes ne s’était pas privé durant l’été 2013, soit la veille de la reprise de l’émission, de le critiquer en évoquant sa manière « à l’ancienne » de présenter l’émission.
Alors qu’en est-il de l’avenir du Grand Journal ? Le Parisien rapporte que l’ancien producteur de l’émission, Laurent Bon, aurait proposé de reprendre cette case horaire de l’émission et de diffuser Le Petit Journal qui gagne en audience tandis que d’autres producteurs se bousculent pour lui proposer un successeur. L’ère du Grand Journal pourrait alors toucher à sa fin.
*access prime time : jargon télévisuel désignant une émission d’avant-soirée
**happening : spectacle qui prend la forme d’une improvisation cherchant la participation des téléspectateurs
Hélène Hudry
Sources :
konbini.com
leparisien.fr
leplus.nouvelobs.com
gameblog.fr
lemonde.fr
Crédits photos :
europe1.fr
voixdumidi.fr
buzzmedias.net

Société

Héros et antihéros : définitions et panorama des usages à travers le temps

Le héros et son émergence dans la société
Selon son étymologie, le terme héros désigne un homme illustre, demi-dieu au dessus de l’humain ordinaire. Selon le Littré, il désigne ceux qui se distinguent par une valeur extraordinaire ou des succès éclatants à la guerre, en somme un homme possédant une force du caractère, grandeur d’âme, et une haute vertu. Par extension, ce terme a fini par désigner le personnage principal du roman, celui à qui il est arrivé des aventures extraordinaires.

baniere youtube
Société

L’impact d’Internet sur les pratiques

 
En Grande Bretagne, le marché publicitaire a basculé sur Internet à un taux d’investissement record de plus de 50% du marché, soit plus de 15 milliards d’euros en 2015. Ceci est révélateur des nouvelles tendances médiatiques et de l’importance qu’Internet prend dans l’esprit des journalistes et des consommateurs.
Qui n’a jamais consulté les commentaires d’un site pour pouvoir se positionner sur le choix d’un film ou d’un produit ? Mais, sur Internet les manipulations sont de toutes sortes. La tentation est forte pour les entreprises de créer des faux blogs, des faux utilisateurs ou de payer des blogueurs dits « influenceurs » pour relayer tel produit. On s’aperçoit que cette pratique de publicité mensongère est en forte progression et avoisinait pour l’année 2013 les 45% dans tous les secteurs d’activité. (D’après la DGCCRF qui a pour rôle de veiller aux conditions des échanges marchands entre les entreprises afin d’assurer la loyauté des transactions à l’égard des consommateurs. La publicité devient plus dissimulée, déguisée et donc plus efficace. Le buzz marketing peut être utilisé pour diffuser de la publicité sur les réseaux sociaux. Les stratégies de ces marques consistent à imiter les pratiques des blogueurs influenceurs et utiliser leur interactivité pour faire passer un message commercial.
On voit se développer sur Internet des blogs individuels de plus en plus influents. En effet nombre de blogueurs influenceurs se sont enrichis par ce canal, les retombées ont été si spectaculaires que les journalistes se sont appropriés l’idée et ont ensuite créé leur propre média.
L’augmentation de la pratique d’astrosurfing 
L’astrosurfing consiste à utiliser les systèmes de recommandations d’Internet afin d’accentuer les statistiques d’une vidéo, ou améliorer l’image d’un produit. Comme on l’a expliqué, de nombreuses entreprises cherchent à augmenter leur notoriété en créant ou achetant de faux fans, faux followers, faux commentaires. Un marché parallèle se développe pour aider les entreprises à mettre en place cette stratégie, comme c’est le cas de ce site.
Face à cette nouvelle donne, les consommateurs modulent leurs pratiques, à présent, la crédibilité corporate d’une entreprise se mesure à la diversité des opinions qui s’expriment. Les consommateurs vont alors rechercher plusieurs sources d’information pour se former leur propre opinion.
« La traditionnelle cohérence des messages recherchée par tout communicant,représentative d’une relation verticale entre marques et consommateurs dans laquelle les marques communiquaient vers les consommateurs, doit désormais cohabiter avec la divergence, représentative d’une relation horizontale entre marques et consommateurs dans laquelle les marques communiquent avec les consommateurs. » Christophe LACHNITT
Auparavant les publicitaires concevaient la publicité comme une relation horizontale où les marques communiquaient vers les consommateurs. Avec les mutations technologiques, les nouveaux comportements des consommateurs, les marques se sont adaptées et la relation a changé, les marques communiquent avec les consommateurs (comme par exemple sur Twitter où les consommateurs vont inter-agir en permanence avec les marques.)
Les stratégies d’influence des marques au travers des blogueurs influenceurs
La blogueuse ZOELLA permet à des marques de relayer des produits, ce qui lui permet de générer une audience de plus de 6,6 millions d’abonnés Youtube et 300 millions de vueset ainsi d’obtenir des retombées publicitaires. On peut voir que ZOELLA a réussi à créer une vraie marque et nouer une vraie relation commerciale directe avec ses souscripteurs. Elle représente l’incarnation d’un modèle numérique et vertueux de création de valeur. ZOELLA permet aux marques de profiter de sa communauté et d’avoir un rapport privilégié avec leur cible en « discréditant ou créditant » un produit plutôt qu’un autre. La publicité qu’elle réalise est le contenu-même de ses vidéos.
En voulant développer ses secteurs d’activité, elle s’est lancée dans la rédaction d’un roman. Celui-ci affiche des ventes record : 78 000 exemplaires en moins d’une semaine pour son roman « Girl Online ». Ce succès du web social démontre l’impact des stratégies d’influence et des stratégies de buzz marketing.

Cette youtubeuse arrive à créer une vraie relation de proximité avec les téléspectateurs, les internautes s’identifient à elle. ZOELLA est le coeur de cible des marques de cosmétiques, produits de beauté. Elle arrive à dissimuler la démarche publicitaire qui se joue en creux. C’est la quintessence du native advertising!
Le native adverstising est le publi-rédactionnel 2.0. C’est une réponse de l’industrie des médias au phénomène d’évitement publicitaire sur Internet. Les consommateurs ont identifié les zones publicitaires des sites et les évitent inconsciemment. C’est pourquoi, les publicitaires et les médias ont intégré ces publicités au sein d’un contenu rédactionnel. Il est intégré au coeur des contenus (par exemple dans votre fil d’actualité Facebook, ou alors au sein d’articles journalistiques). Ces publicités sont évoluées, c’est à dire qu’elles sont adaptées au contenu, elles sont personnalisées pour améliorer « l’expérience consommateur »*
Le native advertising peut être une alternative à la publicité, car il ne perturbe pas la navigation, il permet aux publicitaires d’avoir une communication différente sur le ton informatif et non plus uniquement commercial. Mais, la publicité étant intégrée au sein de contenus rédactionnels, sa nature peut s‘avérer difficilement détectable pour les non connaisseurs. On passe avec ces vidéos de la conversation, de la collaboration au marketing du buzz.
Une autre youtubeuse connait le même succès croissant. En démarrant à 13 ans, Bethany Mota à l’âge de 19 ans a aujourd’hui plus d’abonnés sur sa chaine youtube que Lady GAGA (elle dispose de 4,9 millions d’abonnés) ce qui lui permet de générer selon les estimations un revenu moyen de 40 000 $ par mois.
Elle a su attirer l’attention des marques et vient tout récemment de signer un accord pour une ligne de bijoux et de vêtements à son nom.

Tels des footballeurs achetés pour leurs compétences, ces youtubeurs sont achetés pourse faire le plaidoyer des grandes marques, constituant ainsi un véritable marché parallèle à forte valeur ajoutée. Ce phénomène existe aussi en France, Cyprien est très demandé par de nombreuses entreprises qui souhaitent faire des partenariats avec lui. Il est encontrat publicitaire avec la banque CIC pour réaliser de courtes vidéos.

En ce moment même,une polémique éclate sur l’humoriste. Comme le montre la longue enquête de l’Express, Cyprien a été payé par les marques pour faire la promotion d’un jeu vidéo Watch Dogs. Il avait été interrogé ici. Pourtant cette vidéo ne comportait aucune mention du caractère promotionnel de la vidéo, alors que la loi française l’impose. La publicité se doit d’être clairement identifiable.
A l’inverse de la France, le Royaume Uni a déjà statué juridiquement sur cette problématique du fait de l’importance du marché publicitaire sur Internet. Les Youtubeurs doivent faire figurer la mention « publicité » ou « sponsorisé » dès le titre de la vidéo afin d’améliorer la clarté des consommateurs.
La naissance de média individuel
La mutation des réseaux entraine un nouveau système de médiation culturelle. Aujourd’hui on observe l’émergence d’un nouveau phénomène, de nombreux journalistes créent leurs médias car ils ont observé la réussite des blogueurs influenceurs et veulent s’en inspirer. C’est le cas pour Andrews Sullivan, célèbre journaliste qui a créé son propre média payant sur Internet avec une formule à 19,90$
En effet, ces journalistes ne sont plus dépendants des moyens techniques et financiers de réalisation de l’information. Internet permet de prendre une certaine indépendance vis-à-vis des médias. Les journalistes peuvent à présent développer leur marque personnelle sans le support d’un grand média pour diffuser l’information et rivaliser entre eux. Dans ce nouveau modèle publicitaire le contenu devient le média, ce qui permet de croire que l’on peut remodeler la financiarisation des médias et d’Internet. Ces journalistes sont la preuve que les contenus de qualité peuvent attirer une audience rémunératrice et durable afin de garantir la viabilité économique de ce modèle. Celui-ci permet aussi de lutter contre la progression de la sur-information et le désengagement de l’attention du public. Il permet aussi de générer une communauté active et des membres participatifs.
Alexandra Montaron
@AlexandraMontar
Sources :

Lexpansion.lexpress.fr (1) & (2)
Economie.gouv.fr
E-marketing.fr (1)
& (2)
Arretsurimages.net
Telegraph.co.uk
Dish.andrewsullivan.com
Leplus.nouvelobs.com (1) & (2)
Superception.fr
*Pour en savoir plus:
Journaldunet.com (1) & (2)
Crédits images:
Youtube.com

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ferguson
Société

Ferguson : du choc des médias mainstreams et de l’Internet

Ferguson, un évènement médiatique généré par les nouveaux médias
En bref rappel des faits, Michael Brown, jeune afro-américain de 18 ans a été abattu par un policier le 9 août 2014 dans la ville de Ferguson, Missouri. La violence des six coups de feu tirés par un représentant des forces de l’ordre blanc contre cet adolescent noir non armé, selon les témoins, a réveillé le passé raciste des Etats-Unis et soulevé des vagues d’émeutes. L’histoire aurait pu s’arrêter là mais à mesure que la répression policière s’intensifie – toutes les forces de police du comté environnant (Saint-Louis) étant réquisitionnées – la situation déborde de l’espace public au cyberespace. Le Web devient le seul refuge à la liberté d’expression et une avalanche de commentaires référencés, sous le hashtag #Ferguson, fusent sur Twitter pour dénoncer cet usage excessif de la force. Ces commentaires, tenant lieu de journalisme citoyen, sont partagés sur toute la Toile et finissent par attirer les regards de toutes les rédactions occidentales. Sarah Seltzer, écrivaine, essayiste et journaliste freelance écrit dans Flavorwire « A Ferguson comme dans le comté de Saint-Louis, les réseaux sociaux étaient là pour [documenter] ces épisodes scandaleux, petits ou grands, depuis les affreuses conférences de presse jusqu’aux nuits de terreurs entre les gaz lacrymogènes, les arrestations et les armes pointés sur les manifestants. »
Ces évènements datent du mois d’août mais le 24 novembre dernier, la justice a décidé de ne retenir aucune charge contre l’officier Darren Wilson, responsable de la mort de l’adolescent. En l’espace de quelques heures, après le verdict, pas moins de 3,5 millions de tweets furent postés pour critiquer cette décision de justice. La cybercitoyenneté et le cyberactivisme ont beaucoup de détracteurs : il est si facile de s’engager en ligne lorsque l’on est confortablement installé derrière son écran que la transposition et l’action dans la rue sont souvent rares. Cela est vrai, nombre de collectifs créent des évènements sur Facebook pour annoncer une marche citoyenne qui, finalement, ne compte que la moitié des inscrits. Vous-mêmes vous pouvez en faire l’expérience, créez un évènement, retenez le nombre d’internautes qui ont répondu positivement et comptez le nombre de personnes qui seront alors présentes. Mais l’exemple de Ferguson montre que le passage à l’acte peut être bien réel. Les twittos n’ont pas oublié Michael Brown, ils ont repris leur hashtag mais ils ont aussi recommencé à descendre dans les rues, et cela plus de deux mois après les évènements déclencheurs.
Glissement de pouvoir entre médias traditionnels et nouveaux médias
Force est de constater qu’une nouvelle forme de « journalisme Web » envahit la Toile. Toutefois, il n’est pas à confondre avec le journalisme numérique. Ce dernier comporte toutes les formes de journalismes transposées sur les supports numériques. Tandis qu’un journalisme Web est une forme de journalisme spécifique qui n’utilise pas seulement Internet comme un support de diffusion, mais comme un outil de production de l’information. Internet désigne la mise en réseau du monde, tandis que l’appellation Web désigne l’avènement du feedback et de l’interactivité dans le système Internet.
Jon Henley est un exemple de ces nouveaux journalistes web, dans la mesure où il utilise Twitter comme levier d’action pour effectuer son travail de terrain. Il y annonce son prochain lieu de reportage et invite qui le veut à lui proposer une rencontre. Mais plus largement, les réseaux sociaux couvrent désormais de grands évènements avant même que les médias classiques s’en emparent. Et dans certains cas, c’est la couverture médiatique faite par les réseaux qui poussent les médias traditionnels à s’y intéresser. Ainsi, en juin 2013 des manifestations se multiplient sur la place Taksim à Istanbul, pour prendre la défense du parc Gezi contre un grand projet immobilier qui visait notamment à le détruire. Pourtant aucun journaliste n’était présent pour couvrir l’évènement. Ce n’est que par le biais des réseaux sociaux que l’information a pu circuler, amenant de plus en plus de manifestants. Et à terme, c’est en faisant connaître les manifestations sur Internet, en dehors du pays, que les chaînes de télévisions turques ont fini par couvrir l’évènement. L’exemple de Ferguson, comme celui du parc Gezi, illustrent ce tournant dans la création et la production de l’information à l’ère numérique, dont parlait récemment Mouloud Achour. Dans les deux cas, les petits gazouillis des twittos se sont transformés en forces capables de s’attaquer aux médias traditionnels, comme les Oiseaux d’Hitchcock se sont attaqués à la population de l’île de Bodega Bay. Et derrière, l’image des twittos, on pourrait presque parler d’une révolution marxiste, puisque les individus lambda ont influencé l’agenda médiatique, contre l’establishment traditionnel.
Dans tous les cas, il s’agit d’une forme de journalisme plus proche de la population. Si ce journalisme séduit c’est qu’il représente un empowerment du lecteur sur la production de l’information, mais qu’il se joue du désamour mythique qui existe entre les lecteurs et les journalistes. Un désamour dont les arguments consistent bien souvent en un décalage entre les sujets médiatisés et les sujets qui préoccupent la majorité des individus. Des sujets médiatisés qui n’intéresseraient finalement que la caste de l’intelligentsia et les journalistes dont ils font partie. En définitive, une critique des journalistes qui écrivent avant tout sur les sujets qui les intéressent eux plutôt que sur les sujets qui intéressent le plus grand nombre.
Marie Mougin
@MelleMgn
Sources:

France Inter – L’Instant M 01/12/2014
Medium – Is the Internet good or bad? Yes.
The New-York Times – What Ferguson Says About the Fear of Social Media
Flavorwire – Ferguson: When Social Media Changes the Conversation But Not the Power Structure
Flavorwire – Why We Should Applaude Ferguson Protesters for Interrupting Last Night’s NFL Game
 

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