La communication : une arme à part entière
Il n’est pas question ici des armes chimiques utilisées en Syrie mais d’un crime encore plus tragique, dont les ONG et l’ONU peinent à documenter tant le sujet est douloureux. Il s’agit du viol. Doublé des misérables vies endurées par les enfants, les souffrances infligées pendant la guerre civile syrienne mettent toutefois en scène d’un point de vue communicationnel le double versant de la communication.
Utilisée à bon escient, la communication peut se muer en arme efficace pour sensibiliser les publics. Mais elle peut également se faire prendre à revers et nuire aux victimes les plus sensibles, comme c’est le cas ici avec les femmes syriennes. Ces dernières deviennent alors de véritables boucliers humains et a fortiori les principaux champs de batailles d’une guerre qui dure maintenant depuis trois ans.
Le revers de la communication : une arme destructrice
Les témoignages de ces femmes syriennes violées ont été parus dans Le Monde le mercredi 5 mars dernier et constituent l’exemple même d’une communication aux nobles intentions mais qui se fait prendre par son propre piège en allant jusqu’à menacer la vie des victimes. Malgré la honte et les représailles à la suite de ce crime d’honneur, ces femmes ont néanmoins accepté de se confier pour faire éclater au grand jour les horreurs de la guerre. Témoignages souvent insoutenables, ces derniers mettent en lumière les pratiques utilisées par le régime de Bachar Al-Assad comme arme de guerre destinée à détruire durablement le tissu social syrien.
Le viol est fondé sur l’un des tabous les mieux ancrés dans la société traditionnelle syrienne et sur le silence des victimes, convaincues de risquer le rejet par leur propre famille, voir une condamnation à mort si elles parlent. Les journalistes poussent un cri en nous rapportant ainsi les dialogues et autres détails anecdotiques pour nous faire revivre au plus près les ignominies imposées à ces femmes.
« J’ai tout eu ! Les coups, le fouet avec des câbles d’acier, les mégots de cigarette dans le cou, les lames de rasoir sur le corps, l’électricité dans le vagin. J’ai été violée – les yeux bandés – chaque jour par plusieurs hommes qui puaient l’alcool et obéissaient aux instructions de leur chef, toujours présent. Ils criaient : « Tu voulais la liberté ? Eh bien la voilà ! » s’écrit une femme de 27 ans, mère de quatre enfants, décharnée et handicapée à vie par les coups administrés sur sa colonne vertébrale par un milicien du régime avec la crosse de son fusil.
Ces campagnes de viols organisées par les milices ont touché des centaines de victimes: les viols furent réalisés dans des conditions inhumaines, dans des sous-sols remplis de rats, et parfois même devant les maris, les frères et les pères. Le climat de terreur déjà présent par la guerre ne fut qu’accru par la violence de ces agressions sexuelles et par la diffusion de ces aveux.
« Leurs corps sont des champs de torture et de bataille » dénonce l’écrivaine Samar Yazbek, réfugiée en France.
Des histoires sordides sont sorties de l’ombre, comme celle d’une petite fille désormais réfugiée aux Etats-Unis, violée par son aîné sous les ordres des soldats. Ses deux autres frères furent décapités pour avoir refusé de le faire. Mais l’aîné fut ensuite tué sur le corps de la fillette, qui fut de nouveau violée par ces monstres.
La parution de ces témoignages a permis de mettre en lumière ces initiatives barbares et ces crimes obscènes. Néanmoins, la déchirure de ce silence obstiné de la part des victimes a de lourdes conséquences : divorces, psychose sociale (désormais, la simple incarcération suffit pour faire croire que la femme a été violée), stigmate et meurtres (de bébés nés de ces viols collectifs surtout) surviennent après l’aveu.
« Elles ont si peur en sortant de détention qu’elles restent murées dans leur malheur sans pouvoir demander de l’aide » se désespère Alia Mansour, membre de la Coalition nationale syrienne.
Les bienfaits de la communication
En trois ans, la guerre civile syrienne aurait déjà emporté avec elle plus de 11 000 enfants et transformée plus d’un million de syriens en réfugiés. Pour faire prendre conscience aux publics des horreurs de cette guerre, Save the Children, une ONG de défense des droits de l’enfant a lancé un nouveau spot pour marquer les trois ans du conflit (le 15 mars) à travers une campagne de sensibilisation qui constitue un nouvel appel aux dons. Avec comme slogan « Just because it isn’t happening here, doesn’t mean it isn’t happening », la vidéo met en scène ce que serait la vie d’une petite fille londonienne si un conflit similaire venait à éclater au Royaume-Uni.
Une campagne de sensibilisation avait déjà été lancée au Norvège par l’ONG SOS-Villages fin février afin de récolter des vêtements chauds pour les enfants syriens. Une caméra cachée filmait un petit garçon sous un abris-bus, grelottant sous la neige, pour observer le comportement des individus face au tragique de la situation. Mise en ligne fin février, elle a déjà plus de 13 millions de vues.
La communication peut dès lors apparaître comme une arme efficace et poignante pour réveiller les consciences et faire changer les choses.
Laura de Carne
Sources
SavetheChildren
LeMonde