Welcome to New York
Société

Welcome to New York : une histoire Kahnoise

 
Pendant que certains festoient la fin du Festival et la remise de la Palme d’or à Nuri Bilge Ceylan et que d’autres quittent la croisette les mains vides, déçus de ne pas avoir su trouver leur place au palmarès, il y en a qui s’en vont avec le sourire. Sont-ils satisfaits des résultats de la présentation de leur long-métrage dans la compétition ? Non… Leur film ne faisait même pas partie de la sélection, il ne sortira d’ailleurs pas au cinéma. Et pourtant, producteurs et distributeur rentrent ravis. Pari réussi.
Le buzz, entretenu depuis longtemps, était savamment orchestré autour d’un dispositif communicationnel colossal. Welcome to New York, on peut le dire, fait office d’OVNI dans le paysage cinématographique actuel – une belle occasion pour revenir sur une opération marketing sans précédent, empreinte d’un nouveau commencement dans la législation du circuit de diffusion des films en France.
Trois festivals de Cannes, trois coups de buzz
Il y a trois ans, pendant qu’Amour remportait la Palme d’or, l’affaire DSK éclatait au grand jour, donnant à Wild Bunch une bonne idée pour s’en mettre plein les poches. En quelques jours seulement, Cannes est pris d’assaut par des rumeurs indiquant le commencement de l’écriture d’un scénario s’inspirant de l’affaire.
L’année suivante, en plein tournage du film, la croisette est cette fois-ci marquée par la fuite mystérieuse d’une bande-annonce de travail. Le distributeur se défend alors d’avoir instrumenté une quelconque opération marketing, déclarant que le chef-opérateur du film ignorait tout simplement que ces images étaient confidentielles. On y croit vraiment ?
C’est toutefois cette année que le distributeur a eu l’idée de génie : présenter le long-métrage pendant le festival et sur place, sans y être invité. Le film a en effet été donné à voir en avant-première mondiale dans un cinéma de quartier, s’attirant facilement la médiatisation environnante et l’impact qui s’en suit.

Entre raisons officielles et officieuses…
L’œuvre bénéficie d’une sortie pour le moins atypique et qui demeure, aujourd’hui encore, assez obscure. En effet, Wild Bunch a délibérément fait le choix de priver Welcome to New York d’une sortie en salles en le reléguant à un direct-to-VOD. Généralement, ceci est réservé aux films ayant un très faible potentiel de succès. Ici, ce n’est pas le cas : s’inspirant d’un des scandales les plus médiatisés de cette décennie, réalisé par un réalisateur de renon, Abel Ferrara, et avec Gérard Depardieu dans le rôle-titre, Welcome to New York avait tout pour attiser la curiosité.
Le distributeur déclare avoir pris cette décision en raison de plusieurs facteurs bancals. Premièrement, avec une intrigue de cette envergure, Wild Bunch dit craindre qu’une sortie en salles n’accroisse le piratage massif du film. À ce premier argument, il suffit d’objecter que la VOD facilite la piraterie, et dans une qualité supérieure – notons que le film est disponible sur les plateformes de téléchargement illégal depuis le lendemain de sa sortie, le tout en haute définition. Puis, c’est la campagne de promotion onéreuse pour une exploitation du film en salles qui aurait posé problème au distributeur. Pourtant, qui n’a pas vu ces immenses panneaux publicitaires ventant la sortie du film ? La communication autour de Welcome to New York s’est révélée tout aussi chère que celle d’un long-métrage lambda, à la différence qu’une telle dépense n’avait jamais été organisée pour une sortie en VOD.
Il semblerait donc qu’officieusement, le distributeur ait craint que les inévitables poursuites judiciaires ne nuisent à la sortie du film, qui aurait pu être censuré s’il était sorti en salles. En effet, le direct-to-VOD présente l’avantage d’exposer un film sans que quiconque ne puisse le voir avant sa sortie. Ainsi, personne n’a été en mesure de porter plainte avant le 17 mai ; et si une plainte est déposée, cela n’affectera désormais pas le distributeur : le film est d’ores-et-déjà disponible et regardé. « S’ils veulent nous faire de la publicité, ils sont les bienvenus », déclare ironiquement Vincent Maraval, producteur.
Vers une mutation de la distribution cinématographique ?
À l’heure où de nombreux cinémas ferment leurs portes, l’alternative d’une sortie en VOD est alléchante pour les sociétés de distribution. Wild Bunch, en misant sur ce film en tant que test, a pu vérifier si ce modèle économique était viable et a cherché à répondre à une interrogation pour le moins terrifiante : un film attendu peut-il se délester d’une sortie en salles coûteuse sans que les profits n’en soient minorés ?
Malheureusement, le succès de Welcome to New York semble concluant, même s’il faut souligner que l’ampleur du projet en fait un cas à part : 48 000 locations ont été recensées en moins d’une journée, « un chiffre énorme », assure Wild Bunch. Si l’on est encore loin de la cessation de l’activité des cinémas en France, il n’empêche que le succès de cette opération remet en question la chronologie des médias telle qu’elle est appliquée. En effet, le délai de quatre mois entre la sortie d’un film en salles et son exploitation sur d’autres supports (DVD, Blu-Ray ou VOD) paraît désormais obsolète car décidée à une époque où le numérique était inexistant.
En définitive, si l’on attend avec impatience les procès palpitants de DSK et de ses comparses, il ne devrait plus manquer beaucoup de temps avant que cette rigidité législative ne soit amendée, faisant entrer le monde de la distribution cinématographique dans une nouvelle ère.
 
David Da Costa
Sources:
Franceculture.fr
Ecran Total : le quotidien des professionnels de tous les écrans, n°2260, jeudi 15 mai 2014.
LeMonde.fr
Crédits Photos :
Propriété de Wild Bunch.

Adopte un curé
Société

« Adopteuncuré.com » : une parodie 100% divine !

 
Après « Le calendrier des prêtres les plus sexy du Vatican » et « François le Pape 2.0 », voici la dernière campagne de communication du diocèse de Rouen, « adopteuncuré.com ».
Visiblement au fait des dernières tendances, l’Eglise marche sur les pas de la modernité et cible un public peu familier du denier du culte, les jeunes connectés.

Redynamiser l’image du clergé, encourager la jeunesse à repeupler les églises et, plus pragmatique mais non moins nécessaire, renflouer les caisses des différentes paroisses ; tels sont les enjeux de ce joli buzz médiatique.
En charge du dossier, l’agence lyonnaise Alteriade mise sur l’humour propre au web pour prêcher la bonne parole.
Au placard la retransmission de la messe dominicale par France Télévision ! Parodie du site tendance et ultra-plébiscité par les 18-30 ans « adopteunmec.com », « adopteuncuré.com » met les codes du site de rencontre au service de sa mission !
Le tutoiement, de rigueur, abolit les distances. Léger, et impertinent, le ton d’ « adopteuncuré.com » n’en est pas moins didactique puisque le site explique à ses fidèles internautes les ressorts de la défiscalisation des dons. Refrains grégoriens et voix de femme suave chantant les louanges de son produit « 100% divin », « nouvelle promotion de jeunes séminaristes » ou bien « curé à la retraite encore très actif » comptent quant à eux parmi les offres de ce petit bijou insolite.
Sans surprise, les grands défenseurs de la messe en latin et autres adeptes du conservatisme ont sonné le glas… de la réprobation. Dans une interview donné à Libération, Eric de la Bourdonnaye, paraphrasant le Saint Père, leur répond : « Là où il y a trop de sérieux, il n’y a pas l’esprit de Dieu ».
Quoi qu’on en dise, l’entreprise est une véritable réussite puisqu’au-delà des retombées enregistrées dans les grands médias, plus de 678 012 dons ont déjà été effectués.
 
Marine Bryszkowski

Sources :
Adopteuncure.com
Liberation.fr
Ouest-france.fr
Lefigaro.fr
Lci.tf1.fr
Grazia.fr

Société

Heureux qui, comme le stagiaire

 
J’aurais pu vous parler de la non-fusion de Publicis et d’Omnicom ou de la victoire de Conchita Wurst à l’Eurovision, deux sujets dont la sous-médiatisation évidente ne laisse pas de marbre. Mais il n’en sera rien, et tel un Eric Zemmour survolté, je prends la plume et décide de revenir aux fondamentaux. Parlons donc de choses qui fâchent. Parlons du salaire des stagiaires.
Heureux qui, comme le stagiaire, gagnera plus
Le ton est grave mais essuyez cette goutte de sueur sur votre front car les nouvelles semblent bonnes. Mardi dernier, le Sénat a adopté plusieurs amendements sur le sujet dont la mesure la plus marquante prévoit une revalorisation de l’indemnisation mensuelle de stage : exit les 436,05 euros – parce que oui, à ce niveau chaque centime compte -, les stagiaires devraient désormais toucher 523,26 euros chaque fin de mois, soit une augmentation non négligeable de 20%.
Dans la même optique, un second amendement prévoit l’indemnisation obligatoire de tout étudiant de l’enseignement supérieur effectuant un stage de plus d’un mois dans l’entreprise, contre huit semaines actuellement.
Si le collectif Génération précaire se réjouit d’ores et déjà « des avancées obtenues », les réactions sur la toile restent mitigées et beaucoup craignent un revers de la médaille. Et si ces mesures ne venaient finalement que diminuer le nombre de stagiaires et, de facto, augmenter la difficulté qu’auront les étudiants à trouver un stage ? Et si, de cette réelle intention d’amélioration, ne résultait qu’un amassement de laissés-pour-compte, composé principalement d’étudiants bac +1/+2 à la recherche d’un stage d’un ou deux mois dans une petite entreprise ?

 
 Ces quelques prises de paroles sauvages au beau milieu de notre Galaxie Internet ne devraient cependant pas changer le cours des choses, et ces amendements seront bien étudiés par la Commission Mixte Paritaire les 14 et 27 mai. Ils devraient ensuite être validés puis adoptés.
Heureux qui, comme le stagiaire chez Facebook, fait des envieux
Mais j’en conviens, opérer une quelconque généralisation n’est jamais bon. Optons donc pour la nuance. Car si la France compte plus d’1,6 million de stagiaires dont la plupart doivent pour l’instant se contenter des minces mais précieux 436,05 euros, certaines multinationales, elles, n’hésitent pas à offrir aux étudiants des sommes plus que conséquentes. Outre-Atlantique par exemple, les stagiaires de la firme de Mark Zuckerberg gagnent en moyenne 5 622 dollars par mois, soit 4 274 euros. Néanmoins, gardez pour vous vos soudaines envies de poke, il ne s’agit là que de très rares exceptions.
Heureux donc qui, comme le stagiaire, est épicurien.
Céline Male
Sources :
Leparisien.fr
Challenges.fr
Latribune.fr

digital detox
Société

Jacques a dit : A la recherche de l'intimité digitale perdue

 
On nous annonçait il y a quelques jours que Snapchat s’était fait pincer : bye-bye les photos éphémères, et bonjour l’archivage massif.
Pourtant, malgré les failles de sécurité et de confidentialité qui se succèdent, le nombre de réseaux sociaux et d’applications perso continuent leur ascension. Pour longtemps ? Car les bugs répétés ont effectivement eu vocation à éveiller chez l’utilisateur l’aspiration à une expérience différente. Une tendance qui s’est illustrée lors de la publication par Influencia de l’Observatoire des tendances 2014 d’M6 : d’un côté l’homme bionique, porté par l’arrivée des Google Glass, les avancées M2M, mais également les séries d’anticipation comme Black Mirror et Real Humans ; le tout confronté à une envie significative de déconnexion, de « retour à la patience », à l’état « undigitalised ». Un véritable grand écart, en somme, lequel s’observe à travers différents phénomènes.
Pour partager mieux, partageons cachés
Lequel n’a d’entre nous n’a jamais songé à disparaitre définitivement de la surface des réseaux sociaux (de la surface seulement, inutile de se fourvoyer sur un complet nettoyage de nos données sur le web). Une tendance qui ne date pas d’hier, puisque dès 2013, l’application Social Roulette nous enjoignait à mettre en jeu la vie de notre compte Facebook, et par là-même d’une partie de notre identité virtuelle : une réaction hypodermique à la place qu’avait pris la communauté Zuckerberg dans nos vies. Mais qui peut se targuer d’en avoir réellement été sevré ? Au contraire, chaque réseau additionnel s’est évertué à devenir indispensable. Twitter, LinkedIn, Instagram, Pinterest, Foursquare… et même Google+ ; une horde de réseaux à l’émergence rapide, lesquels ont fini par s’agglomérer dans l’éventail d’applications du smartphone de l’utilisateur. Une dépendance chronophage, néfaste pour certains, et qui pousse le marché à trouver des alternatives digitales.
Adieu présentations de profil, expérience, groupes d’amis… L’anonymat, nouvelle promesse des applications dites « anti-Facebook », antres de la parole libérée et des données – prétendument – dissimulées. Whisper et Secret, pour n’en citer deux, font partie de cette liste. Pas grand-chose de plus que des photos et des phrases cinglantes, brèves, drôles, pour confesser ses petites zones d’ombre, secrets honteux, ou amuser la galerie. Le partage et le like demeurent, mais l’utilisateur ne saura (jamais ?) qui a professé ces dires. Une solution qui semble avoir trouvé son public aux Etats-Unis. « A place where you can be yourself » comme se présente l’application Whisper, lancée en France fin avril, et qui se targue déjà d’afficher dans son pays natal un nombre de publications mirobolant.
Veuillez patienter, déconnexion en cours…
Une montre qui mesure votre pouls, des colliers qui déterminent l’état de santé des animaux qui les portent, des caisses de vins connectés pour garantir leur conservation… Il faut l’avouer, la technologie et les objets connectés ont du bon. Pour certains en revanche, le burn-out est proche. Comment alors réussir à retrouver la valeur du temps, le plaisir d’une minute hors de l’exaspérante vitesse de notre environnement ? On connaissait les voyages proposant un break digital, les cures de « désintoxication » au numérique. Aujourd’hui ce sont les marques que l’on retrouve à l’origine de ces initiatives, l’exemple en est de KitKat, qui a instauré à Amsterdam le temps d’une campagne en 2013 des « Free No-Wifi Zones », grâce à l’utilisation de brouilleurs, permettant ainsi aux passants de profiter d’une pause déconnectée, loin de l’agitation de leurs appareils électroniques.
Un engouement qui séduit son public, comme le montre la vidéo « Look Up », publiée récemment sur Youtube par un anglais, Gary Turk, véritable critique contemporaine d’un monde où l’homme est trop obnubilé par son téléphone pour saisir l’essence de sa vie, et qui comptabilise aujourd’hui près de 39 millions de vues.

Les pulsions antagonistes donc, d’un monde à l’évolution étourdissante, où l’on s’imagine déjà vivre l’expérience d’un épisode de la série britannique Black Mirror (diffusée actuellement sur France 4), en recréant l’humanoïde d’un proche disparu, grâce à son utilisation des réseaux sociaux alors qu’il était encore en vie. Une perspective fascinante autant qu’effrayante, dans une réalité qu’il nous est désormais possible de toucher du doigt.
 
Eléonore Péan
Sources :
Influencia.net.net
LeMonde.fr
Digitalbuzzblog.com
Crédits photos :
SoWhatFace.com
HerCampus.com
DesignTaxi.com

Société

La guerre des réseaux sociaux, ou l'éveil de Snapchat

 
Depuis une semaine, les utilisateurs de la célèbre petite application ont pu constater une nouvelle évolution dans le fonctionnement de cette dernière: en effet, il est désormais possible de parler à ses contacts Snapchat par un système de messagerie instantanée, mais aussi de les voir avec un outil de discussion vidéo en temps réel. Un pas de géant pour Snapchat, qui, jusque là, ne servait “qu’à” envoyer des photos plus ou moins intéressantes à ses amis.
Car Snapchat, au départ, c’est l’application sans prétention, qui se veut amusante et qui rentre parfaitement dans la culture de l’image que nous avons aujourd’hui: elle cumule à la fois l’attrait contemporain pour le cliché (au sens propre comme figuré: avec des applications comme Instagram, on s’est rendus compte d’abord de l’importance grandissante de la photo dans notre société, qui voit foisonner de nombreux “artistes” en herbe, armés de smartphones et de quelques filtres un peu rétro, mais aussi, et par là même, de stéréotypes et de catégorisations liés à l’image, avec des hashtags spécifiques qui rangent les photos dans des cases pré-définies et qui conditionnent le photographe) et l’éphémère. Le fait que ces photos “fantômes” disparaissent au bout de quelques secondes peut être rassurant et pousse à envoyer toutes sortes de situations mises en images plus ou moins drôles par l’application (mais gare au “Screenshot”).
En soi, Snapchat n’était donc jusqu’à présent qu’une application ludique et assez unique en son genre, qui ne faisait de l’ombre à personne. Forte de son succès, elle faisait son petit bonhomme de chemin toute seule, sans jamais vraiment menacer ses congénères. La seule exception fut peut-être l’apparition de filtres photo qui n’étaient pas sans rappeler Instagram, mais rien de bien méchant.
Et voilà que Snapchat se jette à l’eau. Après un snap vidéo envoyé par la Team Snapchat à tous ses utilisateurs en guide de teasing, où les Snapchatteurs ont pu découvrir une conversation par messagerie instantanée avec vidéo entre deux personnes, Snapchat a rendu disponible une mise à jour qui, on s’en doute, va révolutionner l’utilisation de l’application.
Car avant, Snapchat, c’était simplement raconter en images ce qu’on faisait, une excuse marrante pour prendre des selfies, une décomplexion de l’outil photographique tant utilisé mais aussi beaucoup critiqué à l’heure actuelle. On comptait sur le caractère évanescent des photos, sur la petite mention “screenshot” pour se dire que de toute manière on saurait si on avait été immortalisé.
Maintenant, avec l’apparition de cette nouvelle mise à jour, Snapchat ne sert plus uniquement à ça, mais aussi à communiquer par vidéo et par messagerie instantanée, ce qui représente un changement considérable.
Avant, le seul semblant de “discussion” mis à disposition par l’application se limitait aux 45 caractères que l’on pouvait insérer sur une image. A présent les utilisateurs peuvent réellement chatter, avec toujours cette logique de l’éphémère (les messages disparaissent si l’on n’appuie pas dessus pour les sauvegarder). Autre changement: Snapchat met une nouvelle limite à son culte de l’éphémère en rendant maintenant possible le fait de pouvoir utiliser les photos déjà présentes dans la bibliothèque photo de l’utilisateur: une option qui vient nuancer le côté “instantané” des photos échangées par le biais de l’application.
La communication par vidéo, également, est une avancée importante: si avant, l’application permettait d’envoyer des petits clips vidéo de 9 secondes maximum (un peu sur le modèle des Vines), il est désormais possible d’avoir une vraie conversation en images, comme sur Skype ou FaceTime (à la différence près qu’il faut garder le pouce maintenu sur l’écran, ce qui peut être contraignant).
Alors, comment cette avancée est-elle justifiée par l’entreprise? « Jusqu’à présent, nous avons estimé qu’il manquait à Snapchat une partie essentielle de la conversation : la présence. Il n’y a rien de mieux que de savoir que vous avez toute l’attention de votre ami lorsque vous chatez” ont posté des représentants de l’application sur un blog.
Ce qui est intéressant cependant face à ce changement, c’est qu’il survient quelques jours à peine après une importante mise à jour de Facebook[1], qui impose à ses utilisateurs de passer par l’application Messenger pour envoyer des messages privés sur la version mobile. Ladite application a à son tout tenté d’innover en mettant à disposition une « selfie cam », permettant de prendre rapidement un autoportrait et de l’envoyer directement.
Snapchat s’inscrit donc dans la lignée de Facebook en développant à son tour ses fonctionnalités. L’avenir nous dira quel sera le prochain coup dans cette guerre des réseaux sociaux, menée par l’image.
 
 Camille Gross
Sources
LePoint
LeMonde
 

 

[1] http://tempsreel.nouvelobs.com/vu-sur-le-web/20140429.OBS5539/pourquoi-facebook-vous-demande-d-installer-messenger.html

L'ennui
Société

La bataille contre l'ennui continue …

 
Notre capacité d’attention est actuellement estimée à huit secondes. Or, si notre capacité d’attention diminue, cela signifie en creux que nous nous ennuyons plus rapidement. Si au bout de huit secondes, l’orateur ne nous a pas séduits, sa présentation est fichue. Chacun commence à scruter son iPhone avec envie, vérifie ses mails voire joue à Candy crush. Mais ces activités complémentaires ne nous satisfont pas vraiment non plus. Souvent un malaise s’installe ; préférant être ailleurs qu’ici, bien que si nous fussions ailleurs nous nous désintéresserions aussi vite de ce qu’on nous y proposerait. Partout nous emportons l’ennui, il nous colle à la peau.
L’ennui apparaît ainsi comme le mal du siècle, alors qu’on ne cesse d’en repousser les limites grâce aux nouvelles technologies. L’espace est désormais saturé d’objets qui sollicitent notre attention et nous incitent à ne jamais « décrocher ». Pourtant, face à une offre de divertissement pléthorique, notre spleen ne tarit pas. Le manque suscite l’envie ; l’abondance le dégoût.
Néanmoins, la perversion est poussée jusqu’au vice lorsque l’on constate que la majorité de nos divertissements actuels ont l’ennui pour fondement, ou du moins sa représentation. Succès de librairies, films cultes ou chansons en vogue, l’ennui fait vendre. Moins que zéro d’Easton Bret Ellis fait état de la décadence d’une génération qui n’a plus goût à rien. Cette même génération est dépeinte de façon récurrente par Sofia Coppola à travers des personnages tels que Marie-Antoinette, Charlotte (Lost in translation), les sœurs Lisbon (Virgin suicides) ou une bande d’adolescents de L.A (The bling ring). Enfin, les paroles des Nuits fauves, d’infirmière ou de Zoé du groupe parisien Fauve remplissent les salles.  L’ennui enchante.
L’essayiste Georges Lewi diagnostique, lui, une extension du bovarysme à l’échelle sociétale. Bercée par l’illusion que tout peut arriver, la « génération Bovary » a réussi à tuer le monstre de l’ennui. Nous vivons de plus en plus en réseaux. Nous ne détachons plus les yeux de notre smartphone comme si notre vie dépendait des messages reçus en « non-stop». Qu’attendons-nous, sinon la surprise de l’instant ? Les messages reçus sont clairement une parade à l’ennui, un moyen de faire l’autruche pour éviter de se confronter aux questions métaphysiques qui torturaient Pascal. Au lieu de prendre conscience de la finitude et de l’absurdité de la condition humaine, nous préférons vivre dans l’illusion de la simplicité. Un monde illusoire dans lequel nous avons beaucoup d’amis et vivons en transparence ! Le bovarysme serait devenu l’un de nos principes de vie ; pour le meilleur comme pour le pire.
Chacun de nous pourrait donc reprendre à son compte ces phrases de Flaubert : « Au fond de son âme, cependant, elle attendait un événement… Elle ne savait pas quel serait ce hasard… Mais, chaque matin, à son réveil, elle l’espérait pour la journée, et elle écoutait tous les bruits, se levait en sursaut, s’étonnait qu’il ne vînt pas… ».
Un autre paradoxe nous apparaît au cours de cette réflexion. Comme le résume le groupe hollandais Mozes and the Firstborn, la confusion et l’ennui règnent alors même que tout devient divertissement. En effet, l’heure est aux badinages ; dans les médias, au bureau ou en famille. Le petit journal, c’est Canteloup, les tweets, ou encore l’exécrable humour de la presse féminine en sont le reflet. La parade contre l’ennui devient le rire, mais sous sa forme la plus standardisée, la plus automatique, la plus fausse. Faire des jeux d’esprit, sortir la bonne vanne… telles sont désormais la croix et la bannière de tout orateur s’il souhaite être entendu, ce qui irrite au plus haut point le philosophe Finkielkraut (Un cœur intelligent).  Certains médias parlent ainsi d’une « dictature du rire ». La norme est non seulement à l’hyperactivité tant réelle que virtuelle mais aussi aux bonnes blagues. Elles sont deux conditions sine qua non de la reconnaissance sociale de nos jours.
Toutefois, tel Finkielkraut, je reste persuadée que le divertissement est vain quand il n’a pas son contrepoids l’ennui.  La machine tourne à vide et ne conduit qu’à l’affadissement de la vie dans son entier. Alors ennuyez-vous !

 
Miléna Sintic

Société

#myNYPD, plus qu'une balle dans le pied, une bombe à retardement

 

La gestion des communautés, ou community management, est l’art de fédérer les internautes autour d’une marque, d’une société, d’un service. Lorsque l’artiste au clavier est aussi malin qu’il a de la répartie, le community management peut générer beaucoup de trafic et parfois même faire le buzz. Cependant, il peut aussi devenir fatal lorsqu’il est mal exécuté, ou simplement pas assez réfléchi.
Le 22 avril, les community managers de la NYPD (police de New York) ont pris l’initiative d’orchestrer une opération de communication participative : les habitants de la Grosse Pomme ont en effet été invités à poster sur Twitter une photo d’eux avec un ou plusieurs membres de la police de New York, en apposant quelque part dans leur tweet le hashtag #myNYPD. A la clef pour les participants un repost sur Facebook, et pour la police de New York une campagne corporate impactante, 100% vraie et surtout gratuite.
L’idée était simple, pas révolutionnaire, mais efficace. Confiante sur son image de police moderne et proche des habitants de sa ville, la NYPD n’a pas douté une seule seconde et on peut dire que l’opération a très bien fonctionné, certainement même au delà de toutes les espérances. En moins de temps qu’il ne le faut pour le dire, les quelques clichés flatteurs reçus se sont retrouvés noyés dans un flot de photos humiliantes voir choquantes, et de commentaires hautement sarcastiques, dénonçant les pratiques et la violence du fameux département.

Plus qu’un mauvais coup de com, cette opération est un flop, qui s’est rapidement transformé en fail, et enfin en badbuzz. Le mot est dit, mais ce n’est pas tout. Car en effet si la police de New York, après s’être tirée une véritable balle dans le pied, a tenté de noyer maladroitement le poisson en postant quatre photos plutôt avantageuses de bons citoyens célébrant ceux qui les protègent et les servent, le phénomène de dénonciation ne s’est pas arrêté aux portes de la ville.
En quelques heures, l’erreur de communication et devenue un phénomène national et en quelques jours, un phénomène mondial. Comment ? Tout simplement grâce à une réplication sauvage du hashtag adapté à des polices locales :
#myLAPD pour Los Angeles, #myBPD pour Boston, #myOPD pour Oakland, #myTPS pour Toronto, #mySPVM pour Montréal, images et légendes à l’appui.
Si dans certains pays comme la France, le hashtag #MaPoliceNationale peine à s’inscrire dans les Trending Topics, d’autres pays comme le Brésil ont profité de l’aubaine pour se lancer dans une dénonciation virulente des violences policières sur lesquelles le gouvernement ferme les yeux. Grâce au hashtag #minhaPM, qui a depuis laissé la place à un tumblr, les brésiliens semblent avoir redonné de l’élan à cette revendication de longue date qui prend, en ces temps de crise, la tournure d’une véritable revendication sociale politique.

La NYPD risque de se souvenir longtemps de la bourde de ses community managers, et elle risque certainement d’avoir à rendre des comptes aux départements de police affectés par ce badbuzz.
S’il est certain que celui-ci disparaitra tôt ou tard, ne laissant aux forces de l’ordre qu’un lointain souvenir et le goût amer d’une mauvaise blague, il aura au moins eu le mérite de réinscrire dans l’agenda politique de différents états cette question délicate et gênante qu’est celle de la violence policière.
Ne reste plus qu’à espérer que celle-ci ne sera pas balayée et oubliée aussi vite que le dernier Top Tweet.
 
Clémence Lépinard
Sources :
Le Monde
Kombini
Le Parisien
Le Point

Génération Y
Société

Quand la génération Y dit non

 
Le premier mars dernier, The Times (UK) publie un article savamment intitulé « How to understand your teen-agers brain », énième tirade d’un énième psychologue tentant bien maladroitement d’expliquer encore une fois le comportement des jeunes.
Ils auraient dû s’y attendre. On ne peut pas véhiculer autant d’idées reçues sur les « djeunes » sans les faire réagir. Le 4 mars au matin, la rédaction du Times reçoit dans sa boite mail la réponse courroucée d’une adolescente fatiguée par ces théories générationnelles incessantes. Jenni Herd, une jeune anglaise de seize ans, se dit « annoyed » de ces clichés. Il est en effet un peu trop facile de faire des généralités sur toute une population en se fondant sur leurs statuts Facebook. « La plupart d’entre nous sont cyniques et pessimistes à cause de l’environnement dans lequel nous avons grandi – ce qui devrait être une explication suffisante à notre insolence et à notre manque de respect apparents, sans avoir besoin « d’experts » écrivant des articles dessus » s’indigne la jeune fille. Jenni l’a bien compris, l’article du Times, bien représentatif de l’image biaisée que les médias ont des jeunes, n’éclaire une fois de plus en rien le débat. L’adolescent est  dépeint comme narcissique, paresseux et rebelle. Un portrait bien trop souvent dressé sans donner la parole aux premiers concernés : les jeunes.
Mais plus que les adolescents, c’est toute une génération qui est prise pour cible. La génération Y dérange, et les articles tentant de percer ses mystères inondent les média. Le Time (US) en avait fait sa une en mai 2013. « The Me Me Me génération » dépeignait un ensemble complet de jeunes, ceux qui envahissent le marché du travail et qui, confrontés au chômage, représentent un nouveau fléau sociétal. Considéré comme paresseux, le «Y» ne se donnerait pas les moyens de trouver du travail. Mais ce portrait sans nuances de la nouvelle génération est-il vraiment représentatif des valeurs de la jeunesse actuelle? Si le jeune est narcissique, c’est parce qu’il est né avec les réseaux sociaux. L’auto-promotion s’est vulgarisée avec Facebook et Twitter, des outils avec lesquels le jeune construit sa vie sociale. Le jeune sait donc se mettre en avant et se vendre dès son plus jeune âge. Ce qui est bien trop rarement perçu comme une qualité par les recruteurs.
C’est cet « imaginaire médiatique » qui est à l’origine du mythe de la génération Y. Mythe tenace nourri par les médias qui ne font que reprendre le point de vue d’un groupe sur un autre. En effet rares sont les voix qui viennent apporter un point de vue différent. On se rappellera cependant de cet OVNI plurimedia « Génération quoi ? », qui a donné la parole aux 18-34 ans via un questionnaire en ligne, plusieurs documentaires télévisuels ainsi qu’à travers des apparitions dans la presse écrite. Internet – grâce aux blogs notamment – permet maintenant de publiciser tous les avis, même ceux minoritaires, limitant ainsi le monopole des journalistes à fabriquer l’information même si ces derniers cèdent parfois la place à des particuliers. C’est le cas de la psychothérapeute New-yorkaise Brooke Donatone qui publie sur le pure player Slate.com, un article défendant cette génération mal-aimée par la presse. Donatone dénonce l’observation de cette jeunesse par la seule prise de vue des adultes. Il est alors normal que les jeunes apparaissent comme « des bêtes de laboratoire » (dixit Jenni) si les scientifiques qui les observent ont quarante ans de plus. Le choc générationnel entre les X et les Y est différent de celui des générations passées. A cause du gap technologique entre juniors et seniors, là où les anciens défendent leur expérience, les jeunes actifs mettent en avant leur savoir faire technique. La technologie s’annonce comme un domaine mystérieux, l’utilisateur de cette technologie, le jeune, apparaît alors à son tour comme une entité mystique, creusant plus qu’il ne faut le gouffre générationnel.
Mais comme le souligne Donatone, les parents ne sont pas innocents dans la construction de la génération Y. Et il n’y a pas que les médias anglosaxons qui s’en sont rendus compte. Un article de La Croix (01/10/2013) intitulé « On les appelle « parents hélicoptères »» parlait déjà de ces parents qui « volent » au secours de leurs enfants dès qu’ils rencontrent le moindre obstacle, ne leurs offrant qu’une illusion d’autonomie. Et c’est bien ce que la psychothérapeute américaine tente de faire comprendre : si l’adolescent semble aussi perdu à 30 ans que l’étaient ses parents à 18 ans, c’est en grande partie dû à l’éducation qu’il a reçu. Une remise en perspective salutaire, qui permet de dépasser le jugement tranchant que les médias ont adopté sur les Y. Et si les médias laissaient les jeunes s’exprimer au lieu de ne faire parler que leurs parents ? Peut être alors qu’ils découvriraient l’abominable vérité, celle qui place le jeune instruit et motivé dans un contexte de crise, qui ne demande qu’à ce qu’on lui accorde une chance.
Laissez  donc cette génération s’exprimer au lieu d’interpréter ses moindres faits et gestes. Il se peut qu’elle ait des choses à dire, et peut être même, des solutions à apporter…
 
Louise Le Souffaché
Crédits photo :
Le Monde.fr

Sexisme pub
Société

Sexiste ou non ?

 
“Sexisme (nm): attitude de discrimination fondée sur le sexe.” Trouvez-vous cette publicité pour un match de football sexiste ?
Je ne la considère pas comme telle. Pourtant, sur le blog Stéréopub, 76,8% des internautes pensent le contraire…
Aïe ! Suis-je « macho » ? Créé par 6 étudiants en journalisme de Sciences Po, Stéréopub nous montre plusieurs publicités de 1960 à nos jours. Face à elles, 3 choix s’offrent à nous : soit nous considérons la pub « sexiste », « non sexiste », ou cliquons sur le bouton « sans avis ».
Ainsi, il peut arriver que notre avis ne soit pas partagé par la majorité. Le sexisme serait donc une question de perception et d’interprétation. Et ces dernières ne sont pas dues à une question de genre puisque les publicités catégorisées comme sexistes sont l’avis autant des femmes que des hommes. Les internautes qui ont trouvé la publicité du Stade Rennais « sexiste » sont composés à 53,7% de femmes, et à 46,3% d’hommes. Ce qui est également intéressant, c’est l’évolution de la publicité de 1960 à nos jours. Même si les mœurs de la société ont considérablement évoluées, certains codes publicitaires d’antan subsistent encore aujourd’hui.
Ce blog permet aussi de faire un constat : il est aujourd’hui devenu extrêmement complexe pour les annonceurs de communiquer. Chaque mot, chaque insinuation peut très vite aboutir à une polémique. Toute publicité peut se retrouver accusée (à tort ?) de sexisme. Alors, discriminante la pub du Stade Rennais ?
 
Pierre Halin
Sources :
Stéréopub
Libération

Snapzheimer
Société

Epargnez-moi cette émotion programmée

 
Le 17 avril, en s’appropriant Snapchat, l’outil de partage éphémère de photos, la campagne Snapzheimer, imaginée par Proximity BBDO, a tenté de faire vivre symboliquement aux jeunes l’expérience de la maladie d’Alzheimer. Cette campagne marque une véritable innovation dans l’usage des réseaux sociaux mobiles puisqu’elle transforme l’usage de l’application en message à part entière. Grâce à Snapchat, la campagne s’est s’invitée dans l’insouciance du quotidien des jeunes et s’est appliquée à détourner l’expérience d’un de leur média préféré afin de les sensibiliser sur la réalité de la maladie d’Alzheimer. Une seule fois et pas plus.
Sensibiliser la nouvelle génération à une « maladie de vieux » : Alzheimer
Le problème est de taille : comment intéresser des jeunes hyper connectés à la maladie de l’isolement, de la déconnexion ? Pour y parvenir, Proximity BBDO a décidé d’utiliser un outil de leur quotidien, Snapchat, et d’en faire le média inattendu d’une campagne de sensibilisation.
Prendre les jeunes au « piège » de leur usage de Snapchat. Les alerter et puis disparaître pour les avertir de l’urgence de cet enjeu de société. Avec cette campagne, plus que jamais, le média devient le message, l’incarnation virtuelle d’un mal dont souffrent aujourd’hui  850 000 Français.
Snapzheimer : l’exemple de la bonne prise de parole
Ce jeudi 17 avril, 1 million d’utilisateurs Snapchat, sélectionnés grâce à la base de données du groupe partenaire Cache Cache, ont reçu un Snapchat un peu différent : des photos souvenirs se sont affichées puis, au bout de 10 secondes, ont disparu pour laisser place à un message de sensibilisation.
La campagne, en détournant l’application Snapchat, visait à toucher les jeunes proactifs à même de montrer ces clichés à leur entourage. À terme, cette opération se veut donc transgénérationnelle. Il s’agissait ici de choquer la jeunesse en détournant, d’intéresser les familles en intriguant par la technologie. Proximity BBDO a porté la réalisation de cette campagne astucieuse afin de montrer aux jeunes que leur média préféré peut aussi être l’incarnation d’un mal dont leurs grands-parents peuvent souffrir.
L’habilité de cette campagne réside donc dans sa démarche, mais aussi dans ce qu’elle ne fait pas, à savoir  créer une énième page Facebook ou inonder l’espace public d’une logorrhée verbale attendrissante. Avec cette campagne, le message s’ancre dans le temps sans harceler le public. En somme, il s’agissait là de changer la vision qu’avaient les gens de Snapchat, de telle manière qu’à chaque cliché,  ils pensent à la maladie d’Alzheimer.
Une bonne démarche pourtant trop rare, car sensibiliser c’est suggérer, et non choquer
Dans L’Agamemnon d’Eschyle, Clytemnestre tue Agamemon et Cassandre à l’abri des regards, dans une pièce cachée des yeux des spectateurs de la pièce. Dans Orange Mécanique, Alex viole à l’abri des regards, mais cela n’a pas empêché chaque spectateur d’être choqué par la violence de la scène. Pourquoi ? Parce qu’elle était suggérée.
L’objectif de la catharsis1 est le même que celui des campagnes de sensibilisation : faire prendre conscience des travers de l’existence afin de mener une meilleure vie. La force de la catharsis, comme la force de la campagne de sensibilisation, est de suggérer, de faire émerger en chaque personne les travers qui affleurent.
Nul besoin d’aller dans le gore, dans le pathos excessif qui dégoutte, embarrasse, et n’aboutit qu’à une banalisation de l’extrême. Et pourtant, trop de campagnes de sensibilisation s’enferment dans ce défaut.  Il faut au contraire croire à la force du suggestif, dans une société de l’obscénité où tout se montre, tout se dit en permanence. Dans ce flot quotidien d’émotions déversé par les médias, il est impératif de manœuvrer différemment.
Il ne s’agit plus d’imposer au spectateur une émotion, une musique larmoyante ou des visages en gros plan, mais au contraire, de le faire participer, de se servir de son expérience, de son vécu pour qu’il puisse se convaincre lui-même. La démarche n’est pas neuve : Sophocle et Euripide n’ont pas attendu le Brand Content participatif pour comprendre qu’il n’était ni bienséant ni efficace d’imposer une réalité choquante à un public.
De fait, on comprend bien que les campagnes de sensibilisation répètent malheureusement les défauts de notre société (révélations, obscénité). Montrer de plus en plus pour émouvoir s’apparente alors à une lourde erreur. La force de l’émotion est dans ce suspense léger et silencieux, qui suit la fin d’un roman.
Je ne suis pas saisi de la beauté du voyage d’Ulysse quand il échoue sur l’île de Calypso, mais quand je referme le livre, ma main sur la quatrième de couverture, alors je comprends que ce récit ne me quittera plus.
 
Arnaud Faure

Crédit photo :
Pierre Peyron – La mort d’Alceste – Musée du Louvre Paris
1. La catharsis est l’épuration des passions par le moyen de la représentation dramaturgique