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Nous indigner ?

 

Ces attentats à la morosité ne seront certainement pas passés inaperçus auprès des usagers du métro parisien. Et, plutôt que de saluer la prouesse technique de ce « terrorisme comique » ou de retracer la généalogie des démonstrations indignées, nous allons nous contenter de « lire » ces opérations de braconnage qui, pour ne pas être subliminales, ne sont pas moins ambigües.

La première illustration est la plus délicate à interpréter. Elle se heurte rapidement à un public sceptique et à la surprise où elle fonde son artifice. Son message est trop plausible, trop rigoureusement semblable aux messages parodiés pour que le spectateur juge de son sérieux sans appel. En fait, ce premier habillage mime les pompes et les tournures du discours officiel pour en usurper la crédibilité ; il pastiche les formes plastiques et rhétoriques de la communication institutionnelle pour en récolter la légitimité – donc le pouvoir. En somme, la reproduction du ton attendu en pareilles occasions suffit à ce que la supercherie du costume opère. Les plaisantins sont grimés ; les énonciateurs sont confondus. Or, cette dangereuse confusion, cette impossibilité à se rassurer est, en définitive, la condition du guet-apens émotionnel – cette embuscade conative – où les larrons veulent surprendre leurs spectateurs. Pour renverser la situation en leur faveur, pour séduire, ils ont besoin que les certitudes chancellent…

Les illustrations suivantes concluent la plaisanterie et aboutissent aux sourires convoités. Nous ne nous attarderons pas sur les derniers messages. Nous supposerons toutefois que la dérive du registre employé est une métaphore du déclin financier condamné… En revanche, les trois discours pris ensemble révèlent une forme de protestation originale. En effet, la guérilla discrète et sarcastique est ici préférée aux démonstrations débordantes de revendications agressives, impératives et sans nuances qui se discréditent en même temps que le système fustigé. Les chenapans reprennent à leur compte le fameux « divertir pour instruire » et appliquent à leurs revendications les dernières vogues de la communication publicitaire, mêlant morale et humour. La complicité subtile et pédagogique devient donc le mode de contestation privilégié des pirates anonymes face à un régime impuissant à se renverser spontanément… Ne laissant à ces chevaliers blancs – pourfendeurs des ordres sourds et sclérosés – que les ressources de la révolution civique – cette indignation clémente.

 
Antoine Bonino

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One thought

  • A l'attention du rédacteur de l'article,
    En lecteur occasionnel, je prends quelques dizaines de minutes pour parcourir les nouveaux articles produits chaque semaine.
    Sur le fond je n'ai pas d'observations à faire. L'idée d'étudier ces petites opérations de communication basée sur l'humour présente un certain intérêt.
    En revanche je suis un peu embêté quant à la rédaction de l'article.
    Partant, je me permets de soulever quelques petits détails de forme qui m'ont un peu gêné lors de la lecture.
    D'une part, j'aimerai vous poser une question en me basant sur votre développement: la communication n'a-t-elle pas une fonction conative? (La fonction conative du langage : celle destinée à produire un certain effet sur le récepteur, à le pousser à agir. selon la définition du Robert). Si oui, et je pense que nous serons deux à le penser, cela implique une certaine intelligibilité de la part du communicant. D'ailleurs chose surprenante avec cet article, on passe d'un message visuel clair et concis à une "analyse" dont la seule fonction est de mettre en valeur la richesse de votre vocabulaire…
    D'autre part, je suis déçu, de la part d'un rédacteur à la plume si volubile, que l'article n'entre pas plus en profondeur dans l'analyse plutôt que de rester en périphérie et en s'attachant surtout à décrire le mode. Par exemple, quid de la finale? (je ne suis pas sur que l'auteur de l'autocollant ait pensé, en le réalisant, au guet-apens émotionnel dans lequel il comptait enfermer le lecteur).
    Mais après réflexion, je peux résumer ce commentaire assez long par deux messages courts:
    1) Pourquoi alourdir le texte en frôlant l'inintelligibilité??
    2) Pour communiquer, Soyons Concis!
    Je vais tenter de mes les appliquer… mais je ne pense pas être le seul à devoir y penser (et pas que le matin en se rasant).
    A bon entendeur!
    Un Observateur extérieur au Celsa.

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