Les Fast

Free : une communication qui dérange

 
Tout a (re)commencé le 3 décembre dernier. Avec un simple tweet, Xavier Niel, fondateur de la société Free, endossait une fois de plus le costume de salvateur des Français. Juste à temps pour Noël !

Après avoir bouleversé le paysage des abonnements internet avec son offre triple-play et une année seulement après le raz-de-marée provoqué par les prix au rabais de ses forfaits mobiles, est-il vraiment surprenant que Free se lance à nouveau dans la bataille ? Pas vraiment.
 Cette nouvelle offre est simple : Free aligne le prix de ses forfaits 4G à celui des autres, défiant ainsi toute concurrence.

Malgré les avantages évidents, Free fait toujours face au même problème, la qualité de son réseau : avec plus de 700 antennes actives début décembre, Free est encore très loin de ses concurrents (1 013 pour SFR, 3 879 pour Orange et 5 392 pour Bouygues).
Stéphane Richard, PDG d’Orange, ne manque d’ailleurs pas de pointer du doigt cette donnée cruciale, en annonçant que Free « vend du vent » ; même le gouvernement s’en mêle, car Arnaud Montebourg, Ministre du Redressement productif, qualifie cette offre de « douteuse ».
Alors, buzz réussi ? Une fois de plus, Niel mise sur les mêmes procédés et ne surprend finalement plus personne. Il suffit de voir que l’annonce n’a pas eu le retentissement médiatique des précédentes révolutions de Free pour s’en rendre compte. Cette société, experte dans le domaine de la communication dont elle a fait son principal but, ne finit-elle pas par lasser ? Toujours est-il que la concurrence tremble, car Bouygues a d’ores-et-déjà riposté en annonçant l’arrivée très prochaine d’une offre 4G dans ses forfaits low-cost…
 
David Da Costa
Sources
Capital
LesEchos
LeMonde
LesEchos
Crédits photos
Free
Monpetitforfait

Président Hollande
Les Fast

Au secours ! Le Roi se meurt !

 
Voilà maintenant une semaine que le pays entier retient son souffle. Le chômage, la crise, les taxes… passe encore. Mais la prostate du Président !
C’est lors de la cérémonie du lever, mercredi dernier, que nous, peuple de France, avons appris la funeste nouvelle. Voilà presque trois ans que François Hollande se serait fait opérer pour un problème de prostate, bénin certes, mais un problème tout de même !
Rassurons-nous cependant, tout va mieux depuis que les médias se sont emparés de l’affaire. Experts médicaux, flashs d’information, envoyés spéciaux à l’Elysée… tous les moyens ont été mis en œuvre pour nous rassurer. Ou plutôt nous inquiéter.
Car il est bon en effet de s’inquiéter pour son Président-Roi quand on est Français, dans un système où celui-ci apparaît sinon omnipotent, du moins indispensable. D’ailleurs d’aucuns se sont empressés de faire le lien, pourtant disproportionné, avec le sort de Messieurs Pompidou et Mitterrand.
Il faut dire que le pouvoir lui-même a laissé faire et même encouragé ce battage. D’un côté cela lui a permis de mettre en scène une normalité, rendue pathétique jusque dans ses problèmes, et d’un autre, cela a été une habile façon d’esquiver, au moins pour une journée (celle du Conseil des ministres comme par hasard), les échecs qui s’accumulent. Une bonne tactique en somme pour un monarque devenu infertile !
Mais au-delà de ce coup de com’ l’affaire semble révéler une tendance plus grave. Celle d’un système médiatique sans cesse à la recherche de scoops, pour qui l’information transparente devient malheureusement une information sans épaisseur.
Aussi serait-il temps de revenir aux vraies préoccupations. Car quand le Roi tousse, c’est bien le peuple qui s’enrhume.
 
Grégoire Larrieu

Foot
Société

Du sexe et du foot, que demande le peuple ?

 
  Le 19 novembre 2013, La France se qualifie pour la Coupe du Monde 2014, à l’issue d’un match contre l’Ukraine remporté à trois buts contre zéro. Un miracle pour les Français, qui bien loin de s’y attendre, avaient abandonné leurs rêves de conquêtes footballistiques depuis quelques années. Au fur et à mesure que le match se rapproche, différents people et entreprises s’amusent à jouer sur cette vague de défaitisme national, et y trouvent un terrain idéal pour un comique de répétition bon enfant, qui fait mouche. Ainsi, Carrefour s’engage à rembourser à 100% les téléviseurs achetés si les Bleus gagnent la finale, mais Doria Tillier, la miss météo du Grand Journal de Canal +, se montre encore plus audacieuse en annonçant la veille du match qu’elle présentera la météo du lendemain « à poil » si l’équipe de France sort victorieuse. Internet s’empare du phénomène, comme le prouve le Tumblr « Si les bleus gagnent », qui recense les promesses des peoples, tandis que de nombreux anonymes se lancent des défis personnels, comme aller acheter ses croissants en tenue de ski.
Une initiative mérite cependant d’être étudiée de plus près, au-delà de l’engouement potache d’un Cyril Hanouna teint en blond — il s’agit de celle de la société de production de films pornographiques Marc Dorcel. À 20h55, le compte de Dorcel tweete une annonce en forme de blague : si les Bleus l’emportent, leurs films seront disponibles en téléchargement gratuit toute la nuit. Le défi est pris au sérieux, retweeté plusieurs milliers de fois, et c’est sans surprise que le réseau du site se trouve saturé à 22h54, alors que la France exulte de sa victoire. Le site plante, certes, les responsables n’ayant pas eu le temps de préparer le terrain pour une telle affluence, mais ce n’est pas ce qui importe le plus dans cet immense coup de communication, au demeurant très réussi.

 Un tel phénomène interroge à nouveau les rapports qu’entretient un peuple avec l’équipe qui le représente, mais aussi la conception qu’il se fait de ce sport, dans son imaginaire collectif. À travers les hashtags #FRAUKR, #AllezLesBleus, #SiLesBleusGagnent, le match France-Ukraine a été un des évènements les plus commentés : à titre d’exemple, on dénombre plus de 1 244 161 tweets à son sujet, sans compter les milliers d’articles ou de statuts Facebook publiés. Nous assistons donc à une réelle ferveur, qu’il ne serait pas abusif de qualifier de patriotique, qui touche tout le monde, du supporter endurci au Français lambda qui ignore les règles les plus basiques du football. Dans un pays divisé comme la France, au cœur duquel les écarts sociaux ne cessent de s’accentuer, comment expliquer une telle cohésion, le temps d’un soir ? Le désir de prestige international gagné sur un terrain parvient-il à créer l’unité là où la politique échoue ? En serait-on donc toujours aux problématiques du pouvoir de l’empire, dont la portée s’étend au monde entier, à travers l’affrontement de l’autre ?
 D’autre part, le succès d’une plateforme pornographique à un tel moment réactive un stéréotype vieux comme le monde : celui de l’homme qui regarde la télé, les pieds posés sur la table, et sa femme… eh bien sa femme qui attend que ça passe. Il est tentant de voir dans la passion pour le football un épanchement de la virilité, une nouvelle façon de vivre en tant qu’Homme, celui qui porte un grand H, qui inspire le respect et marque son territoire à travers la guerre, la lutte pour son statut de mâle dominant. En 2013, à l’heure de stratégies communicationnelles toujours plus sexistes (que l’on songe en effet à la campagne de publicité de Darty au moins de novembre, qui faisait son miel d’une imagerie douteuse, mi-érotique mi-glauque), de tels clichés ont malheureusement la peau dure. La satisfaction sexuelle solitaire (c’est du moins l’acception que l’on se fait généralement du film porno) serait-elle le prolongement naturel d’un exploit sportif, un exploit permis justement par le corps ? Soutenir son équipe, une forme de sublimation comme une autre, si l’on s’en remet aux théories freudiennes ? Qu’en est-il alors de la femme ? Ceci expliquerait-il que le milieu du sport soit en général très majoritairement masculin, particulièrement en ce qui concerne le foot ?
 Marc Dorcel est bien le second vainqueur du match, en ce mardi de novembre. En proposant de faire durer le plaisir de la victoire de façon, disons, plus intimiste, il parvient à faire exploser son nombre de visites. N’oublions pas que Dorcel a toujours revendiqué une esthétique porno-chic, bien loin des films crus de seconde zone, assaisonnant ainsi des codes de publicité conventionnels à un imaginaire glamour et polie, mettant un scène des plastiques sans défauts rehaussées par des accessoires souvent luxueux. Alors, la recette d’un coup de communication réussi serait donc aussi simple qu’une déclinaison des aspects les plus valorisants du corps ? La victoire est un plat qui se mange chaud, très chaud.
 
Agnès Mascarou
Sources :
Libération
Le Figaro
Football.fr
Sexpress.fr

Allo Nabilla
Flops

Allô Nabilla : quand les téléspectateurs commencent à raccrocher…

 
Le mardi 12 novembre dernier, NRJ12 a diffusé le premier épisode de son programme hybride : Allô Nabilla, Ma famille en Californie. La chaîne nous donne à voir une émission qu’elle qualifie de « dynasty reality française », empruntant à la fois aux codes de la télé-réalité et à ceux de la fiction. Un format insolite et déroutant, apparaissant comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase médiatique, après s’être emparé du buzz autour de la formule phare « Allô ». 
Une audience qui ne suit pas la promotion agressive du programme

Bien que NRJ12 ait investi dans des moyens publicitaires considérables – affiches géantes dans les bouches du métro parisien ; récurrence de la diffusion du teaser et du jingle de l’émission sur la chaîne – les audiences ne sont pas à la hauteur de cette promotion rugissante.
En effet, le 1er épisode du dynasty show ne réunit que 2,9% de part d’audience (soit 690 000 curieux), et le 2ème épisode seulement 1% de part d’audience soit environ 300 000 téléspectateurs, de maigres chiffres au regard d’une tapageuse campagne de communication. Le programme s’essoufflerait-il alors déjà ?
Un programme télévisuel qui décline à l’extrême la marque Nabilla…
En plus de son format atypique, il convient d’analyser le contenu même de l’émission, qui s’appuie sur le phénomène Nabilla. Plus qu’un simple phénomène, la starification progressive de Nabilla semble s’être muée en un véritable concept, une marque qui se décline à foison dans les différentes strates du monde médiatique. Une marque associée à un slogan – « Allô » – et à une identité reconnaissable, fondée sur une parole franche et spontanée. C’est précisément cette parole sans retenue qui fut à l’origine du buzz retentissant et de la folle surenchère médiatique, incarnée par le « Allô quoi », institué comme un quasi élément de langage (et aujourd’hui marque déposée), circulant dans la sphère médiatico-sociale.

Successivement invitée sur les plateaux de Canal (Le Supplément, Le Grand Journal, Le Tube), et plus récemment, dans les émissions de D8 (Voyage au bout de la nuit) et de France 4 (C’est quoi ce boucan ?), l’omniprésence médiatique de Nabilla exemplifie clairement une course à l’audience effrénée qui exploite l’image et la marque de la jeune femme. NRJ12 la porte à son paroxysme, en déclinant son slogan « Allô », pour l’insérer dans le titre même de son programme : Allô Nabilla, Ma famille en Californie.
… et dénature l’authenticité de la parole nabillesque*
NRJ12 propose assurément un programme au format nouveau, directement inspiré du dynasty reality américain filmant le quotidien de la famille Kardashian, mais son contenu semble toutefois nébuleux.
L’émission est à mi-chemin entre télé-réalité et fiction : Nabilla Benattia est érigée en narrateur et les dialogues sont scénarisés. Or, c’est incontestablement sa spontanéité et sa répartie naturelle qui constituent la marque de fabrique de Nabilla. Celle-ci a tissé son image sur une stratégie du buzz, fondée sur une parole impulsive et désinhibée, qui ne fait plus sens dès lors que celle-ci est écrite par avance. Dans Allô Nabilla, cette parole perd de son authenticité en devenant fictionnelle et réflexive (« Je vais tout vous raconter », dixit Nabilla dans la vidéo de lancement de son reality show). Sa scénarisation tacite, s’appuyant sur un script artificiel et stéréotypé, falsifie et sclérose son naturel.
Médias le magazine, sur France 5, tourne en dérision cette parole falsifiée qui se meut dans un scénario qui regorge de clichés :

Une stratégie du buzz vide de tout contenu – une « promotion du vide » ?
 L’émission semble incarner ce qui constitue l’attribut même de Nabilla : que l’on parle d’elle, même quand il n’y a rien à dire. A contrario d’une prise de parole reposant sur la rareté et le pondéré, le phénomène Nabilla est tel une coquille vide, qui s’appuie sur un contenant omniprésent et hautement médiatisé, et un contenu pauvre – si tant est qu’il y ait un message.
Un chroniqueur du Plus du Nouvel Observateur va même jusqu’à parler de « promotion du vide », soulignant la contradiction entre cette parole du buzz vouée à l’éphémère, et une stratégie communicationnelle qui s’établit dans le long terme. La limite réside en cela même : la parole nabillesque est singulière en ce qu’elle se cristallise et surgit dans un court terme médiatique, mais elle finit par s’étioler et se désagréger du fait de son omniprésence télévisuelle prolongée.
 A force de vouloir prolonger le buzz, Nabilla et la chaîne NRJ12 se heurtent aux limites de ce tapage médiatique, résolument volatile et périssable. C’est précisément ce caractère épisodique et précaire qui empêche le buzz de se constituer en une stratégie durable de communication. Par conséquent, le programme Allô Nabilla a-t-il des chances de s’ancrer dans le paysage audiovisuel français de manière pérenne ?
 Dès lors, je conclurais sur cette interrogation de Guillaume Jouteux que je laisse volontairement en suspens : « Jusqu’où ira la promotion du vide ? »
Alexandra Ducrot
 
*Nabillesque : terme dérivé dudit prénom Nabilla, ironiquement utilisé en référence au personnage médiatique (toute situation surprenante qui se prête à la formule « Allô quoi ; ou encore, toute exhibition de ses atouts féminins, on parle alors de « décolleté nabillesque »).
Sources :
Leplus.nouvelobs :
« Allô Nabilla » sur NRJ 12 : pourquoi l’audience va dégringoler dès mardi prochain » par François Jost
« Nabilla sur Canal Plus, D8, iTélé : jusqu’où ira la promotion du vide ? » par Guillaume Jouteux
« Allo Nabilla » sur NRJ12 : une émission qui ne casse pas trois pattes à un chihuahua » par Virginie Spies
Crédits photos :
Image de Une : visuel NRJ12
 
 
 

Une Minutes
Les Fast

La Une de Minute ou la stratégie des Unes à scandale

 
Mardi 12 novembre, le controversé hebdomadaire d’extrême droite Minute choisissait de mettre en titre de sa Une « Taubira retrouve la banane », un sujet faisant directement écho aux attaques à caractère raciste dont avait récemment été victime la ministre de la justice. Il ne fallut que très peu de temps pour que cette couverture ne fasse scandale, au point que le sujet soit devenu dans la journée même un « trending topic », la France entière s’insurgeant contre ce titre scandaleux relayé par tous les médias.
Au regard du petit nombre d’abonnés du magazine et de sa faible distribution en kiosques, c’est un coup de buzz réussi pour ses rédacteurs, dont l’un confiait de façon anonyme « L’objectif, c’était de faire parler de nous. On voulait se payer un coup de pub pour zéro euro, le contrat est rempli au-delà de nos espérances ».
Outre le fait qu’il faudra, au regard de l’embrasement autour de cette Une, donner malheureusement raison à cette déclaration, c’est un problème sous-jacent que révèle cette affaire : la stratégie de plus en plus remarquée des Unes à scandale.
Or, si Minute indigne par son racisme clairement affiché, il est important de souligner que cette stratégie de la provocation est de plus en plus utilisée par nos médias actuels, à coup de phrases chocs et d’illustrations explicites. L’Express ou encore Le Point se sont déjà prêtés à ce jeu dangereux. Mais si cette tendance apparaît comme une réponse à la mauvaise santé de notre presse moderne, on peut se demander si le sensationnel à tout prix est vraiment la solution.

 
Justine Spitzer

Christine Boutin
Flops

Twitter : la déferlante Christine Boutin

 
Les digital natives n’ont qu’à bien se tenir. Avec plus de 6 600 tweets en 3 ans et 57 200 abonnés, l’ex-présidente du parti chrétien démocrate est un membre très actif du réseau social. Nul besoin d’un community manager : Christine Boutin gazouille à qui mieux mieux, et les internautes ne perdent pas une occasion de relever ses dérapages.
Si l’ancienne ministre est si souvent ciblée par les médias et notamment chez les pure players comme le Huffington Post, c’est parce que ses commentaires sont nombreux, polémiques et portent sur tout et n’importe quoi.
Ces derniers mois, son sujet de prédilection était le mariage gay. On se rappelle de la controverse provoquée par son intervention sur RMC à propos de La Vie d’Adèle. La vidéo YouTube qui contient les fameux propos « Aujourd’hui la mode c’est les gays, on est envahis de gays » a été visionnée plus de 444 000 fois, ce qui est très profitable pour la radio généraliste française. Christine Boutin fait le buzz.
La presse l’invite volontiers à témoigner sur des sujets de société, mais il semblerait que ce soit davantage pour la retombée médiatique qui suit ses prises de parole que pour les idées politiques et l’expertise de l’ex-ministre.
Mais Christine Boutin ne se mêle pas seulement de ce qui (selon elle) la regarde, c’est-à dire l’avenir de la France face aux « lubies » du gouvernement sur les droits des homosexuels. Elle s’intéresse aussi de très près à la lutte des stars américaines contre le cancer du sein :

 Comme le montre ce tweet, l’appétit de l’ex-présidente du PCD pour le commentaire de critique gratuite est insatiable.
 Le 27 octobre dernier, Cécile Duflot, elle aussi très active sur Twitter, expliquait pourquoi ses tweets se faisaient de plus en plus rares : « Pour comprendre pourquoi je twitte moins / réponds moins, parce que ça ferait lire ce genre de trucs 10 fois/jour… » (le message était accompagné d’une capture d’écran des dernières insultes qu’elle avait reçues sur le réseau social). Christine Boutin s’est alors empressée de s’adresser à la ministre :

Les médias ont ajouté cette intervention à la liste des désormais fameux « dérapages » de l’ex-présidente du PCD. Journalistes et internautes se moquent de ses tweets car ils sont maladroits, non seulement dans le fond mais aussi dans la forme. La contrainte des 140 caractères pousse l’ex-ministre à utiliser des abréviations parfois peu compréhensibles. Son utilisation des majuscules est arbitraire, et la place du « # » dans ses hashtags est versatile. Quant à l’emploi du « @ », il est parfois aléatoire : en septembre Madame Boutin avait voulu s’adresser à Vincent Peillon pour critiquer la charte de la laïcité à l’école ; elle a malencontreusement interpelé dans son tweet un certain Didier Peillon, directeur du mécénat de l’université… catholique de Lille.
Que cherche donc Christine Boutin ? Si son objectif est de contribuer au dynamisme de la vie politique française et de donner une bonne image au conservatisme chrétien de son ancien parti, les tweets de l’ex-ministre sont un « epic fail » médiatique. Ses commentaires sont évoqués avec humour sur la scène politique, et les membres du PCD se gardent bien de relayer les tweets de l’ancienne présidente.
 Malgré ses flops réitérés, Christine Boutin a tout de même le mérite de s’être adaptée au Web 2.0. A tel point que le « Cogito ergo sum » de Descartes se transforme à la lumière de ses commentaires en « je pense donc je tweete ».
 
Camille Frilley
Sources :
Huffintonpost.fr
Lesinrocks.com
Francetvinfo.fr
Twitter.com

Crédits photos :
Image de Une : Christine Boutin lors de la manif pour tous du 26 mai 2013 © Maxppp – Thomas Padilla

Les Fast

« No woman, No drive » ?

 
Après plus de 7 millions de vues sur YouTube, Hisham Fagueeh, un jeune humoriste saoudien de 26 ans, a réussi un gros coup de buzz avec son clip « No Woman, No Drive. »  Adapté de la célèbre chanson de Bob Marley, « No Woman, No Cry », son but est de tourner en dérision l’interdiction qui empêche les femmes de conduire en Arabie Saoudite.

On peut notamment relever la référence à un imam saoudien, qui, pour défendre cet interdit, avait assuré début octobre que la conduite serait susceptible de nuire aux ovaires de la femme et ainsi causer des « troubles cliniques » chez ses enfants. Fagueeh reprend ses propos avec humour et chante : « Je me rappelle l’époque où tu t’asseyais dans notre voiture familiale, mais sur la banquette arrière. Comme ça, tes ovaires étaient en sécurité et en bonne santé, et du coup tu peux faire des tas et des tas de bébés… »
La vidéo a stratégiquement été mise en ligne le 26 octobre dernier, date symbolique de protestation pour les militantes du mouvement oct26driving qui avaient décidé de braver l’interdit ce jour-là. Même si beaucoup ont préféré ne rien faire face à la pression exercée par le ministère de l’intérieur, une quinzaine de femmes ont été sanctionnées après avoir pris le volant dans Ryad.
Dans un pays où 70% de la population a moins de 30 ans, nombreux sont ceux qui ont dorénavant recours à la vidéo pour ensuite la publier sur les réseaux sociaux. Internet devient un outil d’expression privilégié pour les jeunes saoudiens. Encore faut-il que cela passe au travers du filet de la censure.
 
 Laura Pironnet
Sources
Courrierinternational
L’express
RFI

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Agora, Com & Société

Banksy, ou l'art sur une frontière.

 

Banksy est certainement le street-artist contemporain le plus médiatisé de ces cinq dernières années. Bien que son identité soit entourée de mystère (il serait anglais et né en 1974 d’après Wikipedia), ses moindres faits et gestes artistiques disposent d’une couverture médiatique ahurissante, tel la Une du New-York Post la semaine passée. Bien peu d’artistes contemporains peuvent se targuer d’une si grande reconnaissance publique. Souvent adulé, parfois détesté, Banksy semble être le modèle de l’artiste d’aujourd’hui : people mais caché, underground mais pop, illégal mais moralisateur.
Cependant, ses derniers travaux new-yorkais n’ont-ils pas montré de façon définitive les limites du travail de cet homme évoluant toujours à la frontière de ce qu’il dénonce : le consumérisme et la bien-pensance ?
Depuis un mois, Banksy navigue dans New-York au gré de ses projets artistiques et dévoile quotidiennement une nouvelle « œuvre » sur un blog (http://www.banksy.co.uk/) ouvert à cette occasion. Le nom du projet ? « Better out than in », mettant ainsi en exergue de nouveaux travaux de rue. Un « happening » de cette résidence new-yorkaise m’a interpelé et a accaparé les médias la semaine dernière : près de Central Park, un homme d’un certain âge proposait sur son stand des toiles authentiques et signées de Banksy au prix dérisoire de 60 dollars. Le stand semblait tout à fait commun et aucune communication particulière n’était faite pour le promouvoir. Le consommateur ne savait plus si les œuvres vendues étaient vraies ou non, et s’en voyait décontenancé. L’artiste anglais publia sur son blog le lendemain de cette opération une vidéo dans laquelle il divulgua les dessous de cet évènement et reconnut être à l’origine des toiles.
Banksy a toujours souhaité dénoncer les affres du capitalisme, du communautarisme, de la guerre, de la marchandisation du monde. Il souhaite ici montrer du doigt toutes les stratégies de communication qui entoure les grands évènements artistiques récents et qui, selon lui, créent des buzz factices, détournant le public des véritables qualités artistiques des travaux qu’ils vont voir. Le peu d’œuvres vendues (malgré leur prix dérisoire) sur le stand de Central Park semble corroborer son analyse, montrant que l’absence de communication n’a pas permis une vente qui aurait pu être historique.
Il est vrai que le marché de l’art est un marché d’influence, de bulles spéculatives créées artificiellement par d’importantes galeries ou par d’importants acheteurs qui orientent et guident le marché au travers de grands évènements et de grandes campagnes de communication. Cependant, ce constat est vrai pour tout marché, et la nécessité de communiquer vaut pour tout produit, même culturel.
Banksy souhaite t-il alors dénoncer la marchandisation de l’art ? Il a lui-même profité de ce mouvement en vendant certains de ses travaux lors d’expositions au « buzz » parfait, dans lesquelles le « tout Los Angeles » s’est précipité. Officiellement, les fonds ainsi récoltés lui permettent de conserver sa liberté artistique. Banksy avance alors dans un flou certain, sur la ligne jaune entre dénonciation de la marchandisation et le « marchandising » du monde artistique dont il a profité. Les arts de rue sont désormais tombés dans la culture populaire, et dans un monde de marchandisation. Banksy a été l’un des chefs de file de ce mouvement, et a ouvert les portes des galeries d’art à toute une génération de street-artists.

Banksy déclare vouloir « Faire de l’art sans prix ». Il propose alors sur un stand new-yorkais ses œuvres à une somme misérable face à celle du marché, et ne communique pas dessus. Mais alors, pourquoi publier le lendemain une vidéo montrant le stratagème et faisant, de facto, augmenter le prix des œuvres ? Pourquoi ne pas taire cette information et laisser l’art pour l’art, lui qui souhaite sortir la culture du système marchand ? En le dénonçant, il l’encourage.
Banksy, vous ratez l’évident : l’art qui n’a pas de prix, c’est l’art de la rue, celui qui se trouve sur les murs des immeubles. Stoppez le travail que vous fournissez sur toiles. Ce sont vos tags qui ne disposent d’aucune valeur marchande. C’est ce travail qui rend unique vos pochoirs reproductibles puisqu’il se crée en situation, dans un lieu particulier, dans des conditions particulières. C’est cela l’art de rue : un art de l’éphémère mais de l’unique, qui parle sans stratégie de communication ni murs prestigieux de galeries ou d’institutions. Banksy, si vous souhaitez faire vivre l’art hors de la marchandisation, contentez-vous de faire de l’art sur les murs, et cessez d’utiliser votre talent sur des supports qui ne sont pas les vôtres.
Adrien Torres
Sources
Nouvelobs.com
Banksyny.com

clip stromae
Agora, Com & Société

Un Formidable coup ?

 
Existe-t-il une recette magique pour faire le buzz en 2013 ? De Nabilla à Daft Punk en passant par les pains au chocolats de Copé, pour faire entendre sa voix aujourd’hui faut-il faire le buzz ? Cette phrase a un goût amer d’une émission de « décryptage » de la télé, type Morandini. Buzz ou bruit médiatique, c’est ce que les artistes, politiques et entreprises recherchent, tant qu’elles ont le vent en poupe.
Pour Stromae, habitué aux techniques de communication et plus encore, qui nous a habitués à la surprise avec ses vidéos, il a s’agit de teaser. À moindre échelle que les Daft Punk certes, mais il s’agit là d’un teasing efficace pour un artiste qui revient après une période plutôt calme.
Il y a quelques jours, une vidéo tournée en caméra cachée montrait un Stromae titubant dans les rues de Bruxelles, déchaînant d’emblée les commentaires sur internet. « Stromae bourré ! » Quelques jours plus tard, le musicien diffusait le clip de son nouveau single, Formidable (ceci n’est pas une leçon) et l’internaute de comprendre que tout ça n’était que traquenard. Pourtant le débat continue, les commentaires se multiplient et le nombre de vues augmente de manière fulgurante : environ 7 000 000 en une semaine. Un débat alimenté aussi par son passage, à quelque jours de ce fameux clip, dans l’émission Ce Soir ou Jamais, pendant laquelle il a interprété son titre dans la même ambiance, en rentrant dans son rôle de « faux bourré », amenant les médias et le public à s’interroger sur son état d’alcoolémie et de santé.
 

Pourtant, dès les premières images de Formidable (ceci n’est pas une leçon), on le voit sortir du métro avec un plan impeccable en HD et en plongée, avec une caméra qui semblait vraisemblablement avoir senti sa venue : petite chemise jaune fluo qui ressort bien dans le cadre, clin d’oeil et saut de cabri à la fin du clip…
Tout ce bruit autour de cet événement n’est pas sans rappeler un autre fait médiatique récent : l’affaire Carambar. L’histoire se répète plus ou moins, il s’agit du même cycle : Stromae et Carambar ont créé la surprise en faisant grimper le suspens à leur manière. Lorsque le suspens atteint son paroxysme, c’est le choc et le moment où les commentaires fusent sans aucune retenue (de « Stromae bourré ! » à « Carambar arrête les blagues ! »). On révèle ensuite très vite le pot aux roses et le public est soulagé. Pour l’affaire Carambar les journalistes se sont sentis « baffoués », utilisés pour faire un beau coup de pub. Mais comme le montre le belge, la mayonnaise prend et les commentaires alimentent ce nuage de bruit médiatique qui se forme autour du chanteur et facilite la sortie de son dernier titre. Une stratégie bien menée pour lui ; et moins polémique que le teasing mégalo mené sur plusieurs semaines par Daft Punk. Il réussit à maîtriser les codes de la communication digitale et ainsi se passe de la nécessité de faire entendre sa voix par des mois de concerts dans des petites salles afin de se faire connaître. Stromae dompte si bien les techniques de l’internet qu’il fait partie de ceux qui bousculent les codes du monde artistique et musical. Aujourd’hui un artiste qui veut se faire connaître peut difficilement se passer d’internet, de Youtube ou des réseaux sociaux. Encore faut-il en maîtriser les techniques qui évoluent sans cesse et semblent presque insaisissables. On n’est peut être pas « Dans le port d’Amsterdam » mais à la sortie du métro de Bruxelles, si Jacques Brel sortait une chanson en 2013, il n’aurait peut-être pas fait preuve de la même maîtrise de ces outils de communication.

 
Margot Franquet
Sources :
Le Plus du Nouvel Obs
L’Echo
Le Monde 
http://www.stromae.net

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Agora, Com & Société

Desigual, original vous dites ?

 

En matière de publicité, le sous-entendu est roi. C’est ce que nous prouve la dernière campagne publicitaire Desigual, qui met en scène, dans de courts spots télévisuels, quatre femmes dans leur routine matinale. Censuré par l’ARPP pour son contenu jugé « inapproprié », la version diffusée sur M6 et TF1 se passe de scènes trop explicites, la vue d’un sein, et floute celle d’un sextoy. Décision marginale dans le paysage télévisuel européen qui ne voit rien à redire dans le comportement des représentantes de la marque (Espagne, Allemagne, Italie diffusent le spot dans son intégralité). Le hashtag de la campagne, #faislelematin, lui non plus ne cache pas sa connotation sexuelle. A vrai dire, il ne comporte pas réellement d’autre sens que celui-ci.

Qui est Desigual ? Adepte du street-marketing, la marque est connue en Espagne, et depuis peu en France, pour son goût du buzz. Sa communication se veut profitable et à bas prix, ainsi son ancien PDG, Manel Adell, se targue de n’allouer que 4% de son budget global à la publicité, un record pour une marque qui explose depuis quelques années. Son succès peut en partie s’expliquer par une identité forte : la marque se veut légère, originale et affirmée, selon le principe du « simplifying luxury » (ressemblance avec des grands créateurs).
Un discours parfait pour incarner cette femme moderne ; un savant mélange d’héroïne de sitcom et de bienséance consumériste qui envahit les écrans. La précédente campagne, #jaiunplan, nous faisait déjà partager l’intimité de trois femmes, une homosexuelle prête à se déclarer, une working girl qui veut séduire son boss et une autre qui lâche tout pour partir « vivre en liberté comme les sauvages » en Thaïlande. Le message est clair, la femme Desigual est libérée, indépendante et prête à tout.
Pour #faislelematin, le message reste le même, mais sans le texte. Pas de narration, mais toujours cette même femme, calibrée. Elle est jeune, mince, blanche et hétérosexuelle. La condition de modernité de cette image passe alors exclusivement par une sexualisation poussive, symbole d’une indépendance à la frontière de la pudeur. La vida es chula (« la vie est chouette »), c’est avant tout un « je fais ce que je veux ». Car la femme Desigual n’a pas de contraintes, elle envoie tout en l’air, les tabous comme les billets de banque. Le message d’origine est positif, mais son traitement laisse sceptique. Après tout, la femme Desigual existe-t-elle ? Probablement pas, d’autant que la communication tente de recentrer la marque sur son cœur de cible, les 25-35ans, tout en constatant que les ventes concernent plus largement les 15-55ans.
#faislelematin provoque une douce polémique sur ce qu’il convient de montrer au grand public, mais aussi finalement sur l’image de la femme qui est véhiculée dans ce spot.
Est-il possible de construire une représentation moderne de la femme qui n’en appelle pas au sexe et à l’affirmation autocentrée ? Plus seulement mère ou épouse, la femme de publicité devient alors un corps libéré et hyper-sexualisé, au nom de l’indépendance et de l’affirmation de soi. En cela, la campagne « desigual » n’a malheureusement rien de « différent ».
 
Clémentine Malgras
Le site de la marque :
Un article décodage : http://www.womenology.fr/fr/reflexions/desigual-la-feminite-exuberante/
Une interview du PDG (en anglais) : http://www.fashionfromspain.com/icex/cda/controller/pageGen/0,3346,1549487_5857812_5857549_443078_1,00.html