Un dispositif décoiffant pour parler du cancer chez l'enfant
Figurant parmi les principales causes de mortalité dans le monde¹, le cancer est devenu depuis quelques années un enjeu majeur de santé publique à l’échelle planétaire. Les cancers infantiles font largement partie de ces préoccupations, puisque chaque année en France environ 1700 enfants de moins de quinze ans sont atteints par ces pathologies cancéreuses², constituant ainsi la principale cause de décès de l’enfant après les causes accidentelles. Face à ce constat, la Swedish Childhood Cancer Foundation – une organisation suédoise luttant contre le cancer infantile – a récemment fait parler d’elle en sensibilisant la population au sujet du cancer infantile avec une vidéo poignante d’un peu plus d’une minute diffusée dès le 5 octobre dernier dans le métro de Stockholm.
Une vidéo percutante
L’histoire commence en février dernier lorsque la marque de shampoing Apotek Hjärtat réalise une opération marketing en utilisant un panneau publicitaire digital sur le quai d’une station de métro de Stockholm. Cette campagne met en scène une jeune femme aux cheveux longs, face caméra. Jusque-là, rien d’exceptionnel. Toute l’originalité du dispositif prend sens alors que le métro démarre, lorsque les cheveux de la jeune femme se mettent à voler dans tous les sens, comme emportés par l’appel d’air créé par le passage de la rame.
Ce dispositif interactif a été réutilisé par la Swedish Childhood Cancer Foundation dans l’objectif de créer leur propre version. Si le principe est le même, ce n’est cette fois-ci pas une jeune femme aux cheveux plein de vitalité qui apparaît, mais Linn, 14 ans, tout juste remise d’une chimiothérapie. Si ses cheveux se mettent ainsi à voler dans un premier temps, ceux-ci finissent par s’envoler et disparaître de l’écran, comme soufflés par le passage des wagons. Ce qui distingue le spot vidéo de la Swedish Childhood Cancer Foundation de celui de la marque de shampoing, c’est la conclusion que le spectateur en tire : la jeune fille mise en scène cheveux au vent n’est pas là pour faire vendre un produit, mais bien pour sensibiliser. Le message est clair et percutant : « Chaque jour, un cancer est diagnostiqué chez un enfant ».
Intégrer le cancer au quotidien : le rôle de l’émotion
Face à un sujet aussi sensible que le cancer chez l’enfant, comment s’y prendre pour sensibiliser sans choquer ? Recourir à l’émotion est une des solutions utilisées par les fondations pour parvenir à cet objectif. Les images, la musique, le cadre occupent ainsi une place de choix dans la vidéo, où rien n’est laissé au hasard.
Dès le début, le spot met en scène des passants dans le métro, lieu du quotidien et de l’ordinaire par excellence. Le cancer, thème du clip vidéo, est quant à lui loin d’être considéré comme quelque chose de quotidien et d’ordinaire par la plupart des individus. Le parallèle est ici assez intéressant, puisqu’en mettant le focus sur des individus ordinaires dans un lieu ordinaire qu’est le métro, on peut penser que la Swedish Childhood Cancer Foundation tente d’intégrer le cancer dans la vie quotidienne afin de donner une meilleure visibilité au quotidien de Linn, et à travers elle des autres enfants atteints de cancer.
Le déroulement de la vidéo se poursuit en nous présentant en image la mise en place du dispositif publicitaire interactif, avec moult fils, boîtiers et branchages de câbles qui ne sont pas sans nous rappeler le matériel médical nécessaire au traitement du cancer.
Concentrons-nous maintenant davantage sur l’aspect sonore du spot. A partir de 20 secondes, des tic-tac se font entendre. Lorsque ces tic-tac débutent, nous pouvons lire « Nous avons utilisé la même technique et créé notre propre version pour montrer la réalité à laquelle nous faisons face chaque jour », nous rappelant que dans cette réalité qui est celle des enfants atteints de cancer, le temps est précieux et souvent compté. Les tic-tac s’arrêtent ensuite pendant le temps d’interrogation lié à la disparition de la chevelure de l’enfant, avant de reprendre sur la phrase « Chaque jour, un cancer est diagnostiqué chez un enfant », une façon de nous rappeler encore que le temps presse.
La vidéo se termine sur le visage de la jeune Linn, 14 ans, atteinte du cancer. L’accent est ainsi mis sur le côté humain, en mettant un nom et un âge sur le visage de l’adolescente que l’on observe tout au long de l’animation. La personnalisation n’est ici pas laissée au hasard, appuyant le côté émotionnel, puisque cette jeune fille pourrait très bien être votre fille ou votre sœur, votre cousine ou votre amie. De plus, ce visage neutre, résigné voire presque triste qui nous fixe après le message nous invitant à faire un don nous laisse subtilement entendre que Linn compte sur nous, ainsi que tous les autres enfants atteint de cancer.
Un dispositif original
Le dispositif utilisé pour cette campagne de sensibilisation se distingue des habituels supports auxquels ont recours les agences de publicité. En effet, si en temps normal la publicité s’impose à son public, ici, on remarque que les individus viennent volontairement s’exposer au message en faisant délibérément le choix de porter attention à la jeune fille. Cette marque d’attention est visible dans la vidéo, où les voyageurs apparaissent concentrés et attentifs suite à la disparition de la chevelure de Linn.
Ainsi face au réalisme du dispositif, la plupart des voyageurs sourient. Mais lorsque la perruque de Linn s’envole soudainement en nous dévoilant son crâne chauve, les visages se figent. De cette façon, en regardant d’un peu plus près les réactions filmées en caméra cachée, on constate que rires et sourires laissent ensuite place à l’étonnement et à la surprise. Une chose est sûre : la campagne ne laisse pas indifférent.
¹ : 14 millions de nouveaux cas et 8,2 millions de décès liés à la maladie en 2012 selon les données de novembre 2014 de l’OMS.
² : En France, le nombre de nouveaux cas de cancers chez l’enfant de moins de 15 ans est estimé à 1 700 par an, et 700 chez les adolescents entre 15 et 19 ans selon les données de l’Institut National du Cancer au 1er décembre 2014.
Pauline Flamant
@_magnetique
Sources:
e-cancer.fr
who.int
huffingtonpost.fr
Crédits images:
Barncancerfonden
Crédits vidéo:
Barncancerfonden