Publicité et marketing

Les vitrines de Noël, la dernière illusion

En cette fin d’année 2018, Paris n’était pas vraiment une fête. Les manifestations – et les destructions attenantes – des Gilets Jaunes tout au long du mois de décembre ont sans doute largement participé à construire cette atmosphère. Pourtant, les Grands Magasins ont tenu bon et créé, comme chaque année, des décors extravagants pour leurs vitrines de Noël.
L’occasion pour nous de les aborder sous l’angle des sciences de l’information et la communication, pour lesquelles ces vitrines sont des objets hybrides, difficiles à saisir, à michemin entre écrins de protection  et étalages de produits.

Publicité et marketing

La nature et le végétal : une rhétorique marketing pour les produits de soin et de beauté

Y a-t-il moins naturel que nos cosmétiques industriellement produits ? Pourtant, les discours de marque qui accompagnent ces produits de soins et de beauté puisent largement dans un imaginaire de naturalité pour séduire les consommateurs. On peut en effet distinguer au moins deux types de produits de soins sur le marché français : ceux qui se positionnent davantage comme des produits à la formule « scientifiquement » élaborée, jouant la carte de l’innovation technique, et ceux arborant fièrement des composants naturels sur leur étiquette comme si cela suffisait à en garantir l’efficacité.

La rhétorique naturalisante des marques de produits de soins
Sans même parler des produits bios qui ont un discours marketing très spécifique, nombreuses sont les marques de grande consommation qui appuient l’ensemble de leur communication sur l’idée qu’elles offrent aux consommateurs le meilleur de la nature dans leur produits.
« On extrait [de l’abricot] une huile, véritable concentré de bienfaits nourrissants et adoucissants pour la peau. » nous explique Le Petit Marseillais sur son site. « Ce shampooing, sans paraben, contient des extraits d’origine naturelle et une base lavante d’origine végétale. Il respecte et lave vos cheveux en douceur » peut-on lire à l’arrière d’un de leur shampooings.
Le discours marketing repose bien sur une valorisation des vertus d’éléments « naturels » intégrés aux produits.
En outre, l’ensemble des codes visuels reprennent des couleurs pures, assez douces ou un peu plus acidulées, dans des tons généralement floraux, évoquant une fraîcheur végétale, ou plus chaleureux pour suggérer une idée de chaleur nourrissante. Les marques jouent en effet totalement la carte du naturel, comme si la Nature servait d’argument d’autorité et pouvait suffire à assurer les consommateurs des qualités du produit.

Un discours toujours construit sur un même modèle de pseudo-démonstration
En étudiant un peu les promesses formulées par les marques sur leurs produits, on constate que le message suit très souvent la même structure :
1. Vous avez besoin de …
2. Tel élément naturel a justement telle vertu formidable !
3. Vous obtiendrez donc …
Pourtant le consommateur ignore globalement l’efficacité réelle des ingrédients. Qui sait véritablement ce qu’apportent le beurre de karité, l’huile d’argan, le zeste de citron, le miel, etc. ? Les vertus supposées de ces produits ne sont finalement pas vraiment fondées sur autre chose qu’un imaginaire construit en partie par les discours marketing, puis inconsciemment intégré. On se contente de croire ce qu’avancent les marques :

« Pour développer la recette unique de cet après-shampooing, nous avons associé la richesse de la Pulpe de Grenade et de l’Huile d’Argan. Pulpe de Grenade : gorgée de soleil, notre grenade à la couleur éclatante est récoltée dans le bassin méditerranéen.
Huile d’argan: les noyaux d’argan renferment un bien précieux, une amande qui une fois pilée, libère une huile rare. La brillance de votre couleur est préservée, vos cheveux sont soyeux et lumineux. »
Sans accuser les marques de vendre des produits mensongers – la question n’est nullement là ! – on peut toutefois interroger la logique marketing sous-jacente. Cette rhétorique apparaît clairement comme un ultime outil de vente.
En effet, revendiquer une origine naturelle permet d’occulter la part artificielle de la production, de maquiller le processus chimique qui pourrait inquiéter les consommateurs de plus en plus méfiants envers les produits industriels. Et rien de plus simple et de plus rassurant que d’avoir l’impression d’utiliser un produit « pur », directement issu de la nature !

Une vision utilitariste et anthropocentrée de la nature
Ce processus d’utilisation marketing de la nature, comme simple argument de vente pour des produits de soins, traduit en fait le paradigme quasi philosophique de notre conception actuelle de cette dernière.
Dans cette optique elle apparaît comme productrice de ressources exploitables par l’homme. Cette conception trahit un regard marqué par l’égoïsme et l’anthropocentrisme : l’homme se rend « comme maître et possesseur de la nature » en en exploitant les ressources qui l’intéressent, en la commercialisant.
Dans l’optique de Baudrillard on pourrait ainsi dire que la nature, en gagnant cette valeur symbolique, entre dans notre culture et devient un objet de consommation. A tel point que, telle que nous la concevons, elle n’est peut-être plus autre chose qu’un pur produit de la société de consommation.
Finalement, cette forme d’opportunisme commercial ne véhicule plus qu’une idée culturellement construite de la nature. Et, si l’on poursuit cette logique, ne pourrait-on pas même penser que la nature est dénaturée par ces stratégies marketing qui en exploitent la symbolique ?
Maïlys VYERS
Linkedin
Crédits :

Gamme Pure et Natural de Nivéa
Le Petit Olivier
Palmolive
Yves Rocher
L’Oréal
Garnier 
Le Petit Marseillais

Sources :

Site du Petit Marseillais. Consulté le 03 février 2017
Site Kibodio. Consulté le 04 février 2017, « Soins Natura Sibérica »

Politique

Il était une fois Internet, les hommes et la démocratie

Une fameuse utopie, où, le légendaire Internet va révolutionner notre société afin d’y introduire un épanouissement total de la démocratie. Son avènement promettait un rêve fou : le pouvoir au peuple. Lol.
Bon, c’est vrai, Internet a changé la donne.
Il nous a permis de démocratiser notre société, l’exemple le plus pertinent étant la possibilité de répondre. En contradiction avec la théorie d’une parole – médiatique – sans réponse – de la part des masses que Baudrillard présente dans son ouvrage, Pour une critique de l’économie politique du signe, la société actuelle grâce à Internet et aux réseaux sociaux, est une société d’échanges d’informations.
A cet égard, le web est un outil démocratique, donnant à chacun un nouveau champ d’expression plus libre.

Au delà de ce droit de réponse, un des exemples phare qui affirme cette démocratisation que véhicule Internet est Wikipédia. Cette encyclopédie ouverte à tous, aussi bien dans la rédaction du contenu que dans la lecture de celui-ci, est symbolique de cette révolution : le savoir pour tous.
Il est indéniable qu’Internet engendre un changement de paradigme : d’un one to many à ce que l’on pourrait qualifier d’un « many to many. » Pourtant, cette révolution culmine davantage vers un glissement des forces en présence et une redistribution des pouvoirs allant à l’encontre du sens traditionnel de la démocratie : le pouvoir au peuple. « Le pouvoir relatif des internautes »  est exposé ici.
L’émergence d’une nouvelle classe. 
On parle bien souvent de la dimension participative d’Internet, permettant aux internautes d’intégrer une communauté, de donner son avis, de s’exprimer. A cet égard, La société met en exergue une soi-disant démocratisation du pouvoir, alors qu’en réalité, il n’y a qu’un transfert de ce pouvoir entre des groupes qui étaient déjà plus ou moins dominants.
Cyrille Frank, journaliste, formateur et consultant, explique dans son blog médiaculture.fr, qu’Internet engendre non pas un partage démocratique du pouvoir, mais plutôt l’avènement d’une « nouvelle classe de dominants ». Adieu, donc, l’utopie d’un pouvoir également distribué entre tous.
Historiquement, l’apparition de nouveaux déséquilibres sociaux est une conséquence inhérente à un changement de paradigme. Par exemple, la bourgeoisie supplanta l’aristocratie après la Révolution Française. L’apparition d’une nouvelle classe après une grande rupture est commun dans l’Histoire.
Dès lors, même si Internet comporte une vertu émancipatrice pour les internautes, il est important de souligner le fait que cela ne concerne pas tout le monde.

Cette nouvelle classe établit son pouvoir grâce à sa maîtrise des nouvelles technologies. Ces acteurs parviennent à s’adapter au temps technologique, afin d’en vivre. Plus concrètement, Cyrille Frank désigne cette nouvelle classe par : « les jeunes journalistes 2.0, communicants et marketeux technophiles, experts et consultants en réseaux sociaux, entrepreneurs du secteur technologique… ».
L’information est un levier de domination majeur dans la société actuelle : il est assez évident que ceux qui savent la manier seront puissants. 
Une illusion de pouvoir ? 
Par le biais de ce droit de réponse et de participer, les internautes ont également un pouvoir, une influence sur Internet. Cependant, sommes-nous influencés ou sommes-nous totalement libres de cette parole ?
On pourrait croire qu’il n’y a pas d’obstacle à notre liberté d’expression, et pourtant, il s’avère que nous sommes toujours influencés.
Prenons par exemple le système de réponse aux médias web, tel que le commentaire sur les articles ou bien sur les réseaux sociaux. On s’aperçoit que cette influence, ce pouvoir qui nous a été donné est en réalité réutilisé par les médias web dans leur propre intérêt. « Voici le pouvoir essentiel de la forme – en ce qu’elle est l’essence même de l’information. » explique Emmanuel Souchier, dans La mémoire de l’oubli. C’est en partie cette forme codifiée qui limite notre pouvoir, et qui permet aux médias web cette réappropriation. Prenons l’exemple de Twitter et ses fameux 140 caractères, qui influent malgré nous sur le contenu de l’information que nous transmettons. En effet, qu’est-ce que donner son avis en 140 caractères ? Notre influence est donc limitée à une forme qui est déterminée par les médias eux-mêmes.

Le Community Manager, acteur de cette « nouvelle classe dominante » dont parle Cyrille Frank, peut définir sa mission par trois verbes : fédérer autour d’un intérêt commun, animer en fournissant des informations aux internautes qui sont susceptibles de les intéresser, et modérer en régulant les conversations pour que les débats restent de qualité. Autrement dit, c’est lui qui va être face à nos réactions, à notre réponse. Les trois verbes qui définissent sa mission, prouvent que notre parole est influencée par l’action du Community manager. On nous amène subtilement d’un point A à un point B, de manière inconsciente. Il y a un mécanisme derrière le système du commentaire qui n’est pas synonyme de totale liberté et donc de vrai pouvoir.
D’autre part, d’un point de vue sociologique, notre choix est déterminé par plusieurs facteurs. Cette liberté d’expression pour tous, engendre un réel problème de visibilité. Certes, nous avons davantage la possibilité de nous exprimer, mais paradoxalement notre avis est dilué dans cet océan – nouveau – d’informations. Par conséquent partager son opinion via un commentaire relève également d’un relatif narcissisme. Il y a une volonté de sortir de la masse, d’être LE commentaire, et d’avoir raison. Cette problématique est d’autant plus réelle avec la possibilité de liker les commentaires. L’acte de réponse n’est donc pas totalement désintéressé, au contraire. Il se place comme fait social, c’est à dire comme une action qui n’est pas entièrement libre puisque partiellement déterminée. Par conséquent, la possibilité de réponse qui est donnée par les médias web est à double tranchant. Elle révèle à la fois la possibilité de participer, ce qui relève de la dimension démocratique du web, mais aussi une volonté d’attirer les internautes sur leur plateforme grâce au besoin des individus d’exister parmi les autres.
On peut parler de ré-appropriation d’un pouvoir des internautes par les médias web, et c’est cette récupération qui démontre dans le même temps la limite de ce pouvoir, que l’on a tendance à surestimer. 
Clémence Midière
LinkedIn
@clemmidw
 
Sources :
La démocratie électronique est-elle une illusion ? Par Hubert Guillaud sur Homo Numericus
Nouveaux médias : une nouvelle classe de dominants par Cyrille Franck sur Mediaculture
Qui a le pouvoir sur Internet ? Par Clément Mellouet sur FastNCurious
Crédits images:
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Computer Ethics
Emarketing.fr

maison connectée
Société

Embarquez pour le futur : votre maison vous y emmène !

Il semblerait que notre vieux monde empreint d’objets inanimés ait évolué. Il serait aujourd’hui en passe de devenir « pan-digitaliste » : les objets deviennent des émanations de cette substance suprême à laquelle on voue un véritable culte qu’est l’Internet. Son omniprésence concerne désormais ce qu’il y a de plus quotidien et de plus personnel à savoir notre maison.
Objets connectés, en veux-tu en voilà !
Youpi, je peux envoyer des SMS à mon four ou à mon frigo avec LG HomeChat ! Hourra mon aspirateur 360 Eye de Dyson sait tout seul où il doit nettoyer ! Génial mon Nest Learning Thermostat peut se réguler tout seul ! Que de beaux objets performants, utiles et sophistiqués, tous reliés entre eux et à mon smartphone ! Rappelons-nous cette publicité de SFR pour sa Box Home qui met en scène cette mère de famille, obligée de travailler dur et tard pour nourrir toute sa petite maisonnée, mais désormais capable de gérer à distance sa maison et donc de veiller au grain malgré l’orage qui gronde et une réunion qui n’en finit pas.

La maison connectée est à l’écoute, la maison connectée prend soin de vous, la maison connectée prévient des dangers, la maison connectée c’est l’avenir les amis !

La smart home ou maison intelligente ou encore maison connectée, bref cette maison du futur dans laquelle peut-être nous vivrons un jour (à condition d’être riche cela va de soi) est le pari que se donnent les nouveaux prédicateurs d’internet. Mais une telle innovation domestique fait débat. Se doter d’objets intelligents, capables de parler entre eux et d’anticiper les besoins de leurs consommateurs provoque le « oui » enthousiaste et confiant comme le « non » réprobateur et inquiet : la maison intelligente peut soit améliorer notre existence en nous facilitant la vie, soit la détériorer en nous rendant fainéants (sans compter les problèmes d’espionnage avec la collecte des données personnelles qu’elle requiert). Cependant, la maison intelligente et les objets connectés posent d’autres problèmes qui questionnent l’ensemble de la société.
Pourquoi connecter ses objets et sa maison ? Quand la curiosité est un vilain défaut.
Une question : pourquoi vouloir à tout prix connecter sa maison ? D’aucuns diront que c’est la recherche absolue du confort ou de la sécurité. En effet, quand on regarde le site materiel.net, la maison intelligente permet de sécuriser son habitation, la piloter, maîtriser sa consommation et garder un œil sur sa maison. Mais il y aurait d’autres explications.
D’abord, de tels objets ne sont pas d’une utilité nécessaire et vitale : rien ne m’empêche réellement d’ouvrir mon frigo pour me rendre compte de ce dont j’ai besoin. Par conséquent, démis de toute utilité fonctionnelle, les objets connectés entrent dans une logique de mode et de prestige. Bien plus que de l’utilité, on consomme une symbolique : celle de la « distinctivité ». C’est pour être différent et en quelque sorte supérieur que l’on consommerait les objets connectés.
Par ailleurs, de telles innovations domestiques témoignent de ce que l’on pourrait appeler une « gadgétisation » rendant le lien qui unit la maison à ses habitants fondamentalement magique. Pour Baudrillard, l’objet devient gadget quand « la technique est rendue à une pratique mentale de type magique ou à une pratique sociale de mode ». Expliquons-nous. Le rapport entretenu avec ces objets devient magique parce-que hautement fasciné. Il permet à son utilisateur de sortir de l’ordinaire et de pénétrer ainsi dans l’extra-ordinaire, c’est-à-dire rejoindre une autre réalité : celle de la science à laquelle il ne comprend rien mais dont il a l’impression de s’en faire le porte-parole légitime par le fait même qu’il achète ces innovations. Qui, à part le physicien agrégé, comprend réellement comment le radiateur peut se réguler seul ? Détenir de tels objets, c’est participer, à son échelle, aux trouvailles inédites et scientifiques en matière de « futurité ». C’est vouloir se faire le chantre de la modernité, du progrès et de ses valeurs. Un chantre un peu ignorant sans doute.
La ré-invention du quotidien
Avec la maison intelligente, c’est donc la vie quotidienne qui est transformée, rendue bien plus fascinante qu’elle ne l’est d’ordinaire. L’extraordinaire n’est plus seulement au coin de la rue, il est définitivement chez soi. Mieux, l’homme devient cet être extraordinaire, capable de recréer, réordonner, réagencer son quotidien comme il l’entend. Encore mieux, l’homme a désormais le don d’ubiquité. Il est à la fois ici et là, à son bureau et dans sa maison, il maîtrise l’espace comme jamais il ne l’a maîtrisé. Il n’y a plus ce que Bachelard dans La poétique de l’espace appelle « la dialectique de l’ouvert et du fermé » qui caractérise la structure même de la maison. Ici, la maison intelligente est réinventée, réorganisée selon une logique proprement ubiquiste. Le temps et l’espace semblent désormais malléables pour et par l’homme. L’homme aurait-il les cartes en main pour devenir cet être « divin » ? Par ailleurs, les objets connectés réinventent la notion de temps car ils en permettent une économie. Baudrillard, déjà, parlait des objets techniques comme du « temps cristallisé ». La maison connectée permet de satisfaire la volonté toute moderne de « gagner du temps ». Le temps est optimisé et optimal. Et le temps, on le sait, c’est de l’argent. La maison intelligente en faisant gagner du temps à son propriétaire, lui permet de consommer plus et mieux.
Mais la maison est toujours bien cette « puissance d’intégration pour les pensées, les souvenirs et les rêves de l’homme » dont Bachelard parlait. Surtout pour les rêves dirait-on aujourd’hui.
Jeanne Canus-Lacoste
Sources :
ANousParis #667
Courrierinternational.com
Jean Baudrillard, La Société de consommation
Gaston Bachelard, La Poétique de l’espace
 Crédit image :
homo-connecticus.com