Jouet Citroën Cabriolet 1983 photo de Philippe Lavieille
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Le joujou, première initiation au « Brand content » ?

L’exposition « Des jouets et des hommes » qui se tient actuellement au Grand Palais jusqu’en janvier 2012 présente  toutes sortes de jouets occidentaux de l’antiquité à nos jours. « Le joujou est la première initiation à l’art »  nous rappelle le site de l’exposition citant Baudelaire. Il semblerait  que le jouet soit aussi  dans quelques cas une initiation à la consommation. Lors du parcours de l’exposition, on observe ainsi quelques jouets de marque comme une ferme Nestlé du début du siècle ou comme cette miniature Citroën des années 30 :

Des 1922, André Citroën donna en effet son accord à l’entreprise Migault pour la fabrication de miniatures des voitures vendues par les Usines Citroën[1]. Partager le plaisir du jeu des enfants,  participer au développement de leur imaginaire, les initier au maniement d’un objet fascinant, en voilà une bonne idée pour sensibiliser positivement les futurs consommateurs… Les parents-acheteurs sont les associés volontaires de cette entreprise de promotion de la marque pour le futur. Dans l’immédiat, c’est aussi l’occasion d’assurer la présence de la marque dans un univers où on ne l’attend pas, de favoriser une image positive dégagée de l’intentionnalité trop évidente de la transaction et de sa  monétisation en lui substituant les valeurs du didactique et du ludique. C’est aussi l’occasion de rappeler l’importance d’une marque éminente, sur un marché en pleine expansion associé à l’innovation, à la modernité et aux promesses d’un nouveau mode de vie.
Ce petit exemple témoigne de l’ancienneté de ce que certains nomment « le brand content » qui consiste à promouvoir sa marque en lui donnant une posture d’acteur culturel, en faisant passer au second plan sa vocation commerciale.  On peut donner de nombreux autres exemples d’ambitions culturelles de marque perceptibles dès la fin du XIX° siècle et au début du XX° siècle : édition de Meccano magazine,  1erGuide Michelin , planches pédagogiques Poulain mises à la disposition des instituteurs,  Cinebana de Banania dans les années 40 qui permettaient de projeter des images avec un dispositf en carton etc.
Alors que les discours sur le marketing font de la nouveauté un argument fort, alors que l’évocation du « brand content » se généralise sans pour autant que le processus soit toujours  qualifié et défini, il n’est peut-être pas inutile de restituer ces processus de marque dans une perspective historique. Non pas que « tout soit comme avant », ce qui serait erroné du point de vue technique, culturel, organisationnel etc., mais l’observation du « geste  communicationnel » à un siècle d’intervalle témoigne d’une même dynamique de conquête des marchés et de certains invariants des représentations des acteurs de la communication et du marketing. Le glissement d’une posture commerciale à une posture culturelle a ainsi le mérite de rappeler que les marques sont des systèmes de signification dont la portée est  à la fois économique et culturelle.
 

Caroline de Montety
Maître de Conférences au Celsa Paris-Sorbonne et chercheur au GRIPIC
 

[1] Source : mesminiatures.com
Crédits photo : Philippe Lavieille

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La Déesse et le métal

De l’art du flop
 
La communication n’est pas quelque chose d’acquis, et encore moins quelque chose de certain. Le message, quel qu’il soit, n’arrive pas toujours à son destinataire comme son émetteur l’aurait souhaité. Cela peut parfois donner lieu à d’agréables surprises et créer diverses interprétations du signal, qui ne font que le nourrir tout en le modifiant. Néanmoins, l’isomorphisme communicationnel (termes donnant un certain crédit à ce qui va suivre)  demeure quelque chose de précieux en ce bas monde. Il arrive que, dans bien des cas, le message passe complètement à côté de son but premier, qu’il ne prenne pas, ou qu’il se vautre lamentablement pour souvent finir dans les oubliettes des SIC, auprès des bides, flops et autres navets.
Pourquoi ?
Cette question sera l’âme même de notre rubrique. Mes camarades et moi-même ne sommes pas ici pour donner une note au plongeon, savoir si les jambes étaient assez tendues au moment de l’impact dans l’eau ou si les courbes étaient assez élégantes dans l’air. Bien au contraire, nous sommes ici pour envisager et analyser le plat, le fracas retentissant du corps contre l’eau, le moment où la nature reprend son droit sur l’homme qui n’arrête pas de la violer. C’est bien ici que cela se passe : l’échec du plongeon communicationnel dans toute sa splendeur. Le navet, à côté d’être un légume indigeste à mon goût, est un objet complexe qui renferme bien des mystères. Tout en restant relatif, il peut nous décevoir, nous faire rire, nous choquer, nous perturber, nous inspirer, nous énerver mais ne nous laisse jamais indifférent, à part peut-être quand il est trop gros pour qu’on ne le remarque même pas. Vous nous voyez ici, chers lecteurs, à votre service dans cette quête universelle qui tente de comprendre le  naze, d’analyser le nul ou de redorer le blason de l’incompris. Car pour nous le « contre-communiquant » et la maladresse voire la bêtise des messages font sens. Et c’est bien là le plus important.
 

La Déesse et le métal
 

 
« Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique. »
Roland Barthes, Mythologies
Ce week-end a vu naître la nouvelle campagne publicitaire pour la petite dernière de la gamme DS de Citroën, la DS 5. Amis métalleux veuillez m’excuser d’avance mais Marilyn Manson ne m’a pas convaincu.
« Changez d’époque » nous dit le slogan pour une voiture « hybride et diesel ». Changer d’époque , pourquoi pas, mais alors pour ne pas finir dans n’importe laquelle. Le mécanisme est simple, ce qui peut, dans bien des cas s’avérer payant, mais ici trop lourd et mal choisi. Reconnaissons tout de même la bonne idée du choix de l’oxymore comme ressort communicationnel dominant, lui aussi hybride car à la fois visuel et sonore. Néanmoins, l’idée est à mon sens mal exploitée.
Premièrement la publicité nous donne à voir un orchestre philharmonique en train de jouer, et à entendre un morceau de métal de Marilyn Manson. Mais nous voyons directement que ce n’est pas l’orchestre qui joue le morceau. Aussi évident que cela puisse paraître, ce choix, à visée peut-être humoristique ne contribue au final qu’à enfoncer dans la lourdeur un contraste alors flouté par l’irréalité flagrante du son sur l’image.
De plus, l’erreur fondamentale de cette publicité est d’avoir considéré à notre époque , d’une part la musique classique comme une musique obsolète et d’autre part le fait que l’énergie, à terme exaspérante, du métal pouvait jouer le rôle d’ambassadrice d’une nouvelle « époque » au sens où Barthes l’entend, complètement différente par son dynamisme.
Dans le cas présent, les flèches n’atteignent pas leurs cibles. La personne adulte voire senior qui ne connait en rien Marilyn Manson et qui apprécie plus ou moins la musique classique est exclue, le jeune qui vient d’avoir son permis et qui compte s’en servir pour aller en boîte ne supporte en général pas ou plus le métal et enfin l’adolescent qui lui s’enivre des douces harmonies du hard rock est encore loin d’avoir le permis. L’élément musical n’est donc ici pas adapté à l’antithèse mise en place. A moins, qui sait, si les anciens clients de DS sont aujourd’hui devenus de sombres quinquagénaires ayant troqué leurs 45 tours des Beatles contre des téléchargements de compilations de métal.
Pour conclure, rendons à la musique, ce qui revient à la musique : j’eus écouté un jour Manson, à l’âge ou je balbutiais la Lettre à Elise au piano. Mais après plusieurs années d’écoute, il me semble possible d’affirmer que Beethoven ou encore Mozart envoient tout autant du lourd que ce dernier, si ce n’est plus, quand ils étaient en grande forme…
 
Ambroise

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