Société

Twitter, le petit oiseau fait des bulles

 
Le jeudi 7 novembre, à New York, Twitter est entré en bourse. Cette entrée, qui n’aura surpris personne tant le réseau social l’avait soigneusement préparée en amont, a été assez réussie selon les observateurs, le titre ayant grimpé jusqu’au double de sa valeur initiale avant de se stabiliser aux alentour de 44$ l’action. La “catastrophe Facebook” était donc évitée.
Cette réussite s’explique par plusieurs facteurs qui construisent à eux tous une communication globale parfaitement maitrisée. Celle-ci a permis à l’entreprise de San Francisco de résoudre les paradoxes qui existent entre l’intérêt des utilisateurs et celui des investisseurs mais surtout celui entre innovation et prudence.

Premier facteur donc, l’effort de transparence dont a fait preuve Twitter n’hésitant pas à annoncer ses pertes prévisionnelles en place publique ou encore à ne pas cacher qu’il pourrait y avoir des problèmes dans son modèle économique tout en restant ferme sur sa volonté de ne pas ajouter plus de publicité sur son site principal. Cela a bien sûr participé à rassurer à la fois les utilisateurs (audience et donc matière qui fonde la valeur de Twitter) et les investisseurs, Twitter apparaissant comme une société sérieuse consciente de ses défauts et problèmes.
Deuxième facteur, la posture humble et sérieuse que la société a prise vis à vis de sa cotation en bourse. Le choix du NYSE et non du Nasdaq n’est pas anodin (Facebook avait choisi ce dernier). En effet, le Nasdaq est habituellement réservé aux valeurs technologiques à fort potentiel d’innovation et de croissance (choix qui aurait semblé dès lors logique pour Twitter), ce qui en fait le marché privilégié des spéculateurs à court terme. À l’inverse, le NYSE est historiquement le marché des valeurs dites traditionnelles (industrie, sidérurgie, automobile notamment), installées et portées sur le long terme. Le choix du NYSE par Twitter communique une volonté de se développer sur le long terme et permet ainsi de réduire les nombreuses craintes quant aux défauts actuels, aux niveaux financier et économique, de la société. De plus Twitter, qui a surement appris du contre-exemple Facebook a décidé de présenter une action à un taux assez raisonnable (bien que supérieur à celui prévu en premier lieu) et surtout dans un volume relativement faible. Le réseau social a ainsi travaillé sa rareté sur les marchés ce qui a permis à l’action d’augmenter facilement sa valeur.
Mais tout cela n’explique toujours pas pourquoi bon nombre d’investisseurs ressentent le besoin d’investir dans Twitter, de croire tout simplement en la possibilité pour la compagnie de dégager du profit, celle-ci étant jusque là déficitaire (134 millions de dollars de perte attendue en 2013). Manque d’explication apparente qui amène de nombreuses personnes et journalistes à voir en cette Twitter-mania le témoin de la formation d’une nouvelle bulle internet, analogue à celle de la fin des années 90.
Si cette crainte peut être justifiée mais non vérifiée (on ne peut savoir qu’une bulle est une bulle qu’au moment où elle éclate), elle est tout de même en partie infirmée par le fait que des entreprises comme Facebook ou LinkedIn gagnent déjà de l’argent et que Twitter semble suffisamment préparé pour être rentable lui aussi.
 
 
Son principal avantage réside en MoPub, leader dans le secteur de la publicité sur mobiles racheté au groupe Orange début septembre. Rachat qui ne semble pas, par ailleurs, tout à fait fortuit et sans rapport avec l’introduction de l’entreprise sur les marchés. MoPub permet en effet à Twitter d’être l’entreprise la plus intéressante actuellement en terme de développement autour de la publicité mobile, si ce n’est de la publicité tout court. Car si MoPub est le leader en son domaine, Twitter est le mieux placé, ou du moins l’un des mieux placé dans la course aux datas. C’est ainsi un des rares sites à être capable de suivre l’utilisateur sur plusieurs appareils grâce au Twitter ID.
Pour résumer, Twitter est désormais capable d’identifier l’utilisateur quelque soit l’interface utilisée (fixe ou mobile), de le signifier aux annonceurs et de leur vendre en temps réel, grâce au Real Time Bidding, (technologie qui gouverne le monde de la publicité digitale aujourd’hui) un espace publicitaire dont la valeur est accrue par cette identification (en tant qu’intérêt pour une marque, un type de produit). Cela permet alors à une entreprise de suivre son client sur tous les appareils qu’il utilise et ainsi d’augmenter la probabilité d’achat, d’effectivité de l’annonce.
Cette innovation, majeure dans l’ère du Big Data permettrait d’expliquer l’engouement des investisseurs pour Twitter. La firme semblerait dorénavant avoir le plus fort potentiel de croissance à long terme, devant Facebook même.
 
Thomas Luck
Sources :
Lemonde.fr
Lemonde.fr
Lenouvelobs.fr
Huffingtonpost.fr
Medium.com
Crédit photo :
Bannière : metronews.fr
IPO : twimg.com
Mopub : social-media-actu.com
 

Bourse-metro-station
Agora, Com & Société

Nous indigner ?

 
Ces attentats à la morosité ne seront certainement pas passés inaperçus auprès des usagers du métro parisien. Et, plutôt que de saluer la prouesse technique de ce « terrorisme comique » ou de retracer la généalogie des démonstrations indignées, nous allons nous contenter de « lire » ces opérations de braconnage qui, pour ne pas être subliminales, ne sont pas moins ambigües.
La première illustration est la plus délicate à interpréter. Elle se heurte rapidement à un public sceptique et à la surprise où elle fonde son artifice. Son message est trop plausible, trop rigoureusement semblable aux messages parodiés pour que le spectateur juge de son sérieux sans appel. En fait, ce premier habillage mime les pompes et les tournures du discours officiel pour en usurper la crédibilité ; il pastiche les formes plastiques et rhétoriques de la communication institutionnelle pour en récolter la légitimité – donc le pouvoir. En somme, la reproduction du ton attendu en pareilles occasions suffit à ce que la supercherie du costume opère. Les plaisantins sont grimés ; les énonciateurs sont confondus. Or, cette dangereuse confusion, cette impossibilité à se rassurer est, en définitive, la condition du guet-apens émotionnel – cette embuscade conative – où les larrons veulent surprendre leurs spectateurs. Pour renverser la situation en leur faveur, pour séduire, ils ont besoin que les certitudes chancellent…
Les illustrations suivantes concluent la plaisanterie et aboutissent aux sourires convoités. Nous ne nous attarderons pas sur les derniers messages. Nous supposerons toutefois que la dérive du registre employé est une métaphore du déclin financier condamné… En revanche, les trois discours pris ensemble révèlent une forme de protestation originale. En effet, la guérilla discrète et sarcastique est ici préférée aux démonstrations débordantes de revendications agressives, impératives et sans nuances qui se discréditent en même temps que le système fustigé. Les chenapans reprennent à leur compte le fameux « divertir pour instruire » et appliquent à leurs revendications les dernières vogues de la communication publicitaire, mêlant morale et humour. La complicité subtile et pédagogique devient donc le mode de contestation privilégié des pirates anonymes face à un régime impuissant à se renverser spontanément… Ne laissant à ces chevaliers blancs – pourfendeurs des ordres sourds et sclérosés – que les ressources de la révolution civique – cette indignation clémente.
 
Antoine Bonino

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